Le verdict est tombé mercredi. Le Conseil d’État confirme l’injonction, prononcée en première instance, de retirer la croix qui surplombe la statue de Jean-Paul II, au nom du respect de la loi de séparation des Églises et de l’État.
Le Conseil d’État s’exprime
Ultime arbitre, la plus haute juridiction administrative, donne, en partie raison, au tribunal administratif de Rennes, en expliquant : « Dès lors que la croix constitue un signe ou un emblème religieux, au sens de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905, et que son installation par la commune n’entre dans aucune des exceptions ménagées par cet article, sa présence dans un emplacement public est contraire à cette loi. »
Par contre, le Conseil d’État estime « que l’arche ne saurait, par elle-même, être regardée comme un signe ou emblème religieux », au sens de la loi.
Du côté de la Libre-Pensée
« Nous sommes heureux de constater que la justice défend la laïcité et la loi de 1905. C’est une reconnaissance du droit du privé en rapport avec l’ordre public. Nous restons persuadés que les citoyens ploërmelais sont respectueux de la loi, ou alors c’est un autre état », partage André Le Béhérec, président de la Fédération Morbihannaise de la Libre-Pensée.
La section ploërmelaise de la Ligue des Droits de l’Homme se félicite également de l’arrêt définitif rendu par le Conseil d’État. Non sans s’étonner qu’il faille solliciter la plus haute juridiction pour faire respecter la loi. « C’est une leçon de laïcité pour les élus de la ville », partage la section ploërmelaise.
Du côté de la municipalité
Elle est rejointe par Béatrice Le Marre, membre de l’opposition, ancienne maire de Ploërmel. « Cette décision de justice n’est une surprise pour personne. La loi de 1905 s’applique à tous. Elle assure le vivre ensemble mais aussi la neutralité des institutions et des services publics. »
Pour elle, Paul Anselin, maire au moment de la mise en place de la statue en 2006, et son équipe dont Patrick Le Diffon faisait partie, « ont sciemment dérogé à cette loi et organisé cette provocation en érigeant cette statue sur l’espace public. Il était grand temps d’y mettre un terme et de faire respecter la loi. »
Des propos qui risquent de hérisser Patrick le Diffon et Paul Anselin. Ce dernier s’interroge, « n’est-ce pas un précédent pour enlever toutes les croix mises en place après la guerre ? En attendant, c’est un coup de massue, une peine terrible, au-delà de Ploërmel cette statue offerte par l’artiste russe Zourab Tsereteli est un symbole. »
L’ancien maire reproche à Patrick Le Diffon, maire actuel, « d’avoir refusé la proposition de l’association Touche pas à mon pape qui se proposait de racheter le terrain afin qu’il devienne privé. Notre association va organiser une marche interreligieuse en soutien à la statue en décembre, en veillant à aucune récupération politique. » La statue va donc encore faire parler d’elle.
« Traiter cette décision de façon apaisée »
Le maire, Patrick Le Diffon, s’est exprimé sur la situation. « Cette décision m’affecte, la statue du pape Jean-Paul II fait partie du paysage ploërmelais et de son patrimoine. Nous avons acté que nous avons six mois pour obtempérer, je souhaite traiter cette décision de façon apaisée et ne veux pas me précipiter. »
Il ajoute : « Il faut savoir qu’en enlevant la croix, nous risquons une procédure en civil car l’artiste serait en droit de nous poursuivre si nous touchions à son œuvre. Nous allons donc le contacter afin de lui signifier le jugement. Le déclassement de l’emplacement ne se fait pas d’un claquement de doigt. Cette procédure passe par une enquête publique. Nous pouvons aussi rétrocéder l’ensemble de cet espace dans le cadre de la réhabilitation du Sacré-Cœur. »
Avant de finir : « Une autre piste sera d’obtenir le soutien des Ploërmelais. Nos habitants sont attachés à cette statue qui a plus de sympathisants que de détracteurs. Une troisième piste pourrait nous amener à déplacer la statue en rétrocédant l’œuvre à un privé à condition que sa visibilité soit égale. Enfin, je n’exclus de porter l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme. »