• Espagne-Liberté pour Pablo Hasel-(JRCF-17/02/27)

    Mardi 16 février, le rappeur Pablo Hasél a été arrêté après s’être réfugié lundi à l’intérieur de l’université de Lérida. Le 28 janvier dernier le tribunal national en Espagne avait prononcé une condamnation à l’encontre du rappeur espagnol de 9 mois de prison ferme, lui laissant 10 jours pour se rendre volontairement dans un établissement pénitentiaire (1). Que lui reproche-t-on exactement ? Vol à main armé ? Recel d’arme ? Possession de drogue ? Traffic en tout genre ? Blanchiment d’argent ? Rien de tout ça.

    En réalité, Pablo Hasél est un rappeur d’inspiration communiste, engagé dans ses textes, qui n’a de cesse de dénoncer la corruption du pouvoir monarchique en Espagne. Les chefs d’accusation retenus contre lui sont « apologie du terrorisme » ainsi que « diffamation » et « insultes contre la couronne et les autorités de l’Etat ». En effet ses textes, comme ses prises de position sur les réseaux sociaux, font état d’un certain nombre de mention des mots « monarchie » « Bourbon », « ETA », « GRAPO ». Et alors ? n’est-il pas le propre d’une démocratie de garantir la liberté d’expression de ses citoyens ?  N’est-ce pas une condition requise pour appartenir à la grande démocratie libérale qu’est l’Union Européenne ? Tout à fait, comme le souligne lui-même le rappeur « Vous n’avez pas à être d’accord avec moi pour voir que c’est une atteinte à la liberté d’expression »

    Le deux poids, deux mesures

    Alors que la condamnation du rappeur n’avait quasiment pas été relayée par les journaux d’ordinaire si prompts à défendre la liberté d’expression au Venezuela, en Biélorussie, en Chine, ou à Cuba, cette fois-ci les progressistes du Monde et de l’Obs n’ont pu ignorer l’arrestation. Face aux photos du rappeur entouré de policiers lourdement armés il était difficile de continuer à faire l’autruche pour nos donneurs de leçons démocratiques nationaux. Cependant, si la polémique secoue nos voisins de l’autre côté des Pyrénées, soyons sûrs que cette affaire ne fera pas beaucoup plus de bruit dans nos JT.  Nous assistons bel et bien à un « deux poids, deux mesures ». C’est exactement de cela dont il est question, et particulièrement en Espagne. En effet, nous ne pouvons affirmer que la liberté d’expression n’existe pas chez nos voisins, en revanche nous pouvons affirmer que celle-ci est sélective. C’est bel et bien une justice de classe bourgeoise qui vient sanctionner un discours éminemment populaire, d’autant qu’il faut souligner que les peines encourues n’ont pas été réclamées par le parquet. Le silence assourdissant des démocraties voisines raisonne d’autant plus que l’Europe a déjà demandé à plusieurs reprises que les insultes à la couronne soient supprimées des crimes en Espagne. Que dire également du silence de la justice espagnole face aux propos ouvertement racistes du président de Vox, Santiago Abascal, ou des traitements de faveur accordés aux proches du Roi régulièrement accusés de fraudes et de scandales financiers ?

    Pablo Hasél, un cas isolé ?

    Malheureusement non. Tout d’abord la justice Bourbonne n’est pas à son coup d’essai avec le rappeur qui avait déjà été condamné à du sursis. Un autre rappeur, connu sous le pseudonyme de Valtonyc est depuis 2018 exilé en Belgique sous le coup d’un mandat d’arrêt international pour apologie du terrorisme et « injures à la couronne ». La similitude avec Pablo Hasél ne s’arrête pas là puisque Valtonyc se définit lui-même comme « rappeur soviétique ». En revanche, Pablo a déclaré qu’il ne fuirait pas l’Espagne, ni qu’il se rendrait de lui-même à la justice. 13 autres rappeurs, appartenant au collectif « La Insurgencia », ont été condamnés en 2020 pour apologie du terrorisme. En effet, les artistes avaient rendu hommage en chanson à la résistance antifasciste armée de GRAPO face au régime fasciste. De là à dire que l’ombre de Franco flotte toujours au-dessus du pays de Cervantes, il n’y a qu’un pas. Souvenons-nous des mots de Gramsci alors enfermé dans les prisons fascistes mussoliniennes : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

    Et en France, qu’en est-il ?

    Il faut, avant même de parler de la France, souligner que c’est une première en Europe qu’un rappeur se retrouve derrière les barreaux pour sa simple activité d’artiste.
    Après le bataclan on se souvient du tollé médiatique qu’avait provoqué le rappeur Médine avec son morceau « Don’t Laïk », mais qui n’avait donné lieu à aucune poursuite. Encore plus récemment c’est le rappeur Nick Conrad qui avait secoué l’opinion avec son morceau « pendez les blancs » qui avait à juste titre écopé de 5 000 euros d’amende. Enfin, il y a quelques mois c’est le provocateur Freeze Corleone qui avait suscité l’indignation de la LICRA et de Gérald Darmanin (accusé de viol) lors de la sortie le 11 septembre de son album La Menace Fantôme.  En l’occurrence, ce dernier s’était offert un bon coup de pub en étant gratifié par la LICRA de l’adjectif complotiste. Notons que l’association contre le racisme et l’antisémitisme avait volontiers relevé les phrases qui auraient fait état de son « obsession pour les juifs » tandis que ses phrases sur l’esclavage et les suprématistes blancs – qui permettent de comprendre son propos général sur le caractère politique de la sélectivité mémorielle - passaient étrangement entre les mailles du filet (2). Mais le deux poids, deux mesures de la LICRA, qui n’en est pas à son coup d’essai, n’est pas le propos.

    En somme les condamnations contre des rappeurs français n’ont jamais dépassé l’amende, Despo Rutti a payé 40 000 euros à 4 CRS pour sa pochette d’album en 2006, Le ministère AMER a payé 38 000 euros pour Sacrifice de poulets lors de la sortie de La Haine, en 1993 NTM écopait de 7 600 euros pour son titre Police, et les autres plaintes sont restées sans effet (3). A noter qu’un acharnement particulier a eu lieu en 2005 durant les « émeutes de banlieue » (4). Bien souvent ces plaintes résultent d’une volonté de faire taire une parole qui dissone du discours des dominants.

    Malheureusement, il est peu probable en l’état qu’un mouvement de solidarité entre rappeurs naisse en France pour Pablo Hasél trop peu médiatisé, bien qu’en Espagne de nombreux rassemblements et manifestations aient lieu et qu’une tribune a été signée par plus de 200 artistes, notamment par le réalisateur Pedro Almodovar et l’acteur Javier Bardem. Pourtant, nous devons nous alarmer de cette incarcération car elle atteste de la fascisation accélérée qui a lieu partout où l’Union Européenne protège les intérêts bourgeois, et de la répression qui a lieu contre la classe prolétaire, qu’elle porte un gilet jaune ou celui d’un syndicaliste de classe, qu’elle vive en banlieue ou en campagne, qu’elle lutte pour ses droits avec un micro ou un mégaphone. Que l’on soit bien clair, ce que fait la vieille noblesse embourgeoisée et couronnée là-bas, la bourgeoisie élue ici le voudra. Rappelons également que c’est un gouvernement de « gauche » au pouvoir en Espagne, quelle chance ! Ici comme là-bas, n’oublions pas qu’il y a, entre gauche du capital et droite du capital, un dénominateur commun incarné par l’Union Européenne qui fait fi du vieux clivage politique.

    Pour l’heure, nous ne pouvons qu’affirmer en signe de solidarité internationale, aux côtés du rappeur, comme de nos camarades du PCPE (5) : Les bourbons sont des voleurs, à bas les rois, à bas la bourgeoisie et liberté pour tous les prisonniers politiques. Fuerza Hasél!

    Baba- JRCF

     

    (1) https://www.eldiario.es/catalunya/pablo-hasel-orden-prision-no-falta-acuerdo-digo-ver-ataque-libertad-expresion_1_7183337.html

    (2) https://yard.media/story/freeze-corleone-667-polemique-lmf-antisemitisme/

    (3) https://www.franceinter.fr/musique/de-brigitte-femme-de-flic-a-fuck-le-17-toutes-ces-fois-ou-le-rap-a-fait-enrager-la-police-et-l-etat

    (4) https://www.humanite.fr/node/3339594

    (5) https://www.pcpe.es/index.php/comite-central/actualidad/item/2147486279-ante-la-peticion-de-ingreso-en-prision-del-rapero-pablo-hasel

     

     

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