De gauche à droite, Julien Hamon, Olivier Niol, Gilles Le Falher et Clément Le Héritte. Ils s’opposent à la décision gouvernementale de confiner les volailles en raison de la menace de grippe aviaire.
Face à la menace de grippe aviaire, le gouvernement a imposé des contraintes drastiques visant les élevages en plein air, pour la deuxième année consécutive. La colère monte chez les éleveurs.
Entretien
Gilles Le Falher, éleveur à Séné et président de l’Association de volailles en vente directe du Morbihan, Julien Hamon, paysan à Sarzeau, porte parole de la Confédération paysanne, Olivier Niol, exploitant à Saint-Jean-la-Poterie et Clément Le Héritte, éleveur bio et membre du Groupement des agriculteurs bio du Morbihan.
Quelles sont les raisons de votre mécontentement ?
Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, a décrété que le risque relatif à la grippe aviaire sur l’ensemble du territoire métropolitain est désormais « élevé », ce qui signifie que toutes les volailles doivent être enfermées à compter du 5 novembre. Appelé « mise à l’abri » par le ministère et les industriels, l’enfermement des volailles doit suivre des modalités qui ne permettent pas de conserver les conditions de production en plein air, notamment en termes de bien-être animal et de qualité gastronomique des volailles. Comment imaginer élever correctement un chapon ou une dinde de Noël sur la surface autorisée de maximum 50 cm² ? Le propagateur de la grippe aviaire c’est l’oiseau migrateur. C’est donc un évènement saisonnier.
Comment expliquer ces mesures ?
Le but est de protéger la filière à l’exportation. De nombreux pays, en effet, exigent pour importer des volailles que la filière soit indemne de toute grippe. Ce sont des mesures préventives car il n’y a aucun nouveau cas en France. 300 000 poulets industriels partent de Brest tous les jours.
Nous souhaitons des normes adaptées pour chaque élevage. On sacrifie notre filière pour favoriser les élevages industriels à l’export.
Quel est l’impact sur votre activité ?
Il faudrait penser au bien être animal. La réglementation interdit de sortir les animaux. Quand nous avons conçu nos bâtiments, nous avons pris en compte le fait qu’ils ne devaient servir qu’à les abriter le soir, à les nourrir. Les poulets sont tout le temps dehors, picorant ici et là, mangeant de l’herbe… Confinés, les animaux ne tolèrent pas d’être enfermés. Cette année, nos volailles n’auront été dehors que 3 mois et demi. Nous serons donc de 6 à 8 mois avec des volailles enfermées ; doit-on alors continuer de vendre nos poulets avec le label plein air ? Ce serait un mensonge vis-à-vis de nos clients… Tout comme pour les marchands d’œufs qui continueront à vendre leurs produits avec la même étiquette…
Le manque de nourriture extérieure devra être compensé par un apport supplémentaire d’aliments. Les volailles de plein air sont des bêtes à croissance lente, nos souches sont rustiques il faut une centaine de jours pour les sortir contre 35 jours en industriel. En les confinant, on va à l’encontre de leur nature.
Autre problème : le stress provoqué par l’enfermement peut conduire les volailles à avoir des comportements violents entre elles, pouvant engendrer le cannibalisme.
Comment envisagez-vous l’avenir ?
Ces mesures participent au mal-être des éleveurs. On perd notre fierté, toutes nos valeurs partent en quenouille, trop de contraintes vont décourager les nouveaux projets. Notre président de Région aimerait que 1 000 projets voient le jour en Bretagne chaque année, si ces règlements perdurent dans l’agriculture cela n’arrivera jamais.
Pour le gouvernement, les élevages industriels sont plus sécurisés que les élevages en plein air. L’État souhaiterait une filière qui produise plus à un coût minimum pour exporter plus.
Quelles sont les mesures prises par le ministre ?
Pour la deuxième année consécutive, les éleveurs de volailles en plein air doivent faire face à des mesures pour contrer des risques « élevés » d’une épidémie de grippe aviaire, selon le ministère de l’Agriculture.
Pour y faire face, les élevages fermiers en plein air sont soumis à cette alternative depuis le 5 novembre 2021 : enfermer leurs volailles 24 heures sur 24 dans des bâtiments en diminuant leur nombre ; ou restreindre leur liberté de mouvement à 500 m² pour 1000 poules au maximum, sous contrôle vétérinaire. De nombreux éleveurs s’en plaignent : « Au lieu des 4 m² d’espace exigés par les cahiers des charges du label bio, les volailles se retrouvent à piétiner sur un demi-mètre carré », soulignent-ils. Une concentration qui « favorise la transmission du virus ».
La Confédération paysanne voit, elle, dans le renouvellement de ce dispositif « la fin programmée de l’élevage plein air en France ».
source: https://www.ouest-france.fr/