• Le macronisme et sa haine de la Liberté d’expression-par Charles Meyer (Vu du droit-26/07/21)

    Avec le système d’Emmanuel Macron, le pire est toujours sûr et dans tous les domaines. Avec l’intervention de celui qui nous tient lieu de président de la République le douze juillet dernier, nous savions comment serait gérée la lutte contre la pandémie dans les semaines qui venaient :  comme depuis le mois de janvier 2020, à coups de mensonges, de désinvolture, de mise en place de réglementations liberticides, de répression et de sabotage systématique des processus démocratiques normaux dans une république du même nom. Ce pouvoir conscient de son caractère minoritaire et par conséquent largement illégitime sait que la brutalité, la répression et les atteintes aux libertés publiques sont ses armes principales. Malheureusement s’il sait être brutal, il n’hésite pas à être discret, comme vient de le démontrer l’adoption définitive et discrète dans les bruits de l’orchestre du débat vaccinal, de la loi « confortant le respect des principes de la République ».

    Charles Meyer est avocat et tient beaucoup à la liberté d’expression si malmenée dans cette période pénible. Il pointe une nouvelle attaque subreptice du macronisme contre nos droits fondamentaux. Comme d’habitude le diable est dans les détails techniques. Merci à lui.

    Régis de Castelnau

    PS : On recommandera une fois de plus l’indispensable ouvrage d’Anne-Sophie Chazaud :« Liberté d’inexpression. Des formes contemporaines de la censure. »


     

     

    Le diable est toujours dans les détails

     

    Il y a quelques jours, l’Assemblée nationale a définitivement adopté la « Loi confortant le respect des principes de la République ». Au-delà des quelques points d’amélioration qu’on peut saluer, dans le camp laïque, beaucoup de critiques ont été à juste titre formulées. De l’exploitation directe des biens immeubles par les associations cultuelles jusqu’aux lâchetés incurables de la macronie même quand elle se visse un drapeau laïque et républicain sur la tête, tout ou presque a été dit : le « en même temps » a depuis fait son œuvre. Il divise certes, mais il ne contente jamais personne. Ni les islamistes, ni même les laïques sincères, en l’espèce.

    Mais nous allons parler ici d’une liberté, pas n’importe laquelle, mise à mal par un article de ce texte assez méconnu et qui a peu fait couler d’encre, à droite comme à gauche, au sein des sphère laïques comme au Conseil d’Etat, qui chacun dans leur couloir, n’ont strictement rien trouvé à y redire.

    L’article 20, devenu l’article 46 de la loi définitivement adoptée hier, autorise, en substance, les parquets à poursuivre certains délits de presse en procédure accélérée de comparution immédiate. Ce texte modifie ainsi l’article 397-6 du Code de procédure pénale (lequel excluait expressément du champ de la comparution immédiate les délits de presse) et autorise l’application de ce régime aux infractions aux articles 24, 24 bis et 33. 3e et 4e alinéa de la Loi du 29 juillet 1881, sauf lorsque celles-ci auraient été commises sous le contrôle d’un directeur de publication. Cette évolution constitue un bouleversement majeur bien peu commenté.

    En clair, il s’agit de permettre la comparution immédiate pour les délits d’apologie de crimes de guerre, de négationnisme (art. 24 bis L. 29 juillet. 1881), d’incitation à commettre des violences, mais aussi (et surtout) de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap (art. 24 L. 29 juillet 1881).

     A première vue, on pourrait applaudir, ce féliciter que ces valeurs sociales protégées par la Loi de 1881 bénéficient d’un régime procédural accéléré : ne peste-t- on pas régulièrement contre les lenteurs de la justice, plus particulièrement s’agissant des délais de jugement des juridictions spécialisées en matière de presse ? Ne s’est-on pas suffisamment offusqué du sentiment d’impunité, avec lequel certains multirécidivistes tristement célèbres se sont illustrés ? On peut comprendre que les provocations réitérées de personnages tels qu’Henri de Lesquen ou Soral et leur décontraction devant la 17ème puissent en exaspérer plus d’un. L’affaire Mila de son côté, a également rappelé à quel point la violence des mots et les menaces en meute ne peuvent laisser la société et ses représentants indifférents. Tout cela est vrai. Alors, pourquoi s’inquiéter de cet article 46 ? Quel mal y aurait-il à redouter que demain, des petits Alain Soral soient arrêtés à 6 heures du matin sur ordre du tout nouveau parquet « anti-haine », jugés dans la journée et même, pourquoi pas, incarcérés sur le champ ? (ce que permet par dérogation au droit commun le régime de la comparution immédiate y compris pour des peines inférieures à un an d’emprisonnement – art. 397-4 CPP). Il n’est pas question de remettre ici en cause les infractions de presse précitées : apologies, négationnisme, appels à la violence ou à la haine raciste ou toute forme de déterminisme réprimée peuvent être poursuivies. Pourtant, ce texte est dangereux.  

    Dangereux, car il inhibe les garanties du débat qui sont le propre d’un procès de presse. Un débat contradictoire, mais surtout, un débat serein, où le temps est souvent nécessaire et dans lequel le Juge doit distinguer avec une particulière minutie, ce qui relève de la liberté d’expression de ce qui n’en relève pas.

    On pourrait croire que cette ligne rouge est facile à distinguer si l’on se réfère aux seuls exemples qu’illustrent les susnommés. Évidemment, il ne faut pas cinq minutes pour intellectualiser puis qualifier en droit chacun des propos qui ont valu condamnation à des personnages dont l’antisémitisme ou le racisme puants sont devenus, au fil des années, des marques de fierté et même de reconnaissance pour leurs publics.

    Il n’en n’est pourtant rien et cette ligne rouge est, dans bien des cas, difficile à tracer. C’est ici que les choses se compliquent et que la minutie avec laquelle on juge un propos est capitale. Car le droit et plus exactement la procédure, ne distingue pas entre une incitation outrancière à la haine et une incitation plus intellectualisée. Entre un propos certes alambiqué et qui peut choquer certains publics et une invitation à haïr sans ambiguïté. Chacun, de bonne foi ou non, animé par sa haine ou par ses convictions, est logé à la même enseigne lorsqu’il doit défendre son propos en justice.

    Du reste, beaucoup des infractions faisant l’objet de l’aménagement procédural de l’article 46 de la Loi adoptée hier, sont aujourd’hui et plus que jamais, des infractions qui servent également de fondement aux poursuites dirigées contre des citoyens engagés, anonymes ou médiatisés, politiques ou intellectuels, lanceurs d’alerte, qui prennent leur part de risque dans le débat public lorsqu’ils décident d’aborder des thèmes sensibles tels que celui de l’islam politique,

    du pacte républicain, des avancées sociétales ou des mœurs. C’est ici que l’exercice du droit de la presse prend souvent l’allure d’une chirurgie à cœur ouvert de la démocratie.

     L’exemple le plus parlant qui vient à l’esprit est le procès intenté en 2016 à l’historien et ancien responsable du mémorial de la Shoah, Georges Bensoussan. Par deux fois, en première instance et en appel, le Parquet soutenait – contre toute évidence juridique au regard des propos poursuivis et de leur contextualisation par son auteur, que Georges Bensoussan se serait rendu coupable d’incitation à la haine, délit prévu et réprimé par l’article 24 de la loi de 1881. Précision importante : ses propos avaient été tenus lors d’un direct, ce qui revient à indiquer qu’en l’absence de directeur de publication, l’article 46 aurait pu trouver dans ce cas application *(1).

     Pour s’imaginer un instant les conséquences que peuvent avoir l’application du régime de la comparution immédiate que dispose ce tout nouveau texte de loi sur la liberté d’expression et le débat public, il faut rappeler ce qu’implique ledit régime : il s’agit au départ de juger immédiatement des flagrants délits ou larcins pour lesquels une répression rapide était synonyme d’efficacité. Cette efficacité s’opère souvent au détriment de la défense. Car si les droits de la défense y sont techniquement présents, il est permis d’affirmer qu’ils ne s’exercent certainement pas dans d’aussi bonnes conditions que lors d’un procès pénal classique et a fortiori dans celles d’un procès de presse. Arrestation, garde à vue, défèrement au parquet, dépôt, rencontre souvent de moins d’une heure avec un avocat, jugements à la chaîne et mandat de dépôt sont souvent de mise.

    Justice d’exception ? La preuve par l’exemple

     Nous sommes ici aux antipodes du déroulement normal d’un procès de presse qui permet de décortiquer souvent pendant des heures un propos et surtout de juger ce propos à l’aune d’une actualité, d’un contexte et en bref, dans le but de protéger le débat nécessaire dans une société démocratique.

    Imaginer un intellectuel comme Georges Bensoussan privé de l’audience d’une journée au terme de laquelle il a pu s’exprimer et faire part au Tribunal de son inquiétude qui lui valait poursuites, faire citer ses témoins, prendre le temps, pendant des heures, de contre argumenter et de démonter la tartufferie de ses adversaires, cela tiendrait de l’impossible.

    Évidemment, deux choses peuvent ici être objectées : d’une part, le prévenu a toujours le choix d’être jugé ultérieurement et pas en comparution immédiate. D’autre part, l’article 46 ne sera applicable qu’aux affaires en état d’être jugées. Cela est juste. Pour autant, deux autres choses doivent encore être dites pour y répondre : pour la première, on rappellera qu’en cas de refus du prévenu de comparaître immédiatement, l’usage d’un strict contrôle judiciaire et même très souvent du mandat de dépôt est possible et même courant, à tel point qu’il constitue en pratique un moyen de dissuasion qui amène nombre d’avocats à conseiller sauf exception d’être jugé en comparution immédiate *(2). Pour la seconde, il faudra déterminer ce qu’est une affaire en état d’être jugée : qui s’en chargera, si ce n’est en premier lieu le parquet ? Il faudra donc s’en remettre au parquet qui, bien souvent dans les affaires de presse, fait montre d’une approche étonnante, pour ne pas le dire, déconcertante.

    Les affaires concernant des lanceurs d’alerte comme Georges Bensoussan, Mohamed Louizi ou tant d’autres l’ont hélas illustré. Que dira ensuite la formation de jugement du tribunal ? On s’écarte ici notablement des garanties entourant la liberté protégée par les articles 10 de la Déclaration de 1789 et de la Convention européenne de sauvegarde des droits fondamentaux.

     Il ne peut raisonnablement être soutenu que cet article 46 n’aura aucune conséquence sur la liberté d’expression et ne porte pas en germe un effet d’auto censure de l’intellectuel, du journaliste, du politique et surtout, du citoyen qui s’engage, qui risquent de s’engager beaucoup moins car ils n’auront peut-être pas envie de faire l’objet d’une telle procédure accélérée qui ne permet absolument pas en l’état d’offrir les garanties du procès de presse.

     Car, par ailleurs, si le texte ne s’applique pas aux propos tenus sous la responsabilité d’un directeur de publication, cette situation n’est plus l’apanage du journalisme et du débat public à l’heure des réseaux sociaux et des chaînes en direct d’information.

     Pire, en assumant de distinguer le régime qui serait applicable au journaliste et au citoyen, ce projet instaure dans le droit une tendance actuelle tout à fait à l’opposé de l’esprit dans lequel la Déclaration de 1789 s’est forgée. En modelant peu à peu une liberté d’expression à deux vitesses, on conteste ainsi au citoyen lambda le bénéfice des garanties procédurales qu’on laisse au journaliste.

    Des conséquences délétères

    Cette tendance, déjà existante et exacerbée depuis 4 ans, s’illustre dans ce texte et elle est dangereuse. Car si des protections dérogatoires permettent aux journalistes de leur garantir de pouvoir librement informer – on pense ici au secret des sources – , en aucun cas il n’a été envisagé de permettre à certains de s’exprimer dans un cadre juridique distinct de celui des autres. Chacun est libre de publier ses idées et de débattre publiquement.

    Dernier point pratique mais non des moindres : l’article 46 ne s’accompagne pas d’une modification du Code de l’organisation judiciaire et rien n’est precisé s’agissant de la formation en charge de juger ces délits de presse : or l’on sait que la technicité de cette matière amène nombre de tribunaux, dont le Tribunal Judiciaire de PARIS, à affecter à des chambres spécialisées de telles affaires.

    Qu’en sera –t-il de ces procès de presse d’un genre nouveau ? Nous ne le savons pas et il est à craindre que des débats jusqu’alors préservés des contraintes de certaines chambres correctionnelles doivent désormais se réduire à peau de chagrin au détriment de la Liberté d’expression.

     Le développement des réseaux sociaux génère son lot de malfaisances et de problèmes parfois colossaux à résoudre, particulièrement dans l’intérêt des démocraties. Y répondre n’est pas facile et prendra sans doute le temps du recul que nous n’avons toujours pas.

    Mais y apporter de fausses solutions, qui plus est lorsqu’elles risquent de porter une atteinte inconsidérée à la protection de la liberté de la presse instituée depuis 1881, est parfaitement déraisonnable. Car la lutte contre les idéaux de haine est un combat politique qui nécessite de traiter des causes de ladite haine, pas de les aseptiser. Cette lutte requiert un cadre, pas une neutralisation préventive du débat. Ni la baisse du niveau de violence, ni la régulation des propos condamnables, ne doivent justifier d’y porter atteinte sous peine de mettre gravement en cause un des principes piliers de notre République.

    Alors, pensons à ces députés et politiques ayant salué ou voté ce texte qui, demain, pourrait viser chacun d’entre eux si, à l’occasion d’un débat un peu complexe et agité sur des questions telles que celles qui ont valu à Georges Bensoussan de comparaître, leurs propos rencontraient par malchance l’interprétation politique, les inepties de parties civiles et l’erreur de droit, pour ne pas dire, un manque absolu de courage et de clairvoyance d’un Parquet.

    La liberté d’expression dont principes sont posés par l’intangible déclaration des droits de l’homme et du citoyen, avec le texte fondamental la loi de 1881, font l’objet de destruction méthodique volontaire et calculée par ce pouvoir.

    *(1) L’article 395 al. 2 du Code de procedure pénale permet l’application du régime de la comparution immédiate aux délits punis d’une peine d’emprisonnement d’au moins six mois, lorsque le cadre d’enquête est celui du flagrant délit, ce qui est parfaitement concevable s’agissant dun propos dont se saisirait un service d’investigation quelques heures après sa publication. La provocation à la haine est quant à elle réprimée d’un an d’emprisonnement maximum.

    *(2)Toutefois et en l’état, cette hypothèse de détention provisoire serait réservée en droit de la presse aux infractions prévues et réprimées par les articles 23 et 24 al. 2 à 4 de la Loi de 1881, par application des dispositions de l’article 52 du même texte. Encore que l’article 46 de la Loi nouvellement adoptée n’évoque rien de ce point ni des contradictions qu’il institue entre, d’une part, l’article 52 de la Loi de 1881 qui limite le recours à la détention provisoire et, d’autre part, le régime de la comparution immédiate rendu désormais applicable ( l’article 46 de la loi nouvelle renvoyant aux articles 393 à 397-5 du Code de procedure pénale). Dont l’article 397-3 al.2 du Code de procédure pénale, qui permet en cas de délit flagrant puni d’au moins six mois d’emprisonnement, le placement en détention provisoire.

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