• 12 000 prisonniers à Roscanvel : quand la rade de Brest résonnait des « Vive la Commune ! » (OF.fr-23/05/21-08h27)

    12 000 personnes liées au mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris, en attente de jugement ou avant d’être déportées en Nouvelle-Calédonie, ont transité par Brest et sa rade, des centaines sont enfermées dans le réduit de Quelern, à Roscanvel. La cale, située un peu plus bas, date de 1828. Il reste quelques vestiges que Marcel Burel connaît par cœur.12 000 personnes liées au mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris, en attente de jugement ou avant d’être déportées en Nouvelle-Calédonie, ont transité par Brest et sa rade, des centaines sont enfermées dans le réduit de Quelern, à Roscanvel. La cale, située un peu plus bas, date de 1828. Il reste quelques vestiges que Marcel Burel connaît par cœur.

    ​Il y a 150 ans, Paris est le théâtre d’une insurrection populaire appelée « La Commune ». Des milliers de personnes sont tuées par le pouvoir. 12 000 autres, en attente de jugement ou d’être déportées en Nouvelle-Calédonie, transitent par Brest et sa rade, sous l’œil des militaires.

    Propos recueillis par Carole TYMEN.

    12 000 personnes liées au mouvement insurrectionnel de la Commune de Paris, en attente de jugement ou avant d’être déportées en Nouvelle-Calédonie, ont transité par Brest et sa rade, des centaines sont enfermées dans le réduit de Quelern, à Roscanvel, commune de la presqu’île de Crozon (Finistère). La cale, située un peu plus bas, date de 1828. Il reste quelques vestiges que Marcel Burel, auteur de plusieurs livres sur l’histoire de Roscanvel, raconte.

    Qu’est-ce que la Commune, dont les 150 ans sont célébrés en 2021 ?

    C’est une insurrection du peuple de Paris envers le pouvoir légal qui débouche sur une guerre civile de quelques semaines. Elle explose le 18 mars 1871, quand le chef du pouvoir exécutif, Adolphe Thiers, fait enlever de la butte Montmartre les canons payés par le peuple pour se défendre de l’ennemi prussien qui a assiégé la ville l’hiver précédent. La population résiste et se constitue en « commune ». Le 22 mai, Thiers lance la reconquête de la capitale et reprend, quartier après quartier, Paris jonchée de barricades, jusqu’au 28 mai 1871. C’est ce qu’on appelle « la semaine sanglante ». Le pouvoir légal fait entre 20 000 à 30 000 morts et 46 500 prisonniers, le mouvement est décimé.

    Pourquoi le peuple de Paris est-il envoyé en rade de Brest ?

    Adolphe Thiers veut se débarrasser de ceux qu’il considère comme une opposition potentielle et décide d’envoyer les prisonniers le plus loin possible de Paris. Il choisit les ports de Brest, Toulon et Rochefort, car il a l’intention de les déporter là où le mouvement insurrectionnel ne pourrait pas être exporté. Ce sera la Nouvelle-Calédonie.

    Barricade à l’angle des boulevards Voltaire et Richard-Lenoir pendant la Commune de Paris de 1871. 

    Que voulaient les « Communards » ?

    Ces nombreux ouvriers, artisans et intellectuels s’appelaient les « communeux » mais l’histoire a retenu « communards ». Leurs idées sont révolutionnaires pour l’époque : égalité de salaires, école gratuite pour tous, instruction des filles, limitation des loyers. Des thèmes qui sous-tendent la plupart des insurrections contemporaines telles que les Gilets jaunes.

    Comment se déroulent les arrivées à Roscanvel ?

    Il y a deux vagues différentes de communards à Roscanvel. La première se passe entre le 9 avril et le 25 mai 1871. Cinq convois de prisonniers arrivent. Ils sont « prévenus » et placés là en attendant d’être jugés.

    À partir de mars 1972, débutent les interrogatoires faits par des officiers de la Marine. En cas de charges retenues, ils sont envoyés à Versailles devant des tribunaux militaires et écopent de peines de prison avant d’être déportés. C’est alors la seconde vague d’arrivées à Quelern, qui s’étale du 6 mars 1872 au 8 septembre 1874. Les communards alors condamnés sont en transit vers la Nouvelle-Calédonie.

    Pourquoi sont-ils jugés devant des tribunaux militaires ?

    Prisonniers de droit commun, et non politiques, les communards sont jugés par des tribunaux militaires. Ce sont des tribunaux d’exception. Quand il y a une insurrection, c’est comme ça. Mais quand on relit certains comptes rendus d’interrogatoires, c’est délirant.

    Pourquoi Quelern est un site idéal ?

    À l’époque, c’est un quartier de Brest où l’on vient en bateau. Entourée d’eau, Roscanvel est une presque une île dans la presqu’île (de Crozon) car le soir, les portes de la ville situées au sud de Quelern, sont fermées. Gardées par des soldats bien plus nombreux que la population, on ne peut s’en échapper. Quant aux équipements, le fort et sa cale sont assez récents. Le réduit de Quelern a été construit en 1854. Inutilisé, il offre la possibilité de mettre tout de suite 800 prisonniers. La cale, située un peu plus bas, date de 1828.

     

    Comme se passe la vie des prisonniers dans le fort ?

    Ils sont placés dans les vingt casemates aménagées, à raison de 40 personnes par cellule, soit 800 personnes en même temps. Le célèbre géographe, Élisée Reclus, fait partie de prisonniers. Il essaie d’y diffuser les valeurs qu’il prône à Paris et met en place « l’enseignement mutuel ». Chacun donne des cours aux autres de sa cellule sur ce qu’il sait faire. Géographie, menuiserie, ébénisterie… Dans ses écrits, il raconte les « paillasses souillées par des prisonniers antérieurs » sur lesquelles ils couchent, « l’air infect » et « l’odeur fétide ». Régulièrement, on entend un « Vive la Commune ! » Les communards tenaient à réaffirmer leur identité politique.

    Rapidement, la capacité du fort ne suffit plus. Comment la rade devient-elle une prison flottante ?

    À mesure que l’on vide Paris, les prisonniers affluent. 120 anciens bateaux de la Marine sont aménagés en prisons flottantes. Ces « pontons » sont installés par filières dans la baie de Roscanvel. Elles verront passer 10 000 détenus sur les 46 000 prisonniers faits à Paris. En plus des 2 000 prisonniers qui passent à Quelern.

    Vient ensuite le temps de la déportation…

    Du 3 juin 1872 au 29 août 1874, il y a dix départs de Roscanvel vers la Nouvelle-Calédonie. Là encore, il s’agit d’anciens bateaux de la Marine, retapés et aménagés. Le premier s’appelle La Guerrière, le dernier La Virginie.

    Dans quelles conditions gagnent-ils la Nouvelle-Calédonie ?

    On leur donne des habits de bagnards. Pour ces voyages qui durent entre cinq et sept mois, des cages de fer sont installées dans les cales de ces voiliers de 50 m de long. Les condamnés, entre 100 et 200 à chaque fois, y prennent place à raison de quarante personnes par cellule. Comme à Quelern. À plusieurs reprises, des prisonniers ont demandé des livres de géographie à leurs surveillants. Ils ne savaient pas où ils allaient.

    Quel est ce « rituel » observé la veille des départs de Quelern ?

    À lire les textes, c’est la plus grosse émotion, pour les prisonniers comme pour les autorités. Après la désignation des « partants », il y avait une sorte de veillée qui durait toute la nuit. Une manière de se dire au revoir ou adieux, fidèle au fort esprit de solidarité de la Commune. Tout était extrêmement codifié. À 3 h du matin, c’était l’heure. Les prisonniers sortis de leur fort faisaient route vers la grève et les chaloupes desquelles ils allaient être transbordés vers le navire en partance. Dernier regard sur Roscanvel et la France, avant d’être enfermés dans les cages. On raconte que certains emportaient avec eux un peu de terre d’ici.

    Pourquoi les militaires étaient-ils si méfiants à l’heure du départ ?

    Baluchons sur l’épaule, les prisonniers empruntent en sens inverse le chemin qu’ils avaient fait quelque temps auparavant. Comme à l’aller, ils étaient encadrés par des lignées de soldats, du fort à la cale. Les condamnés marchaient entre deux rangées de fusils chargés. Jusqu’au dernier moment, la peur des militaires était qu’ils chantent. Ça pouvait être le signe de la sédition. À deux reprises, les condamnés ont entonné La Marseillaise.

     

    Que deviennent les déportés, une fois en Nouvelle-Calédonie ?

    En 1880, grâce à l’action de Victor Hugo et Victor Schœlcher et avec le renouvellement de la génération politique parisienne, l’amnistie est accordée aux « communards ». Beaucoup reprennent alors les bateaux qui les avaient emmenés sur cette terre lointaine. Certains préfèrent rester là où ils font venir leur femme et leurs enfants. D’autres partent en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Belgique, en Angleterre, en Suisse mais pas en France. L’amnistie n’étant pas l’absolution de leur condamnation, on en gardait trace. Eux voulaient qu’on l’efface.

     

    Propos recueillis par Carole TYMEN.

    source: https://www.ouest-france.fr/

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