• Trois mois après le début de la guerre en Ukraine, où en sont les Etats-Unis ? La question est d’importance, parce que, de fait, plus que les pays de l’Union européenne, plus que l’Union européenne elle-même, trop divisée pour exister diplomatiquement, les Etats-Unis sont des acteurs externes majeurs au coeur de ce conflit. Avant son éclatement, nous avions discuté avec notre confrère Chris dit “Politicoboy”, journaliste et ingénieur économiste, animateur de la newsletter Old Fashioned et co-auteur du livre Les illusions perdues de l’Amérique démocrate.

    Soyons honnêtes : ni lui ni nous n’imaginions que Vladimir Poutine allait faire le choix d’envahir l’Ukraine, et d’être celui par qui le scandale arrive. Mais vu que Chris est surtout un bon connaisseur des Etats-Unis, il s’inquiétait de ce que certains groupes d’intérêt américains semblaient être enthousiastes à l’idée d’une guerre. Pour des raisons idéologiques et économiques.

    Pour éviter tout malentendu, Chris considère que Vladimir Poutine est le premier responsable de la guerre en Ukraine, des morts et des destructions qui ont suivi. Mais il continue d’observer et de dénoncer l’emballement guerrier qui règne en Washington. “Ukraine : les Etats-Unis comptent faire la guerre jusqu’au dernier ukrainien”, écrivait-il en ce début de mois. Pourquoi le pense-t-il ? Il développe ses arguments dans cette vidéo.

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  • Sur l'élargissement annoncé de l'OTAN à la Finlande et à la Suède
    16 mai 2022

    Réitérant ses positions concernant la situation en Europe et le conflit en Ukraine, le PCP condamne l'escalade actuelle de la guerre et du militarisme, contraire aux intérêts des travailleurs et des peuples, et met en garde contre les graves dangers qu'une telle escalade comporte, en particulier vers d'autres niveaux de confrontation plus globaux.

    L'élargissement annoncé de l'OTAN à la Finlande et à la Suède non seulement n'apporte pas la sécurité, mais représente également une grave augmentation de la tension en Europe et au niveau international. S'il se concrétise, il signifiera un saut qualitatif dans le processus d'élargissement de l'OTAN, qui conduit à la présence de ce bloc politico-militaire à proximité des frontières de la Fédération de Russie, l'un des facteurs de la dégradation de la situation en Europe et de la guerre actuelle en Ukraine.

    L'élargissement de l'OTAN à la Finlande et à la Suède remet en cause la neutralité traditionnelle de ces deux pays nordiques - rappelons que la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe s'est tenue à Helsinki, en Finlande, entre 1973 et 1975, et que les principes des relations, de la sécurité et de la coopération ont été consacrés dans son Acte final -, marque un tournant drastique dans leur politique étrangère qui, de manière significative, est menée de manière précipitée et empêche les peuples de ces pays de pouvoir se prononcer sur une décision aux conséquences aussi inquiétantes pour eux-mêmes et pour tous les autres peuples d'Europe.

    Le premier élargissement de l'OTAN après l'éclatement de l'Union soviétique a eu lieu en 1999, accompagné des bombardements illégaux de l'OTAN sur la Yougoslavie, qui ont amené la guerre en Europe pour la première fois après la Seconde Guerre mondiale et ont servi à imposer la désintégration de la Yougoslavie.

    Les cinq élargissements de l'OTAN depuis 1999 non seulement violent les engagements pris depuis la fin de la République démocratique allemande et son intégration dans la République fédérale d'Allemagne, en 1990, mais ils se sont également accompagnés de la promotion de forces hostiles à la Fédération de Russie, y compris de forces ouvertement fascistes qui idolâtrent les collaborateurs nazis de la Seconde Guerre mondiale. Ils se sont également accompagnés d'une multiplication des manœuvres, du déploiement d'équipements et des provocations militaires de plus en plus près des frontières de la Fédération de Russie.

    L'élargissement de l'OTAN à la Finlande et à la Suède n'est pas une question nouvelle, déterminée par un besoin de sécurité. Au contraire, il s'inscrit dans la continuité d'un processus qui a débuté en 1994, lorsque la Finlande et la Suède ont adhéré à ce que l'on appelle le Partenariat pour la paix de l'OTAN. Comme le souligne l'OTAN elle-même, les deux pays ont été "l'un des partenaires les plus actifs" de ce bloc politico-militaire, notamment en participant à ses occupations dans les Balkans, en Afghanistan ou en Irak.

    Le nouvel élargissement annoncé de l'OTAN s'accompagne d'une augmentation brutale des dépenses militaires de ses pays membres. L'argent qui n'existe prétendument jamais pour augmenter les salaires, renforcer les systèmes de santé publique, de sécurité sociale et d'éducation, ou d'autres investissements sociaux, est miraculeusement trouvé pour financer les dépenses bellicistes. L'augmentation des dépenses pour la machine de guerre des puissances de l'OTAN, en plus de représenter une escalade des dangers de la guerre, servira également de prétexte à de nouvelles attaques contre les conditions de vie des travailleurs et des peuples.

    Le PCP souligne que l'escalade actuelle du militarisme et de la guerre est inséparable de l'approfondissement de la crise structurelle du capitalisme et du refus des puissances impérialistes d'accepter la réalité d'une nouvelle corrélation des forces au niveau international. Les États-Unis et les grandes puissances de l'UE cherchent à contrer leur déclin relatif et à affirmer par la force une domination hégémonique planétaire qui ne correspond plus aux nouvelles réalités économiques, comme le montre également l'escalade ouverte des États-Unis et de leurs alliés contre la République populaire de Chine, notamment en ce qui concerne Taïwan.

    Le PCP déplore l'engagement explicite du gouvernement portugais dans ce nouvel élargissement de l'OTAN et l'escalade de la confrontation, dans une expression claire de soumission aux intérêts américains. Les travailleurs et le peuple portugais savent ce que représente l'OTAN, tant lorsque l'adhésion du Portugal en 1949 à cette alliance agressive a été utilisée pour soutenir la dictature fasciste, que lorsque, en plein milieu de la Révolution d'avril, elle a émis des menaces contre la jeune démocratie portugaise.

    Le PCP appelle au renforcement de la lutte pour la paix, contre l'escalade de la guerre, la course aux armements, l'augmentation des dépenses militaires, contre l'autoritarisme et la promotion des forces fascistes et fascisantes, pour la fin des blocs politico-militaires, pour un désarmement général, simultané et contrôlé.

    C'est aux peuples d'avoir la parole déterminante dans la construction de l'Histoire. Il est urgent d'arrêter le chemin vers l'abîme dans lequel l'impérialisme veut conduire l'Humanité.

     

    source en anglais : https://www.pcp.pt/en/announced-enlargement-nato-finland-and-sweden

    source en français : http://mouvementcommuniste.over-blog.com/

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  •  Chili : Une mesure désespérée pour empêcher les changements-par Alejandro Baeza  (resumen 25/05/22)

    Par Alejandro Baeza

     

    À un peu plus de trois mois du plébiscite lors duquel les peuples du Chili devront décider s’ils approuvent ou non la proposition de nouvelle Constitution, la dernière mesure qu’essaie d’imposer la classe politique, dans un geste absolument antidémocratique, est l’idée que ce doit être le Congrès qui réforme la Constitution à peine approuvée. Elle essaie de réduire ainsi au minimum la capacité réelle de changement dans le nouvel ordre politique du pays.

    La bataille de la classe politique traditionnelle chilienne représentante du statu quo concentre en ce moment son énergie sur la Commission des Règles Transitoires de la Convention Constitutionnelle, une instance qui travaille à la coordination nécessaire pour la mise en place de la nouvelle Constitution au cas ou elle serait approuvée le 4 septembre.

    Même si dans ce qu’on appelle « L’accord pour la paix » du 15 novembre 2019, la classe politique a cédé comme elle ne l’avait jamais fait dans toute son histoire pour donner un espace institutionnel au processus constituant que les peuples du Chili avaient déjà engagé, la droite a mis comme condition que les articles soient approuvés par deux tiers des voix en session plénière, croyant qu’elle obtiendrai les 50 voix nécessaires pour bloquer les transformations réelles.

    Comme cela n’est pas arrivé, la principale barrière que l’élite chilienne a instaurée pour freiner les changements réels fut le Parti Socialiste, l’ancienne Concertation et dans une bonne mesure certains secteurs du Front Large. Mais les changements obtenus par le nouveau pacte social sont suffisants pour que les grands pouvoirs économiques fassent l’impossible pour qu’ils ne soient pas appliqués non seulement grâce à une campagne agressive contre la Convention et en faveur du rejet de ses mesures dans ses médias et dans ses instituts de sondage mais en exerçant son influence à l’intérieur de l’organisme pendant tout le débat, jusqu’à aujourd’hui et alors que le premier brouillon de propositions de nouvelle Constitution a déjà été remis.

    Même s’il y a eu des tentatives ratées comme « Jaunes pour le Chili » ou « troisième voie » et d’autres pour faire monter des critiques de personnes non associées à la droite classique, elles n’ont pas accroché et ils n’ont pas réussi à se transformer en acteurs d’intérêt.

    Mais ces secteurs ont habilement compris que leur bataille, ils peuvent la livrer maintenant à la Commission des Règles Transitoires où ils essaient de n’importe quelle façon de faire croire, essentiellement à travers des personnalités de l’ancienne Concertation, qu’il serait prudent que ce soit l’actuel Congrès qui applique les réformes du texte plébiscitées pour limiter certains des points qui leur paraissent « conflictuels », une idée absolument antidémocratique. Pourquoi ? Parce que la nouvelle Constitution définit de nouvelles institutions non seulement à cause de l’élimination du Sénat, de la parité et des sièges réservés (ce qui serait la base pour avoir la légitimité de réformer) mais parce qu’elle applique une série de changements et dans certains cas reformule complètement la façon d’administrer l’État.

    L’actuel pouvoirs législatif est sortant. Comment les sénateurs pourraient-ils décider si leur poste lucratif assuré pour 8 ans continuera d’exister et de ce qui va se passer avec leur charge à la chambre des Régions? Là se trouve clairement le schéma antidémocratique de cette proposition 

    Il faut, avant d’envisager de faire n’importe quelle réforme, d’abord réaliser des élections sous le nouveau système. Le Pouvoir Constituant est en soi au-dessus de toute institution du pouvoir de la Constitution de Pinochet à la retraite. Ce serait non seulement un attentat contre la démocratie mais aussi contre toute logique que l’actuel Congrès puisse avoir une quelconque influence.

    Les actuels législateurs ne peuvent pas non plus automatiquement faire partie de la prochaine institution car de nouvelles attributions constitutionnelles exigent qu’on réinvente les charges en elles-mèmes: le nouveau Congrès des députés ne sera pas le même que l’actuelle chambre basse, il va avoir de nouveaux rôles, de nouvelles attributions, par conséquent les gens qui postulent à ces charges doivent en accord avec les propositions faites à l’électorat dans cette nouvelle entité.

    La manœuvre actuellement en marche est très grave. Si elle réussit à s’installer, la vérité est que voter « J’approuve » ne vaudra rien, et alimentera de façon importante la rage et le mal-être social qui n’a pas disparu après l’explosion sociale. Les peuples du Chili doivent faire valoir leurs droits de n’importe quelle façon, nous ne pouvons pas permettre qu’à nouveau l’élite passe par-dessus notre souveraineté et écrase nos décisions quand elles ne leur conviennent pas. Soyons attentifs.

     

    Alejandro Baeza

    Source en espagnol :https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/05/25/chile-reformar-la-nueva-constitucion-en-el-actual-congreso-la-ultima-desesperada-medida-de-los-poderes-facticos-del-statu-quo-para-impedir-cambios/

    Source en français (Traduction de Françoise Lopez) :http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/05/chili-une-mesure-desesperee-pour-empecher-les-changements.html

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    •  

      L’ancien président des Etats-Unis George W. Bush a défrayé la chronique ces derniers jours. D’abord par un retentissant lapsus qui lui a fait confondre l’invasion de l’Ukraine avec celle de l’Irak. Ensuite en se lâchant auprès d’un humoriste russe qu’il prenait pour Volodymyr Zelensky. Décryptage.

       

       

      source: https://www.investigaction.net/

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    • Avec sa stratégie visant à « affaiblir » la Russie, le président américain risque de transformer la guerre en Ukraine en une guerre mondiale.

      Source : Foreign Policy, Michael Hirsh
      Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

      Le président américain Joe Biden rencontre le secrétaire à la Défense Lloyd Austin, le président des chefs d’état-major interarmées Mark Milley, des membres des chefs d’état-major interarmées et des commandants de combat à la Maison Blanche à Washington le 20 avril. WIN MCNAMEE/GETTY IMAGES

      Par une série de changements spectaculaires cette semaine, le président américain Joe Biden et ses alliés de l’OTAN ont transformé leur politique d’aide à la défense de l’Ukraine contre l’agression russe en une politique visant à saper le pouvoir et l’influence de la Russie elle-même. Ce faisant, certains observateurs craignent qu’ils ne laissent au président russe Vladimir Poutine guère d’autre choix que de se rendre ou de redoubler d’efforts sur le plan militaire, ce qui laisse entrevoir la possibilité d’étendre sa guerre au-delà de l’Ukraine.

       

      Jeudi, Biden a exhorté le Congrès à fournir 33 milliards de dollars d’aide militaire, économique et humanitaire supplémentaire à l’Ukraine, soit plus du double du montant précédent, et a déclaré qu’il envoyait un message clair à Poutine : « Vous ne réussirez jamais à dominer l’Ukraine ». Au-delà de cela, a déclaré Biden lors d’une allocution à la Maison-Blanche, la nouvelle politique vise à « punir l’agression russe, à réduire le risque de conflits futurs. »

      Cette déclaration fait suite à celle, tout aussi claire, du secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, qui, à l’issue d’une rencontre à Kiev avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a déclaré que l’objectif des États-Unis était désormais de réduire la puissance de la Russie sur le long terme afin qu’elle n’ait pas la « capacité de reproduire » son assaut militaire contre l’Ukraine. « Nous voulons voir la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse pas faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine », a déclaré Austin lors d’une escale en Pologne.

      C’est peut-être ce qui a incité le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, à déclarer après coup que Washington et l’Occident étaient entrés dans une guerre « par procuration » avec la Russie, risquant une nouvelle guerre mondiale qui, selon Lavrov, pourrait devenir nucléaire. « Le danger est sérieux, réel. Et nous ne devons pas le sous-estimer », a déclaré Lavrov. Poutine a également laissé entendre cette semaine, comme il le fait depuis le début de son invasion le 24 février, qu’il avait toujours la possibilité d’utiliser des armes nucléaires contre l’OTAN, en déclarant : « Nous avons tous les instruments pour cela [répondre à une menace directe contre la Russie] – des instruments dont personne d’autre ne peut se vanter. Et nous les utiliserons, si nous le devons. »

      La nouvelle approche agressive des États-Unis a été applaudie par de nombreux milieux, notamment par des responsables actuels et anciens de l’OTAN qui insistent sur le fait que les contre-menaces nucléaires russes ne sont que de la rhétorique vide.

      « C’est la seule façon d’aller de l’avant », a déclaré l’ancien secrétaire général de l’OTAN, Anders Fogh Rasmussen, dans un entretien. « Dans la pensée de Poutine, cela ne fait aucune différence, car il ne ferait que prétendre que la politique occidentale vise de toute façon à affaiblir la Russie. Alors pourquoi ne pas en parler ouvertement ? L’erreur que nous avons commise par le passé a été de sous-estimer les ambitions de Vladimir Poutine, de sous-estimer sa brutalité. Dans le même temps, nous avons surestimé la force de l’armée russe. »

      La nouvelle stratégie des États-Unis et de l’OTAN repose en partie sur le succès continu de l’Ukraine sur le champ de bataille contre Poutine, qui a été contraint de réduire ses ambitions, passant d’une prise de contrôle totale de l’Ukraine à un nouvel assaut majeur dans ses parties orientale et méridionale. Les alliés de l’OTAN, dont l’Allemagne, qui, jusqu’à cette semaine, avaient hésité à envoyer des armes offensives lourdes en Ukraine, ont augmenté leur aide en réponse. Le chancelier allemand Olaf Scholz, soumis à des pressions politiques en Allemagne et à l’étranger, a annoncé en début de semaine que son pays allait fournir 50 chars antiaériens à l’Ukraine.

      Pourtant, d’autres experts de la Russie se sont inquiétés du fait que les États-Unis et leurs alliés occidentaux franchissent, en fait, les lignes rouges qu’ils ont évitées jusqu’à présent. Pendant la majeure partie du conflit de deux mois, Biden a refusé d’autoriser tout soutien militaire, tel que des armes offensives majeures ou une zone d’exclusion aérienne, qui pourrait être perçu comme mettant les forces américaines ou de l’OTAN en conflit direct avec la Russie. Aujourd’hui, certains observateurs craignent qu’avec l’aide supplémentaire et le durcissement des sanctions économiques, le président américain ne pousse Poutine dans un coin où il ne peut que se battre ou se rendre. Cette dernière solution signifierait que Poutine renoncerait à l’objectif qu’il s’est fixé tout au long de sa carrière, à savoir renforcer la Russie contre l’Occident. Pourtant, Poutine, qui a longtemps affirmé que l’objectif de l’Occident était d’affaiblir ou de contenir la Russie, n’a jamais été connu pour se résigner au cours de sa quinzaine d’années d’actions agressives contre les pays voisins, principalement l’Ukraine et la Géorgie.

      « Aux yeux du Kremlin, l’Occident veut la peau de la Russie. Avant, ce n’était pas exprimé. Maintenant, c’est dit », a déclaré Sean Monaghan, expert de l’Europe au Center for Strategic and International Studies. « Si vous combinez cela avec les commentaires de Biden, lors de son sommet en Pologne le mois dernier, selon lesquels « cet homme [Poutine] ne peut pas rester au pouvoir », tout cela transforme cette guerre territoriale en une confrontation plus large et pourrait rendre la négociation d’un accord pour mettre fin à la guerre en Ukraine beaucoup plus difficile, voire impossible à l’heure actuelle. » (Des responsables de Biden ont déclaré par la suite que le président ne cherchait pas un changement de régime en Russie).

      George Beebe, ancien chef de l’analyse de la Russie pour la CIA, a déclaré que l’administration Biden risquait d’oublier que « l’intérêt national le plus important des États-Unis est d’éviter un conflit nucléaire avec la Russie ». Il a ajouté que « les Russes ont la capacité de faire en sorte que tous les autres perdent s’ils perdent aussi. Et c’est peut-être là que nous nous dirigeons. C’est un virage dangereux à prendre. »

      La tournure la plus inquiétante des événements est sans doute le fait qu’il ne semble plus y avoir de possibilité d’une issue négociée à la guerre, malgré la déclaration de Poutine au secrétaire général des Nations Unies en visite, António Guterres, selon laquelle il espère toujours une telle solution.

      « C’est une chose de poursuivre une politique d’affaiblissement de Poutine, c’en est une autre de le clamer. Nous devons trouver un moyen pour que Poutine parvienne à une solution politique, il n’est donc peut-être pas sage de l’affirmer », a déclaré un haut diplomate européen, sous couvert d’anonymat.

      « C’est de plus en plus dangereux », a déclaré Charles Kupchan, ancien haut fonctionnaire américain et désormais spécialiste des relations internationales à l’université de Georgetown. « Nous devons commencer à aller au-delà des Javelins et des missiles antichars et parler d’une fin de partie politique ». Ou, comme l’a dit Beebe, « nous devons trouver un moyen de faire comprendre discrètement aux Russes que nous serions prêts à alléger les sanctions dans le cadre d’un règlement international. L’aide militaire à l’Ukraine pourrait également être utilisée comme levier. »

      Pourtant, une telle négociation semble moins probable que jamais. Les deux parties semblent se préparer à un long combat. Après avoir rencontré Poutine et Lavrov mardi, António Guterres a reconnu qu’un cessez-le-feu imminent n’était pas dans les plans et que la guerre « ne se terminera pas par des réunions. »

      Il y a seulement un mois, Zelensky lançait l’idée d’une Ukraine neutre qui ne rejoindrait pas l’OTAN, et il a suggéré que les forces séparatistes dans l’est de l’Ukraine soient reconnues. Mais Zelensky a depuis déclaré au président du Conseil européen, Charles Michel, qu’à la lumière des atrocités commises par la Russie, l’opinion publique ukrainienne était opposée aux négociations et favorable à la poursuite de la guerre.

      Entre-temps, la Finlande et la Suède ont indiqué qu’elles souhaitaient rejoindre l’OTAN, rompant ainsi avec leur politique de non-alignement de longue date et créant potentiellement un nouveau climat de tension le long de la frontière nord de la Russie. Cela porterait un coup dévastateur à Poutine, qui a souvent cité l’expansion de l’OTAN vers l’est comme un casus belli pour justifier son invasion à grande échelle de l’Ukraine.

      Et il y a peu de chances que ces tensions s’apaisent de sitôt. Austin a également convoqué cette semaine un « groupe de contact sur l’Ukraine » composé de 40 pays qui se préparent à ce que le chef d’état-major interarmées Mark Milley a déclaré être un « conflit prolongé » qui se mesurera « au moins en années. »

      Biden n’a pas dit quelle serait la réponse des États-Unis si Poutine déployait des armes nucléaires tactiques ou stratégiques. En outre, dans l’environnement de l’après-Guerre froide, aucune des deux parties n’a établi de règles claires pour le déploiement d’armes nucléaires, d’autant plus que les accords d’armement de l’époque de la Guerre froide, tels que le traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire, ont été mis en veilleuse et que les vecteurs d’armes nucléaires sont devenus plus rapides et davantage régis par des systèmes automatiques numérisés. Dans le cadre d’une politique du Kremlin connue sous le nom  » d’escalade pour désamorcer » – menacer de recourir à l’arme nucléaire si l’Occident tente de l’arrêter –, Poutine a réintroduit année après année les armes nucléaires dans ses plans de guerre conventionnelle. Au cours de ses deux décennies au pouvoir, il a autorisé la construction de missiles de croisière à propulsion nucléaire, de torpilles transocéaniques à armement nucléaire, de vecteurs hypersoniques et d’autres armes nucléaires de faible puissance sur le continent européen.

      Pourtant, Poutine n’a jamais été aussi près de menacer de les utiliser, et il n’a jamais clairement indiqué s’il pourrait le faire ou comment. Jusqu’à la crise ukrainienne, les stratèges américains n’avaient pas considéré leur déploiement comme une menace crédible. La plupart d’entre eux pensent que Poutine commencerait par utiliser des cyberattaques ou d’autres capacités non nucléaires.

      De nombreux experts disent également qu’ils ne pensent pas que le président russe tirerait un grand avantage de l’utilisation d’armes nucléaires tactiques à l’intérieur de l’Ukraine – et il est considéré comme un acteur suffisamment rationnel pour ne jamais envisager de lancer des missiles balistiques intercontinentaux à charge nucléaire sur les États-Unis. Mais Poutine a également indiqué par le passé qu’il ne pouvait accepter la séparation d’une Ukraine indépendante du contrôle russe, écrivant dans un texte de juillet 2021 qu’un tel développement serait « comparable dans ses conséquences à l’utilisation d’armes de destruction massive contre nous. »

      Robert Gallucci, ancien négociateur en chef des armes nucléaires aux États-Unis, a déclaré que les menaces nucléaires russes constituent une nouvelle tactique et qu’elles « devraient être prises au sérieux si nous devions nous impliquer directement dans un conflit avec les forces russes en Ukraine ou dans les environs, c’est-à-dire sur ou au-delà de la frontière russe. »

      Beebe, qui est actuellement directeur de la haute stratégie au Quincy Institute for Responsible Statecraft, a déclaré qu’il pensait que l’issue se traduirait très probablement par une impasse volatile – mais qui pourrait bien être plus instable et plus dangereuse que la majeure partie de la Guerre froide. « Le plus probable est que nous nous retrouvions dans une sorte de confrontation instable à long terme qui divise l’Ukraine et l’Europe, où il n’y a pas de règles du jeu », a-t-il déclaré. « Il ne s’agit pas tant d’une nouvelle Guerre froide que d’une plaie purulente en Europe. »

      Les choses pourraient devenir encore plus délicates si un Occident nouvellement enhardi et l’OTAN étendaient leur influence au-delà de l’Europe, de l’Asie centrale et du Moyen-Orient pour atteindre l’Indo-Pacifique, comme l’a suggéré la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, dans un discours prononcé cette semaine. Truss a déclaré que « l’OTAN doit avoir une perspective mondiale, prête à faire face aux menaces mondiales. Nous devons anticiper les menaces dans la région indo-pacifique, en travaillant avec nos alliés comme le Japon et l’Australie pour assurer la protection du Pacifique. Et nous devons veiller à ce que des démocraties comme Taïwan soient en mesure de se défendre. »

      Cela soulève à son tour la perspective d’une Guerre froide mondiale prolongée avec non seulement la Russie mais aussi la Chine. Et cette guerre pourrait facilement devenir chaude, a déclaré Beebe, les États-Unis et leurs alliés étant confrontés à une alliance entre « une Russie riche en ressources et une Chine technologiquement et économiquement puissante. »

       

      Michael Hirsh est un correspondant principal de Foreign Policy. Twitter : @michaelphirsh

      Source : Foreign Policy, Michael Hirsh, 29-04-2022

      Traduit par les lecteurs du site Les-Crises

       

      source:  https://www.les-crises.fr/

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    • Interview de Raul Pont sur la candidature de Lula - Lucio Garriga   (Les2Rives-6/05/22)Lula est candidat à l'élection présidentielle d'octobre 2022. Son colistier à la vice présidence est un libéral. L'analyse de Raul Pont, membre fondateur du PT et ex maire de Porto Alegre

      Après avoir passé 580 jours en prison et après n'avoir pas pu participer aux élections de 2018, l'ancien président Luiz Inácio Lula da Silva va lancer sa candidature avec son ancien rival au second tour de 2005, Geraldo Alckmin, comme vice-président pour remporter les élections d'octobre. "C'est une alliance très douteuse, mais nous devons tout faire pour vaincre Jair Bolsonaro", a admis à Letra P Raúl Pont, l'un des fondateurs du Parti des travailleurs (PT) et actuel membre de sa direction nationale. Il a précisé que dans les rangs dirigés par l'ancien dirigeant de la métallurgie, des voix dissidentes s'élèvent concernant le pacte avec l'ancien gouverneur de Sao Paulo, proche de l'establishment politique et économique.

      M. Pont, ancien maire de Porto Alegre, a déclaré que son pays "est un chaos" et qu'il subit "un désastre éthique, moral et administratif" à cause d'un gouvernement "ultra-libéral". Dans ce contexte, il a déclaré que la candidature de Lula da Silva "gagne beaucoup de force" pour l'emporter au premier tour, tout en estimant que l'alliance ne sera pas exempte de difficultés internes comme celles qu'a connues le Frente de Todos (FdT) en Argentine. "L'hégémonie du PT et de Lula a fixé des conditions très particulières pour le prochain gouvernement", a-t-il dit, tout en rappelant que l'ancien président "a signé devant les syndicats qu'il s'engage à abroger les réformes du travail de Michel Temer et Bolsonaro". En tout cas, Raul Pont a prévenu : "Je ne mets pas les mains au feu pour Alckmin".

      Comment analysez-vous la situation actuelle au Brésil ?

      La pandémie a eu un impact considérable sur l'économie, l'emploi et la qualité de vie de la population. Le Brésil a perdu près de 700 000 personnes à cause du covid-19 et l'économie prend une direction qui est la pire possible car elle génère du chômage et des inégalités sociales. Nous avons un gouvernement ultra-libéral et la répartition des richesses et la politique d'incitation qu'il pourrait faire, il ne la fait pas. Nous connaissons actuellement une période d'inflation que nous n'avons pas connue depuis de nombreuses années et nous, les salariés et les retraités, sommes les premiers à payer. Seuls les banquiers et le secteur financier, qui vivent des taux d'intérêt, et le secteur agroalimentaire, qui exporte, se portent bien ici. Le pays est très mal en point, c'est pourquoi les idées de Lula et du front de gauche gagnent tant de force.

      Dans ce contexte, Lula lancera-t-il sa candidature samedi 7 mai 2022?

      Oui, il sera candidat. La décision a déjà été prise. Samedi, nous allons avoir un acte de ratification avec les membres des autres formations qui composent le front : le Parti communiste du Brésil (PCdoB) et le Parti vert, avec un grand degré d'unité et de coordination avec le Parti socialiste brésilien (PSB), qui présente Alckimn comme vice-président.

      Que va apporter Alckmin à la candidature de Lula ?

      La direction nationale (du PT) pense qu'il peut attirer une bonne partie des votes à São Paulo, qui est le plus grand État du pays et où nous avons le plus souffert de la campagne contre Lula. Pour ma part, je pense que ça n'apporte pas grand-chose, mais c'est un signe pour diminuer la critique selon laquelle Lula vient casser tout ce qui a été fait avec Temer et Bolsonaro et que c'est un gauchiste. Il y a là quelque chose à gagner car Alckmin est un homme très reconnu par la vieille social-démocratie brésilienne. La grande majorité du PT votera pour accepter la position du PSB et le présenter comme vice-président. On ne gouverne pas São Paulo trois fois sans rien, cet homme a du poids.

      Êtes-vous d'accord pour qu'il soit le colistier ?

      Une partie de la Direction nationale a pensé qu'il serait préférable d'avoir une candidature qui exprime mieux la résistance à Bolsonaro dans les deux grands fronts de ces dernières années, comme le Front Brésil sans peur et le Front Brésil populaire, qui implique les syndicats et les mouvements populaires qui ont résisté aux politiques de Temer et de Bolsonaro. Il me semblait qu'une personne issue de ces secteurs serait préférable, mais la majorité du parti a choisi d'accepter la proposition du PSB.

      En Argentine, le gouvernement du FdT ne fonctionne pas de la meilleure façon, pensez-vous que l'alliance entre le PT et Alckmin peut fonctionner ?

      Je suis la situation en Argentine, mais ici l'hégémonie du PT et de Lula dans l'alliance fixe des conditions très particulières pour le prochain gouvernement. Lula a signé devant les syndicats et les travailleurs qu'il s'engage à faire face aux conditions dans lesquelles nous vivons en renforçant la participation populaire au gouvernement, en abrogeant les réformes du travail de Temer et Bolsonaro et en améliorant la sécurité sociale, qui a été très attaquée. Lula ne ment pas, il va le faire parce que sinon nous perdrions la base sociale qui nous fait vivre. Lula a les conditions, même avec Alckmin au gouvernement, pour récupérer une politique sociale développementaliste comme nous l'avons fait dans les premiers gouvernements avec Lula et Dilma (Rousseff). Ce n'est pas une garantie préalable, nous allons devoir nous battre car cela ne va pas tomber du ciel.

      Ne croyez-vous pas qu'Alckmin pourrait être un nouveau Temer* ?

      Il y a eu une décision du parti qui croit et est confiant que nous ne répéterons pas les mêmes erreurs du passé et que nous serons prêts à les affronter. Mais je ne mets pas mes mains au feu pour Alckmin et c'est un réel danger. Il ne s'agit pas d'une invention. C'est une alliance très douteuse. C'est un risque que nous allons prendre, mais nous devons tout faire pour vaincre Bolsonaro. On n'en peut plus. Le pays est un chaos, nous vivons un désastre éthique, moral et administratif.

      Quels seront les défis d'une éventuelle présidence de Lula ?

      Le pire est la loi qui établit des limites aux dépenses dans les domaines sociaux. La loi sur le plafond des dépenses est la pire chose qui aurait pu être faite, car la seule chose qu'elle libère est le paiement de la dette. C'est formidable pour les riches car le gouvernement ne peut pas dépenser pour la santé, l'éducation ou le développement social, mais il n'y a aucune limite dans aucun budget pour payer la dette interne. C'est la première chose que le futur gouvernement devrait changer afin d'agir en faveur des majorités.

       

      *Michel Temer, ancien vice président libéral de Dilma Roussef avait renversé cette dernière avec la complicité du parlement en 2016

      Source: La Letra P - Traduction: Romain Migus

      Source: https://www.les2rives.info/

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    • Les élites péruviennes ne laissent aucune minute de répit au président Castillo pour gouverner. Aux tentatives de le renverser, s'ajoute désormais des manifestations légitimes sur la hausse du prix de l'essence et les aliments. Une partie de la gauche rejoint le bloc bourgeois et favorise ainsi les avancées des secteurs radicaux des néolibéraux.

      Un joyeux bordel analysé par Romain MIGUS

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    • Quelles sont les perspectives pour l’économie russe aujourd’hui ? Deux textes, l’un publié dans l’hebdomadaire russe EKSPERT par des collègues de l’Institut de Prévisions de l’Économie de l’Académie des Sciences (IPE-ASR)[1] et l’autre sur le site de ce même institut, co-écrit par Alexandre Shirov et son équipe[2], permettent de se faire un début d’opinion.

      Quelle baisse pour la production ?

      La première question est naturellement d’évaluer les conséquences des sanctions liées à la guerre en Ukraine sur l’économie russe. On sait, et cela a déjà été dit[3], que la situation du rouble s’est stabilisée dès la fin du mois de mars, grâce aux actions de la Banque Centrale de Russie. Celle-ci a pu desserrer le contrôle des changes mis en place à la fin du mois de février 2022[4]. Néanmoins, des experts russes et étrangers estiment que le choc des sanctions sur l’économie devrait se traduire par une baisse du PIB de -8% à -12%[5]. C’est pourquoi le texte d’Alexandre Shirov et de ses collègues est-il si important car il apport des précisions importantes en la matière.

      Le texte commence donc par constater que « Le déclin de l’économie russe d’ici la fin de l’année en cours de 8 à 10 %, attendu par les experts, ne s’est pas encore reflété dans les statistiques officielles (les calculs sont basés sur les données de Rosstat pour janvier-mars 2022) »[6]. Ce n’est pas à priori trop étonnant compte-tenu du retard de plus d’un mois et demi dans les publications des principaux indicateurs conjoncturels. Il convient d’ailleurs de rappeler que les calculs basés sur des méthodes d’extrapolation de séries temporelles, dans les conditions d’un grand choc exogène, comme celui provoqué par la guerre et les sanctions, ne permettent pas de prendre pleinement en compte les évolutions de l’économie.

      Néanmoins, Alexandre Shirov et ses collègues constatent que, avec une baisse attendue du PIB pour 2022 de 8%, et compte tenu d’une croissance de 4% en glissement annuel au premier trimestre 2022, la baisse au deuxième trimestre par rapport à la période précédente, corrigée des variations saisonnières, devrait être supérieure à 14 % ; après quoi, au cours des III et IV trimestres, il ne devrait pas y avoir de reprise de la croissance de la production. Or, « à partir des données disponibles pour avril 2022 (chargement sur le transport ferroviaire, production de pétrole et production de produits pétroliers, consommation d’électricité, bilan de consommation dépenses), une baisse aussi importante au deuxième trimestre n’est pas encore visible »[7].

      Les statistiques qui sont disponibles en ce début mai indiquent effectivement un ralentissement, mais non une régression, des taux de croissance du PIB en février-mars 2022. Ces taux qui seraient donc passés de 4,3% et 3,1%, par rapport à la même période l’an dernier contre 5% au quatrième trimestre 2021. La baisse dans la prévision du taux de croissance du PIB au 1er trimestre 2022 se monte à environ 1,5% par rapport aux estimations de mars. Elle est « principalement due à une baisse de la production dans le secteur manufacturier (de 0,3 % en mars en glissement annuel après une hausse de 7 à 10 % en janvier-février 2022). Les restrictions sur le transport aérien introduites en Fédération de Russie et à l’étranger ont entraîné une réduction du transport de passagers (de -4 % en mars sur un an) »[8].

      Si l’impact de la guerre et des sanctions est indéniable, il semble cependant être très réduit par rapport à ce qu’annoncent les experts « occidentaux » ou par rapport aux désirs de certains dirigeants, comme M. Bruno Le Maire, le Ministre français des Finances qui avait déclaré le 1er mars dernier que les sanctions allaient « … provoquer l’effondrement de l’économie russe »[9].

      Des perspectives inquiétantes pour l’avenir

      Cependant, les auteurs constatent aussi des éléments négatifs dans l’évolution du commerce de gros comme du commerce de détail, ainsi qu’en ce qui concerne le revenu des ménages. Ici, le ralentissement de la croissance du chiffre d’affaires du commerce de détail est de -3,5% par rapport au mois précédent (+2,2 % en mars sur un an contre +5,7 % en février sur un an) et ce alors que le pic de la demande urgente de produits non alimentaires a été dépassé début mars. De même, on observe une baisse du chiffre d’affaires du commerce de gros (de 0,3 % en mars sur un an) en raison de problèmes de mise en œuvre des activités du commerce extérieur. Enfin, la baisse du revenu monétaire réel disponible pour les ménages est de 1,2 % au premier trimestre 2022 (par rapport au premier trimestre 2021) et la baisse de l’épargne des ménages est de 1 280 milliards, indiquant que ménages ont brutalement désépargné. Tous ces éléments ne contribuent pas à la croissance des dépenses de consommation dans les mois à venir.

      Les auteurs concluent donc que : « Le ralentissement de la dynamique économique en mars 2022 a conduit à une baisse de l’estimation du taux de croissance du PIB en 2022 à +1,3 %. C’est 1,9% inférieur à l’estimation présentée en mars, mais toujours significativement supérieur aux estimations faites à l’IPE-ASR par d’autres méthodes (qui montraient une baisse d’environ -6,0% sous réserve de la mise en place de mesures de soutien de l’État), puisque les chocs externes causés par des facteurs géopolitiques n’ont jusqu’à présent été reflète partiellement dans les statistiques »[10].

      Les auteurs indiquent aussi que les principaux problèmes de développement économique qui vont survenir dans les mois à venir vont être associés à une nouvelle réduction de la production dans un certain nombre de branches industrielles, que ce soit en raison du manque de composants importés, de problèmes d’approvisionnement en équipements et logiciels étrangers ou de la suspension des activités d’entreprises étrangères. Ces facteurs devraient entraîner une baisse de la consommation et de l’investissement. Un autre problème important évoqué est la réduction des recettes d’exportation. Outre les restrictions imposées aux exportateurs de la Fédération de Russie, il existe une remise importante sur les exportations de matières premières russes : le prix du pétrole Brent dépassant les 100 dollars le baril. Le prix moyen du pétrole de l’Oural en avril 2022 n’était que de 70,52 dollars le baril[11].

      Une mobilisation de l’économie ?

      Face à cette situation, les chercheurs de l’IPE-ASR, qui participaient à la 4ème conférence scientifique sur le développement de la Russie qui se tenait à Belokourizhe dans l’Altaï, on écrit – via la plume de Boris Porfiriev, d’Alexandre Shirov et de Valéry Krioukov – un texte important intitulé « Mémorandum pour une croissance souveraine » qui a été publié dans le N°20 de l’influent hebdomadaire EKSPERT le lundi 16 mai[12]. Ce texte commence d’abord par analysé la situation créée par les sanctions dans le long terme.

      Ils analysent ainsi la situation actuelle : « Les bouleversements tectoniques du paysage géopolitique à l’épicentre duquel se trouvait la Russie, ont mis à nu un certain nombre de vulnérabilités de son modèle économique. Nous sommes confrontés à des défis fondamentaux, auxquels une réponse rapide et adéquate est à même d’assurer le développement durable à long terme du pays dans les conditions d’une confrontation frontale avec un bloc de pays « vieux capitalistes » (USA, UE, Canada, Australie, Japon).

      Les sanctions de « l’Occident collectif » ne sont devenues qu’un déclencheur de la mise en œuvre des contradictions et des risques qui se sont accumulés dans l’économie nationale au cours des trois décennies de développement post-soviétique »[13]. Cette analyse est importante pour plusieurs raisons. La première est qu’elle identifie des vulnérabilités, ou ce que les auteurs appellent des contradictions et des risques, du modèle de développement russe qui existaient AVANT le déclenchement de la guerre et des sanctions, mais qui ont naturellement pris une nouvelle dimension avec ces dernières. La seconde est que ces vulnérabilités, si des réponses adéquates leurs sont apportées, ne sont pas de nature à empêcher la Russie de connaître un développement durable dans le futur, développement qui lui permettrait de faire face à la menace exercée par ce que les auteurs appellent les pays « vieux capitalistes » occidentaux. La troisième est néanmoins que ces réponses « adaptées », doivent être prises « rapidement ».

      On est clairement dans une logique d’adaptation structurelle à la nouvelle situation.

      C’est donc bien au développement d’un nouveau paradigme de politique économique, un paradigme qui serait adapté à l’ampleur des problèmes et des nouveaux défis, qu’appellent les auteurs. Ils écrivent aussi : « Ce n’est plus seulement un hommage à la tradition académique, mais une question de survie du pays en tant que centre indépendant de pouvoir et de développement dans un monde en évolution rapide »[14].

      Ce nouveau paradigme, ils décrivent à grands traits en quoi il devrait tendre sans se faire visiblement d’illusions quant à la difficulté de la tâche : « Tout d’abord, la tâche évidente consiste à réduire la dépendance excessive à l’égard des importations de solutions technologiques, de conception et de production prêtes à l’emploi en provenance de pays étrangers industrialisés, afin d’augmenter fortement le niveau de localisation des types critiques de produits étrangers. Dans un contexte plus général, nous parlons de surmonter l’arriéré technologique du noyau de base de l’économie nationale, ce qui sera particulièrement difficile à faire dans le contexte des sanctions et du blocus de l’industrie russe »[15].

      On voit bien que pour les collègues de l’Institut des Prévisions Économiques il faut mettre à profit la situation créée par les sanctions et la tentative d’isolement économique de la Russie impulsées par les pays « occidentaux » pour réaliser le basculement d’une économie dominée par la rente des matières premières vers une réelle économie de production industrielle d’avant-garde.

      Pour cela, ils considèrent qu’il est essentiel de changer les priorités implicites du développement économique. Cela implique de passer du développement des exportations à l’expansion quantitative et géographique, mais aussi à la complexification, du marché intérieur en fonction du développement de la structure productive et technologique des l’économie russe.

      Ceci implique aussi de dépasser la pratique profondément enracinée consistant à utiliser la parité des exportations dans la fixation des prix internes des produits d’un certain nombre d’industries à demande intermédiaire – qu’il s’agisse du raffinage du pétrole, de la métallurgie, de la chimie de gros mais aussi des sous-secteurs des matières premières alimentant le complexe agro-industriel[16]. Ils signalent que le dérapage dans la résolution de ces problèmes pourrait se traduire par une forte aggravation des problèmes économiques de la Russie.

      Des méthodes qui ne sont pas sans ressembler à celles de la planification française

      Il est clair que ceci ne sera pas possible sans une forme de mobilisation de l’économie russe. Le « Mémorandum » en dessine aussi les contours. Ses auteurs écrivent ainsi : « Dans les conditions actuelles, la priorité des objectifs du développement stratégique national sur les intérêts des grandes entreprises est évidente, et ce quelle que soit l’importance des ressources commerciales et administratives dont elles disposent. Dans le même temps, l’État doit créer un environnement attractif pour résoudre la plupart des tâches de modernisation au détriment des ressources des entreprises privées.

      Compte tenu de la taille et de la diversité du pays et de son économie, dans des conditions de restrictions sévères des relations commerciales et économiques avec l’Europe, l’impératif d’une forte augmentation du niveau de développement de la périphérie Nord et Est de la Russie, surmontant la fragmentation de l’espace économique du pays est évidente ».

      Là aussi, il convient de noter deux points importants.

      D’une part, la réaffirmation claire et sans ambiguïtés que l’intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers. Cela peut sembler une évidence. Mais, cela va à contre-sens de l’opinion néo-libérale qui prévalait jusqu’alors en Russie, tout comme dans les pays occidentaux d’ailleurs, et qui voulait que l’intérêt général résulte de l’agrégation des intérêts particuliers, cette agrégation étant laissée au marché. Tel était bien ce à quoi voulait aboutir le plan français dans son origine[17]. D’autre part, on retrouve un souci, maintes fois exprimé, d’une politique d’aménagement du territoire dans un cadre qui n’est pas sans rappeler celui de la DATAR en France. Car, on a tendance à oublier que la France a aussi pratiquée une intense planification territoriale à partir de la fin des années 1950. Sous l’impact du livre-pamphlet Paris et le désert français[18], l’État s’est doté d’organismes de gestion et de planification régionale et territoriale, un processus qui a été formalisé par la création, en 1963, de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale (DATAR) qui devint l’exécuteur des décisions prises par le Comité interministériel permanent pour les problèmes d’action régionale et d’aménagement du territoire(CIAT) qui avait été créé en 1960[19].

      Globalement, on n’est pas si loin que cela de la définition que Jean Monnat donnait du Plan dans un note rédigée à l’été 1946 : « Les nostalgiques, les yeux tournés vers le passé, déplorent l’intrusion de l’État dans la vie économique. Ils regrettent la liberté perdue et critiquent avec une aigreur méticuleuse les frottements inhérents à un dirigisme d’occasion. Les ambitieux, considérant certaines réalisations étrangères ou la cité de leurs rêves, soulignent, au contraire, l’insuffisance des fins que se propose l’État et des moyens qu’il se donne. Le Plan Monnet décevra les uns et les autres.

      Il doit, au contraire, séduire les Français de bon sens pour qui liberté n’est pas anarchie, ni ordre avènement de la bureaucratie. (…)Du libéralisme, 1e Plan rejette le profit comme seule guide de l’économie, mais i1 y recourt comme stimulant. De la bureaucratie, le Plan rejette les interventions envahissantes et tatillonnes. Mais, du dirigisme il retient la nécessité de discipliner la reconstruction au nom du seul critère de l’intérêt général.[20]»

      Une NEP[21] 2.0

      Les auteurs du « Mémorandum » affirment alors un programme clair qui va à rebours de la politique économique mise en œuvre en Russie jusqu’à maintenant. Ils écrivent ainsi : « La situation géopolitique actuelle et les nouveaux défis auxquels le pays est confronté rendent impossible la conduite d’une politique économique basée sur les postulats de base antérieurs à savoir une politique monétaire restrictive, la recherche de la victoire sur l’inflation à tout prix, une consolidation budgétaire marquée par des excédents budgétaires, la suraccumulation de réserves dans les instruments financiers émis par des pays hostiles »[22].

      Il est important de comprendre que dans les tâches urgentes de la politique économique telle que les auteurs la définissent il y a un ensemble de mesures visant à réduire l’impact des restrictions économiques étrangères sur l’économie du pays. C’est clairement un objectif de premier plan. Cela implique tout d’abord le passage d’une politique d’accroissement des exportations, politique qui était celle qui prévalait jusqu’au début de la guerre en Ukraine, à un commerce extérieur équilibré avec les pays qui sont considérés comme « hostiles ». Les recettes des exportations vers ces pays présentent, du fait des sanctions dont on peut penser qu’elles perdureront au-delà de la période active des combats une liquidité limitée pour la Russie ainsi que des risques de blocage qui ont bien été mis en avant par les sanctions financières. Aussi, dans les échanges avec ces pays considérés comme « hostiles », les auteurs du « Mémorandum » conseillent de passer à la formule « matières premières contre importations critiques ». Cela équivaut à un retour à une forme de bilatéralisme mais aussi de clearing dans les échanges. Cette formule est-elle compatible avec les règles de l’OMC, cela reste à voir.

      De même, les auteurs conseillent une réorientation des flux commerciaux vers des pays amis et neutres vis-à-vis de la Russie, réorientation qui doit être activée au maximum. Ils considèrent qu’il est particulièrement important pour la Russie de parvenir à la formation de canaux stables pour l’approvisionnement des importations critiques en provenance des pays amis mais aussi via les pays amis. Dans ce cadre, les auteurs identifient des domaines prometteurs pour une coopération économique étrangère accrue avec la Russie. Ce serait alors le cas de la Chine, mais aussi des pays de l’ASEAN (à l’exception des pays que les auteurs considèrent comme des satellites américains directs), les pays d’Asie du Sud et de l’Est, et principalement de l’Inde. Ils conseillent ici d’aller au-delà du maintien des contacts commerciaux existants et de l’établissement de nouveaux contacts et de passer à l’investissement direct et à la coopération industrielle et technologique, ainsi qu’à la participation mutuelle à des projets dans diverses directions favorisant les transferts de technologie et de compétences. Ils insistent alors sur un point important : « Une attention particulière devrait être accordée à la formation de systèmes de règlement internationaux utilisant des instruments alternatifs aux principales monnaies de réserve. La nécessité de développer une unité de compte unique dans le commerce avec les pays de l’Union Économique Eurasienne et d’autres pays amis, ainsi que le développement d’un système d’opérations de compensation, est fortement mise à jour. [23]»

      Ceci correspond à un vieil objectif économique de la Russie, sur lequel j’avais d’ailleurs été personnellement questionné par le Président Vladimir Poutine lors d’un Club Valdaï en 2011. Ma réponse, une réponse que je continue à maintenir, est que le Rouble russe ne saurait devenir une « monnaie régionale de réserve » qu’à la condition que la dette publique russe atteigne les 25%, voire les 30%. En effet, une monnaie de réserve exige que les Banques Centrales des autres pays puissent détenir des montants importants de la monnaie de réserve, et ceci n’est possible que si le pays émetteur dispose d’une dette publique suffisante, car ces montants sont détenus sous la forme de bons du trésor du pays considéré.

      Vers un « Plan » à la russe ?

      Les auteurs du « Mémorandum » insistent alors sur une mesure urgente dans le domaine de la politique structurelle qui n’est autre que l’utilisation active des mécanismes du système financier pour la création, le renouvellement et le développement d’actifs clés dans les industries de haute technologie. On retrouve ici des mécanismes qui existaient en France dans les années 1950 à 1970[24], et en particulier le fameux « circuit du Trésor »[25]. Ils considèrent qu’avec l’imminence d’une importante restructuration économique, qu’ils appellent de leurs vœux, il n’est plus pertinent de considérer le maintien d’une faible inflation comme l’unique objectif de la politique monétaire. En tant que procédure opérationnelle pour la Banque centrale, ils considèrent qu’il convient d’abandonner le régime de ciblage de l’inflation à ce stade et de passer à une autre politique monétaire qui prenne en compte les variations du taux d’inflation sur la période et prend en compte l’activité économique et l’emploi[26].

      Ils indiquent que les projets dans le domaine de la substitution aux importations dites « critiques » devraient être dotés d’instruments de prêt bonifiés. Parmi les mesures structurelles les plus importantes, il convient également de noter le passage de la justification financière et économique à la justification socio-économique de l’efficacité des projets d’investissement soutenus par l’État. Le critère clé de l’efficacité de tels projets devraient être des paramètres de l’emploi, des revenus de la population et de l’efficacité budgétaire et non ceux de la rentabilité immédiate. De plus, les auteurs appellent à une re-localisation de la production de composants des produits complexes. De ce point de vue, ils considèrent que l’approche la plus prometteuse est basée sur la coopération des efforts des entreprises nationales dans le développement et la production ultérieure de nouveaux types de produits.

      Ils concluent alors : « Ici, nous atteignons objectivement la tâche fondamentale de créer un système unifié de surveillance, de prévision et de gestion du développement scientifique et technologique dans le pays basé sur un système d’information intégré de l’État, de la science et des affaires. Il semble évident qu’il faut créer un organe exécutif fédéral unifié qui déterminerait les grandes orientations du développement scientifique et technologique du pays, accompagnerait leur financement et contrôlerait leur mise en œuvre. Il est extrêmement important de donner un nouvel élan et d’intégrer la science appliquée dans un système unique de progrès scientifique et technique, qui revit activement aujourd’hui dans le contour de l’État et des grandes entreprises privées »[27].

      Ceci décrit, très largement, un mélange entre ce qu’était le Commissariat Général au Plan dans les années 1950 à la fin des années 1970, mais aussi ce que fut la planification japonaise de 1955 au début des années 1970[28].

      Ce « Mémorandum » présente donc un programme économique et institutionnel cohérent qui permettrait à la Russie de faire face avec succès à la situation créée par les sanctions provoquées par la guerre en Ukraine. Mais, il est important de souligner qu’il contient de nombreuses idées qui ont été exprimées, à diverses reprises, des années avant cette guerre. La question qui est donc réellement posée est de savoir si l’urgence de la situation actuelle sera suffisante pour accoucher de ce changement radical dans les paradigmes fondamentaux de l’économie russe.

       

      Source:  https://www.les-crises.fr/

       

      Notes:

      [1] https://expert.ru/expert/2022/20/memorandum-suverennogo-rosta/?mindbox-click-id=960284c6-e235-476c-91ee-6c49216c88c0&utm_source=email&utm_medium=анонс_эксперт&utm_campaign=47_2020&utm_content=неактивные

      [2] https://ecfor.ru/publication/kratkosrochnyj-analiz-dinamiki-vvp/

      [3] https://www.les-crises.fr/qui-est-isole-la-guerre-en-ukraine-dans-son-contexte-geoeconomique-jacques-sapir/

      [4] https://www.cbr.ru/eng/press/pr/?file=13052022_171600ENG_PP16052022_125219.htm et https://www.cbr.ru/eng/press/event/?id=12832

      [5] https://www.latribune.fr/economie/international/l-economie-russe-s-enfonce-inexorablement-dans-la-recession-913818.html

      [6] https://ecfor.ru/publication/kratkosrochnyj-analiz-dinamiki-vvp/ . Traduction personnelle.

      [7] https://ecfor.ru/publication/kratkosrochnyj-analiz-dinamiki-vvp/ . Traduction personnelle.

      [8] https://ecfor.ru/publication/kratkosrochnyj-analiz-dinamiki-vvp/ . Traduction personnelle.

      [9] https://www.france24.com/fr/éco-tech/20220301-pour-bruno-le-maire-les-sanctions-vont-provoquer-l-effondrement-de-l-économie-russe

      [10] https://ecfor.ru/publication/kratkosrochnyj-analiz-dinamiki-vvp/ . Traduction personnelle.

      [11] Ce qui a été constaté sur les contrats passés avec des importateurs indiens de pétrole en particulier.

      [12] https://expert.ru/expert/2022/20/memorandum-suverennogo-rosta/?mindbox-click-id=3a12d0ee-2297-4040-a57d-f11a9c3229bc&utm_source=email&utm_medium=анонс_эксперт&utm_campaign=47_2020&utm_content=неактивные

      [13] Traduction personnelle

      [14] Traduction personnelle.

      [15] Traduction personnelle

      [16] On notera la proximité entre les thèses du « Mémorandum » et un article que j’avais publié il y a plus de dix ans dans la revue de l’IPE-ASR : Sapir J., « Soglasovanie vnytrennykh u mirovykh cen na cyr’evye produkty v strategii yekonomitchekogo razvitija Rossii », [Dynamiques des prix mondiaux et internes des matières premières dans la stratégie de développement économique de la Russie] in Problemy Prognozirovanija, n° 6 (129), 2011, pp. 3-16.

      [17] Bauchet, P., La Planification Française, 20 Ans D’Experience, Paris, Le Seuil, 1962.

      [18] Gravier J-F., Paris et le désert français, Paris, Le Portulan, 1947.

      [19] JORF no 270 du 20 novembre 1960, p. 10363. https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000306952

      [20] AMF 005/002/040, Fonds Jean Monnet, Fondation Jean Monnet, Lausanne.

      [21] Référence, faite dans le Mémorandum, à la « Nouvelle Politique Économique » au début de l’URSS.

      [22] Traduction personnelle.

      [23] Traduction personnelle

      [24] Sheahan, J., Promotion and Control of Industry in Postwar France, Cambridge, Mass., Harvard University Press, 1963, p. 341-342. Delorme, R., L’Etat et l’économie : un essai d’explication de l’évolution des dépenses publiques en France : (1870-1980), Paris, Éditions du Seuil, 1983.

      [25] Lelart M., L’Émission de monnaie dans l’économie française, Paris, Nouvelles Editions Latines, 1966. Plihon D., La monnaie et ses mécanismes, Paris, La Découverte, 2010.

      [26] On lira ici un texte ancien que j’ai écrit sur la nécessité de changer de politique monétaire dans le cas de la Russie : Sapir J., « What Should Russian Monetary Policy Be » in Post-Soviet Affairs, Vol. 26, n° 4, Octobre-Décembre 2010, pp ; 342-372.

      [27] Traduction personnelle

      [28] Sapir J., Le Grand Retour de la Planification ? Paris, Jean-Cyrile Godefroy éditeur, 2022.

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        Beaucoup ont du certainement le remarquer, le système d’information occidental, lorsqu’il s’agit de la guerre en Ukraine, devient atypique ; il n’obéit plus à aucune norme traditionnelle de l’information.

        Avant une information était sourcée, datée, infirmée ou confirmée, validée ou démentie , certifiée, documentée. L’émetteur de l’information engageait sa crédibilité voire, dans certains cas, son honneur professionnel. C’était même là, la différence revendiquée par l’information professionnelle vis-à-vis des réseaux sociaux

        La CIA, une agence de presse

        Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. La CIA et le Pentagone, la direction du renseignement américain sont devenus de véritables agences de presse. Elles en exercent les fonctions. Elles produisent à longueur de journée des informations, des analyses, des prévisions, des anticipations, des communiqués qui sont repris et amplifiés par tous les médias occidentaux sans l’ombre d’une évaluation critique. Lorsque l’information se révèle fausse et quand l’évènement annoncé à grand matraquage informatif, n’arrive pas, on ne s’en émeut même pas, on ne dément rien, on ne s’excuse de rien, on ne met pas en doute la source, et même, spectacle stupéfiant, aberrant, on fait même comme si l’évènement aurait dû se produire. La vérité et le mensonge n’existent plus. La vérité et la réalité sont dissociées. Et, chose extraordinaire, ce n’est pas l’information qui est réinterprétée en fonction des faits, ce sont les faits eux-mêmes qui sont réinterprétés en fonction d’une information dont on ne doute pas un instant de la véracité. Du jamais vu dans l’histoire de l’information.

        Prenons quelques exemples. Un énorme battage est fait plusieurs jours avant sur la célébration du 9 mai en Russie. On annonce que Vladimir Poutine va déclarer la guerre, décréter la loi martiale. On dit qu’il va augmenter la tension autour d’une guerre nucléaire, et, preuve en est, « l’avion de l’apocalypse » ,le QG présidentiel en cas de guerre nucléaire, va apparaitre dans le ciel, lors du défilé. Et en « nouvelle de dernière minute  » la CIA, vient annoncer, partout, que « le défilé des immortels », grand défilé traditionnel de la population, , n’aura pas lieu cette année, « signe d’une crise du pouvoir et d’une hostilité de la population ». Quelle est la source de ces informations, sont-elles documentées ? Rien de tout cela. C’est la CIA qui comme d’habitude, dit « Nous avons des indications que »« nous savons que ». Ils ne savent rien puisque tout cela va se révéler faux. Le discours de Vladimir Poutine va insister sur la paix. Aucune annonce particulière n’est faite. Et même, cerise sur le gâteau, Vladimir Poutine, défile , mêlé au peuple russe, en tête de la marche des immortels, lui aussi brandissant le portrait de son père combattant de « la Grande guerre patriotique » ; Il y a probablement peu de présidents, même dans les pays les plus démocratiques, qui défilent ainsi mêlés à la foule populaire. Il aurait été peut être intéressant pour les commentateurs d’analyser cet aspect de la réalité russe, mais pas du tout. Dans une ambiance surréaliste, les commentateurs reprocheraient presque à Vladimir Poutine de n’avoir pas fait… ce qu’il était prévu qu’il fasse selon la CIA et le Pentagone. Ils le trouvent trop calme, trop faible, mou ! Ils sont…déçus.

        « Nous avons des indications », « nous savons que « 

        Autre exemple, tout récent : le 10 mai , la CIA annonce, c’est la nouvelle ou plus exactement le thème médiatique du jour, et toujours dans ces fameux communiqués de presse, que « des éléments lui font soupçonner la déportation de 1,2 million d’ukrainiens en Russie ». Elle précise en même temps, sans se soucier de l’absurdité d’une telle précision, qu’elle « n’a pas de données concrètes pour affirmer cela ni pour indiquer les lieux de déportation ». Malgré cela, « l’information » est donnée sur le ton affirmatif. Immédiatement tous les médias en Occident reprennent l’annonce, La supposition de départ se transforment peu à peu, sur des plateaux excités, en un fait. On peut même dire qu’elle se développe. On y parle d’abord de « déplacés » et puis très vite de « déportés ». Il n’est évidemment pas question de penser que des réfugiés ( 600 000 selon le Russie) aient pu choisir la Russie comme d’autres la Pologne. Pourquoi « déportés », quel intérêt aurait la Russie à les déporter, la question n’est même pas posée. De toute façon la Russie est un monstre qui n’obéit à aucune valeur humaine et, puis « on sait bien que la déportation est une habitude stalinienne » ? Sur un plateau, celui de LCI, le mot de « camp de concentration « des réfugiés » est même lâché.

        Les exemples de la même teneur et avec les mêmes procédés sont légion : Le mardi 10 mai, la directrice du renseignement américain, Avril Haines, annonce que Vladimir Poutine se prépare à un long conflit, qu’il ne compte pas s’arrêter au Donbass, et qu’il instaurera la loi martiale. Tout cela est dit, devant le Sénat américain, et comme chaque fois, en toute « transparence » comme s’il n’ y avait plus de « secrets défense « . On se trouve là, devant un type de procédés où l’analyse, la prévision, l’anticipation, sont transformées en informations concrètes ( l’argument est que cela « pourrait bien avoir lieu » ! ), bien qu’elle ne repose apparemment sur aucun fait documenté, à part le « nous avons des indications », « nous « savons que »
        Autre exemple encore, mercredi 11 mai : la CIA « a des indications » sur la « démoralisation » de l’armée russe, qui se traduirait par l’alcoolisme, le sabotage par les soldats de leurs propres armes, chars et autres ; Ce sera le thème médiatique du jour. Cette information est -elle documentée, validée. Peu importe, elle se suffit à elle-même. Elle deviendra au fur et à mesure un fait, amplifié par les plateaux de télévision.

        La transparence

        On se trouve devant des pratiques nouvelles, inédites de la communication et de l’information développées par les États Unis à la faveur de cette guerre de l’information contre la Russie.. On a l’explication, le secret de ce nouveau mode d’information, dans un article remarquable de Caitline JOHNSTONE , publié sur « Le Grand soir ». Cet article, d’où est tiré l’essentiel de nos citations, se base sur un rapport surprenant de NBC News. On y apprend que « l’administration Biden a rapidement diffusé sur les plans de la Russie en Ukraine des renseignements peu fiables fondés davantage sur l’analyse que sur des preuves tangibles », voire tout simplement faux ». Le rapport indique qu’à cette fin  » le gouvernement américain a délibérément fait circuler des allégations fausses ou mal étayées sur l’imminence d’attaques à l’arme chimique, sur les conseillers de Poutine qui le désinforment et sur la Russie qui cherche à s’approvisionner en armes auprès de la Chine » ; Toutes « informations » qu’on a pu effectivement suivre sur les chaines occidentales.

        Autre exemple, le président Biden a parlé publiquement d’armes chimiques mais des responsables américains ont déclaré alors à NBC news qu’il n’y avait aucune preuve de cela mais que le but  » avait été de dissuader la Russie » d’utiliser ces armes. On en arrive ainsi à une catégorie nouvelle celle du mensonge justifié par une bonne intention, pour la bonne cause. On en reparlera. Un autre procédé est de « déclassifier « des renseignements prétendument « classifiés « et de jouer la « transparence ». Le jeu devient alors complexe. On peut même pousser la comédie jusqu’à faire mine de s’emporter sur des informations supposées secrètes et dévoilées au public. C’est exactement ce qu’a fait dernièrement le président Biden lui-même. Il s’est indigné qu’on ait rendu publique, dans le New York Times, le fait que les services étatsuniens donnaient aux ukrainiens des renseignements sur la localisation de généraux russes en Ukraine, ce qui aurait été la cause de la mort d’une dizaine d’entre eux. Or la fuite a été publiée dans le New York Times. On est dans un jeu compliqué où le vrai et le faux se mêlent pour manipuler l’opinion, mais aussi, on l’espère, les dirigeants russes.

        Le New York Times, le plus grand et le plus prestigieux journal anglo-saxon présente, fait remarquer Caitlin Johnstone, les communiqués de presse de la CIA comme « des nouvelles de dernière minute » et ils sont ensuite amplifiés par les plus grands medias occidentaux. Et lorsqu’il publie des fuites, cela n’a rien à voir avec le courage professionnel de journalistes, mais avec le fait qu’on veut rendre public ces » fuites ». Ainsi l’un des journalistes « courageux » du New York Times , auteur de ces « fuites » est Ken Dilation, dont il a été révélé en 2014, selon Caitlin JOHNSTONE, qu’il était un agent actif de la CIA travaillant au New York Times.

        Mensonges pour la bonne cause

        Toutes ces informations et bien d’autres sont des mensonges, mais des mensonges assumés, « pour la bonne cause ». C’est ceci qui est terrible. .John Savers, ancien chef du M16, cité par C. Johnston, remarque, en février 2022, dans un groupe de réflexion « The Atlantique Council » que « les communiqués de renseignement de l’administration Biden reposent davantage sur une impression générale que sur des renseignements réels et étaient conçus pour manipuler plutôt que pour informer ».

        Depuis l’Irak, la Libye, l’Afghanistan, les États Unis avaient acquis la réputation d’être des menteurs. Pour leur redonner de la crédibilité, dernièrement, le système médiatique occidental a insisté lourdement sur le fait « qu’ils étaient les seuls à avoir prévu l’attaque contre l’Ukraine », alors qu’en réalité ils avaient multiplié les fausses dates et que la dernière donnée s’est révélée forcément exacte et que la concentration des forces russes rendaient évidentes l’entrée en guerre.
        En admettant qu’il ment, en utilisant les procédés qu’on vient de décrire, en jouant la transparence totale des informations classés « secret défense », le gouvernement américain ne craint-il pas de perdre la confiance de ses citoyens ? Ce qui est stupéfiant dans ces nouvelles techniques de la guerre de l’information, c’est que cette crainte n’existe pas. Il se peut même qu’on se trouve à un stade où le système cherche psychologiquement l’assentiment admiratif de l’opinion américaine devant l’efficacité de ces nouvelles techniques de l’information, et la manière brillante dont s’en servent les dirigeants étasuniens. Comme le fait remarquer Caitltin JOHSTONE, on commence à fabriquer ouvertement le consentement du public à ce qu’on lui mente « pour son propre bien « . Le système perd son âme, remet en question ces mêmes valeurs dont il dit qu’il se bat pour elles. Dans la culture des États Unis, le mensonge a toujours été la faute la plus grave. Aujourd’hui il est légitimé. Quel retournement et comme la crise du système est profonde…
        En résumé, on est là dans une évolution effrayante des procédés de l’information et de la communication dont la théorie et les méthodes sont en train d’être développés aux États unis et pourrait se répandre dans le monde.

        Goebbels disait « plus le mensonge est gros, plus il passe ». Cette théorie semble désormais périmée et remplacée par une autre où le mensonge a toute sa place et où il est même légitimé.

         

        Sources: Le Grand Soir    et     https://www.investigaction.net/

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      • Le festival de CANNES fut créé pour répondre aux interdits et à la fascisation de la Mostra de Venise (1) mais dès le début il proclame son colonialisme naïf, les limites de la résistance du Front populaire et “l’étrange défaite”, longtemps il est un enjeu sous l’influence de la CGT du spectacle, mais tout cela est clos avec Mitterrand et la mise au pas des saltimbanques et le retour en force des paillettes et strass à la Jack Lang. Aujourd’hui dans le sillage de ce que Godard appelle l’esthétique occidentale, il prétend censurer Tolstoï, Eisenstein et tant d’autres, pour mieux proclamer cette esthétique de la guerre dont parlait en son temps Walter Benjamin, Brecht et tant d’autres. De Tarentino nous sommes passés aux jeux vidéos et à la patrouille de FRANCE mobilisée pour accueillir Tom CRUISE et ZELENSKY, sous-produits de la même usine de glorification et de manipulation des “intérêts” de la guerre. Il y a effectivement longtemps nous discutions de cela. (note de Danielle Bleitrach pour histoire et societe)

        #JeanLucGodard, mai 2022. —[…] L’intervention de Zelensky au festival cannois va de soi si vous regardez ça sous l’angle de ce qu’on appelle “la mise en scène” : un mauvais acteur, un comédien professionnel, sous l’œil d’autres professionnels de leurs propres professions. Je crois que j’avais dû dire quelque chose dans ce sens il y a longtemps. Il aura donc fallu la mise en scène d’une énième guerre mondiale et la menace d’une autre catastrophe pour qu’on sache que Cannes est un outil de propagande comme un autre. Ils propagent l’esthétique occidentale quoi… S’en rendre compte n’est pas grand chose mais c’est déjà ça. La vérité des images avance lentement. Maintenant, imaginez que la guerre elle-même soit cette esthétique déployée lors d’un festival mondial, dont les parties prenantes sont les états en conflit, ou plutôt “en intérêts”, diffusant des représentations dont on est tous spectateurs… vous comme moi. J’entends qu’on dit souvent “conflit d’intérêt”, ce qui est une tautologie. Il n’y a de conflit, petit ou grand, que s’il y a intérêt. Brutus, Néron, Biden, ou Poutine, Constantinople, l’Irak ou l’Ukraine, il n’y a pas grand chose qui a changé, mise à part la massification du meurtre.#Cannes2022

         

        Effectivement rarement le festival de CANNES a dit ce cinéma là avec autant de crudité :

        A #Cannes, tout est possible ! La patrouille de France survole le tapis rouge du Festival de Cannes pour accueillir Tom Cruise, à l’occasion de la première de #TopGunMaverick ! Ce filme est inspiré d’un épisode de la guerre du Vietnam, où en plein désastre des Etats-Unis, est inventé par un jeune lieutenant une nouvelle manière d’utiliser l’aviation dans la guerre. La guerre du Vietnam, mai 68 le festival avec J.L. Godard prétendait à un autre cinéma mais pour la plupart des protagonistes cela se termina dans la courtisanerie mitterrandesque et l’atlantisme débridé.

        Nous y sommes… Et tout n’est que mise en scène de la présentation du nouveau gouvernement avec un casting improbable mais qui veut transformer les contradictions en allégorie du rassemblement comme le vote utile qui nous a offert ces trois pitres Le Pen, Macron, Mélenchon comme à Guignol. Ces professionnels inventant un scénario, un multivers cerveau où il suffirait de les suivre, de se soumettre à leurs diktats pour rentrer dans un univers parallèle à la MARVEL.

        J’allais oublier une pauvre créature à moitié nue sauf le chiffon bleu et le jaune s’est ruée dans le défilé des stars en hurlant qu’elle était le symbole des femmes violées en Ukraine… Elle a rapidement été emportée par les vigiles, elle essayait de participer au spectacle et pour se faire accepter elle portait cocarde…

        DANIELLE BLEITRACH

        L’esthétique est une éthique : Toujours dans le cadre de la désinformation et du spectacle occidental, je vous conseille les pages de nouvelles d’internet avec des titres accrocheurs : vous avez l’UKRAINE et les héros de MARIOUPOL, le procès de Johnny Depp, un déballage extraordinaire, les malheurs et bonheurs des couronnes de Monaco et Britannique, et les maladies dont serait affligé Poutine (hier il était censé vomir en pleine réunion). Tout fonctionne sur le même modèle celui de la rumeur et du détail intime croustillant. C’est ça l’information que nous estimons être libre et notez que les élections françaises, la présentation du nouveau gouvernement, les “opposants” officiels (utiles) tout dans le story stelling dans lequel le narratif fictionnel est considéré comme la vérité et c’est ça “l’esthétique occidentale”.

        (1) Festival de Cannes, genèse et première édition annulée (1939) Jean Zay et création du festival à la Libération, le rôle de la CGT et du PCF | Histoire et société (histoireetsociete.com)

         

        source: https://histoireetsociete.com/

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