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                    Vue de l’usine Azovstal endommagée par les bombardements. (Photo : Piotr Kovalev/TASS)

    La propagande dans nos médias visant à transformer le régiment nazi d’AZOV en héros de la démocratie est un pâle reflet de ce à quoi on assiste dans les médias ukrainiens. Alors que ZELENSKY tenu par les USA et les radicaux ukrainiens leur donne l’ordre de tenir en dépit de toute logique et cherche 0 en faire des victimes sacrificielles, des agneaux de la démocratie, on assiste à une mise en scène macabre qui exalte la mort et rassemble autour d’elle futurs veuves et orphelins. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop)https://svpressa.ru/war21/article/333830/

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    Le “Ze-commando” [L’entourage de Zé-lenski, NdT] veut faire des nazis d’Azov *et des centaines de mercenaires des “victimes sacrificielles”

    12 mai 07:58 Alexandre Sitnikov

    Les blogueurs jaunes-bleus sont en colère contre la vice-première ministre ukrainienne Iryna Vereshchuk, qui s’inquiète tellement des “gens d’Azov” encerclés qu’elle bloque tout simplement leurs épouses sur les médias sociaux. Elle est dépitée de répondre à des reproches acerbes ou à des demandes de “découvrir au moins quelque chose sur leurs maris”.

    “Il est difficile d’imaginer quel genre de créature hypocrite il faut être pour se comporter de la sorte”, ont répondu les “détenteurs de vérité” ukrainiens.

    Vereshchuk a d’ailleurs rapporté que le nombre d’hommes encerclés n’était plus que de mille, alors qu’il y a seulement deux semaines, ils étaient environ trois mille à se cacher dans les bunkers souterrains de l’aciérie.

    “Svobodnaya pressa” a déjà écrit que le “Ze-commando” est harcelé par les proches des soldats, qui reprochent au Garant [de la Constitution, alias le Président, NdT] jaune-bleu de laisser tomber les “héros”. Le Bureau du Président (OP) a même élaboré des règles jésuites pour obtenir des informations sur les combattants de l’AFU qui n’ont pas donné signe de vie depuis longtemps. Pire encore, le régime de Kiev prévoit d’introduire des sanctions pénales pour toute personne cherchant indépendamment à obtenir des informations à leur sujet. Et sur le site web de l’état-major ukrainien, on trouve un message officiel : “Nous partageons vos inquiétudes”.

    Non, de nombreux citoyens ne ressentent aucune pitié pour les “gens d’Azov” – ils sont en fait choqués par l’équipe “Ze”, qui se fait de la réclame sur le dos des “héros”, leur ordonnant toutefois de mourir dans les chaudrons. Son cynisme est tout simplement révoltant.

    Une campagne visant à sauver les nazis pris au piège dans le souterrain d’Azovstal fait l’objet d’un battage médiatique dans les médias occidentaux. De nombreux soldats ukrainiens seraient blessés et auraient besoin de soins. Les catacombes sous l’usine sont décrites comme “l’enfer sur terre”.

    Dans le même temps, les ressources Internet ukrainiennes rapportent des histoires à dormir debout sur le sauvetage imminent des défenseurs de l’Indépendance. L’ancien commandant du régiment Azov, Maksym Zhorin, a déclaré que le commandement des forces armées ukrainiennes préparait déjà un plan de déblocage militaire de Marioupol, dans lequel les militaires ukrainiens continuent de tenir des positions sur le territoire de l’usine Azovstal.

    Toutefois, selon M. Zhorin, les Ukrainiens d’Azov n’ont pratiquement pas le temps et la possibilité d’attendre. On ne voit pas très bien pourquoi ils devraient alors reprendre espoir. Apparemment, Kiev ne veut absolument pas que le Bataillon nationaliste se rende – c’est mauvais pour l’image.

    À propos, le fondateur et premier commandant du régiment Azov, Andriy Biletsky, a dit une chose curieuse dans une interview pour le projet spécial d’ICTV. Selon lui, de nombreux combattants du régiment Azov n’ont pas de profession civile, car ils se sont engagés à l’âge de 16 ou 17 ans.

    “Certains d’entre eux étaient encore des écoliers en 2014… un nombre important de combattants d’Azov sont des nationalistes ukrainiens idéologiques”, a déclaré Biletsky. Il s’agit d’une très jeune génération qui a subi un lavage de cerveau par les “créatures de Soros” qui fuient maintenant le pays. Ces jeunes braillant “Gloire à l’Ukraine” sont de parfaits ignares, facilement manipulés par les médias chevronnés de l’équipe Ze.

    M. Biletsky a également expliqué que le régiment Azov est une unité spéciale formée par des instructeurs de l’OTAN pendant huit années complètes en mode 24h sur 24/7 jours sur 7.

    Selon lui, les Nations unies ont refusé d’effectuer des procédures d’extraction de ces nazillons, affirmant qu’il était contraire à leur politique d’évacuer des combattants gravement blessés – “ce sont des soldats, donc ils ont deux façons de sortir. Soit tu te rends, soit tu meurs”. Par ailleurs, les photos des blessés, publiées par les médias jaune-bleus appelant la Croix-Rouge au secours, montrent des personnes d’âge mûr, peut-être des mercenaires.

    Le Guardian britannique écrit que “les soldats blessés piégés dans Azovstal demandent de l’aide”, mais ne rapporte pas que la Russie est prête à fournir des soins aux captifs. Et la ressource TODAY Parents nous dit que les “défenseurs” estropiés sont prêts à tuer des Russes dans n’importe quelles conditions. En particulier, Ilya Samoilenko, un officier de 27 ans du quartier général du régiment Azov, a déclaré : “Nous nous tenons debout sur nos jambes manquantes. Nous tenons des armes dans nos mains perdues”. Et tel es l’état d’esprit, selon ses informations, de 90% d’entre eux.

    On ne comprend pas très bien pourquoi les médias d’outre-mer, et les grands médias en plus, font l’apologie des Azovistes, qui, rappelons-le, ont ouvertement déclaré qu’ils “défendaient la race blanche”. Une chose que le mouvement Black Lives Matter, ainsi que Lloyd Austin et Karin Jean-Pierre (Pentagone et Maison Blanche) personnellement, n’ont pas dénoncée.

    Prenez, par exemple, The War Zone, une publication d’analyse militaire financée par le ministère américain de la Défense, qui porte au pinacle les nazillons assiégés. “Malgré des semaines d’attaques aériennes et terrestres incessantes, les forces ukrainiennes affirment qu’elles contrôlent toujours la majeure partie de l’aciérie d’Azovstal”, écrit Howard Altman, auteur de WZ, dont les compatriotes ont d’ailleurs été impitoyablement détruits par l’URP (Parti républicain ukrainien) à Babiy Yar. Ce qui est surprenant, c’est qu’Azov est l’URP d’aujourd’hui.

    “Ils prévoient de se battre jusqu’au dernier”, écrit Altman avec pathos et cite Bogdan Krotevych, major de la Garde nationale ukrainienne et chef d’état-major du régiment Azov, qui a déclaré dans une interview exclusive pour The War Zone que “nous continuons le combat”.

    Altman a déclaré aux Américains que “les Russes ont pu entrer dans l’usine parce qu’un employé d’Azovstal a trahi l’Ukraine et a parlé aux Russes des tunnels souterrains qui mènent à l’usine”.

    La situation de l’Azov fait l’objet de discussions assez animées dans les forums internationaux. De plus, la société occidentale est consciente de ce qu’est ce régiment. Voici quelques posts assez typiques.

    Un utilisateur portant le surnom de nouser4u écrit : “Quiconque nie le lien entre Azov et le mouvement néo-nazi est soit stupide, soit en train de manipuler la vérité. Bien sûr, ce sont des nazis. Regardez les symboles, regardez leur ancien chef. Mais surtout, regardez les étrangers qui les rejoignent. Nous avons des néo-nazis dans notre pays (la Barbade, un pseudo-État britannique) qui sont partis se battre en Ukraine.”

    L’internaute History Debuff a conclu : “Ces combattants se sont bien battus mais ont fini par être trahis par leur propre gouvernement car on leur a ordonné de se retrancher dans Azovstal avec les civils, sachant qu’ils ne pourraient pas en sortir. C’est juste un sacrifice pour Zelensky.”

    Le combattant de canapé jaune-bleu @nedovirlyviy rejette tout sur son président : “Le régiment héroïque s’est retrouvé gros jean comme devant. Merci, Garant.”

     

    Alexandre Sitnikov

    source: https://histoireetsociete.com/

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    Nous publions ce témoignage de Jacques-Marie Bourget, qui a écrit ces lignes suite au drame de la mort d’une journaliste de plus, Shireen Abu Akleh. La journaliste d’Al Jazeera dont les obsèques ont été troublées par des violences de la police israélienne a été tuée mercredi 11 mai à Jénine. Jacques-Marie Bourget a lui-même été blessé par une balle de l’armée israélienne il y a près de vingt ans (IGA). 

    Aujourd’hui ces vidéos implacables qui nous déroulent à volonté la bobine de la vie nous permettent aussi, quand le drame tend sa toile, de voir la mort en face. En regardant les images de ma magnifique consœur Shireen Abu Akleh, prise dans une rafale de tirs, j’ai revécu ma propre mort, ou presque mort. En effet puisque le 21 octobre 2000 à Ramallah, j’ai été ainsi pris, comme elle, dans la mire d’un tireur « d’élite » israélien. Qui m’a visé au cœur. Hasard de l’histoire, le criminel de guerre -puisqu’il s’agit de cela selon la Convention de Genève- n’a pas touché ce qu’il voulait détruire ; tirant juste quelque centimètre trop haut. Grâce à cette association du hasard et du formidable talent des chirurgiens Palestiniens j’ai survécu.

    Soyons clairs, la victime est bien Shireen et non moi qui suit encore là. Écrire ces lignes ce n’est qu’une façon d’être solidaire par le témoignage. D’expérience, je peux décrire les secondes horrifiantes qui furent, pour Shireen, les dernières de sa vie. Vous êtes journaliste, vous êtes là sans armes, non pour faire la guerre mais pour rendre compte, permettre au monde de voir l’invisible. Puis c’est l’ahurissement, l’incompréhensible de la blessure, le passage dans un autre monde. Une reporter de la qualité de Shireen avait assez d’expérience pour ne pas se mettre volontairement sous le feu. Si elle est tombée ce n’est pas le hasard d’une malchance, c’est qu’un barbare a décidé, en lui ôtant la vie, de commettre un crime de guerre. Selon la loi un attentat terroriste dont il se moque puisqu’il sait en appuyant sur la détente qu’il sera impuni.

    J’ai jadis croisé la jeune femme à Ramallah, à Gaza, à Jérusalem, dans le patio de l’hôtel « American Colony » qui fût le palais de Lawrence d’Arabie. Elle était intimement journaliste et Palestinienne, mais aussi Palestinienne et journaliste. Comme Paul Nizan (mort lui aussi sous des balles) était marxiste et Français. Ceux qui oseront aujourd’hui nous dire que ses écrits étaient militants sont des lâches, ils étaient simplement justes. Courageuses dans ses récits, courageuse sur le terrain, elle gardait toujours le sens de l’accueil, toujours prêt à aider l’autre. Plus qu’une femme, c’est un exemple qui a été assassiné.

    J’en reviens à l’expérience de la mort Et je tiens aussi à demander pardon à ces Palestiniens « anonymes » qui, chaque jour ou presque, tombent sous des tirs israéliens. De ceux-là, la presse occidentale parle peu et ils apparaissent rarement sur les écrans. Ils ne sont rien qu’un nombre qui vient s’ajouter au chiffre des morts comptabilisés tous les mois, tous les ans… Et le monde, les yeux clos, se moque de ce cortège. Par sa mort Shireen ressuscite aussi la mémoire de toutes ces victimes tombées sans faire de bruit.

    Très gravement blessé, laissé sur le pavé par les démocrates israéliens indifférents qui ont refusé de me porter secours, je connais le refrain repris aujourd’hui par les « autorités » israéliennes : « ce sont les palestiniens qui ont tiré ». Les mensonges du « story telling » sont tenus en réserve, prêts à être servis à chaud. Cet déni permet à tous les aveugles de la planète, si épris de vérité mais là ne veulent rien savoir, d’être les relayeurs d’une insupportable prudence « ne nous emballons pas, attendons les preuves ». Des preuves qui ne viendront jamais, ou trop tard, le drame étant effacé des mémoires occidentales.
    Vient ensuite le bobard, celui de « l’enquête impartiale ». Qui bien sûr, ne peut être crédible qu’exécutée par les « experts » israéliens. Personnellement après ma blessure, on m’a servi ce mensonge, celui d’une « armée qui se livrait à une investigation ». C’est faux et cette illusion, ce leurre sont ignobles : les pelles qui jettent la terre de l’enterrement. A force de me battre, avec l’aide de l’avocat William Bourdon et de quelques juges français, j’ai fini par apprendre officiellement d’Israël : « que mon cas avait été étudié, mais que le rapport militaire était secret. Comble du mépris, mes assassins osaient ajouter que ce compte rendu officiel avait été « perdu » mais, que de toutes façons, le tir qui m’a traversé le corps était le fait « des palestiniens » !

    Si, après 20 années de combat la justice française a reconnu que j’avais bien été « victime d’une tentative d’assassinat de la part d’Israël » (un crime de guerre). Mais d’où les magistrats français tiennent-ils cette certitude ? A une mince ogive de métal retirée de mon omoplate. Analysée par des experts la munition est bien une balle de M16 fabriquée par IMI, l’industrie d’armement israélienne. Faute d’être puni, le coupable est connu.

    Même si les amateurs du port de parapluie par beau temps affirment les lèvres serrées que « comparaison ne vaut pas raison », intimement je sais tout de la mort de Shireen et que seul le hasard a voulu que je respire encore. Mon témoignage entend aller, en bouclier, au devant des mensonges officiels et donner un peu d’espoir à ceux qui aimaient Shireen. L’étude balistique, dans la zone où notre consœur a été tuée, et celle d’un projectile -s’il est retrouvé- peuvent encore dénoncer un coupable. Un jour il sera puni, lui et ceux qui lui sont solidaires, ses enfants peut-être, punis par trop de honte et d’injustice accumulées. Ainsi, je recommande à ceux qui ne sont pas indignés, de visionner les images tournées au moment où le corps de Shireen est retiré de la morgue de l’hôpital de Jérusalem. On voit alors un peloton de policiers israéliens lancer l’assaut contre un cercueil, comme si ces non-humains souhaitaient la deuxième mort d’une journaliste trop indomptable. L’Accumulation d’une barbarie à visage humain, suicidaire pour Israël, feront un jour sauter le manteau de plomb qui veut étouffer la Palestine.

     

    source: https://www.investigaction.net/

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    L’Inde subit actuellement une grave sécheresse, pouvez-vous nous dire quels sont les dégâts pour la population et l’environnement? Cette crise environnementale est-elle inédite?

    L’Inde n’est pas étrangère aux températures élevées, mais elles ne se produisent normalement pas en mars et en avril, lorsque de nombreuses personnes ne sont pas habituées à faire face à une chaleur extrême. Le pays a connu son mois d’avril le plus chaud depuis 122 ans. Les températures approchent les 50 °C. Une telle chaleur extrême assèche les réservoirs d’eau, fait fondre les glaciers et endommage les cultures. Elle est également mortelle.  Selon les experts, cette vague de chaleur est sans précédent. Nous assistons à un changement dans son intensité, son heure d’arrivée et sa durée. C’est ce que les experts climatiques avaient prévu et cela aura un effet en cascade sur la santé.

    Dans l’État septentrional du Penjab, connu comme le « grenier de l’Inde », elle provoque un stress thermique, non seulement pour des millions de travailleurs agricoles, mais aussi pour les champs de blé dont ils dépendent pour nourrir leurs familles et vendre dans tout le pays. La canicule a entraîné une perte de plus de 5 quintaux (500 kilogrammes) par hectare de la récolte d’avril. Les travailleurs agricoles sont plus susceptibles de souffrir de cette chaleur accablante.

    Les personnes qui travaillent à l’extérieur – agriculteurs, ouvriers du bâtiment, travailleurs manuels – en souffrent et en souffriront davantage. Ils ont moins de possibilités de se rafraîchir et ne peuvent pas s’éloigner de la chaleur. Dans certaines régions de l’Inde, la demande d’électricité a entraîné une pénurie de charbon, privant des millions de personnes d’électricité jusqu’à neuf heures par jour. La semaine dernière, les stocks de charbon de trois des cinq centrales électriques dont dépend Delhi pour son approvisionnement en électricité ont atteint un niveau critique, tombant en dessous de 25 %, selon le ministère de l’énergie de Delhi. L’Inde a annulé plus de 650 trains de passagers jusqu’à la fin mai afin de libérer des voies pour d’autres trains de marchandises, alors que le pays s’efforce de reconstituer les stocks de charbon dans les centrales électriques.

    La canicule n’a pas seulement touché les humains, mais aussi d’autres espèces. Dans l’État occidental du Gujarat, des oiseaux déshydratés tombent du ciel en raison de la vague de chaleur record. Les sauveteurs recueillent des dizaines d’oiseaux épuisés qui tombent chaque jour car la vague de chaleur assèche les sources d’eau.

    Les médias français parlent de la canicule en Inde, voire des violences organisées par le pouvoir de Modi instrumentalisant des hindous contre les musulmans mais jamais des luttes sociales et en particulier paysannes, peux-tu nous expliquer en quoi la sécheresse et les luttes paysannes sont intimement liées?

    Eh bien, nous avons récemment connu une mobilisation paysanne très réussie qui a duré un an et a remporté une victoire importante. Ils ont résisté aux trois lois agricoles litigieuses qui ont finalement été abrogées par le gouvernement indien. Ces lois agricoles n’étaient guère susceptibles d’améliorer les conditions des agriculteurs indiens. Au contraire, elles menaçaient leur existence même. Cette récente mobilisation de la paysannerie indienne contre les trois nouvelles lois agricoles et le prix de soutien minimum (MSP) n’est que la pointe de l’iceberg. Il s’agit plutôt d’une explosion contre l’érosion progressive de leurs vies et de leurs moyens de subsistance, conséquence de la grave crise agraire à laquelle le pays est confronté depuis trois décennies. Un simple chiffre pourrait suffire à expliquer l’ampleur de cette crise. En un peu plus d’un quart de siècle, 400 000 paysans se sont suicidés en raison d’un lourd endettement. En somme, les paysans indiens ont lutté bec et ongles pour leur propre existence.

    S’ils ont surtout lutté contre les politiques néolibérales mises en œuvre par les gouvernements indiens successifs, l’impact du changement climatique rend les agriculteurs extrêmement vulnérables.  Même s’il est trop tôt pour connaître les conséquences exactes de la vague de chaleur actuelle sur les cultures, certains agriculteurs indiens ont estimé que 10 à 15 % de leurs récoltes étaient mortes, selon Monika Tothova, économiste à l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture.

    Le pays a eu un peu de chance au niveau du timing. Dans le sud et le centre de l’Inde, le rabi a déjà été récolté ou est en train de l’être. Mais de grandes questions demeurent quant à l’état de santé du blé dans le nord de l’Inde, la région la plus productive du pays, où la récolte n’a pratiquement pas été moissonnée et a donc cuit dans la chaleur torride. La chaleur en elle-même n’est peut-être pas nuisible au grain, mais le « stress thermique terminal », lorsque la chaleur extrême surcharge la plante et l’empêche de former le moindre grain, peut être fatal. Si une grande partie du blé du nord de l’Inde n’avait pas encore formé ses grains avant le début de la vague de chaleur, les effets pourraient être graves. Le nord de l’Inde est également à l’origine de la plupart des variations de la récolte de blé de l’Inde : Lorsque le rabi connaît une année exceptionnelle, c’est parce que le nord de l’Inde est en plein essor. Le changement climatique a en fait contribué à ce récent essor de manière modeste mais positive. L’irrigation des champs du nord est plus importante qu’auparavant, car la fonte des glaciers de l’Himalaya a augmenté le débit des rivières dans le pays, mais les agriculteurs ressentent maintenant le revers de la médaille.

    Alors que les agriculteurs ressentent fortement les impacts du changement climatique, le pays n’a pas encore assisté à une mobilisation des agriculteurs contre ce phénomène. Cependant, la question est implicite dans le nombre de manifestations d’agriculteurs dans le pays au cours des dernières années.

    Le réchauffement n’est pas une fatalité, quelles politiques peuvent être mises en place pour continuer à vivre de manière digne, alors que les rapports parlent de région qui risque de devenir inhabitable? Que penses-tu des solutions préconisées par GRAIN – l’agriculture familiale pour refroidir la planète?

    Si des solutions comme celles proposées par GRAIN et d’autres sont les bienvenues, il est hors de question de régler le problème du changement climatique simplement par des solutions fragmentaires ou des innovations technologiques. Nous devons identifier les racines de notre crise climatique actuelle et les déraciner, dénoncer les pseudo-solutions (comme l’échange de droits d’émission ou la croyance en des miracles technologiques) et préconiser de véritables alternatives au statu quo. Nous devons ouvrir la voie à la transition vers une société socio-environnementale. Cela inclut une transformation vers une économie qui n’est pas basée sur le profit et la croissance sans fin, mais qui respecte les limites écologiques et permet une « bonne vie » pour tous. Nous devons défendre la justice climatique et faire preuve de solidarité avec ceux qui sont les plus touchés par le changement climatique et les politiques économiques mondiales injustes, tout en étant les moins responsables du changement climatique provoqué par l’homme. Toutes les autres tentatives – aussi honnêtes soient-elles – ne feront qu’atténuer le changement climatique et non la crise environnementale elle-même

     

    source: https://www.investigaction.net/

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    “L’Ukraine au-dessus de tout” ? Même “au-dessus de” notre Victoire commune ? ( H&S-12/05/22)

    Un attribut indispensable des marches de masse des nazis ukrainiens est depuis longtemps le slogan “Ukraina – ponad ousié”, une référence directe à “Deutschland über alles” (l’Allemagne au-dessus de tout). Mais qui aurait pensé que, du point de vue de la Kiev moderne et de ses alliés, cela s’appliquerait également à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ? Si quelques voix timides commencent à dire que le “narratif” de Kiev (certains ajoutent désormais “et de la CIA”) sur la déroute russe est de la propagande de guerre, il en est peu qui osent dénoncer jusqu’où ose aller dans le trafic de l’histoire et de la mémoire ce qu’est ce révisionnisme qui ose mêler les symboles nazis à l’appropriation de la victoire de l’Armée rouge. (note de Danielle Bleitrach, traduction de Marianne Dunlop pour histoireetsociete)

    https://svpressa.ru/war21/article/333711/

    Kiev tente de plus en plus de diviser ceux qui reposent dans des fosses communes dans toute l’Europe sous des mémoriaux à étoile rouge


    Sergueï Ichtchenko

    L’ambassadeur d’Ukraine en Allemagne, Andriy Melnyk, lors de la cérémonie de dépôt de gerbes au mémorial soviétique de Tiergarten/ (Photo : DPA/TASS)

    Un attribut indispensable des marches de masse des nazis ukrainiens est depuis longtemps le slogan “Ukraina – ponad ousié”, une référence directe à “Deutschland über alles” (l’Allemagne au-dessus de tout). Mais qui aurait pensé que, du point de vue de la Kiev moderne et de ses alliés, cela s’appliquerait également à l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ?

    Le fait que trop de gens en Ukraine (et pas seulement dans ce pays !) pensent ainsi est devenu évident les jours de fête derniers, lorsque le monde a célébré le 77e anniversaire de la Victoire.

    Tout a commencé à Berlin. L’ambassadeur d’Ukraine et “décommunisateur” militant Andriy Melnyk devait certainement éprouver des sentiments partagés à l’idée de déposer une gerbe au mémorial des soldats soviétiques morts au combat. Et comme c’est souvent le cas en présence de ce type assez délirant, un scandale a éclaté. Alors que Melnik montait dans sa voiture après la cérémonie, quelqu’un dans la foule a crié en allemand : “Qui a libéré Berlin des nazis ?”. “L’Ukraine”, a répondu très fort également l’ambassadeur à la langue trop rapide, sans une seconde d’hésitation.

    À peu près au même moment, le chancelier fédéral autrichien Karl Nehammer a également décidé d’apporter sa propre contribution à la réécriture des événements de 1945. Il a également déclaré publiquement et avec aplomb : “Les soldats ukrainiens ont été les premiers à libérer Vienne de la terreur nazie le 27 avril”.

    Essayons de ne pas céder aux émotions, bien naturelles, et réfléchissons plutôt : des hommes d’État d’un rang aussi élevé ne peuvent tout de même pas proférer des sornettes sans aucun fondement ? Non, bien sûr que non. De leur point de vue, les preuves du rôle décisif de l’Ukraine dans les combats de l’Armée rouge dont nous venons de parler sont tout simplement irréfutables. En outre, elles sont très commodes du point de vue de la conjoncture politique actuelle.

    En effet, en avril 1945, l’opération offensive de Vienne a été menée par les forces du 3e front ukrainien sous le commandement du général Fiodor Tolboukhine en coopération avec une partie des forces du 2e front ukrainien sous le commandement du général Rodion Malinovski… Donc, nous expliquerait probablement le chancelier [autrichien] Nehammer, il s’agissait principalement d’Ukrainiens. Ce n’est pas pour rien que les fronts soviétiques mentionnés portaient le nom de cette république.

    Et qui a pris Berlin ? Les troupes du 1er front ukrainien et du 1er front biélorusse. Ainsi, l’ambassadeur Melnik avait raison : les Ukrainiens ont été les premiers à prendre d’assaut la capitale de l’Allemagne hitlérienne. Sauf qu’ils partageaient les lauriers de la victoire avec les Biélorusses qui se battaient à côté d’eux.

    Et les soldats et officiers russes ? Et les soldats et officiers d’autres nationalités de l’ancienne Union soviétique ? Voyons, nous répondront les personnalités susmentionnées. Il n’est pas admis aujourd’hui en Europe d’évoquer les Russes sous un jour favorable, et ce d’aucune manière. Où qu’ils soient et quoi qu’ils aient fait. Même dans le passé. Peu importe les exploits qu’ils ont accomplis.

    Poursuivons donc cette logique étonnante de ces ignorants chroniques, ou de ces provocateurs professionnels (ou, peut-être, les deux “dans le même flacon”). Messieurs, vos déclarations sont surprenantes : si l’un des fronts répertoriés en 1945 avait été le 3e Kazakh ou le 2e Ouzbek – alors vous écririez que les Kazakhs avec les Ouzbeks sont les principaux libérateurs de Berlin et de Vienne ? Ou éviteriez-vous prudemment cette question ?

    Pourquoi en 1943 nos fronts ont été nommés Ukrainien et Biélorusse ? Parce que c’était l’époque où l’expulsion des Allemands de ces républiques soviétiques était en cours. Pourquoi les noms n’ont-ils pas été changés alors que l’Ukraine et la Biélorussie avaient déjà été laissées loin derrière ? Parce qu’il aurait été ridicule de les renommer polonais, tchécoslovaques. Et encore moins – allemands.

    Mais les fronts ukrainiens c’est autre chose, insisterez-vous ? Oui ? L’Ukraine est tendance aujourd’hui. En Occident, on en parle à tout bout de champ. Même s’il s’agit de notre Victoire commune, l’Occident et le Kiev contemporain ont depuis longtemps commencé à la partager de manière sacrilège. Blasphématoire – pour nous tous. Plus encore pour ceux qui reposent côte à côte sous les étoiles rouges commémoratives dans les fosses communes de Vienne et de Berlin.

    Mais il ne s’agit pas seulement de cela. En effet, ce n’est pas d’hier que vous avez commencé, de manière très calculée, votre méprisable partition. Qui a atteint des sommets après 2014, lorsque la crise politique aiguë ukraino-russe a éclaté. Dois-je vous le rappeler, au cas où quelqu’un l’aurait oublié ?

    En janvier 2015, le monde a une nouvelle fois pleuré les victimes de l’Holocauste. L’occasion était le 70e anniversaire de la libération d’Auschwitz-Birkenau, plus connu dans notre pays sous le nom de camp de la mort d’Auschwitz en Pologne, où les nazis ont exterminé plus d’un million de Juifs. À cette occasion, le Premier ministre ukrainien de l’époque, Arseniy Yatsenyuk, est venu en Pologne.

    Sans aucun doute, Arseniy Petrovych ne pouvait pas ignorer que cette “usine de la mort” a été arrêtée par les soldats de notre 60e armée du 1er front ukrainien, qui se sont rués dans Auschwitz le 27 janvier 1945. Principalement les soldats et les commandants de sa 100e division de fusiliers de Lvov. Mais comment l’un des principaux initiateurs de la “décommunisation” ukrainienne pourrait-il évoquer l’Armée rouge de manière positive, par les temps qui courent ? C’était hors de question. Et il s’est brillamment acquitté de la tâche de propagande qui lui avait été confiée.

    M. Yatsenyuk a déclaré ce jour-là : “Nous célébrons aujourd’hui la Journée internationale de commémoration des victimes de l’Holocauste. Il y a 70 ans, des combattants de Jitomir et de Lvov faisant partie du 1er Front ukrainien ont libéré des nazis l’un des pires camps de la Seconde Guerre mondiale, où des millions de nos compatriotes juifs ont été torturés.”

    Pourquoi seuls les natifs de Jitomir et de Lvov ont-ils été enrôlés comme libérateurs par le Premier ministre ukrainien ? La raison formelle est stupide : cette division portait le nom honorifique de “Lvovskaya”. Donc… Et Jitomir n’est pas si loin de Lvov.

    Le calcul, apparemment, est que la majorité des Ukrainiens et des Polonais contemporains sont tout simplement trop paresseux pour consulter les sources primaires. Pire encore : ils sont trop paresseux pour étudier l’histoire de la guerre, qu’ils ont oubliée depuis longtemps. Sinon, ils auraient sans doute appris que la 100e division d’infanterie de la deuxième formation a été formée en février et mai 1942 dans le camp militaire Kouchtchoub près de Vologda, appartenant au district militaire d’Arkhangelsk. Avec principalement des habitants des régions d’Arkhangelsk et de Vologda, et aussi de la République autonome des Komis (Komi ASSR).

    Ils se sont ensuite battus près de Voronej, ont forcé le passage du Dniepr à la célèbre bataille de Boukrine. Puis il y a eu Vinnitsa, Jmerinka… Et enfin – Lvov, au-dessus de laquelle la bannière rouge a été hissée pour la première fois par les soldats de cette même division. Pour cette raison, la division a reçu le nom honorifique de “Lvov” sur ordre du commandant en chef suprême.

    Oui, très probablement, dans les rangs de la 100e infanterie lors de la libération d’Auschwitz se trouvaient réellement des natifs de Jitomir et de Lvov. Parce que les unités de l’Armée rouge, partout et en tout lieu sur le territoire soviétique, faisaient des recrues parmi les personnes qu’elles avaient libérées du joug nazi. Mais il est certain que les gens originaires de Lvov et de Jitomir n’y étaient pas majoritaires. De plus, la 100e division de fusiliers de Lvov n’a jamais été banderiste, comme le sous-entend le cynique et endurci Yatsenyuk.

    Oui, il y a eu un grand scandale à l’époque à cause de ces déclarations de l’envoyé de Kiev. Moscou a officiellement tout clarifié pour tous ceux qui ont des documents d’archives en main. Pensez-vous que cela a changé quelque chose dans les opinions de Kiev et de Varsovie ?

    Cinq ans seulement ont passé. Et en janvier 2020, à l’occasion du 75e anniversaire de la libération d’Auschwitz, le président Vladimir Zelensky est venu en Pologne. La mission pour lui et son collègue polonais Andrzej Duda était la même : pas un seul mot sur les vrais libérateurs. En d’autres termes – sur l’Armée rouge !

    Irréaliste du point de vue de l’histoire réelle et même du simple bon sens, le plan de propagande de Kiev et de Varsovie a été résolu de leur point de vue sans problème.

    “Les soldats du Front ukrainien ont libéré sept mille prisonniers qui séjournaient dans ce terrible endroit. Des gens qui ont terriblement souffert ici. C’était impossible à imaginer. Mais grâce à l’héroïsme des soldats, ils ont été sauvés”, a déclaré Andrzej Duda.

    Zelenski lui a fait écho : “Nous n’oublierons jamais Igor Pobirtchenko, commandant du char T-34 qui a été le premier à briser le portique d’Auschwitz, et tous les soldats du bataillon de choc de la 100e division de Lvov qui sont entrés dans le camp sous la direction d’Anatol Shapiro, un habitant juif né à Poltava. Avec les soldats de la division 322 du 1er front ukrainien (il s’agit de la 322e division de tir Souvorov de Jitomir, décorée de l’ordre du Drapeau rouge, formée non pas à Jiitomir, comme le laisse entendre Zelensky de manière plus que transparente, mais en août 1941 à Gorki, aujourd’hui Nijni Novgorod – “NDLR”) ont libéré le camp”.

    Encore une fois dans les héros-libérateurs il n’y a que des Ukrainiens, des Ukrainiens et encore des Ukrainiens. Pas un seul mot sur ceux qui ont combattu avec les fascistes à leurs côtés.

    À cet égard, je me propose de m’occuper aujourd’hui du cas presque désespéré de Kiev, qui a depuis longtemps perdu tout lien avec la réalité. À savoir : informer les autorités ukrainiennes de la composition nationale des soldats et des commandants de la 60e armée, qui comprenait la 100e division de fusiliers de Lvov (jusqu’à présent, nous n’avons pas réussi à trouver d’informations sur cette unité séparément).

    Nous avons donc devant nous un rapport rempli à l’encre à moitié effacée sur “la liste des militaires par caractéristiques socio-démographiques de la 60e armée du 1er front ukrainien au 1er janvier 1945” (bureau de campagne de la 60e armée, département du recrutement):

    • total Russes 42298 (dont officiers 7501) ;
    • Ukrainiens 38041 (dont officiers 2126) ;
    • Biélorusses 1210 (dont 311 officiers)
    • Arméniens 546 (dont 149 officiers) ;
    • Géorgiens 545 (dont 143 officiers) ;
    • Ouzbeks 838 (dont 43 officiers).

    Des Tadjiks, des Turkmènes, des Azerbaïdjanais, des Touviniens, des Polonais combattaient également dans la 60e armée au premier jour de l’année de la victoire. Il y avait même sept Chinois. Et un Yougoslave.

    Tous ont mérité notre souvenir reconnaissant avec leur sang versé. Et ils se retournent sûrement dans leur tombe lorsque les Judas politiques actuels de l’Ouest et de l’Ukraine tentent de diviser et de privatiser notre Victoire.

     

    source: https://histoireetsociete.com/

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    •  

      Ignorée par la gauche occidentale, la stratégie fondamentale de la révolution bolivarienne repose depuis 22 ans sur le retour dans le champ politique de la majorité sociale exclue par une élite coloniale. Cet objectif d’approfondir la démocratie vise à sortir d’un jeu politique faussé par l’interférence de pouvoirs non-élus (insurrections des secteurs putschistes d’extrême droite, lobbies et monopoles de l’économie privée, concentration capitaliste des médias, blocus, sanctions, sabotages, incursions paramilitaires et menaces de guerre des États-Unis et de leurs satellites européens et latino-américains, etc..). Cette volonté démocratique est palpable dans les témoignages des auto-gouvernements populaires qui se créent un peu partout sur le territoire.

      Photo: Alcadio Lemus est un des parlementaires de la commune de Monte Sinaí. José Luis Pinto est enseignant et cultive des haricots et des avocats sur sa petite parcelle familiale. Il est parlementaire de Monte Sinaí. Ariaska Llovera est parlementaire de la commune. Maritza Solano est productrice de café, porte-parole du conseil communal de Peñas Blancas et parlementaire de la commune de Monte Sinaí. Luis González est communard, travaille au parc Guacamayal et s’occupe de la pépinière communale. Domingo Llovera dirige avec sa famille la chocolaterie Los Lloveras et fait partie de la commune. Llubidit Llovera est parlementaire communale et s’occupe des projets éducatifs. Luis Solórzano est producteur de fromage, porte-parole du conseil communal de Las Pichiguas et parlementaire communale. (Voces Urgentes).

      Histoire et production

      Les communard(e)s de la Comuna Monte Sinaí ont formé une jeune organisation qui s’efforce de développer la production communale et les relations sociales non marchandes. Le territoire de cette commune s’étend sur les États d’Anzoátegui et de Miranda, mais son épicentre se trouve dans la petite ville de Santa Bárbara, dans la vallée de Guanape. On y cultive le café, le cacao, les haricots noirs, divers tubercules et l’avocat. Comme les caféiers sont vieux et peu productifs, la commune a construit une pépinière pour faire pousser les nouveaux plants de café.

      Maritza Solano : Ces terres d’altitude embrassent la commune de Rio Guanape, mais celle-ci était trop grande et s’est divisée en cinq communes plus petites. La nôtre est une commune jeune qui doit faire face à de nombreux défis. Par exemple, certaines personnes doivent marcher pendant des heures pour se rendre à la réunion hebdomadaire de Santa Bárbara, car les routes sont en mauvais état et il est difficile de se procurer de l’essence. Cependant, nos terres possèdent un énorme potentiel productif.

      Alcadio Lemus : Le processus de formation de notre commune a commencé il y a environ un an. Depuis, nous avons travaillé très dur. Comme on dit, notre diamant est encore brut, mais la beauté du projet émerge. Notre parlement se réunit tous les mercredis, quoi qu’il arrive. C’est là que nous apportons nos idées, que nous débattons et que nous planifions.

      Ariasca Llovera : Notre « commune mère » [la commune de Rio Guanape] était très grande, et ceux d’entre nous qui vivaient à Santa Bárbara devaient marcher des heures pour se rendre aux réunions. Ce n’était pas facile pour tout le monde. Aujourd’hui, certaines personnes peuvent faire un court trajet à pied, d’autres doivent encore marcher longtemps pour assister à une réunion.

      Alcadio Lemus : Chávez a promu le pouvoir populaire. Son héritage est très important pour nous, nous travaillons dur pour organiser la commune à partir de la base. Nous sommes confrontés à de nombreux défis, mais nous avons le potentiel suffisant pour construire une commune solide. Ici, les gens travaillent dur mais la nature est généreuse. La principale culture de la région est le café. Historiquement, celui que nous cultivions était la variété régionale, mais nous sommes en train de passer au C27 [une nouvelle variété de café plus productive] avec l’aide de la CVC [la Corporation d’État Vénézuélienne du Café]. Ils nous aident à faire pousser des plants pour rénover nos petites parcelles, ce qui est très important car nos caféiers sont très vieux. Le cacao est également important ici, nous cultivons aussi l’ocumo (tubercule), l’igname, le manioc, les haricots noirs, les bananes plantains et les avocats. Il y a de petits producteurs de fromage dans la commune. Enfin, nous avons deux petites Unités de Production Familiale [UPF] : une usine de traitement du manioc et une usine de chocolat.

      Lenin González : Notre commune a également un grand potentiel pour l’écotourisme. Notre principal atout est le parc Guacamayal, un parc municipal de loisirs abandonné pendant un certain temps mais qui est en train d’être récupéré grâce à une initiative conjointe du gouvernement local et de la commune.

      Yuvidí Llovera : Nous pensons que notre commune va réussir, mais nous avons besoin de formation politique et technique pour progresser. Nous avons besoin d’ateliers pour mieux prendre soin de la nouvelle variété de café que la Corporation Vénézuélienne du Café introduit dans la région, et nous devons en apprendre davantage sur les processus administratifs qu’implique la construction d’une commune.

      Photo : Café et cacao (Voces urgentes)

      Sanctions des États-Unis : impacts sociaux et solutions locales

      Luis Solórzano : En 2015, Barack Obama a publié un décret qui déclarait que le Venezuela constituait une « menace inhabituelle et extraordinaire pour la sécurité des États-Unis. » (sic). Avec les sanctions, la vie s’est détériorée très rapidement. Nous nous demandions : Qu’allons-nous faire ? Qu’allons-nous manger ? Comment allons-nous obtenir les médicaments pour notre mère ou notre tante ? Puis est venu le blocus pétrolier, qui est une politique véritablement criminelle. Pendant ces années, le CLAP [aide alimentaire mensuelle du gouvernement aux familles populaires] est devenu très important pour tout le monde, mais cet apport de nourriture n’était pas suffisant. Je connais des familles qui faisaient des repas avec de l’eau de riz et rien d’autre. Ces années ont été très dures !

      José Luis Pinto : La situation est devenue très pénible vers 2018. Obtenir de l’essence était presque impossible, et nous ne pouvions plus transporter nos récoltes au marché. La santé dans la commune a commencé à se détériorer à peu près au même moment, certaines personnes sont mortes et d’autres ont quitté le pays. Ce furent des années vraiment difficiles, mais maintenant les choses vont un peu mieux.

      Domingo Llovera : Pendant les années les plus difficiles du blocus, nous n’avions plus d’intrants agricoles comme l’urea, les engrais ou les pesticides.

      Luis Solórzano : La production est tombée à zéro pendant un certain temps. Je vous le dis en connaissance de cause parce que je suis un enseignant, mais aussi agriculteur. Je cultive des haricots noirs, de l’igname, de l’ocumo et des avocats. Pendant ces années, je suis passé à une agriculture de subsistance. En plus, nous souffrons des impacts du changement climatique. Nous avons connu des périodes de pluies intenses suivies de longues sécheresses. Et la déforestation et l’agriculture sur brûlis assèchent de nombreuses sources d’eau. Les pauvres sont toujours les grands perdants… Mais nous avons gardé la force de nous organiser.

      Maritza Solano : Depuis un certain temps, il est devenu très difficile de se procurer des pesticides et autres intrants agricoles. D’abord, il n’y en avait pas, puis les prix ont grimpé en flèche. Cela signifie que la production ici, dans les terres hautes de la Valle Guanape, est devenue essentiellement biologique. Nous avons également appris à faire du compost à partir de déchets organiques. Tout cela a des avantages – puisque nous ne sommes pas exposés aux produits agro-toxiques mais il ne faut pas romantiser. La production a chuté ces dernières années. L’agriculture biologique nécessite des connaissances, des formations et des ressources. L’État, à travers la Corporation Vénézuélienne du Café, nous a proposé des ateliers. Ils nous ont aidés à passer du café local à la variété C27, qui est meilleure, mais nous devons acquérir davantage de connaissances pour tirer le meilleur parti de nos nouveaux caféiers.

      Luis Solórzano : Nous avons appris plusieurs choses pendant le blocus. Par exemple, en tant que pays, nous ne pouvons pas dépendre exclusivement de la rente pétrolière. Pour garder la tête hors de l’eau, notre seule option dans les zones rurales est de travailler collectivement. Aujourd’hui, nous faisons plus attention aux ressources : nous apprécions le soutien de la Corporation Vénézuélienne du Café, nous prenons soin de nos quelques outils et nous bénissons la commune – car s’y trouve la solution. Cependant, construire une commune dans un pays en état de siège n’est pas facile. Notre principal défi est qu’il s’agit d’une commune rurale sur un territoire très étendu. Une grande partie de la population est concentrée à Santa Bárbara, mais il y a des gens qui doivent marcher deux ou même trois heures pour se rendre à une réunion.

      Photo : pépinière communale de café en haut ; pépinière de Maritza Solano en bas. (Voces Urgentes)

      Pépinières de café

      Lenin González : L’année dernière, nous avons obtenu le soutien de la Corporation Vénézuélienne du Café pour renouveler nos plants à Valle Guanape. Notre objectif est maintenant d’augmenter notre production, qui est très faible actuellement. Ici, dans le parc Guacamayal, nous avons une pépinière et nous avons récemment planté 32 kilos de graines de café C27. Elles sont en train de germer en ce moment.

      Yosmel Díaz : Nous avons cinquante mille plantules dans la pépinière, mais notre objectif est de produire un million de plantes en 2022 pour remplir les collines de la commune. Cependant, nous ne voulons pas seulement faire pousser des plants de café ici ; nous voulons aussi faire pousser des plants de cacao.

      Unités de production familiales

      Lenin González : Nous avons deux UPF ici dans la commune : une usine de chocolat et une usine de gaufres de casabe. Toutes deux ont un grand potentiel. Les UPF font partie du système économique communal de Chávez. Elles intègrent le travail des familles qui possèdent leurs propres parcelles ou des moyens de production dans le projet communal.

      William Flores : Nous plantons le manioc amer dans notre conuco [lopin traditionnel de culture intensive] et, dix mois plus tard, nous récoltons. Chaque jour, très tôt, nous transportons la récolte à l’usine de manioc amer, à dos d’âne. D’abord, nous pelons le manioc, puis nous le lavons et en extrayons le poison, nous le traitons [c’est le seul procédé mécanique] et nous le mettons à sécher au soleil. Pendant ce temps, ma femme ramasse du bois pour allumer le feu et préparer les galettes de manioc sur le budare [feuille de métal placée sur un feu ouvert]. Toute ma famille travaille à l’UPF : mon père, mon oncle et ma femme. Des enfants nous aident aussi à charger le manioc, à l’éplucher et à apporter de l’eau à l’usine. Nous nous levons tous à 3 heures du matin et nous travaillons jusqu’au coucher du soleil. C’est un travail difficile.

      Domingo Llovera : Nous cultivons un bon cacao ici, il est évident que nous devrions produire du chocolat. En l’état actuel des choses, nous produisons des barres de chocolat et du cacao en poudre à petite échelle, mais nous espérons augmenter notre production. Il est important de dépasser la logique d’exporter nos matières premières et de générer des revenus pour la communauté avec des usines de transformation. Même une petite usine de chocolat fait la différence. Imaginez ce que ce serait si nous avions plusieurs usines ! C’est l’un de nos objectifs.

      Troc communal

      José Luis Pinto : Dans la montagne, entre producteurs, il y a une longue tradition de troc. Cette tradition a été ravivée pendant la crise : si j’ai du fromage et que j’ai besoin de manioc ou de café, je vais faire du troc avec mon voisin. Cela présente un avantage évident : nous échangeons en dehors des lois du marché. Nous pensons qu’en tant que commune, nous devons promouvoir le troc, notamment avec d’autres communes.

      José Luis Pinto : Quand les choses sont devenues vraiment difficiles ici, notre production est tombée à presque rien : les gens produisaient juste pour leur subsistance et pour un troc à petite échelle. Cela nous a aussi obligés à diversifier notre production : maintenant nous produisons des bananes plantains et nous cultivons la canne à sucre pour faire du guarapo [jus de canne à sucre] avec lequel nous sucrons notre café. Les choses s’améliorent un peu, mais une partie importante de notre économie reste basée sur le troc. De temps en temps, nous apportons encore un sac de café en ville et l’échangeons contre un outil.

      Photo : le parlement communal de Monte Sinaí se réunit tous les mercredis. (Voces Urgentes)

      Alcadio Lemus : Nous avons un long chemin à parcourir parce que nous sommes une jeune commune – et une commune née dans le feu de la crise en plus ! Il y a beaucoup de facteurs défavorables. Néanmoins, nous gardons le projet de Chávez en tête et nous comprenons que la construction d’une commune est un effort collectif : il s’agit de défendre les biens communs. Telle nous le comprenons, une commune, c’est le peuple qui s’organise pour produire et satisfaire les besoins collectifs.

      Luis Solórzano : Chávez a parlé de la nécessité de construire une nation souveraine. Quand il parlait de souveraineté, il ne faisait pas seulement référence à la souveraineté territoriale et politique. Il parlait aussi de la souveraineté alimentaire. Malheureusement, nous n’avons pas compris l’importance de sa conception : si nous avions intériorisé sa pensée, nous ne serions pas dans cette situation aujourd’hui, les choses auraient été différentes et moins douloureuses lorsque l’impérialisme états-unien allié à l’oligarchie locale ont conspiré pour renverser le gouvernement du président Maduro. Bien sûr, nous ne devons pas oublier que le gouvernement de Chávez était déjà assiégé en permanence : rappelez-vous le coup d’État, le sabotage du pétrole et les incursions paramilitaires. La crise nous a frappés durement, elle a également endommagé l’organisation de base : nous luttions tous pour survivre. Aujourd’hui, les choses reprennent, et nous avons bon espoir de faire en sorte que notre commune s’enracine et se développe.

       

      Entretien réalisé par Cira Pascual Marquina et Chris Gilbert pour Venezuelanalysis

      Photos : Voces Urgentes

       

      Source : Venezuelainfos   & https://www.investigaction.net/

      Traduction : Thierry Deronne

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    • Dans ce nouveau numéro, Saïd Bouamama revient sur l’accord militaire passé entre la Russie et le Cameroun, ainsi que le silence médiatique qui l’entourre. Il analyse aussi le soulèvement au Sri Lanka et sa couverture dans les médias.

       

      source: https://www.investigaction.net/ 

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    • Le grand bond en arrière. ( LGS.info - 11/05/22 )

      Les États-Unis et le Royaume-Uni prévoient une guerre avec la Chine. Dans le langage officiel, ils explorent des "plans d’urgence" face à la "menace" chinoise contre Taïwan (Financial Times, 1er mai). Cela va de pair avec une activité militaire accrue des États-Unis, du Japon et de l’Australie dans les mers proches de Taïwan. Le journaliste français Arnaud Bertrand a déclaré que l’objectif de la récente réunion de deux jours entre les EU et les Britanniques était de définir leurs rôles respectifs dans une future guerre à Taiwan.

      Pourtant, les deux pays reconnaissent officiellement Taïwan comme faisant partie de la Chine.

      La position officielle des États-Unis telle qu’énoncée dans la fiche d’information sur les relations bilatérales du département d’État. Les relations avec Taïwan sont les suivantes : "Les États-Unis reconnaissent le gouvernement de la République populaire de Chine comme le seul gouvernement légal de la Chine [et] il n’y a qu’une seule Chine et Taïwan fait partie de la Chine".

      La position officielle britannique, telle qu’énoncée dans un mémorandum du ministère des Affaires étrangères et du Commonwealth est similaire : « HMG reconnaît... que Taiwan [est] une province de la RPC et reconnaît le gouvernement de la RPC comme le seul gouvernement légal de la Chine. Nous ne traitons pas avec les autorités taïwanaises et nous évitons tout acte qui pourrait être interprété comme impliquant une reconnaissance.

      Donc, fondamentalement, les deux pays "évitent officiellement tout acte qui pourrait être considéré comme impliquant la reconnaissance" de Taïwan et "reconnaît le gouvernement de la RPC comme le seul gouvernement légal" d’une Chine qui inclut Taïwan, mais à huis clos, ils planifient une guerre avec la Chine. pour nier leur propre politique.

      La raison d’une contradiction aussi flagrante est ce que l’auteur Elbridge Colby, ancien stratège de la défense du Pentagone, appelle la "Stratégie du déni" dans son livre du même nom.

      Les États-Unis doivent “ rester l’hégémon mondial ”

      Colby estime que pour « assurer aux Étasuniens la sécurité physique, la liberté et la prospérité », les États-Unis doivent rester l’hégémonie mondiale. Comme il le dit, les États-Unis doivent conserver « un rapport de force favorable par rapport à leurs intérêts clés », c’est-à-dire rester l’État le plus puissant à tous égards, partout. Il est très transparent à ce sujet : "Le moyen le plus efficace d’empêcher un autre de faire quelque chose que l’on ne veut pas respecter est d’être plus puissant que l’autre par rapport à cet intérêt .” Il poursuit : "Pour remplir leurs objectifs fondamentaux, les États-Unis doivent rechercher des équilibres de puissance militaro-économiques durablement favorables par rapport aux régions clés du monde".

      Pour lui, le pouvoir, c’est surtout la mort, la capacité de tuer : « La force physique, en particulier la capacité de tuer, est la forme ultime de levier coercitif. S’il existe d’autres sources d’influence [...] elles sont toutes dominées par le pouvoir de tuer. » Il poursuit : « Celui qui a la capacité d’en tuer un autre peut, s’il le veut, aggraver tout différend à ce niveau et ainsi l’emporter [...] Sans réponse, la force l’emporte sur la droite. Par conséquent, pour protéger leurs intérêts, les États-Unis doivent être particulièrement préoccupés par l’utilisation de la force physique. Tout le livre découle de cette fondation. La Chine est une menace parce qu’elle est sur une trajectoire où les États-Unis pourraient un jour ne pas être une menace pour elle. Les États-Unis devraient conserver la capacité de tuer la Chine et la perspective que la Chine y échappe est la « menace chinoise ».

      Colby est l’ancien sous-secrétaire adjoint à la Défense pour la stratégie au Pentagone (c’est-à-dire le responsable de la stratégie de défense des États-Unis) et son livre est devenu un texte extrêmement influent aux États-Unis. Il soutient que les États-Unis doivent maintenir leur hégémonie sur l’Asie et que le contrôle de Taiwan est essentiel pour cela. Cette idée a été développée pour la première fois en 1951 par John Foster Dulles. Connu sous le nom de concept militaire de "première chaîne d’îles", il s’agit de la stratégie consistant à maintenir le contrôle américain sur la chaîne d’îles étreignant le continent chinois du Japon au nord jusqu’à Bornéo au sud, afin de contenir l’accès de la Chine à la mer de Chine méridionale, la mer par laquelle passe presque tout son commerce. Selon cette théorie militaire, perdre le contrôle militaire étasunien sur Taiwan signifierait une brèche dans cette ligne de confinement.

      Une guerre par procuration de style ukrainien

      Colby explique dans le livre qu’il envisage une guerre par procuration à l’ukrainienne. Il entre dans les moindres détails, expliquant même comment la Chine devrait être "tentée" de frapper des civils, ce qui, selon lui, ne devrait pas être défendu. Il veut provoquer la mort de civils taïwanais pour leur valeur de relations publiques. Le livre appelle à une coalition de pays d’Asie pour aider à exécuter cette stratégie, tout comme les Européens aident maintenant l’Ukraine.

      Ils songent même à recruter l’OTAN (qui, pour rappel, signifie Organisation du Traité de l’ATLANTIQUE NORD, NORTH ATLANTIC Treaty Organization) pour cela, Liz Truss affirmant récemment qu’elle devrait aussi "protéger" Taiwan.

      Nous ne sommes donc pas à un retour à la Seconde Guerre mondiale, nous sommes à nouveau au XIXe siècle lorsque les puissances occidentales (et le Japon) se sont unies pour imposer leur domination sur le reste du monde.

      (Inspiré d’un fil Twitter d’Arnaud Bertrand)

      Auteur : Le Correspondant Socialiste

      Source : https://www.legrandsoir.info

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    • Avec Adrien Bocquet, ancien fusilier de l’armée française, auteur de “Lève-toi et marche grâce à la science” aux éditions Max Milo, il revient de 3 semaines en Ukraine.

       

      source: https://www.youtube.com/watch?v=ZoKnhXnp-Zk

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    • La journaliste Shireen Abu Akleh, une des plus connues de la chaîne arabe Al-Jazira, a été tuée mercredi matin par un tir de l'armée israélienne alors qu'elle couvrait des affrontements dans le secteur de Jénine en Cisjordanie occupée.

      Lors d'affrontements dans le secteur de Jénine en Cisjordanie occupée, la journaliste Shireen Abu Akleh de la chaîne arabe Al-Jazira, a été tuée mercredi 11 mai par un tir de l'armée israélienne.

      Le ministère palestinien de la Santé et la chaîne Al-Jazira ont dans la foulée annoncé le décès de cette journaliste par un tir de l'armée israélienne lors de ces affrontements à Jénine, bastion des factions armées palestiniennes dans le nord de la Cisjordanie occupée.

      Tuée de "sang froid"

      Selon la chaîne qatarie, la journaliste a été tuée "de sang froid" par les forces israéliennes. "Dans un ce qui est d'évidence un meurtre, en violation des lois et des normes internationales, les forces d'occupation israéliennes ont assassiné de sang-froid la correspondante d'Al Jazeera en Palestine, Shireen Abu Akleh, prise pour cible de tirs à balles réelles tôt ce matin", a ainsi précisé Al-Jazira dans un communiqué.

      La vice-ministre des Affaires étrangères du Qatar, Lolwah Al Khater, a précisé dans un message sur Twitter, que la correspondante avait été tuée par les forces israéliennes d'"une balle au visage". "L'occupation israélienne a tué la journaliste d'Al Jazeera Shireen Abu Akleh en lui tirant une balle au visage alors qu'elle portait une veste 'presse' et un casque. Elle couvrait leur attaque dans le camp de réfugiés de Jénine. Ce terrorisme d'État israélien doit cesser, le soutien inconditionnel à Israël doit cesser", a-t-elle écrit. 

      Une journaliste chevronnée

      Palestinienne, chrétienne et âgée d'une cinquantaine d'années, Shireen Abu Akleh avait travaillé à "La Voix de la Palestine", Radio Monte-Carlo, avant de rejoindre la chaîne Al-Jazira, où elle s'est fait connaître à travers le Moyen-Orient pour ses reportages sur le conflit israélo-palestinien.

      Un autre journaliste a été blessé lors de ces affrontements ont indiqué des sources hospitalières et un photographe de l'AFP sur place.

      Ce décès intervient près d'un an jour pour jour après la destruction de la tour Jalaa, où étaient situés les bureaux de la chaîne qatarie dans la bande de Gaza, lors d'une frappe aérienne israélienne en pleine guerre entre le mouvement islamiste palestinien Hamas et l'État hébreu. 

      L'armée israélienne a indiqué dans un communiqué avoir mené au cours des dernières heures, des opérations dans le camp palestinien de Jénine, et d'autres secteurs de Cisjordanie, afin "d'appréhender des personnes soupçonnées de terrorisme". "Durant ces activités de contreterrorisme dans le camp palestinien de Jénine, des dizaines d'hommes armés palestiniens ont ouvert le feu et lancé des objets explosifs en direction des forces israéliennes, menaçant leur vie. Les soldats ont répliqué. Des personnes ont été atteintes", a indiqué l'armée israélienne.

      "L'armée mène une enquête sur ces événements et envisage la possibilité que les journalistes ont été atteints par des hommes armés palestiniens", a ajouté le communiqué.

      Depuis le 22 mars 2022, Israël a été la cible d'une série d'attaques ayant fait au moins 18 morts. Deux de ses attaques ont été perpétrées par des Arabes israéliens, et quatre d'entre elles par des Palestiniens, dont trois jeunes originaires de Jénine, où l'armée israélienne a multiplié les opérations ces dernières semaines.

      Avec AFP

      Source : https://www.france24.com

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    • Voici une analyse d’une sociologue ukrainienne qui part de ce qui effectivement constituait avant l’invasion la principale préoccupation des Ukrainiens : survivre économiquement. Cette analyse n’approuve pas l’intervention russe, elle explique au contraire que cela peut faire basculer une population pro-russe dans le nationalisme ukrainien. Il y a en effet un risque pour les progressistes et communistes occidentaux, excédés par le pilonnage propagandiste pro-OTAN subi jour après jour et conscients également de la manière dont la Russie a été acculée, de ne pas mesurer la réalité et la complexité du terrain et donc de relâcher l’essentiel, les efforts en faveur d’une paix négociée et la dénonciation de ce que l’alliance “libéralisme économique” et nationalisme est dangereuse pour le continent européen comme pour le monde. A lire d’urgence. (NOTE ET TRADUCTION DE DANIELLE BLEITRACH POUR HISTOIREETSOCETE)

      NATYLIE BALDWIN·28 AVRIL 2022

      L’universitaire ukrainienne Olga Baysha détaille l’adhésion de Volodymyr Zelensky à des politiques néolibérales largement détestées, la répression de ses rivaux et comment ses actions ont alimenté la guerre actuelle avec la Russie.

      Acteur comique qui a accédé à la plus haute fonction du pays en 2019, Volodymyr Zelensky était pratiquement inconnu de l’Américain moyen, sauf peut-être en tant que lecteur de bits dans le théâtre de la destitution de Trump. Mais lorsque la Russie a attaqué l’Ukraine le 24 février 2022, Zelensky a soudainement été transformé en une célébrité de premier plan dans les médias américains. Les consommateurs américains de nouvelles ont été bombardés d’images d’un homme qui est apparu submergé par les événements tragiques, peut-être au-dessus de sa tête, mais finalement sympathique. Il n’a pas fallu longtemps pour que cette image évolue en héros infatigable vêtu de kaki gouvernant une petite démocratie délabrée et repoussant à lui seul les barbares de l’autocratie de l’Est.

      Mais au-delà de cette image médiatique occidentale soigneusement conçue, il y a quelque chose de beaucoup plus compliqué et moins flatteur. Zelensky a été élu par 73 pour cent du vote sur une promesse de poursuivre la paix alors que le reste de son programme était vague. À la veille de l’invasion, cependant, sa cote de popularité avait chuté à 31 pour cent en raison de la poursuite de politiques profondément impopulaires.

      L’universitaire ukrainienne Olga Baysha, auteure de Democracy, Populism, and Neoliberalism in Ukraine: On the Fringes of the Virtual and the Real, a étudié l’ascension de Zelensky au pouvoir et comment il a exercé ce pouvoir depuis qu’il est devenu président. Dans l’interview ci-dessous, Baysha discute de l’adhésion de Zelensky au néolibéralisme et à l’autoritarisme croissant, de la façon dont ses actions ont contribué à la guerre actuelle; son leadership contre-productif et égocentrique tout au long de la guerre, les opinions et identités culturelles et politiques complexes des Ukrainiens, le partenariat entre les néolibéraux et la droite radicale pendant et après le Maïdan, et si une prise de contrôle russe de toute la région du Donbass pourrait être moins populaire parmi la population locale qu’elle ne l’aurait été en 2014.

      Parlez-nous un peu de votre parcours. D’où venez-vous et comment en êtes-vous venue à vous intéresser à votre domaine d’études actuel?

      Je suis une Ukrainienne de souche née à Kharkov, une ville ukrainienne à la frontière avec la Russie, où mon père et d’autres parents vivent encore. Avant la guerre actuelle, Kharkov était l’un des principaux centres éducatifs et scientifiques de l’Ukraine. Les habitants de la ville sont fiers de vivre dans la « capitale intellectuelle » de l’Ukraine. En 1990, la première société de télévision libre de tout contrôle du parti y a été établie; bientôt, sa première émission d’information a été diffusée sur les ondes. À ce moment-là, j’étais déjà diplômée de l’Université de Kharkov et, un jour, j’ai été invitée à travailler comme journaliste dans ce programme par un ami universitaire. Le lendemain, sans expérience préalable, j’ai commencé à faire des reportages. En quelques mois, j’étais présentatrice de nouvelles. Ma carrière fulgurante n’est pas un fait exceptionnel.

      Les nouveaux médias incontrôlés, dont le nombre augmentait à un rythme effréné chaque jour, exigeaient de plus en plus de travailleurs des médias. Dans l’écrasante majorité des cas, il s’agissait de jeunes ambitieux sans aucune formation journalistique ni expérience de vie. Ce qui nous a unis, c’est le désir d’occidentalisation, le manque de compréhension des contradictions sociétales caractérisant la transition post-soviétique et la surdité aux préoccupations des travailleurs qui s’opposaient aux réformes. À nos yeux, ces derniers étaient « rétrogrades » : ils ne comprenaient pas ce qu’était la civilisation. Nous nous considérions comme une avant-garde révolutionnaire et choisissions des réformateurs progressistes. C’est nous, les travailleurs des médias, qui avons créé un environnement favorable à la néolibéralisation de l’Ukraine, présentée comme une occidentalisation et une civilisation, avec toutes les conséquences désastreuses pour la société qu’elles ont apportées. Ce n’est que des années plus tard que j’ai réalisé cela.

      Plus tard, alors que je supervisais la production de documentaires historiques dans une société de télévision de Kiev, j’ai reconnu que la mythologie du progrès historique unidirectionnel et l’inévitabilité de l’occidentalisation pour les « barbares » fournissaient un fondement idéologique aux expériences néolibérales non seulement dans les anciens États soviétiques, mais dans le monde entier. C’est cet intérêt pour l’hégémonie mondiale de l’idéologie de l’occidentalisation qui m’a conduite d’abord au programme de doctorat en études critiques des médias à l’Université du Colorado à Boulder, puis à la recherche que je fais maintenant.

      Selon le travail universitaire de certains sociologues ukrainiens, les sondages ont montré dans un passé récent que la plupart des Ukrainiens n’étaient pas très intéressés par la question de l’identité, mais étaient plus préoccupés par des questions telles que les emplois, les salaires et les prix. Votre travail se concentre beaucoup sur les réformes néolibérales qui ont été adoptées en Ukraine depuis 2019 – contre le sentiment populaire. Pouvez-vous nous parler de ce que pensent la plupart des Ukrainiens des questions économiques et pourquoi ?

      Dans les milieux sociaux [dans lesquels je vivais] – l’est de l’Ukraine, la Crimée et Kiev – il y avait très peu de gens préoccupés par la question de l’identité ethnique. Je ne mets pas en vain l’accent sur « mes milieux sociaux ». L’Ukraine est un pays complexe et divisé avec son Extrême-Est et son Extrême-Ouest ayant des points de vue diamétralement différents sur toutes les questions socialement importantes. Depuis la déclaration d’indépendance de l’Ukraine en 1991, deux idées d’identité nationale se font concurrence en Ukraine : « ukrainien ethnique » contre « slave oriental ». L’idée nationale ukrainienne ethnique, basée sur l’idée que la culture, la langue et l’histoire centrées sur l’ethnicité ukrainiennes devraient être les forces d’intégration dominantes dans l’État-nation ukrainien, a été beaucoup plus populaire dans l’ouest de l’Ukraine. L’idée slave orientale, qui envisage la nation ukrainienne comme fondée sur deux groupes ethniques, langues et cultures primaires – ukrainien et russe – a été acceptée comme normale dans le sud-est ukrainien. Cependant, en général, je suis d’accord pour dire que la plupart des Ukrainiens sont beaucoup plus préoccupés par les questions économiques, ce qui a toujours été le cas.

      En fait, l’indépendance de l’Ukraine en 1991 était aussi dans une large mesure une question de préoccupations économiques. De nombreux Ukrainiens ont soutenu l’idée d’un divorce politique avec la Russie parce qu’on s’attendait à ce que l’Ukraine se porte mieux économiquement – c’est ce que les tracts propagandistes nous ont promis. Cet espoir économique ne s’est pas réalisé. À bien des égards, l’effondrement de l’Union soviétique a radicalement changé la vie des gens pour le pire en raison de la néolibéralisation de l’Ukraine – la marchandisation de la sphère sociale et la ruine de l’État-providence soviétique.

      Qu’en est-il des réformes néolibérales initiées par Zelensky ? Vous pouvez juger de leur popularité par les sondages d’opinion – jusqu’à 72% des Ukrainiens n’ont pas soutenu sa réforme agraire, le fleuron du programme néolibéral de Zelensky. Après que son parti l’ait approuvé malgré l’indignation des gens, la cote de Zelensky est passée de 73% au printemps 2019 à 23% en janvier 2022. La raison en est simple : un profond sentiment de trahison. Dans son programme électoral non officiel – l’émission « Serviteur du peuple » – Zelesnky-Holoborodko [Holoborodko était le personnage de Zelensky dans l’émission de télévision – NB] a promis que s’il pouvait gouverner le pays pendant seulement une semaine, il « ferait vivre l’enseignant en tant que président, et le président en tant qu’enseignant ». Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette promesse n’a pas été tenue. Les gens se sont rendu compte qu’ils avaient été dupés une fois de plus – les réformes ont été menées dans l’intérêt non pas des Ukrainiens, mais du capital mondial.

      Dans quelle mesure pensez-vous que la priorité accordée à la sécurité économique par rapport aux questions d’identité a changé avec l’invasion russe ? Comment pensez-vous que cela fonctionnera pour les fortunes politiques des nationalistes / ultranationalistes par rapport aux modérés ou aux gauchistes?

      C’est une question intéressante. D’une part, la priorité des gens est maintenant de survivre, ce qui fait de la sécurité leur principale préoccupation. Pour sauver leur vie, des millions d’Ukrainiens, y compris ma mère et ma sœur avec enfants, ont quitté l’Ukraine pour l’Europe. Beaucoup d’entre eux sont prêts à y rester pour toujours, à apprendre des langues étrangères et à adopter un mode de vie étranger – tous ces développements peuvent difficilement donner la priorité aux préoccupations identitaires. D’un autre côté, cependant, l’intensification des sentiments ethniques et la consolidation de la nation face à l’invasion sont également évidentes. Je peux en juger par les discussions publiques dans les médias sociaux – certains Kharkovites que je connais personnellement ont même commencé à faire des messages en ukrainien [langue], qu’ils n’avaient jamais utilisés auparavant, pour mettre en évidence leur identité nationale et signaler qu’ils sont contre toute invasion étrangère.

      C’est un autre aspect tragique de cette guerre. La révolution de Maïdan de 2014, que beaucoup de gens dans le sud-est n’ont pas soutenue, a transformé ces gens en « esclaves », « sovki » et « vatniki » – des termes péjoratifs pour désigner leur retard et leur barbarie. C’est ainsi que les révolutionnaires de Maïdan, qui se considéraient comme la force progressiste de l’histoire, voyaient les « autres » anti-Maïdan en raison de leur adhésion à la langue et à la culture russes. Jamais cette population pro-russe n’aurait pu imaginer que la Russie bombarde ses villes et ruine ses vies. La tragédie de ces gens est double: premièrement, leur monde a été ruiné symboliquement par le Maïdan, maintenant, il est détruit physiquement par la Russie.

      Les résultats de ces développements ne sont pas clairs dans la mesure où on ne sait pas comment la guerre se terminera. Si les régions du sud-est restent en Ukraine, la ruine de tout ce qui résiste au nationalisme agressif sera très probablement achevée. Ce sera probablement la fin de cette culture borderline unique qui n’a jamais voulu être complètement ukrainisée ou russifiée. Si la Russie établit un contrôle sur ces régions, comme elle s’en vante maintenant, je peux difficilement prédire comment elle traitera le ressentiment de masse – du moins, dans les villes qui sont considérablement endommagées, comme à Kharkov.

      En ce qui concerne Zelensky en particulier – une chose que vous soulignez dans votre livre est comment Zelensky a servi de figure de Pied Piper en ce sens qu’il a utilisé sa célébrité et ses talents d’acteur pour amener les gens à le soutenir au nom de ce programme vague et de bien-être (paix, démocratie, progrès, anticorruption), mais cela a vraiment occulté un autre programme qui n’aurait pas été populaire, en particulier un programme économique néolibéral. Pouvez-vous nous parler de la façon dont il a fait cela – comment a-t-il mené sa campagne et quelles étaient ses priorités après son arrivée au pouvoir?

      L’argument de base présenté dans mon récent livre est que la victoire étonnante de Zelensky et de son parti, transformés plus tard en une machine parlementaire pour produire et approuver les réformes néolibérales (dans un « régime turbo », comme ils l’appelaient), ne peut s’expliquer en dehors du succès de sa série télévisée, qui, comme le pensent de nombreux observateurs, a servi de plate-forme électorale informelle à Zelensky. Contrairement à sa plate-forme officielle, qui ne comportait que 1 601 mots et contenait peu de détails politiques, les 51 épisodes d’une demi-heure de son émission ont fourni aux Ukrainiens une vision détaillée de ce qui devrait être fait pour que l’Ukraine puisse progresser.

      Le message délivré par Zelensky aux Ukrainiens à travers son spectacle est clairement populiste. Le peuple ukrainien y est dépeint comme une totalité sans problème dépourvue de divisions internes, dont seuls les oligarques et les politiciens / fonctionnaires corrompus sont exclus. Le pays ne devient sain qu’après s’être débarrassé à la fois des oligarques et de leurs marionnettes. Certains d’entre eux sont emprisonnés ou fuient le pays; leurs biens sont confisqués sans aucun égard à la légalité. Plus tard, Zelensky-le-président fera de même envers ses rivaux politiques.

      Fait intéressant, la série ignore le thème de la guerre du Donbass, qui a éclaté en 2014, un an avant la diffusion de la série. Comme les relations entre Maïdan et la Russie et l’Ukraine sont des questions très clivantes dans la société ukrainienne, Zelensky les a ignorées afin de ne pas compromettre l’unité de sa nation virtuelle, de ses téléspectateurs et, en fin de compte, de ses électeurs.

      Les promesses électorales de Zelensky, faites en marge du virtuel et du réel, concernaient principalement le « progrès » de l’Ukraine, compris comme « modernisation », « occidentalisation », « civilisation » et « normalisation ». C’est ce discours progressiste de modernisation qui a permis à Zelensky de camoufler ses plans de réformes néolibérales, lancés trois jours seulement après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Tout au long de la campagne, l’idée de « progrès » mise en avant par Zelensky n’a jamais été liée à la privatisation, à la vente de terres, aux coupes budgétaires, etc. Ce n’est qu’après que Zelensky ait consolidé son pouvoir présidentiel en établissant un contrôle total sur les branches législative et exécutive du pouvoir qu’il a clairement indiqué que la « normalisation » et la « civilisation » de l’Ukraine signifiaient la privatisation de la terre et de la propriété publique / étatique, la déréglementation des relations de travail, une réduction du pouvoir pour les syndicats, une augmentation des tarifs des services publics, et ainsi de suite.

      Vous avez souligné que de nombreux étrangers ont été nommés à des postes économiques et sociaux importants après le coup d’État de 2014 et avant le mandat de Zelensky. De même, de nombreux responsables de Zelensky ont des liens étroits avec les institutions néolibérales mondiales et vous avez suggéré qu’il existe des preuves qu’ils manipulent Zelensky qui a une compréhension peu sophistiquée de l’économie / finance. Pouvez-vous discuter de cet aspect des ramifications du changement de gouvernement pro-occidental en 2014? Quels sont les intérêts plus larges en jeu ici et ont-ils à l’esprit les intérêts de la population ukrainienne en général?

      Oui, le changement de pouvoir de Maïdan en 2014 a marqué le début d’une ère complètement nouvelle dans l’histoire de l’Ukraine en termes d’influence occidentale sur ses décisions souveraines. Certes, depuis que l’Ukraine a déclaré son indépendance en 1991, cette influence a toujours existé. La Chambre de commerce américaine, le Centre pour les relations américano-ukrainiennes, le Conseil des affaires américano-ukrainien, l’Association européenne des entreprises, le FMI, l’EBDR, l’OMC, l’UE – toutes ces institutions de lobbying et de réglementation ont eu une incidence significative sur les décisions politiques ukrainiennes.

      Cependant, jamais dans l’histoire pré-Maïdan de l’Ukraine le pays n’avait nommé des citoyens étrangers à des postes ministériels de haut niveau – cela n’est devenu possible qu’après le Maïdan. En 2014, Natalie Jaresko – citoyenne des États-Unis – a été nommée ministre des Finances de l’Ukraine, Aivaras Abromavičius – citoyen lituanien – est devenue ministre ukrainien de l’Économie et du Commerce, Alexander Kvitashvili – citoyen géorgien – ministre de la Santé. En 2016, Ulana Suprun, citoyenne américaine, a été nommée ministre de la Santé par intérim. D’autres étrangers ont assumé des fonctions de rangs inférieurs. Inutile de dire que toutes ces nominations n’ont pas résulté de la volonté des Ukrainiens, mais des recommandations des institutions néolibérales mondiales, ce qui n’est pas surprenant étant donné que le Maïdan lui-même n’était pas soutenu par la moitié de la population ukrainienne.

      Comme déjà mentionné, la majorité de ces « autres » anti-Maïdan résident dans les régions du sud-est. Plus on regardait à l’est, plus on trouvait un rejet du Maïdan avec son agenda européen fort et unifié. Plus de 75% des habitants des oblasts de Donetsk et de Lougansk (deux régions orientales de l’Ukraine majoritairement peuplées de russophones) ne soutenaient pas le Maïdan, tandis que seulement 20% des personnes vivant en Crimée le soutenaient.

      Ces chiffres statistiques, fournis par l’Institut de sociologie de Kiev en avril 2014, n’ont pas empêché les institutions occidentales du pouvoir d’affirmer que le Maïdan était le soulèvement du « peuple ukrainien » présenté comme une totalité sans problème – une ruse idéologique très puissante. En visitant la place Maïdan et en encourageant ses révolutionnaires à manifester, les membres de la « communauté internationale » ont manqué de respect à des millions d’Ukrainiens qui avaient des opinions anti-Maïdan, contribuant ainsi à l’escalade du conflit civil, qui a finalement conduit à la catastrophe que nous observons impuissants aujourd’hui.

      Qu’en est-il des intérêts étrangers investis dans la néolibéralisation de l’Ukraine, menée au nom du peuple ukrainien ?  Ils sont divers, mais derrière la réforme agraire, que j’ai analysée attentivement, il y avait des lobbies financiers en Occident. Les fonds de pension et les fonds d’investissement occidentaux voulaient investir de l’argent qui se dépréciait. À la recherche d’actifs dans lesquels investir, ils se sont assurés le soutien du FMI, de la Banque mondiale, de la BERD et de divers groupes de pression pour promouvoir leurs intérêts et préparer le terrain. Cela n’a rien à voir avec les intérêts des Ukrainiens, bien sûr.

      Quel est le bilan de Zelensky en matière de démocratie – liberté d’expression et de la presse, pluralisme politique et traitement des différents partis politiques ? Comment peut-on le situer par rapport aux autres présidents de l’Ukraine post-soviétique ?

      Je suis d’accord avec Jodi Dean qui affirme que la démocratie est un fantasme néolibéral dans le sens où elle ne peut pas exister dans les systèmes néolibéraux de gouvernement contrôlés non pas par les gens mais par des institutions supranationales. Comme nous l’avons mentionné précédemment, cela est devenu particulièrement évident après le Maidan lorsque les ministres des affaires étrangères ont été nommés par ces institutions pour présenter leurs intérêts en Ukraine. Cependant, dans son zèle réformateur, Zelensky est allé plus loin. Début février 2021, les trois premières chaînes de télévision d’opposition – NewsOne, Zik et 112 Ukraine – ont été fermées. Une autre chaîne d’opposition, Nash, a été interdite au début de 2022, avant le début de la guerre. Après le déclenchement de la guerre, en mars, des dizaines de journalistes indépendants, de blogueurs et d’analystes ont été arrêtés ; la plupart d’entre eux ont des opinions de gauche. En avril, les chaînes de télévision de droite – Channel 5 et Pryamiy – ont également été fermées. En outre, Zelensky a signé un décret obligeant toutes les chaînes ukrainiennes à diffuser un seul téléthon, présentant un seul point de vue pro-gouvernemental sur la guerre.

      Tous ces développements sont sans précédent dans l’histoire de l’Ukraine indépendante. Les partisans de Zelensky affirment que toutes les arrestations et les interdictions de médias doivent être passées par pertes et profits pour des raisons militaires, ignorant le fait que les premières fermetures de médias ont eu lieu un an avant l’invasion russe. Selon moi, Zelensky n’utilise cette guerre que pour renforcer les tendances dictatoriales au sein de son régime de gouvernement, qui a commencé à se former juste après l’arrivée de Zelensky au pouvoir – lorsqu’il a créé une machine à partis pour contrôler le parlement et approuver sans discussion les réformes néolibérales sans tenir compte de l’opinion publique.

      Le Conseil national de sécurité et de défense (NSDC) a été utilisé par Zelensky en 2021 pour sanctionner certaines personnes – principalement des rivaux politiques.  Pouvez-vous expliquer ce qu’est le NSDC, pourquoi Zelensky l’a utilisé et si c’était légal ou non ?

      Après que son soutien populaire se soit effondré en 2021, Zelensky a lancé le processus inconstitutionnel de sanctions extrajudiciaires contre ses opposants politiques, imposé par le Conseil de sécurité nationale et de défense (NSDC). Ces sanctions impliquaient la saisie extrajudiciaire de biens sans aucune preuve d’activités illégales des personnes physiques et morales concernées. Parmi les premiers à être sanctionnés par le NSDC figuraient deux députés de la Plateforme d’opposition « Pour la vie » (OPZZh) – Victor Medvedchuk (plus tard arrêté et montré à la télévision avec le visage battu après interrogatoire) et Taras Kozak (qui a réussi à s’échapper d’Ukraine), ainsi que des membres de leurs familles. Cela s’est produit en février 2021; en mars 2022, 11 partis d’opposition ont été interdits. Les décisions d’interdire les partis d’opposition et de sanctionner les dirigeants de l’opposition ont été prises par le NSDC; elles ont été mises en œuvre par décrets présidentiels.

      La Constitution de l’Ukraine stipule que le Conseil de la sécurité nationale et de la défense est un organe de coordination: il « coordonne et contrôle l’activité des organes du pouvoir exécutif dans le domaine de la sécurité et de la défense nationales ». Cela n’a rien à voir avec la poursuite des opposants politiques et la confiscation de leurs biens, ce que le NSDC fait depuis 2021. Il va sans dire que cette pratique du régime de Zelensky est inconstitutionnelle – seuls les tribunaux peuvent décider qui est coupable ou non et confisquer les biens. Mais le problème est que les tribunaux ukrainiens se sont avérés mal préparés à servir de marionnettes à Zelensky. Après que le chef de la Cour constitutionnelle ukrainienne Oleksandr Tupytskyi a qualifié les réformes inconstitutionnelles de Zelensky de « coup d’État », Zelensky n’avait rien d’autre à faire que de compter sur le NSDC pour faire avancer ses politiques impopulaires. Qu’en est-il du « dissident » Tupytskyi ? Le 27 mars 2021, également en violation de la Constitution ukrainienne, Zelensky a signé un décret annulant sa nomination en tant que juge de la Cour.

      Sous le régime de Staline, le Commissariat du peuple aux affaires intérieures (NKVD) a créé des « troïkas » pour condamner des personnes après des enquêtes simplifiées et rapides et sans procès public et équitable. Ce que nous observons dans le cas du NSDC est un développement très similaire, seuls les procès inconstitutionnels du NSDC ont un plus grand nombre de participants – toutes les figures clés de l’État, y compris le président, le Premier ministre, le chef des services de sécurité ukrainiens, le procureur général de l’Ukraine, etc. Une réunion du NSDC peut décider du destin de centaines de personnes. Rien qu’en juin 2021, Zelensky a mis en œuvre une décision du NSDC d’imposer des sanctions contre 538 personnes et 540 entreprises.

      J’aimerais vous poser des questions sur la liste « Pacificateur » (Myrotvorets) qui serait affilié avec le gouvernement ukrainien et les services de renseignement du SBU. Je crois comprendre qu’il s’agit d’une liste d’« ennemis de l’État » et qu’elle publie les renseignements personnels desdits ennemis. Plusieurs de ceux qui y figuraient ont été assassinés par la suite. Pouvez-vous nous parler de cette liste, de la façon dont les gens s’y retrouvent et de la façon dont elle s’intègre dans un gouvernement dont on nous a dit qu’il était démocratique?

      Le site nationaliste Myrotvorets a été lancé en 2015 « par un député du peuple occupant un poste de conseiller auprès du ministère de l’Intérieur de l’Ukraine » – c’est ainsi que le rapport de l’ONU décrit cela. Le nom de l’adjoint de ce peuple est Anton Gerashchenko, un ancien conseiller de l’ancien ministre de l’Intérieur Arsen Avakov. C’est sous le patronage d’Avakov en 2014 [que] des bataillons punitifs nationalistes ont été créés pour être envoyés dans le Donbass pour réprimer la résistance populaire contre le Maïdan. Myrotvorets a fait partie de la stratégie générale d’intimidation des opposants au coup d’État. Tout « ennemi du peuple » – quiconque ose exprimer publiquement des opinions anti-Maïdan ou contester le programme nationaliste de l’Ukraine – peut se retrouver sur ce site. Les adresses d’Oles Buzina, un célèbre publiciste [journaliste], abattu par des nationalistes près de son immeuble à Kiev, et d’Oleg Kalachnikov, un député de l’opposition tué par des nationalistes dans sa maison, étaient également sur Myrotvorets, ce qui a aidé les tueurs à retrouver leurs victimes. Les noms des meurtriers sont bien connus; cependant, ils ne sont pas emprisonnés parce que dans l’Ukraine contemporaine, dont la vie politique est contrôlée par les radicaux, ils sont considérés comme des héros.

      Le site n’a pas été fermé même après un scandale international lorsque Myrotvorets a publié les données personnelles de politiciens étrangers bien connus, y compris l’ancien chancelier allemand Gerhard Schröder. Mais, contrairement à M. Schröder résidant en Allemagne, des milliers d’Ukrainiens dont les données sont sur Myrotvorets, ne peuvent pas se sentir en sécurité. Toutes les personnes arrêtées en mars 2022 se trouvaient également sur Myrotvorets. Certains d’entre eux que je connais personnellement – Yuri Tkachev, le rédacteur en chef du journal d’Odessa Timer et Dmitry Dzhangirov, le rédacteur en chef de Capital, une chaîne YouTube.

      Beaucoup de ceux dont les noms figurent sur Myrotvorets, ont réussi à fuir l’Ukraine après le Maïdan; certains ont pu le faire après des arrestations massives en mars dernier. L’un d’eux est Tarik Nezalezhko, le collègue de Dzhangirov. Le 12 avril 2022, étant déjà en sécurité en dehors de l’Ukraine, il a publié un message sur YouTube, appelant le service de sécurité ukrainien « Gestapo » et donnant des conseils à ses téléspectateurs sur la façon d’éviter d’être capturé par ses agents.

      Ainsi, l’Ukraine n’est pas un pays démocratique. Plus j’observe ce qui s’y passe, plus je pense à la voie de modernisation d’Augusto Pinochet, qui, en fait, est admiré par nos néolibéraux. Pendant longtemps, les crimes du régime de Pinochet n’avaient pas fait l’objet d’enquêtes. Mais à la fin, l’humanité a découvert la vérité. J’espère seulement qu’en Ukraine, cela se produira plus tôt.

      L’universitaire ukrainien Volodymyr Ishchenko a déclaré dans une récente interview avec NLR que, contrairement à l’Europe occidentale, il existe davantage de partenariat entre le nationalisme et le néolibéralisme dans l’Europe de l’Est post-soviétique.  Cela a même été observé dans le Donbass parmi les plus riches. Êtes-vous d’accord avec cela?  Si oui, pouvez-vous expliquer comment cette combinaison a évolué?

      Je suis d’accord avec Volodymyr. Ce que nous observons en Ukraine, c’est une alliance de nationalistes et de libéraux basée sur leur intolérance commune à l’égard de la Russie et, respectivement, de tous ceux qui plaident pour une coopération avec elle. À la lumière de la guerre actuelle, cette unité des libéraux et des nationalistes peut apparaître comme justifiée. Cependant, l’alliance a été créée bien avant cette guerre – en 2013, lors de la formation du mouvement Maïdan. Par les libéraux, l’accord d’association avec l’Union européenne, préconisé par le Maïdan, était considéré principalement en termes de démocratisation, de modernisation et de civilisation – il était imaginé comme un moyen d’amener l’Ukraine aux normes européennes de gouvernement. En revanche, l’Union économique eurasienne, dirigée par la Russie, a été associée à une régression civilisationnelle vers l’étatisme soviétique et le despotisme asiatique. C’est ici que les positions des libéraux et des nationalistes ont convergé : ces derniers ont activement soutenu le Maïdan non pas à cause de la démocratisation, mais en raison de sa position clairement anti-russe.

      Dès les premiers jours des manifestations, les nationalistes radicaux étaient les combattants les plus actifs de Maïdan. L’unité entre les libéraux associant l’Euromaïdan au progrès, à la modernisation, aux droits de l’homme, etc., et les radicaux cooptant le mouvement pour leur programme nationaliste était une condition préalable importante à la transformation de la protestation civique en une lutte armée entraînant un renversement inconstitutionnel du pouvoir. Le rôle décisif des radicaux dans la révolution est également devenu un facteur crucial dans la formation d’un mouvement de masse anti-Maïdan dans l’est de l’Ukraine contre le « coup d’État », comme le discours hégémonique anti-Maïdan a surnommé le changement de pouvoir à Kiev. Au moins en partie, ce que nous observons aujourd’hui est un résultat tragique de cette alliance à courte vue et malheureuse, formée pendant le Maïdan.

      Pouvez-vous expliquer quelle a été la relation de Zelensky avec l’extrême-droite en Ukraine ?

      Zelensky lui-même n’a jamais exprimé de vues d’extrême-droite. Dans sa série « Serviteur du peuple », qui a été utilisée comme plate-forme électorale non officielle, les nationalistes ukrainiens sont dépeints négativement : ils n’apparaissent que comme des marionnettes d’oligarques stupides. En tant que candidat à la présidence, Zelensky a critiqué la loi linguistique signée par son prédécesseur Porochenko, qui faisait de la connaissance de la langue ukrainienne une exigence obligatoire pour les fonctionnaires, les soldats, les médecins et les enseignants. « Nous devons initier et adopter des lois et des décisions qui consolident la société, et non l’inverse », a affirmé Zelensky le candidat en 2019.

      Cependant, après avoir assumé la fonction présidentielle, Zelensky s’est tourné vers le programme nationaliste de son prédécesseur. Le 19 mai 2021, son gouvernement a approuvé un plan d’action pour la promotion de la langue ukrainienne dans tous les domaines de la vie publique strictement conforme à la loi linguistique de Porochenko, pour le plus grand plaisir des nationalistes et la consternation des russophones. Zelensky n’a rien fait pour poursuivre les radicaux pour tous leurs crimes contre les opposants politiques et le peuple du Donbass. Le symbole de la transformation de la droite de Zelensky a été son soutien par le nationaliste Medvedko – l’un des accusés du meurtre de Buzina – qui a publiquement approuvé l’interdiction par Zelensky des chaînes d’opposition russophones en 2021.

      La question est de savoir pourquoi. Pourquoi Zelensky a-t-il fait volte-face vers le nationalisme malgré l’espoir des gens qu’il poursuivrait la politique de réconciliation ? Comme beaucoup d’analystes le croient, c’est parce que les radicaux, bien que représentant la minorité de la population ukrainienne, n’hésitent pas à utiliser la force contre les politiciens, les tribunaux, les organismes d’application de la loi, les travailleurs des médias, etc. – en d’autres termes, ils sont simplement bons pour intimider la société, y compris toutes les branches du pouvoir. Les propagandistes peuvent répéter le mantra « Zelensky est juif, il ne peut donc pas être un nazi » aussi souvent qu’ils le souhaitent, mais la vérité est que les radicaux contrôlent le processus politique en Ukraine par la violence contre ceux qui osent affronter leurs programmes nationalistes et suprémacistes. Le cas d’Anatoliy Shariy — l’un des blogueurs les plus populaires en Ukraine vivant en exil — est un bon exemple pour illustrer ce point. Non seulement lui et les membres de sa famille reçoivent en permanence des menaces de mort, mais les radicaux intimident constamment les militants de son parti (interdit par Zelensky en mars 2022), les frappant et les humiliant. C’est ce que les radicaux ukrainiens appellent le « safari politique ».

      À l’heure actuelle, Zelensky est la figure la plus influente sur la scène mondiale en ce qui concerne un conflit qui a de graves implications s’il s’aggrave. Je suis préoccupé par le fait qu’il utilise ces mêmes compétences manipulatrices du show-biz pour rallier le soutien derrière cette image d’une incarnation personnelle de la démocratie et de la justice contre les forces du mal et de l’autocratie. C’est comme un film basé sur un monde de bande dessinée Marvel. C’est précisément le genre de cadrage qui semble antithétique à la diplomatie. Pensez-vous que Zelensky joue un rôle constructif en tant que dirigeant de l’Ukraine en temps de guerre ou non ?

      Je suis régulièrement les discours de guerre de Zelensky, et je peux dire avec confiance que la façon dont il encadre le conflit ne peut guère conduire à une résolution diplomatique car il répète en permanence que les forces du bien sont attaquées par les forces du mal. De toute évidence, il ne peut y avoir de solution politique à un tel Armageddon. Ce qui sort de ce cadre de référence mythique de la guerre, c’est le contexte plus large de la situation : le fait que depuis des années l’Ukraine refuse de mettre en œuvre les accords de paix de Minsk, signés en 2015 après la défaite de l’armée ukrainienne dans la guerre du Donbass. Selon ces accords, le Donbass devait bénéficier d’une autonomie politique au sein de l’Ukraine – un point inconcevable et inacceptable pour les radicaux. Au lieu de mettre en œuvre le document, qui a été ratifié par l’ONU, Kiev se bat avec le Donbass le long de la ligne de démarcation depuis huit longues années. La vie des Ukrainiens vivant dans ces territoires s’est transformée en cauchemar. Pour les radicaux, dont les bataillons ont combattu là-bas, les gens du Donbass – imaginés comme sovki et vatniki – ne méritent pas la miséricorde et l’indulgence.

      La guerre actuelle est une prolongation de la guerre de 2014, qui a commencé lorsque Kiev a envoyé des troupes dans le Donbass pour réprimer la rébellion anti-Maïdan sous la prémisse de la soi-disant « opération antiterroriste ». La reconnaissance de ce contexte plus large ne présuppose pas l’approbation de « l’opération militaire » de la Russie, mais elle implique la reconnaissance que l’Ukraine est également responsable de ce qui se passe. Formuler la question de la guerre actuelle en termes de lutte de civilisation contre la barbarie ou de démocratie contre l’autocratie n’est rien d’autre que de la manipulation, et c’est essentiel pour comprendre la situation. La formule de Bush « vous êtes soit avec nous, soit avec des terroristes », propagée par Zelensky dans ses appels au « monde civilisé », s’est avérée très pratique pour éviter la responsabilité personnelle du désastre en cours.

      En termes de vente de cette histoire unidimensionnelle au monde, les compétences artistiques de Zelensky semblent inestimables. Il est enfin sur la scène mondiale, et le monde applaudit. L’ancien comédien ne cherche même pas à cacher sa satisfaction. Répondant à la question d’un journaliste de Français le 5 mars 2022 – le dixième jour de l’invasion russe – sur la façon dont sa vie avait changé avec le début de la guerre, Zelensky a répondu avec un sourire de joie: « Aujourd’hui, ma vie est belle. Je crois qu’on a besoin de moi. Je pense que c’est le sens le plus important de la vie – être nécessaire. Sentir que vous n’êtes pas seulement un vide qui ne fait que respirer, marcher et manger quelque chose. Vous vivez ».

      Pour moi, cette vision est alarmante : elle implique que Zelensky bénéficie de l’occasion unique de se produire sur la scène mondiale offerte par la guerre. Cela a rendu sa vie belle; il vit pleinement . Contrairement à des millions d’Ukrainiens dont la vie n’est pas belle du tout et à des milliers de ceux qui ne sont plus en vie.

      Alexander Gabuev a suggéré que les dirigeants russes manquaient d’expertise sur le pays, ce qui a contribué à ce conflit.  J’ai également entendu des commentateurs russes suggérer que l’Ukraine avait une attitude supérieure en ce qui concerne le fait d’être pro-occidental ou pro-russe. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un facteur important pour l’une ou l’autre des parties ?

      Je suis enclin à être d’accord avec l’affirmation concernant le manque de compréhension adéquate de la part des dirigeants russes des processus sociaux qui se déroulent en Ukraine depuis le Maïdan. En effet, la moitié de la population ukrainienne ne l’a pas accueilli favorablement et des millions de personnes vivant dans le sud-est voulaient que la Russie intervienne. Je le sais avec certitude car tous mes parents et vieux amis résident dans ces territoires. Cependant, ce qui était vrai en 2014 n’est peut-être pas nécessairement le cas aujourd’hui. Huit ans se sont écoulés; une nouvelle génération de jeunes, élevés dans un nouvel environnement social, s’est développée; et beaucoup de gens se sont simplement habitués à de nouvelles réalités. Enfin, même si la plupart d’entre eux méprisent les radicaux et la politique d’ukrainisation, ils détestent encore plus la guerre. La réalité sur le terrain s’est avérée plus complexe que ce à quoi les décideurs s’attendaient.

      Qu’en est-il du sentiment de supériorité parmi ces Ukrainiens qui s’identifient aux Occidentaux plutôt qu’aux Russes ?

      C’est vrai, et, quant à moi, c’est la partie la plus tragique de toute l’histoire post-Maïdan, parce que c’est précisément ce sentiment de supériorité qui a empêché les forces pro-Maïdan « progressistes » de trouver un langage commun avec leurs compatriotes pro-russes « arriérés ». Cela a conduit au soulèvement du Donbass, à « l’opération antiterroriste » de l’armée ukrainienne contre le Donbass, à l’intervention de la Russie, aux accords de paix de Minsk, à leur non-respect et, enfin, à la guerre actuelle.

      Source : https://histoireetsociete.com

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