• L’examen par l’Assemblée nationale de la loi dite « de sécurité globale » a vu se dérouler une séquence politique assez caractéristique des problèmes politiques auxquels Emmanuel Macron se trouve confronté.

    Sur le plan des faits, les choses sont en fait assez simples et finalement caractéristiques d’une méthode visant à faire adopter par le Parlement des textes systématiquement liberticides. Mais en veillant à en faire porter la responsabilité à l’initiative parlementaire

    La loi « anticasseurs » adoptée pendant le mouvement des gilets jaunes était d’abord une proposition du Sénat portée par Bruno Retailleau président du groupe LR. La mesure la plus critiquée consistait à donner aux préfets des pouvoirs permettant d’interdire la liberté constitutionnelle de manifestation à des citoyens sur simple décision administrative. Il y eut ensuite la fameuse loi Avia attaque frontale contre la liberté d’expression, visant à imposer une censure brutale aux réseaux sociaux. Là aussi c’était une proposition de la députée Laetitia Avia, personne n’étant cependant dupe du rôle de l’exécutif dans le processus. Fort heureusement, malgré un vote massif de la majorité présidentielle, le texte a été proprement déchiqueté par le Conseil constitutionnel.

    C’est dans ces conditions que comme d’habitude, on a demandé à deux parlementaires de se dévouer lesdéputés LREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue, lui-même ancien policier, déposant à l’Assemblée nationale le 20 octobre 2020 une nouvelle proposition de loi. Portant essentiellement sur le renforcement des pouvoirs de la police municipale, l’accès aux images des caméras-piétons, la captation d’images par les drones et l’interdiction la diffusion de l’image des policiers.

    Fort heureusement, ce texte lui aussi lourdement liberticide a suscité rapidement de fortes oppositions. Et en particulier la fameuse mesure prévue à son article 24 interdisant de diffuser, sous peine de lourdes sanctions, des images filmées des forces de l’ordre : « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police. »

    Il n’est pas besoin d’une longue exégèse pour constater à quel point cette rédaction ouvre la porte à l’arbitraire. Sur le plan des principes de spécialité et d’interprétation restrictive de la loi pénale, comment identifier l’intentionnalité de celui qui diffuse les images. Et si c’est pour appeler l’attention de l’opinion publique sur une infraction, le diffuseur pourrait-il être poursuivi par ce que la procédure pénale intentée contre les policiers frappeurs porterait nécessairement atteinte à leur « intégrité psychique » ? Il est incontestable que les deux policiers de l’affaire Zecler aujourd’hui en détention subissent une incontestable épreuve.

    Et le plus grave et que la simple lecture démontre, c’est que l’intention n’est pas de protéger les forces de l’ordre, mais une fois de plus, en criminalisant les réseaux, de porter atteinte à la liberté d’expression et de communication. Et ceci pour mettre les forces de l’ordre à l’abri d’éventuelles poursuites pour des violences illégales qu’elles seraient amenées à commettre. Il faut encore rappeler que la « violence légitime » dont l’État est dépositaire et que ses fonctionnaires et en particulier ses forces de police et de gendarmeries est mise en œuvre sous le contrôle de la Justice. L’organisation et l’utilisation des forces de l’ordre relève de la responsabilité du pouvoir exécutif, mais le contrôle de l’usage de cette violence, incombe à l’autorité judiciaire. C’est si clair, que le code pénal a explicitement prévu qu’elle soit plus sévèrement punies si elle a été commise par des agents publics et en particulier des policiers ou des gendarmes. Mais dans ce domaine la question de la preuve se pose de façon délicate. Puisqu’il s’agit d’agents assermentés, et leurs dépositions ont une valeur probante supérieure au témoignage d’un simple citoyen. Or depuis plus de deux ans, le déclenchement des mouvement des gilets jaunes et d’opposition à la loi de réforme des retraites, la répression policière des manifestations a pris des formes fréquemment très violentes comme l’ont précisément établi des centaines de vidéos. Et les quelques procédures n’ont été possibles que parce qu’il existait des images incontestables. Avec de nombreux observateurs, y compris des syndicalistes policiers, il n’est pas abusif de dire que la répression policière a « sauvé» Emmanuel Macron. La longue période pré-électorale qui s’ouvre en 2021 dans une situation économique catastrophique, pourrait tout à fait déboucher sur des troubles sociaux. Il est probablement apparu nécessaire au pouvoir d’Emmanuel Macron de protéger les forces de l’ordre, non pas contre des violences auxquelles elles pourraient être confrontées, mais des risques judiciaires encourus du fait de leurs comportements trop souvent brutaux et illégaux. Il y avait de ce point de vue précis, une demande syndicale assez claire. En effet, le prétexte avancé ne tient pas puisque mettre policiers et gendarmes à l’abri d’un cyber harcèlement ne nécessite absolument pas cette interdiction. Mais simplement une mise en œuvre les dispositifs juridiques existant permettant de poursuivre les harceleurs. Et d’ailleurs, ceux qui soutiennent ce texte sont bien sont bien en peine de fournir des exemples de diffusion qui aurait mis des policiers en danger. La référence à l’atroce affaire de Magnanville est simplement un mensonge. Quant au professeur Samuel Paty, il a suffi d’utiliser les textes déjà applicables et poursuivre et incarcérer ceux qui l’ont justement mis en danger en facilitant son assassinat par la communication de son nom, son lieu de travail et son adresse. Pour se convaincre de cette volonté déjà ancienne, de censure et de mise à l’abri des violences policières des poursuites judiciaires éventuelles, il suffit de se rappeler l’initiative du sénateur macroniste de l’Hérault Jean-Pierre Grand le 19 décembre 2019, présentant un amendement à la loi « Avia » contre la haine visant à réprimer lourdement la diffusion d’images de policiers intervenant dans les manifestations. Devant le tollé, l’initiative a tourné court, mais dans le camp du pouvoir personne n’en avait abandonné l’idée. Cette manœuvre vient de loin.

    Il se trouve que cet article 24 si grossièrement attentatoire à la liberté d’expression et si contraire aux articles 10 et 11 de la déclaration de droits de l’Homme a suscité une très large inquiétude et une vive désapprobation. En particulier, dans le monde de la presse et dans les organisations de défense des droits de l’homme en France et à l’étranger. Malheureusement cela n’a pas empêché les députés de la majorité d’Emmanuel Macron de voter le texte comme un seul homme rejoints par le groupe parlementaire LR et la poignée de députés du Rassemblement National. On connaît la suite, avec les trois événements qui se sont succédé en démontrant le caractère liberticide du projet. Ce furent tout d’abord les incidents de la place de la république avec la violence de l’évacuation des migrants, où des forces de police tombant dans le piège, et considérant sans doute le texte déjà applicable, se livraient sans retenue à des violences parfois spectaculaires. Il y eut ensuite la condamnation d’un commandant de police toulousain pour avoir arbitrairement arrosé de gaz lacrymogène un handicapé sur son fauteuil roulant. Le tribunal constatant que sans la vidéo la sanction de cet acte inqualifiable n’aurait jamais pu être prononcée. Et enfin la fameuse affaire Michel Zecler du nom de ce producteur de musique objet d’un tabassage en règle totalement insupportable. Chacun pouvant faire le constat d’une chose très simple, s’il n’y avait pas eu les vidéos de surveillance et des voisins, la victime aurait été poursuivie, probablement incarcérée sur les simples déclarations des policiers.

    La catastrophe politique était considérable pour Emmanuel Macron. Personne en effet ne peut douter de son implication dans l’adoption de ces textes restreignant les libertés. Face à la large mobilisation qu’il n’avait pas prévue, le Premier ministre s’est encore, s’il en était besoin, complètement déconsidéré avec une proposition farfelue de faire écrire la loi par une « commission indépendante ». Provoquant même la colère dans les rangs des parlementaires LREM pourtant habituellement d’une docilité irréprochable.

    Mais c’est surtout le Président de la république qui se retrouve aujourd’hui dans une situation politique très délicate. Il a pu surmonter la crise des gilets jaunes et les mouvements d’opposition à la loi sur les retraites grâce à la répression massive dont les participants ont été l’objet. La gestion de la pandémie si elle fut marquée par une gabegie étatique indiscutable, s’est déroulée aussi grâce à la mise en place de dispositifs particulièrement coercitifs. À ces diverses occasions, police comme justice ne lui ont pas manqué, et on suppose qu’il doit penser qu’il en aura également besoin dans l’année près électorale qui s’ouvre. Et on peut se poser la question de savoir si ces deux piliers dont il a un pressant besoin ne seraient pas en train de lui présenter la facture. Le remaniement du mois de juillet avait vu l’arrivée de Gérald Darmanin à la tête du ministère de l’intérieur muni d’une double feuille de route : d’abord de fidéliser l’électorat de droite, qui avait abandonné François Xavier Bellamy pour rallier Macron aux élections européennes. En prenant le virage que l’on a constaté sur les questions de l’islam et de l’immigration. Ensuite, donner aux forces de l’ordre les protections et les moyens matériels qu’elles réclament. La séquence qui vient de se dérouler a fragilisé le ministre de l’intérieur qui n’est plus la carte maîtresse que l’on imagine au départ. Le même remaniement du mois de juillet avait ouvert les portes de la place Vendôme à Éric Dupond Moretti, avocat talentueux et médiatique détesté par le corps des magistrats. Qui ont vécu cette nomination comme une agression et ont entamé contre le Garde des Sceaux, et par conséquent contre Emmanuel Macron une guérilla inquiétante pour le locataire de l’Élysée. Emmanuel Macron et ses amis sont très fragiles au plan judiciaire. De Richard Ferrand à Alexis Kohler en passant par François Bayrou, Ismaël Émelien, Jean-Paul Delevoye, Alexandre Benalla, Gérald Darmanin et quelques autres. Sans oublier bien sûr les ministres et hauts fonctionnaires exposés par les errements de la gestion de la première vague de la pandémie.

    Sans le soutien que police et justice ne lui ont pas compté, la situation politique d’Emmanuel Macron pourrait devenir vraiment inconfortable.

    Régis De Castelnau 
     
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  • La fédération de la Ligue des Droits de l’Homme, par la voix de Stéphane Le Labourier, appelle les députés du Finistère à rejeter la proposition de loi « Sécurité globale ». La fédération de la Ligue des Droits de l’Homme, par la voix de Stéphane Le Labourier, appelle les députés du Finistère à rejeter la proposition de loi « Sécurité globale ». 

    Dans une lettre ouverte adressée aux députés du Finistère, la fédération de la Ligue des Droits de l’Homme les appelle à rejeter la proposition de loi « Sécurité globale ».

    La fédération de la Ligue des Droits de l’Homme du Finistère interpelle, dans une lettre ouverte, les députés du Finistère sur la proposition de loi « Sécurité globale ». Dans ce courrier daté du 12 novembre et adressé en copie au maire de Quimperlé, la LDH, par la voix de Stéphane Le Labourier, son coprésident, les appellent « à rejeter cette proposition de loi liberticide qui menace gravement les principes fondamentaux de notre démocratie et l’État de droit ». Et assure qu’elle publiera « les votes des députés du Finistère ».

    Dans cette lettre ouverte, la LDH rappelle que « ce texte prévoit d’étendre aux polices municipales des compétences de la Police nationale » et qu’il « organise une privatisation de la police en contradiction flagrante avec les normes constitutionnelles en déléguant aux agents privés de sécurité des pouvoirs réservés à la police judiciaire ». Elle précise qu’il « prévoit d’instaurer une surveillance généralisée de l’espace public, en autorisant l’État à utiliser des drones avec caméras ».

    Elle souligne également que ce texte « prévoit la pénalisation de la diffusion d’images de policiers ou de gendarmes agissant dans le cadre de leurs missions d’ordre public, portant atteinte à la nécessaire transparence de ces opérations ». Selon la LDH « une telle mesure, avec des sanctions très lourdes (un an d’emprisonnement et 45 000 € d’amende), empêcherait tout contrôle citoyen, voire le travail des journalistes, en favorisant l’impunité d’auteurs de violences policières ».

    La Ligue des droits de l’homme considère que « les risques sont considérables » et invite « chaque citoyen » à interpeller son député.

     

    source: https://www.letelegramme.fr/

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  • internet Facebook

    Jeudi 15 octobre, Facebook a retiré tous les articles provenant du site Rapports de force et postés sur sa plateforme depuis trois ans et demi. Sur notre page, mais également sur l’ensemble des murs des personnes ayant partagé nos productions. Depuis, impossible de publier sur Facebook quoi que ce soit, par qui que ce soit, en provenance de notre site internet, malgré nos protestations et demandes d’explications.

     

    À qui le tour ? En 2017, aux États-Unis, des sites d’informations de gauche voient leur visibilité volontairement réduite par Facebook, explique le journal l’Obs, relayant une information du Wall Street Journal. Plus près de nous, en France en 2019, des pages Facebook de la gauche radicale subissent le même sort, relate un article de Mediapart. Maintenant, nous. Une nouvelle étape est franchie : à notre connaissance, c’est la première fois qu’en France Facebook censure l’entièreté d’un média produit par des journalistes. Et demain ? Quel autre titre de presse ?

    Une décision arbitraire autant qu’incompréhensible

    C’est avec surprise que nous nous sommes rendu compte, jeudi 15 octobre en fin d’après-midi après l’alerte d’un lecteur, de la disparition de certains de nos articles sur Facebook. Puis, nous avons découvert qu’il s’agissait de tous nos articles. Tous avaient disparu de la plateforme. Sans exception. De notre page, comme des murs des centaines de milliers de personnes qui les avaient partagés en plus de trois ans. Par contre, notre page n’a pas été bloquée. Premier message à Facebook pour demander des comptes.

    En attendant une réponse qui ne viendra pas, nous avons cherché à comprendre. Premier constat : notre page Facebook est marquée en vert (sans restriction ou infraction) dans la rubrique qualité des pages. Ce n’est donc pas cela. Par contre, dans la rubrique « aide et assistance », au bouton « vos infractions », nous découvrons un message daté du jour même signalant une des publications du site. Celle, trois jours plus tôt, d’un article des plus classiques sur la mobilisation nationale contre la répression subie par quatre enseignant.e.s d’un lycée, à Melle dans les Deux-Sèvres. Selon la plateforme, cette publication ne respecterait pas les standards de la communauté Facebook. Incompréhensible !

    Depuis lors, de nombreux lecteurs nous ont contactés pour signaler la disparition de leurs posts ou l’impossibilité de partager tel ou tel article. Facebook leur indiquant alors : « le lien auquel vous avez tenté d’accéder est contraire aux standards de la communauté ». C’est donc le site Rapports de force qui devient tout entier un contenu indésirable et n’a plus sa place sur la plateforme. Une mesure « bombe atomique » s’il s’agissait en réalité d’un seul article qui, selon eux, contrevenait à leurs standards. Nous leur avons envoyé 5 messages et les avons interpellés à trois reprises via Twitter. En vain à ce jour. Facebook ne répond pas. 

    Une menace sur notre existence

    Une telle censure pourrait avoir de lourdes conséquences si elle s’éternisait. À ce jour, Facebook représente à lui seul plus de la moitié de la provenance des visites vers Rapports de force. Pour éclairer le propos, voici quelques données chiffrées. Sur les 815 000 personnes qui sont venues nous lire depuis le début de l’année, 481 000 avaient d’abord vu la publication sur Facebook. Trois à quatre fois plus que l’ensemble des visites directes sur le site ou celles en provenance des moteurs de recherche. À titre de comparaison, celles issues de Twitter n’étaient que 20 000 sur la même période. Une goutte d’eau comparativement. Quant aux venues spontanées sur la page d’accueil pour s’informer des dernières publications, soit directement soit après avoir lu un article, elles ne représentent que 32 000 personnes depuis le 1er janvier.

    Tout cela pour expliciter qu’en étant amputée du trafic provenant de Facebook, notre audience reculera très fortement. Probablement jusqu’à son niveau du premier semestre 2019. Mais c’est également la progression que nous connaissons depuis plus de trois ans qui marquera un coup d’arrêt durable. On peut le regretter, le déplorer ou le critiquer, mais depuis notre création, la diffusion sur Facebook a été le principal vecteur par lequel nous avons réussi à nous faire connaître en gagnant, mois après mois, de nouvelles lectrices et nouveaux lecteurs. C’est de cette façon que nous sommes passés de quelques milliers à quelques dizaines de milliers de lecteurs entre nos débuts et aujourd’hui. Et même plus d’une centaine de milliers certains mois. Les recherches d’alternatives, quelles qu’elles soient, s’avèrent complexes en cela qu’elles se heurtent aux usages des internautes dans leur consommation d’informations.

    Cet arrêt brutal du développement de notre audience aura aussi un effet délétère sur la progression des dons à notre journal. Or nous avions fait le choix en 2017 d’un média sans publicités, sans actionnaires, et non payant. Cela pour permettre au plus grand nombre un accès libre à ses contenus. Pour rémunérer notre travail et développer la rédaction, nous avions fait le pari un peu fou de compter sur les dons volontaires de ses lecteurs. Et donc d’accepter finalement de ne pas ou de mal se payer pendant plusieurs années pour la réalisation de Rapports de force.

    Dans cette perspective de vivre des dons des lecteurs, notre seule option est de construire une audience la plus large possible pour obtenir des contributions financières plus nombreuses. Là aussi, notre microscopique budget double tous les ans, parallèlement à la progression de notre audience. Sans pour autant atteindre l’objectif de nous rémunérer autrement qu’à la marge pour le moment. En parvenant à maintenir la même progression que ces trois dernières années, nous pouvions imaginer trouver une viabilité financière à l’horizon 2022. Ce qui signifiait : bricoler encore deux années, en plus des trois années dernières nous. Mais si au lieu de progresser, notre audience et notre visibilité reculent, à minima, nous pouvons projeter que la progression des dons se tarisse. Sans elle, l’abnégation et les sacrifices trouveront leurs limites. Et la possibilité d’un média sur les mouvements sociaux réalisés par des journalistes professionnels avec.

    La presse indépendante reste un sport de combat 

    Pour autant, même si nous vous alertons dès maintenant des conséquences à moyen et long terme de cette situation, nous n’allons pas baisser les bras. Nous étudions toutes les possibilités que nous pourrions mettre en œuvre pour contrecarrer la décision de Facebook de nous bannir de sa plateforme. Une mobilisation de la profession sur les dangers pour la liberté de la presse que fait peser une telle situation, une campagne des lecteurs, des démarches en justice : nous n’excluons rien. Bien sûr, nous vous tiendrons informés de tout cela et vous solliciterons au besoin.

    En attendant, nous allons tenter de continuer à faire notre travail, à vous informer, même s’il faut bien l’admettre : cette histoire nous fait perdre beaucoup de temps et nous limite dans nos capacités à traiter l’actualité comme nous le voudrions. D’ores et déjà, nous allons être obligés de différer de quelques jours ou de quelques semaines une campagne de dons que nous projetions de démarrer le 2 novembre et de faire vivre sur les réseaux sociaux jusqu’en décembre. Un premier effet immédiat et très concret.

     

    Stéphane ORTEGA, le 22/10/2020

    source: https://rapportsdeforce.fr/pouvoir-et-contre-pouvoir/notre-eviction-de-facebook-pourrait-signer-la-fin-prochaine-de-rapports-de-force-10228320

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  • Devant la préfecture du Finistère, à Quimper, un agglutinement se forme chaque mardi afin de pouvoir accéder au bureau d’accueil des étrangers.Devant la préfecture du Finistère, à Quimper, un agglutinement se forme chaque mardi afin de pouvoir accéder au bureau d’accueil des étrangers.

     

    Droit d’asile, mineurs non accompagnés… Derrière ces termes, des vies, des réalités que les associations ont décidé de faire connaître.

    « L’étranger vole le travail des Français. » « L’étranger criminel. » Les fantasmes ont la vie dure. Ce dont on parle, c’est pourtant de femmes, d’hommes, d’enfants qui décident de quitter leur pays pour venir vivre en France. En contact quotidien avec les difficultés qu’ont une partie de ces personnes à se faire une place dans la société, les associations de solidarité ont décidé d’organiser, à Quimper (Finistère), une journée d’information et de débats, « Pour en finir avec les préjugés sur l’accueil des étrangers ».

     

    Sept stands seront installés et huit discussions sont programmées. Ils s’adressent à tous ceux qui s’intéressent à la question mais aussi et surtout à ceux qui n’ont pas vraiment d’opinion. « Nous sommes des associations de terrain, nous sommes en contact avec ces gens et nous constatons que leurs droits sont bien souvent bafoués », explique David Torondel, représentant le collectif des associations.

    Et les situations sont parfois dramatiques. « Nous avons des familles qui sont insérées dans la société, avec des enfants scolarisés et qui n’ont pas pu renouveler leur titre de séjour. Ils ne représentent aucune menace, mais ils risquent de perdre leur logement. » Une situation bien réelle, dans le département du Finistère : la Cimade connaît « trois à quatre familles » dans cette situation, Droit d’asile « quatre »… Il y a aussi des jeunes, dont la minorité n’a pas été reconnue après souvent des mois de procédure, qui se retrouvent à la rue. « Ils n’ont plus aucun droit et ne peuvent même pas faire appel au 115. »

    Pour ces associations, l’accueil inconditionnel « n’est pas une utopie. C’est un choix pragmatique : il n’y a que comme cela qu’ils s’inséreront dans la société ».

    Samedi 10 octobre, de 10 h à 16 h, place Saint-Corentin à Quimper. Les thèmes des discussions prévues toute la journée : Pourquoi quitte-t-on son pays, la situation en Libye et en Méditerranée (10 h), la réforme du règlement Dublin (10 h 30), les procédures et le labyrinthe administratif d’accueil (11 h), la prise en charge des mineurs isolés étrangers (11 h 30), les accueillants (14 h), le droit au travail, les procédures d’expulsion (14 h 30), régularisation de tous les sans papiers, marche des solidarités (15 h), préjugés et respects des droits (15 h 30)…

    Flora CHAUVEAU

    source: https://www.ouest-france.fr/

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  • Près d'un an et demi après la mort du jeune Steve Maia Caniço, une reconstitution va avoir lieu, ce mardi, pour tenter de comprendre ce qu'il s'est exactement passé dans la nuit du 21 au 22 juin 2019 et faire la lumière sur l'intervention controversée de la police, sur le quai Wilson à Nantes.

    Une reconstitution va avoir lieu, ce mardi, sur le quai Wilson à Nantes, plus d'un an après le décès de Steve Maia Caniço, le 21 juin 2019.Une reconstitution va avoir lieu, ce mardi, sur le quai Wilson à Nantes, plus d'un an après le décès de Steve Maia Caniço, le 21 juin 2019. © Radio France -Benjamin Mathieu

    Sa disparition avait suscité une vive émotion dans toute la France. Plus d'un an après le décès par noyade du jeune animateur périscolaire de Treillières, en Loire-Atlantique, Steve Maia Caniço, une reconstitution est organisée, ce mardi après-midi, sur le quai Wilson à Nantes. Cette dernière doit permettre à la Justice de comprendre ce qu'il s'est précisément passé dans la nuit du 21 au 22 juin 2019 au moment où les forces de l'ordre sont intervenus.

    "C'est, entre guillemets, une bonne nouvelle pour la famille"

    La reconstitution de l'affaire Steve se déroulera, ce mardi entre 14 heures et 18 heures, sur les bords de Loire, à l'endroit précis où le jeune homme de 24 ans a disparu. Pendant cet après-midi, le juge d'instruction conduira les opérations dites "techniques" en amont ou à l'issue desquelles Philippe Astruc, le procureur de la République de Rennes, où l'affaire a été dépaysée en septembre dernier prendra la parole "avant ou après pour expliquer ce qui est attendu de ces actes".  

    "Je pense que c'est un acte d'instruction qui est très important à réaliser et donc je ne peux que me satisfaire de ce que le juge l'organise, a indiqué, à l'AFP, Cécile de Oliveira, l'avocate de la famille de Steve Maia Caniço. "Tout ce qui va dans le sens d'avancer dans cette instruction, qui est une instruction complexe, est forcément, entre guillemets, une bonne nouvelle pour la famille". 

    Trois informations judiciaires ouvertes

    D'après l'avocate, les proches du jeune homme sont dans une "grande attente de justice". Tout comme les manifestants qui avaient défilé à plusieurs reprises dans les rues de Nantes en écrivant et criant "Justice pour Steve" et en dénonçant l'intervention policière et l'usage de gaz lacrymogènes disproportionnés, selon eux, ce soir-là. 

    Dans ce dossier, trois informations judiciaires "contre X" sont toujours instruites au parquet de Rennes. La première a été ouverte pour "homicide involontaire", après le décès de l'homme de 24 an, une deuxième porte sur la "mise en danger de la vie d'autrui" consécutive à l'intervention des policiers. Le procureur de la République avait également ouvert une autre information judiciaire, à l'encontre de certains fêtards cette fois, pour violences sur "personne dépositaire de l'autorité publique".

     
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  • Selon le ministère de la Justice « environ 440 » Gilets jaunes ont été incarcérés. Fouilles à nu, absence d’intimité et solidarité entre détenus : Stéphane, Anaël, Maria et Antoine racontent leurs séjours en cabane.

     

    Lundi 10 décembre, tribunal de Valence (26) – La décision du juge percute Maria aussi sèchement qu’un crochet au visage. « Placement en détention provisoire. » La femme, en larmes, s’écroule dans les bras de son voisin, Stéphane. Lui, la gueule encore marquée par les coups de la police au moment de son interpellation, encaisse un peu mieux. « J’avais anticipé dans ma tête. » Tous deux sont accusés de violences sur personnes dépositaires de l’autorité publique.

    Retour deux jours plus tôt, à l’occasion de l’acte IV des Gilets jaunes. Ce matin-là, rencard était filé à la Zac des Couleurs, « pour une opé sur un centre commercial de Valence », rembobine Stéphane. Que du classique, sauf qu’en fin de matinée, l’affaire tourne au vinaigre quand les CRS décident de faire le ménage à coups de lacrymos. « On s’est tous mis à courir », raconte la militante communiste, venue de son côté.

    Dans la cacophonie, nos deux prévenus aperçoivent deux hommes qui semblent se castagner avec des Gilets jaunes. Pour aider les copains en jaune, Stéphane entre dans la mêlée. « J’ai mis un coup », confesse-t-il. Soudainement, l’un des deux individus, en mauvaise posture, dégaine un flingue et braque les Gilets jaunes. « J’ai paniqué, je me suis dit qu’il allait tirer », déroule Maria. « Mon cerveau s’est mis à fonctionner tout seul. » Dans une tentative désespérée de détourner son attention, elle contourne l’arme et arrache le bonnet du gus. L’altercation ne dure que quelques secondes. C’est au comico quelques heures plus tard que tombe la mauvaise nouvelle : l’individu qui a dégainé est le patron des flics du coin, en civil ce jour-là (1).

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/0812b_1_1.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 8 décembre 2018. / Crédits : Yann Castanier

     

    Malgré un casier vierge et des circonstances confuses, les deux Gilets jaunes sont envoyés en détention préventive. Deux cas, parmi une multitude : aucun mouvement social contemporain n’a été autant judiciarisé. Selon la place Beauvau, près de 4.700 Gilets jaunes ont été envoyés devant les tribunaux. [Pour les chiffres détaillés, voir l’encadré en bas de l’article.]

    « On a assisté, pendant ce mouvement social, à une submersion du système judiciaire », commente l’avocat, Martin Mechin :

     

    « Il y a eu une volonté de la part du gouvernement de casser le mouvement. Le parquet, qui n’est pas indépendant, a mené une politique hyper répressive en proposant des peines lourdes. »

     

    Toujours selon le ministère de la Justice, « environ 440 » personnes ont, dans le cadre de ce mouvement social, été envoyées en prison. Soit dans le cadre d’une détention provisoire, soit après condamnation.

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/0112_1.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 1er décembre 2018. / Crédits : Yann Castanier

     

    Présumé coupable

    « La prison, ça fait peur, ça fait mal, ça dissuade », soupire l’avocat Raphaël Kempf, qui défend plusieurs Gilets jaunes incarcérés. Antoine a été emprisonné à Fleury-Mérogis. « Ça l’a brisé », raconte son avocat Martin Mechin, quand on l’interroge sur ce dossier. Une souffrance que son client n’évoque pourtant qu’avec pudeur. À mots couverts. « La prison, ça a changé beaucoup de choses », confie-t-il à peine. Presque quatre mois derrière les barreaux, c’est long. Surtout quand on est innocent. Ce qu’il clame. « J’ai beaucoup de colère, mais j’ai mûri aussi, je crois. »

    Son affaire a fait les gros titres de la presse. Le Jurassien est accusé d’avoir éborgné un policier. « Je n’ai jamais avoué, parce que je n’ai rien fait », répète-t-il inlassablement. Et le dossier est mince. Un seul témoin, policier. « Ils étaient 19 dans cette brigade. Les 18 autres n’ont rien vu », abonde son avocat. Aucune preuve matérielle. Pas d’enregistrement vidéo.

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/1603a_1.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 16 mars 2019. / Crédits : Yann Castanier

     

    Les faits remontent au 24 novembre, acte II des Gilets jaunes. Ce jour-là sur les coups de 18h, il est interpellé aux abords des Champs-Élysées. Il l’ignore alors, mais l’un des fonctionnaires de police vient de le désigner à ses collègues, dans la foule, pour qu’ils l’attrapent. À peine cueilli, les bleus veulent lui faire payer pour le collègue à l’hosto. L’un d’entre eux le saisit par les cheveux et lui tape la tête contre un fourgon. « Un autre m’a mis une matraque au trou de balle et m’a dit : “Tu te souviens de Théo ?” [en référence à Théodore Luhaka à qui un policier a inséré une matraque dans l’anus] ». Ce n’est que le début. Le chef, « celui qui a témoigné contre moi », se pointe, raconte Antoine. Le policier lance aux autres fonctionnaires :

     

    « Pas de traces, pas de pitié ! »

     

    Les coups pleuvent. Kick dans les parties intimes, béquilles, claques… Mais la consigne de ne pas laisser de traces est respectée. « À la fin, je n’ai eu que deux bleus au niveau des jambes. » Il est ensuite envoyé au comico. Pendant sa garde à vue, il ne pipe mot de ces violences. « J’allais pas baver sur leurs collègues. On est chez eux… » C’est seulement face au juge d’instruction (2), plusieurs semaines après, qu’il fera le récit de ce passage à tabac.

    L’arrivée en cabane.

    Entre temps, c’est la descente aux enfers. En garde à vue, il découvre les faits qui lui sont reprochés. Coup dur, lui qui s’imaginait sortir au bout de 24 heures. « Je croyais que j’étais là pour une barricade. » Après 48 heures de garde à vue, ponctuée de coups de pression, il est présenté au juge des libertés et de la détention (JLD) chargé de statuer sur son sort. « Eduardo [Mariotti, son second avocat] m’avait préparé. Il m’a dit : “Tu vas aller en prison, il faut tenir le coup”. J’étais psychologiquement prêt. » Incarcéré le 26 novembre 2018 à Fleury-Mérogis, Antoine est probablement le premier Gilet jaune placé en détention.

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/1603b_1.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 16 mars 2019. / Crédits : Yann Castanier

     

    Une fois passées les portes du pénitencier, tout le monde a droit au même cérémonial. « On te retire tes affaires personnelles, ton identité. Tu deviens un numéro », explique Antoine. Suivi d’une fouille minutieuse. « À poil, touche tes orteils, tousse ». « Ils ont même fouillé mes dreads », complète Maria, la « hippie ». Puis placement en cellule. Pour les fumeurs, c’est le moment de la première clope, après 48 heures de manque. C’est aussi le moment de la distribution des paquetages offerts à chaque arrivant. « Dedans, il y a deux draps et une trousse de toilette. T’as pas de coupe-ongles, mais t’as de la cire pour t’épiler. Ça m’a fait marrer », se souvient la militante communiste :

     

    « Là, dans cette cellule, c’est un peu bizarre, mais en fait j’étais soulagée. J’ai pu prendre une douche. Après la garde à vue, ça fait du bien. »

     

    Et puis, il y a la télé. En prison, le petit écran, omniprésent, fait office de lucarne sur le monde. Pour Antoine, les nouvelles sont mauvaises. Son affaire tourne en boucle sur les chaînes d’info en continu. Elles annoncent, sans conditionnel, l’arrestation de l’homme qui avait éborgné un flic. « J’ai compris que j’étais déjà coupable médiatiquement. »

    La taule a ses règles

    Pour chaque détenu, le séjour en cabane commence par quelques jours en quartier arrivant. Sorte de sas de décompression. À partir de là, les détenus n’ont plus droit à aucune intimité, explique Maria :

     

    « Un jour une surveillante est entrée alors que j’étais en train de faire caca. »

     

    C’est aussi à partir de ce moment que le sentiment d’enfermement commence à se faire sentir. « T’as un lit, un bureau, une télé. Et c’est tout. À chaque fois que tu sors, t’es menotté », détaille Stéphane, enfermé à Valence. « Tout est programmé », complète Antoine. « T’as la promenade. Un jour c’est le matin, l’autre l’après-midi. Et le reste du temps, il faut s’occuper. » Dormir le plus possible et tuer le temps. Pas mal de télé, donc. Quelques parties de cartes ou d’échecs. Et parfois, les activités proposées aux détenus.

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/17_02_1.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 17 février 2019. / Crédits : Yann Castanier

     

    Pour Maria, c’est la bibliothèque. « Le seul endroit où je ne me sentais pas en prison. » La jeune femme se lie d’amitié avec la détenue en charge des lieux. « Elle m’a prise sous son aile, m’a appris la prison » et ses règles tacites. « Elle m’a dit : “Au début t’écris tous les jours à ton avocat. Tu postules à toutes les activités. Ils te proposent du tricot ? Tu fais du tricot ! Tu rentres à fond dans le jeu de la prison” ». Et puis elle découvre qu’il faut rendre service à ses co-détenus. « Un soir, on m’a demandé de faire passer un yoyo. » Grâce à un pendule confectionné à partir de draps déchirés, les détenus se font passer des objets de cellule en cellule :

     

    « Je me dis que si j’accepte et que je me fais choper, ça peut me causer des emmerdes. Mais que si je refuse, je risque de me mettre d’autres détenus à dos. Alors j’ai fait passer. »

     

    Pour tous, le statut de Gilet jaune facilite l’intégration. Ils ont plutôt la cote auprès des détenus. « Et quand en plus tu dis que t’es en prison parce qu’on t’accuse d’avoir frappé un commissaire, alors là, pour se faire des copines, il n’y a pas mieux », rigole-t-elle. Mais la situation peut vite changer en cabane. « Ça a été les montagnes russes émotionnelles », complète-t-elle. Après quelques jours, l’administration la prive ainsi d’accès à la bibliothèque (3). « Ça m’a mis un sacré coup. » Depuis sa cellule, Maria angoisse aussi pour son chat et son chien, enfermés dans son appart’ depuis son arrestation :

     

    « Quand j’ai appris que mes animaux étaient à l’abri, j’ai fondu en larmes. J’étais sur la corde raide. »

     

    Une cellule dormante de Gilets jaunes

    Anaël, lui, détaille son séjour à Fresnes par des phrases courtes et précises. « C’est vraiment délabré. Des cafards, des fourmis. » Et des rats ? « Il paraît », mais il n’en a pas vus. « On a eu beaucoup de solidarité. » À son arrivée, un détenu lui prête des fringues. Un autre, sa plaque chauffante. Aucune colère ne pointe dans sa voix, à peine de l’agacement. 28 jours de trou pour rien, il y aurait pourtant de quoi gueuler.

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/15_12.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 15 décembre 2018. / Crédits : Yann Castanier

     

    Le 1er mai, le Gilet jaune avait prévu de manifester sur Paris. Arrivé la veille avec 4 connaissances, ils décident d’économiser une nuit d’hôtel. Leurs voitures, garées au bois de Vincennes, feront bien l’affaire. D’autant que la météo est clémente. Mais au petit matin, une patrouille de police toque aux carreaux de son véhicule. « Sortez s’il vous plaît. » Bougon au saut du lit, Anaël prend son temps. La pression et le ton des fonctionnaires montent. Et à peine descendu de la guimbarde, le Gilet jaune est menotté. Fouille des coffres. Les policiers trouvent « un feu à main » (sorte de fumigène) et « un feu de bateau » (petit feu d’artifice). Garde à vue pour toute la bande, et mises en examen sur la base du désormais fameux « délit de participation à un groupement formé en vue de la préparation de violences ou de dégradations ». Plus surprenant : Anaël et deux autres membres de cette cellule dormante de Gilets jaunes sont ensuites placés en détention provisoire au prétexte de cette intention présumée.

     

    À VOIR AUSSI : Le délit de participation. Un sujet abordé dans notre documentaire Gilets jaunes, une répression d’État.

     

    En attente de procès

    Après près de trois semaines d’enfermement, Anaël repasse devant le juge des libertés et de la détention (JLD) qui doit statuer sur une éventuelle sortie. La partie commence sous les meilleures auspices. « Même la procureure voulait bien. » Pourtant, le juge décide du maintien en détention d’Anaël :

     

    « J’aurais voulu sortir mais comme mon pote n’était pas très bien, d’une certaine manière ça m’allait. J’ai pu rester pour le soutenir. »

     

    Retour en prison. Anaël sera finalement libéré après 28 jours à Fresnes et un nouveau passage devant le JLD. Il est encore à ce jour dans l’attente de son procès, renvoyé en 2020. Maria et Stéphane ont, quant à eux, retrouvé leur liberté après 10 jours. Un véritable soulagement pour la militante communiste :

     

    « C’était l’hiver, je me disais que je pouvais encore tenir 2 ou 3 mois, mais plus, je pèterais un plomb. »

     

    Leur procès s’est tenu le 26 décembre. « Au tribunal, le policier a reconnu que je n’avais peut-être pas frappé son collègue », raconte Maria. Elle écope de neuf mois de prison dont six avec sursis. Elle a choisi de ne pas faire appel. Stéphane est condamné à 12 mois, dont six avec sursis. Pas de mandat de dépôt : ni l’un, ni l’autre ne retourneront en cellule. Antoine, quant à lui, a finalement été libéré le 15 mars, après presque quatre mois de détention préventive. Il est toujours en attente d’un éventuel procès, qui ne se tiendra que si le juge d’instruction estime le dossier suffisamment épais. Vraisemblablement pas avant 2020. En attendant, il a repris ses boulots de saisonnier : il a passé l’été dans un parc d’accrobranche et doit passer l’hiver en station de ski.

    La détention crée des solidarités

    Tous se disent marqués, à des degrés divers, par leur séjour derrière les barreaux, et surtout par ce qu’ils y ont vu. « Un jour, je me suis retrouvé avec une sérial killeuse en promenade. Elle se mettait sur des vieux et quand elle était sûre d’être sur leur testament, elle les tuait. Elle avait une aura dans la cour ! Elle marchait genre avec deux détenues, en mode garde du corps », raconte Maria « Une autre, une tox’, avait mis son bébé dans la machine et lancé le programme. Elle était complètement ailleurs. Faut dire, en prison, tu vois toute la misère. La moitié des détenus ne savait ni lire, ni écrire. » Dans l’univers carcéral, les CV des Gilets jaunes détonnent :

    « Les filles m’ont dit : “T’as pas le profil pour être là.
    -Comment ça ?
    -Ben, tu t’exprimes bien…”
    J’ai été un peu bluffée de découvrir qu’il y avait un profil pour aller en prison. Il y a très peu de blanches. »

    Même genre de remarques pour Anaël. « Tu vois bien qu’en France on met en prison les noirs et les arabes des quartiers populaires. Ils m’ont dit : “Faut que tu parles de ce qu’on vit. Toi t’es blanc, tu passes bien”. »

     

    https://backend.streetpress.com/sites/default/files/0812a_1.jpgUne manifestation de Gilets jaunes, le 8 décembre 2018. / Crédits : Yann Castanier

     

    Depuis leurs sorties, Stéphane, Anaël, Maria et Antoine se sont engagés, chacun à sa manière, aux côtés des détenus. Le premier a monté une « association anti-répression » pour « donner des conseils, aider tous les militants arrêtés. Pas que les Gilets jaunes, ceux qui aident les migrants aussi ». Antoine s’est rapproché de L’Envolée, un collectif qui édite un journal composé notamment de lettres de détenus et anime une émission de radio avec des proches de prisonniers pour maintenir « un lien entre l’intérieur et l’extérieur ». Maria et Anaël s’emploient à alerter sur la situation derrière les murs. « La prison, ça intéresse peu les militants. Mais maintenant, on peut en parler », détaille le premier. La seconde évoque la condition particulière des femmes. « Il faut expliquer qu’elles ne sont pas ou peu soutenues. Les hommes, t’as leurs copines qui viennent. Les filles, elles se retrouvent souvent seules. » Une situation amplifiée par la distance. Incarcérée à Lyon, elle était à plus de trois heures de route de son domicile. « Souvent, elles sont loin de leurs proches parce qu’il y a moins de quartiers pour femmes. » Et d’énumérer les conséquences :

     

    « Ça veut dire pas de visites, pas de colis de linge, pas de mandats. »

     

    Après sa sortie, Maria a aussi gardé contact avec son ancienne co-détenue. « On avait bien sympathisé. Elle était là pour une arnaque au crédit à la consommation. » Maria lui écrit régulièrement. « Au bout d’un moment, je ne comprenais pas pourquoi elle ne sortait pas, alors j’ai appelé son avocat. » Il lui apprend que son amie est domiciliée en Belgique, ce qui l’empêche d’obtenir une libération assortie d’un placement sous contrôle judiciaire. « Alors je lui ai fait une attestation d’hébergement. Genre elle va habiter chez son ancienne co-détenue qui était en prison pour des violences sur un flic », se marre la militante. « Eh ben le juge a dit : “Pas de problèmes”. Elle vit toujours chez moi. »

     

     

    (1) Noël Fayet, directeur départemental de la sécurité publique.

    (2) Il a, plus tôt, témoigné de ces violences auprès de ses avocats, comme nous l’a confirmé Martin Mechin.

    (3) Ils n’ont réalisé qu’à ce moment-là que la bibliothèque était accessible quotidiennement aux seules détenues condamnées. Or Maria est en préventive.

    Images d’illustration : les personnes présentes sur les photos ne sont pas celles citées dans l’article.

     

    source: https://www.streetpress.com/

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  • Publié initialement sous forme de post sur le réseau social Facebook, notre article sur le vaccin cubain a été censuré par Facebook. Nous le republions donc sur notre site internet.

    L’île socialiste de Cuba, très impliquée dans la lutte contre le Covid-19, et plus largement dans la recherche médicale, a lancé le 24 août les essais cliniques de son propre vaccin contre le coronavirus. Baptisé Soberana 01 (“Souveraine 01”), ce produit, s’il surmonte toutes les phases de tests et démontre “sa sécurité et sa solidité”, sera le premier vaccin contre le nouveau coronavirus à être développé en Amérique latine.

    Par ailleurs, dès le début de l’épidémie, les malades atteints du Covid-19 ont été traités à l’Interferon Alpha 2b, un puissant activateur immunitaire et inhibiteur viral.

    Lire aussi : Vaccins cubains : Unité CGT censurée par Facebook, ce Big Brother qui nous veut du bien

    3 FAITS SUR CUBA QUE VOUS IGNOREZ PEUT-ÊTRE

    Les prestigieux centres de recherche cubains créés après la révolution sont à l’origine du développement d’un certain nombre de vaccins et traitements :

    – Le SUMA (système ultramicroanalytique) qui a permis à Cuba de devenir le premier pays exempt de transmission verticale du VIH et de la syphilis de la mère à l’enfant (validé par l’OMS)

    – L’Heberprot-P : traitement contre les ulcères du pied diabétique,

    – Le CIMAher : anticorps développé dans les années 90 qui traite les tumeurs avancées de cinq types de cancer dont ceux du cerveau, de la tête et du cou

    – Le VA-MENGOC-BC : traitement du méningocoque B (dont l’épidémie à Cuba dans les années 80 a été enrayée).

    Fidèles à l’esprit internationaliste, et malgré le blocus criminel imposé par les États-Unis avec la complicité de l’UE et des grandes puissances occidentales, les médecins cubains ont été déployés dans plusieurs dizaines de pays du monde, dont l’Italie, pour lutter contre le coronavirus. Cuba a ainsi envoyé depuis le début de la pandémie 1 870 professionnels de santé dans plus de 26 pays, dont le Mexique, la principauté d’Andorre ou l’Afrique du Sud. Quinze médecins cubains ont également été dépêchés en Martinique, pour contribuer à faire reculer l’épidémie de coronavirus et pallier la pénurie de professionnels de santé.

    N’oublions pas que le choix de la santé est un choix politique ! A Cuba, l’Etat socialiste peut ainsi compter sur la plus grande densité de médecins au monde : neuf médecins pour 1000 habitants (3,2 en France), soit 95 000 médecins, dont 15 000 dentistes, en plus de 89 000 infirmiers et personnels de santé.

    CUBA AIDE LE MONDE, AIDONS CUBA !

    Le prix Nobel de la Paix 2021 doit être attribué aux brigades médicales internationalistes cubaines !

    Le blocus criminel des États-Unis doit être levé !

    Lire aussi : La Centrale des Travailleurs de Cuba s’adresse aux travailleurs du monde entier (vidéo)

     

    source: https://unitecgt.fr/

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  • Le Conseil d’État, place du Palais-Royal, à Paris (photo d’illustration).Le Conseil d’État, place du Palais-Royal, à Paris (photo d’illustration). 

    Les rassemblements de plus de 5 000 personnes restent interdits, a rappelé le Conseil d’État ce lundi 6 juillet.

    Le juge des référés du Conseil d’État a estimé que l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes reste justifiée au regard de la situation sanitaire à ce jour.

    Plus besoin d’autorisation pour manifester

    Le Conseil d’État a suspendu lundi 6 juillet le décret instaurant une autorisation préalable de manifestation mais a maintenu l’interdiction des rassemblements de plus de 5 000 personnes au regard de la situation sanitaire.

    Le juge administratif, qui était saisi notamment par plusieurs syndicats, estime qu’il « existe un doute sérieux » sur le fait que cette nouvelle procédure (d’autorisation), introduite dans un décret du 14 juin, « ne porte pas une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester ».

    Le décret du 14 juin critiqué par les syndicats

    Le 13 juin, le Conseil d’État avait déjà suspendu l’interdiction générale et absolue de manifester qui découlait du décret du 31 mai interdisant les rassemblements de plus de dix personnes.

    À la suite de cette suspension, le Premier ministre Édouard Philippe avait, le lendemain, modifié ce décret pour prévoir que cette interdiction ne s’appliquerait pas aux manifestations autorisées par le préfet dans le respect des « mesures barrières ».

    Mais ce décret avait été de nouveau attaqué par plusieurs syndicats et associations (CGT, Force ouvrière, Solidaires, FSU, Unef, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature et Droit au Logement).

    Les manifestations déjà soumises à « une obligation de déclaration »

    Dans son ordonnance, le juge des référés relève qu’en temps normal, les manifestations sur la voie publique sont soumises à « une obligation de déclaration » auprès des autorités. Le préfet peut alors « interdire les rassemblements qui risquent de troubler l’ordre public, par exemple s’il estime que les précautions sanitaires prévues sont insuffisantes ».

    Le décret du 14 juin « conduit à inverser cette logique, puisque toute manifestation demeure interdite tant que le préfet ne l’a pas autorisée ».

    En outre, le décret ne prévoit pas de délai pour que le préfet rende une décision, ce qui peut empêcher les organisateurs de saisir le juge en temps utile.

     

    source: https://www.ouest-france.fr/

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  • La manifestation « contre toutes les discriminations » a réuni une centaine de personnes, ce samedi à Quimper. À l’origine, trois amies, Sophia, Amira et Brenda.La manifestation « contre toutes les discriminations » a réuni une centaine de personnes, ce samedi à Quimper. À l’origine, trois amies, Sophia, Amira et Brenda.

    Une centaine de personnes a répondu à l’appel de trois jeunes habitantes de Quimper (Finistère) à manifester contre « toutes les discriminations », ce samedi 20 juin 2020.

    Contre le racisme, les féminicides, le sexisme, l’homophobie, la grossophobie, l’antisémitisme, la haine anti-tziganes, les violences policières… Ce samedi 20 juin, trois jeunes habitantes de Quimper (Finistère), Sophia, Amira et Brenda, organisaient une marche contre toutes les formes de discrimination.

    Une centaine de personnes y a pris part. Nous sommes contentes que ça ait rassemblé tant de monde, réagit, après coup, Sophia, 31 ans. On ne fait partie d’aucune association, d’aucun parti politique. On partait de rien, mais en même temps, on se disait qu’il fallait qu’il y ait un rassemblement de ce type dans une ville comme Quimper.

    « Changer de mentalité »

    L’origine de cette marche réside dans des discussions entre les trois amies organisatrices. Ça fait un moment qu’on discute entre nous de toutes les discriminations qu’on subit, poursuit Sophia. L’intérêt de défiler en ville ? On se montre, on se fait entendre. Et si, en nous voyant, dix personnes pouvant être l’origine de telles discriminations peuvent changer de mentalité…

    Parmi la centaine de participants, beaucoup de jeunes, quelques plus âgés. Quelques Gilets jaunes, également. Nous ne sommes pas des opprimés : tel était leur refrain, entonné à plusieurs reprises.

    Y aura-t-il d’autres marches contre les discriminations dans les prochaines semaines ? On voulait se faire entendre une fois. Mais s’il faut redescendre dans la rue, on le refera », assurent les organisatrices.

    Basile CAILLAUD

    source :  https://www.ouest-france.fr/

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  • À 14 h, ce mercredi 10 juin, 1 500 personnes se sont réunies à Brest (Finistère), place de la Liberté, pour manifester contre les violences policières et les discriminations, à l’appel de la Ligue des droits de l’homme. Genoux à terre, tous ont observé huit minutes de silence, ce qui correspond à la durée du maintien au sol, par les policiers américains, de Georges Floyd.

    Le cortège a ensuite défilé rue Jean-Jaurès, puis s’est rendu au commissariat central, rue Colbert, avant de poursuivre rue de Siam.

    « On n’est pas contre la police »

    Une majorité de jeunes composait le cortège, à l’instar d’Isaïh, 18 ans, et Erwin, 21 ans, qui ont défilé, portant à bout de bras le message « Pour Adama et tous les autres ». Les deux amis, avancent que « ce genre d’histoire a lieu tous les jours », et regrettent que « cela ne soit pas sanctionné. Il y a un sentiment d’impunité chez les policiers. On n’est pas contre la police, mais quand des actes comme ceux-ci arrivent, ils devraient être sanctionnés ».

    Pour Tidé, 21 ans, « manifester aujourd’hui c’est prendre part au grand mouvement international qui se passe en ce moment, pour dénoncer le racisme, mais aussi l’État qui abuse de son autorité ».

    C’est avec le slogan « police partout, justice nulle part » que Gaby, 16 ans, a choisi de s’exprimer : « Oui, elle est partout, mais pas toujours au bon endroit, malheureusement, et pas de la bonne manière », regrette-elle.

    « Il y a beaucoup de jeunes, mais je regrette qu’il n’y ait pas tout le monde, car on est ici pour manifester contre la violence, les discriminations, martèle Fabienne, 60 ans. Ça nous concerne tous. »

    Il était près de 16 h quand la manifestation a pris fin.

     

    Source : ouest-france

     

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