Le professeur Eric Stindel, président de la commission médicale d’établissement du CHRU de Brest.

Eric Stindel, président de la commission médicale d’établissement (CME) du CHRU de Brest (Finistère) revient sur cette année si particulière et inattendue liée à la crise sanitaire.

Entretien avec Eric Stindel, président de la commission médicale d’établissement (CME).

Comment a fonctionné l’hôpital durant cette année si particulière ?

D’habitude, l’hôpital fonctionne de façon pluripartite. Là, on a mis en place une cellule de crise avec un nombre restreint d’individus : le directeur général du CHRU, le président de la CME, la coordinatrice des soins, le directeur de la logistique, l’officier de liaison, et des chefs de service : en maladies infectieuses, hygiène, urgences, réanimation médicale, Samu et Ehpad. Cette cellule se réunit tous les jours, jusqu’à trois fois en une journée durant les crises. Elle prend des décisions importantes.

Comment sont rythmées vos journées ?

Tous les matins, on a les yeux rivés sur les chiffres du Covid. Parfois, on se réveille aussi durant la nuit, avec angoisse. On se demande si on a pris la bonne décision. On ne connaissait rien de cette maladie. Les informations du ministère qu’on recevait évoluaient parfois au jour le jour. Elles étaient parfois contradictoires. Une incertitude permanente, difficile à gérer. Au printemps, on a passé une journée à calculer la consommation de masques, par jour et par semaine, pour les 7 000 professionnels du CHRU. Cette crise a été constituée de milliards de points de détail !

Comment gérer une épidémie alors que vous êtes chirurgien orthopédique ?

Durant dix ans, j’ai géré un microservice sur les infections osseuses au sein du service de maladies infectieuses et tropicales du CHRU. Ça facilite les échanges. Je connais très bien les infectiologues ! La cheffe du service a été ma conseillère technique durant toute la crise.

Comment qualifier la stratégie du CHRU ?

Avec les infectiologues, on a mis en place une stratégie très pro-active contre le virus. Objectif : réagir vite ! Dans les Ehpad notamment, nous avons isolé les cas contacts avant que ce soit la norme. Et nous avons mis en place des équipes mobiles, alors que personne ne le faisait. Bilan : il n’y a pas eu de catastrophe sanitaire dans le territoire.

Qu’auriez-vous changé si vous pouviez changer le passé ?

Je n’aurai pas arrêté totalement les activités habituelles de l’hôpital. Certes, ça a permis de dégager des ressources pour le Covid, mais les patients habituels n’osaient plus venir.

Quelle communication ?

Au début, nous étions soumis à un embargo. C’est devenu intenable ! Dès le 6 mars, j’ai commencé une newsletter, interne à l’établissement, avec des chiffres, un état des lieux, et les décisions. Elle a été diffusée aux médecins et cadres. Lors de la deuxième vague, elle a aussi été diffusée auprès des médecins de ville. Ma vie est devenue plus simple quand on a repris en main notre communication. C’est mieux que de courir après le tram pour réexpliquer des choses !

Quel est votre bilan personnel ?

C’est une expérience unique, très fatigante. Heureusement, d’avoir fait des gardes en traumatologie, ça aide à devenir résistant et à durer dans le temps. Je fais aussi du bateau et il faut savoir souffler entre deux grosses tempêtes. Sachant qu’une tempête a toujours une fin…

source: https://www.ouest-france.fr/