« Ici, on voit bien une coche (*) qui n’arrive pas à se mouvoir et qu’on force à avancer à coups d’aiguillon électrique dans l’anus », indique le président du tribunal correctionnel de Quimper en commentant un extrait de la vidéo filmée par L214 entre le 31 janvier et le 24 février 2021 à la Société briécoise d’abattage (SBA). Des images dévoilées en mai 2021 qui ont donné lieu à un arrêt de l’activité pendant un mois et à des poursuites judiciaires pour actes de cruauté envers un animal. L’affaire est jugée ce mercredi 18 mai.
Pendant plusieurs minutes, seuls de lourds hurlements de coches résonnent dans la salle d’audience. Le public est crispé en observant des animaux qu’on essaye de faire avancer à coups de rames ou d’aiguillons électriques, parfois même dans les yeux ou l’anus, alors qu’ils ont l’arrière-train paralysé ou qu’ils ne peuvent pas avancer, les couloirs étant inadaptés. Dans le box d’immobilisation, la pince à électronarcose qui est censée étourdir en 25 secondes maximum les animaux, avant qu’ils soient saignés, sert aussi à repousser, étouffer, voire tuer les animaux pendant un plus long moment et sur des zones inappropriées.
« Quand on n’est pas dans le milieu, ça peut choquer »
À la barre du tribunal, quatre salariés et anciens salariés qui ont entre 43 et 50 ans, visibles sur la vidéo, sont jugés, ainsi que la société. L’entreprise créée à Briec (29) en 1981, qui a rejoint Les Mousquetaires en 2014, est certifiée agriculture bio et Label Rouge. En 2021, elle tuait 2 500 cochons par semaine, employait un peu plus de 150 personnes, et a fait près de 37 M€ de chiffre d’affaires. En 2016, déjà, la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) avait relevé de nombreuses non-conformités.
Selon un ancien salarié, ce qui a été fait depuis : « C’était du bricolage. Lors des réunions, on a indiqué à plusieurs reprises qu’il fallait faire des changements ». Concernant les violents coups de rame qu’il a donnés, l’imposant gaillard explique : « C’est regrettable. Quand on n’est pas dans le milieu, ça peut choquer. Les locaux n’étaient pas adaptés. On a fait les choses comme on a pu. En plus, on avait une cadence à respecter. Faut être réaliste, on n’était pas là pour enfiler des perles. S’il n’y avait pas de rendement, on avait des reproches de la direction ».
« Parfois ça fonctionne. Des fois non »
Des obligations de rendement que la direction réfute. Tout comme les violences : « Cette vidéo n’est pas le reflet de notre travail quotidien ». De quoi agacer le président, Christophe Lepetitcorps : « On a plusieurs séquences vidéo et des témoignages. Peut-on réellement parler de cas isolé ! Concernant le label rouge, les aiguillons électriques sont interdits, vous avez une autre chaîne pour eux ? » La responsable confirme de façon assurée… avant que l’avocate de L214, Hélène Thouy, prenne la parole : « Sur la vidéo, où l’on voit des coups d’aiguillons portés de façon anarchique, on lit les lettres LR sur le dos d’une coche. Ça veut bien dire Label Rouge ? » À la barre, la responsable reste stoïque. Puis répond : « On travaille sur un système d’amélioration continu. Parfois ça fonctionne. Des fois non ».
«Ça reste plus rentable de maltraiter des animaux que de respecter les règles.»
10 000 € requis
Pendant près d’une heure et demie, sur plus de quatre heures d’audience, les six avocats plaident. Pour le procureur, Dominique Tailhardat : « La vidéo est insoutenable ! C’est un résumé complet de cette affaire. On voit bien que tous les actes sont volontaires. Les salariés justifient ce comportement par la cadence infernale. Mais ce n’est pas possible. La direction se retranche derrière le fait qu’il y a des contrôles réguliers. Or, on voit bien qu’il y a énormément de défaillances dans l’entreprise : les locaux, le piège, le fait que personne ne sache vraiment qui est le responsable… ».
Il requiert six à huit mois de sursis et 500 € d’amende pour chacun des prévenus et 10 000 € pour l’entreprise.
« C’est déjà ça mais ce n’est pas dissuasif, indique à la sortie de l’audience l’avocate de L214. Ça reste plus rentable de maltraiter des animaux que de respecter les règles ». Le jugement sera rendu le 27 juin. ?
* Des truies, de 33 mois en moyenne, destinées à la reproduction.
Enora HEURTEBIZE
source: https://www.letelegramme.fr/