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« Éborgné à vie » lors d'une manifestation à Rennes, Gwendal reste Gilet jaune (OF.fr-27/02/19-11h29)
Propos recueillis par Vincent THAERON et Nathalie FLOCHLAY.
Gwendal Leroy, 27 ans, demeurant à Saint-Thurien près de Quimperlé (Finistère), a perdu la vision d'un oeil lors de la manifestation des Gilets jaunes à Rennes, le 19 janvier. Il témoigne.
« Cela s'est passé samedi 19 janvier, à Rennes, vers 18 h. En fin de manifestation des Gilets jaunes. On s'apprêtait à partir. Je traversais une rue. J'étais de dos et j'ai vu une grenade de désencerclement à mes pieds. Je me suis retourné
. Il y a eu une masse grise et un flash. Il n'y a pas eu de sommation.
Le souffle a arraché mes lunettes de vue. Des témoins parlent d'un lanceur de balle de défense. Je ne sais pas. Mon ressenti : c'est une grenade. Mais les médecins ont un avis contraire. Il n'y avait aucun éclat de grenade dans mon oeil.
J'ai déposé plainte contre X et contre l'État, à Lorient. L'IGPN (Inspection générale de la police nationale, NDLR) a été saisie de l'enquête.
« Je n'ai pas de haine »
Aux urgences, à Rennes, où j'ai été opéré tout de suite, on m'a prévenu : il y avait de grandes chances pour que le chirurgien me retire mon oeil.
Le lendemain, j'ai vu le professeur. Il m'a indiqué que j'avais une plaie à l'oeil de 2 cm. Mais qu'ils avaient sauvé mon globe oculaire et que le nerf optique n'avait rien. Ils m'ont surtout dit que j'avais définitivement perdu la vision de mon oeil gauche. Mais, je le dis, j'ai de la chance : mon globe oculaire a été sauvé.
Je n'ose pas encore me regarder dans un miroir. Je suis toujours en soins : trois par jour désormais, six auparavant. C'est une amie qui me les fait. Mais il faudra bien que je les fasse moi-même, un jour. J'aurai une deuxième opération dans six mois, pour qu'ils m'installent une lentille définitive.
Je n'ai pas réalisé tout de suite ce qui m'est arrivé. Il y a une forme de déni. On se demande : mais pourquoi moi ? Je ne mérite pas ça... Il y a eu une journée où ça n'allait pas du tout. J'ai souvent des migraines. Et mon oeil droit fatigue vite. Je fais des crises d'angoisse. Je suis un éborgné à vie. Mais j'essaie de positiver.
Auparavant, j'étais cariste intérimaire aux Papeteries de Mauduit, à Quimperlé. Quand est arrivée la fin de mon contrat, je suis devenu Gilet jaune. Je cherchais du travail. Mon avenir désormais ? Ce n'est pas pour tout de suite. Je suis chômeur. D'abord, il faut que je retrouve de l'autonomie. Mais je veux profiter aussi de la vie. Aller à Las Vegas ou faire un saut en parachute.
Ce mouvement est pacifique à la base. Mais ce sont les Gilets jaunes qui trinquent. Il y a eu seize blessés graves avant moi et un autre après. Je serai à Rennes, samedi 2 mars, pour « l'acte 16 ».
Je n'ai pas de haine. Plutôt de l'incompréhension. Je n'arrive pas à en vouloir au gars qui m'a fait ça. Moi qui voulais devenir gendarme... Non vraiment, je n'arrive pas à lui en vouloir. Je m'en veux d'une chose : m'être retourné dans la rue. »
L'avis d'un policier : « En cas d'affrontements, il faut s'en aller »
À la suite de ce témoignage d'un jeune homme grièvement blessé lors de la manifestation régionale des Gilets jaunes à Rennes le 19 janvier, qui avait rassemblé environ 2 000 personnes, un policier donne ses explications, et ses conseils.
« C'était la première manifestation de cette ampleur à Rennes, et elle n'était pas déclarée », rappelle Frédéric Gallet, secrétaire du syndicat de police Alliance en Ille-et-Vilaine.
Des heurts violents avaient éclaté au cours de la journée entre des manifestants dont certains ne portaient pas de gilets jaunes, et les forces de l'ordre. « Dès le départ, les gendarmes mobiles ont reçu des projectiles, se souvient le syndicaliste. L'après-midi a tourné à l'affrontement avec plusieurs groupes de casseurs qui agissaient dans divers endroits du centre-ville. Il a fallu s'adapter et en même temps protéger les bâtiments (la mairie, le Parlement de Bretagne, la préfecture...). »
Ce 19 janvier, les forces de l'ordre ont utilisé « beaucoup de lacrymogène » et « des moyens de défense intermédiaire (LBD et grenade de désencerclement) pour éloigner ceux qui voulaient venir au contact ».
Frédéric Gallet, présent à la manifestation, l'affirme : « Il y a eu des sommations, lancées au porte-voix, tout au long de l'après-midi. Lorsqu'on vient manifester pacifiquement et que des affrontements ont lieu, il faut s'en aller. En restant, les gens s'exposent, peuvent être blessés ou assimilés à des casseurs. »
« C'est triste ce qui est arrivé à ce jeune homme. Ce jour-là, il y a eu d'autres blessés (seize, selon le bilan dressé par la préfecture). Deux gendarmes mobiles ont été hospitalisés. L'un d'eux a eu le tympan percé par l'explosion d'une bombe agricole. »
source: https://www.ouest-france.fr/societe/gilets-jaunes/eborgne-vie-gwendal-reste-gilet-jaune-6239392
« Le Conseil de l'Europe veut l'arrêt des LBD (OF-27/02/19)Quimper-Halles Saint-François: un referendum -mascarade »
Tags : 2019-9
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