Avec des pertes intenables sur son marché du poulet congelé export, le volailler breton Doux se réoriente profondément. Un plan stratégique est présenté au comité central d’entreprise, ce mercredi. Et les emplois dans tout ça ? "Notre objectif est d'en maintenir un maximum" assure Doux.
Doux perd toutes ses plumes à l’export, son marché traditionnel du poulet congelé : 35 millions d’euros de pertes l’an dernier (près d’un million par semaine !), contre un résultat positif d’autant l’année précédente. Intenable, pour le n° 3 français de la volaille (8 sites de production à l’Ouest, 1 500 emplois directs, 5 000 indirects, 300 éleveurs). Basé à Châteaulin (Finistère), il a été racheté voilà un an par le groupe coopératif Terrena (4,7 milliards de chiffre d’affaires, 12 000 salariés), déjà très présent dans la volaille avec son pôle Gastronome (1,5 milliard d’euros).
Avec la brutale chute de 30 % des prix en Arabie Saoudite, son principal client, cette saignée continue a provoqué, en mars, un audit. « Notre modèle historique n’est plus tenable, résume Christophe Couroussé, directeur du pôle volailles de Terrena et président du directoire de Doux. Produire moins cher que les Brésiliens, depuis la France, ce n’est plus possible. » Premier enseignement de cet audit, présenté ce mercredi matin aux salariés de Doux : « Il nous faut modifier en profondeur l’activité de Doux, pour aborder sereinement les dix prochaines années. »
Bleu, blanc, cœur
Ce qui implique, très vite, une « montée en gamme de nos produits à l’export ». Très vite, c’est dans deux semaines : une nouvelle marque, FitLife, proposera à ce marché stratégique du grand export, des nouveaux poulets congelés haut de gamme, « élaborés avec le concours de la filière Bleu blanc cœur, de Valorial et de l’Inra ». Nourris au lin, à la féverole, etc., ces poulets certifiés, avec de réelles qualités diététiques, seront un atout de poids en Arabie Saoudite, où explosent des épidémies de diabète et d’obésité…
Deuxième axe de cette nouvelle stratégie : « Doux ne peut plus se contenter du Moyen-Orient », mais va aussi cibler le marché européen, « ce qui nous permettra d’être à l’abri des risques des taux de change ». Cible ? Le poulet halal frais. D’entrée de gamme, « mais de qualité et certifié ».
Lire aussi. Doux. Histoire d'un sauvetage
Le congelé délégué
Troisième axe, la marque Doux ne peut disparaître du Moyen-Orient (où elle est leader avec 30 % des parts de marché). « Mais, sous cette forme, en y vendant des produits d’entrée de gamme produits en France, ce n’est plus possible. » Alors, Doux va déléguer : « Nous sommes en train de nouer un partenariat avec un autre opérateur européen qui sait produire à des coûts moindres. » Pour être capable de rivaliser avec les Brésiliens, sans doute un Polonais… À terme, ces poulets congelés d’entrée de gamme pour l’export ne seront plus produits en France. Ce qui permettra de tirer les sites français vers le haut de gamme et des spécialités premium, « Doux disposera ainsi d’une gamme complète ».
Ambitieux, ce plan stratégique a un coût : 100 millions d’euros, entre l’apurement des pertes et les nécessaires investissements dans les quatre ans qui viennent. Ce plan financier est en passe d’être bouclé, il associe « industriels et partenaires financiers ». Sans oublier l’État. Car Doux a toujours une épée de Damoclès au-dessus de la tête : le remboursement des 90 millions d’euros de subventions européennes qui lui est réclamé après l’affaire des poulets congelés gonflés à l’eau. Le contentieux date de 2010, mais il est toujours devant le tribunal administratif.