• Hommage. Jacques Prévert n'est pas un poète... (LT.fr-11/04/2017)

    par Hervé HAMON

    Prévert le tendre et l'amoureux des chats cultivait l'obsession farouche de rester artisan pour porter la voix des petits, des faibles. Prévert le tendre et l'amoureux des chats cultivait l'obsession farouche de rester artisan pour porter la voix des petits, des faibles.

    Il y a 40 ans, le 11 avril 1977, disparaissait Jacques Prévert. Notre collaborateur, Hervé Hamon, revient sur la personnalité singulière et attachante de ce scénariste, parolier et poète libertaire à la popularité hors du commun. Popularité d'autant plus remarquable qu'elle n'est pas exempte de quelques amusants paradoxes...

    Il existe, en France, un peu plus de quatre-vingts collèges qui portent le nom de Prévert. Si vous interrogez les enfants des écoles, si vous leur demandez le nom d'un poète, ce n'est pas Paul Éluard, ni Apollinaire qui sortiront. On vous citera les affres du cancre, l'envol de l'oiseau, et le pupitre qui redevient arbre. Et je ne parle pas des Feuilles mortes... Pourtant, c'est là un parfait contresens, une sorte de pirouette improbable. Car l'école, l'essence même de l'école, Prévert n'en voulait pas, lui qui (pourtant bon élève) s'est évadé dès le certificat d'études. On ne l'y reprendrait plus. On ne l'y a jamais repris. C'est qu'il avait, Prévert, une haute idée de l'enfance. Une idée facile à résumer : l'anti-Disney absolu. Il n'a jamais cru que l'enfance était l'âge de la guimauve. L'enfance, chez lui, c'était la frontière indécise entre le rêve et la réalité. De ce flou, il a fait une oeuvre. Prévert le tendre, Prévert qui portait si haut l'amitié, était le contraire d'un indulgent. L'espèce de copain universel en quoi la rumeur l'a transformé est une caricature. Prévert détestait. Et d'abord l'autorité, le militaire, l'académique, le pompeux, le bourgeois, le notable, le curé, et toute cette sorte de choses. Il détestait même l'anar organisé qui lui semblait le comble de la perversion.

    Il s'est éloigné d'André Breton dès que ce dernier a commencé à se prendre pour le pape, fût-il surréaliste. Mais Paris, son Paris, semblait une ville ouverte, où l'on se croisait et se rencontrait le plus naturellement du monde. Toute son existence se conçoit en bande, de Picasso à Paul Grimault, de Montand à Mouloudji, de Desnos à Doisneau. Une bande où l'on partageait, où l'on travaillait, où l'on luttait, avec un sentiment d'évidence.

    Un éclectique forcené

    Prévert était un éclectique forcené. Et si on le dit poète, ce que lui ne disait pas, c'est parce que ses textes, ses chansons ont connu, au lendemain de la guerre, un succès déraisonnable. Prévert est dans la Pléiade, aujourd'hui. Ça le ferait un brin rigoler. Parce que son métier, celui qu'avouait son passeport, était « auteur de films ». Auteur de « Quai des brumes » ou des « Enfants du paradis », sans oublier « Le Jour se lève ». Avec ses copains Carné, Gabin, Arletty, Michel Simon. Avec Pierre Prévert, son frère et son meilleur ami. Il cultivait l'obsession farouche de rester artisan pour porter la voix des petits, des faibles. Au théâtre, avec le Groupe Octobre, au cinéma, dans ses écrits. Sans parti, sans obédience, sans commander à personne ni obéir à personne. Ni Staline, ni Hitler, ni Dieu, ni le Capital, ni la France coloniale. Fidèle à ses amis qui se reconnaîtront, disait-il, et à ses ennemis qui se reconnaîtront aussi. Fidèle à la beauté, et à la mer qu'il aima si fort.

    source: letelegramme.fr

    « Jacques Prévert. Un Breton de Paris (LT.fr-15/01/2017)Prévert. Siam, "rue chaude" de Brest devenue "boulevard glacé" [Vidéo] (LT.fr-11/04/2017) »
    Partager via Gmail Yahoo!

    Tags Tags :
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :