• Mali : l’heure du bilan-par Aymeric Monville (IC.fr-11/06/21)

    M. Macron a donc annoncé la fin de l’opération militaire Barkhane. Elle même avait pris la suite à la fin des opérations militaires et Épervier. Ce n’est pas la fin de la présence militaire française puisqu’elle serait remplacée par une force d’occupation sous contrôle de l’Union Européenne… mais toujours composé à 90% de l’armée française.

    Mali : l’heure du bilan

    Dix ans après la désastreuse opération de Libye, prélude au chaos dans le Sahel, neuf ans après le début de l’opération Serval puis Barkhane, notre devoir est de faire le bilan de l’intervention française au Mali.

    Dans le contexte d’un nouveau coup d’État qui révèle des tensions inédites entre le pouvoir malien et les impérialistes français, les massacres continuent et ont même gagné le cœur du Mali, récemment en pays dogon, jusqu’à s’étendre au Burkina Faso.

    Pour comprendre les phénomènes internationaux, nous prenons évidemment en compte l’avis des camarades, en l’occurrence les marxistes-léninistes du parti Sadi.

    Que dit le Sadi ?

    Oumar Mariko

    En 2019, le parti Sadi affirmait son opposition à la présence de l’armée française au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane. Le 18 novembre 2019, le bureau politique du parti déclarait : « notre Nation réconciliée avec elle-même, devrait pouvoir  mobiliser l’ensemble de ses ressources internes tel que prévu par l’Article 6 de notre Constitution de 1992, et recourir à la coopération internationale, y compris avec la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie, la Corée du Nord pour doter nos Famas d’un équipement de défense aérienne, de blindés et autres équipements  nécessaires à son efficacité opérationnelle, pour rétablir, avec l’appui d’une MINUSMA libérée du contrôle de la France, la sécurité sur toute l’étendue de notre  territoire  national. »

    Aujourd’hui, l’exaspération du face au chaos est telle que nos camarades du Sadi prônent ce qu’ils qualifient de « solution endogène ».

    Ce qui revient à dire que, faute de voir venir une réelle indépendance de la force internationale vis-à-vis de Barkhane, nos camarades maliens font davantage confiance à la concertation populaire qu’à toute solution clef en main apportée de l’extérieur. Et donc en viennent à se demander si l’armée française, faute d’être une solution, n’est pas une partie du problème.

    Sur quels arguments se fondent-ils ?

    Dès 2011, l’impérialisme français a soutenu les Katibas touaregs préposées, de par leurs traditions militaires, à la défense de Kadhafi, ce qui a permis de réactiver l’indépendantisme touareg, question qui remonte en réalité à l’époque de l’indépendance du Mali. C’est-à-dire que l’impérialisme français a en réalité lui-même attisé les braises du conflit qu’il prétendra éteindre.

    Les premiers pourparlers entre Bamako et portaient sur une coopération uniquement logistique et aérienne de la France. On a vu au contraire l’armée française s’impliquer de plus en plus sur le terrain pour le brillant résultat que l’on connaît.

    Après avoir délogé les djihadistes de Gao et Tombouctou, l’armée française, malgré ses immenses moyens logistiques et le sacrifice de nos soldats, a finalement laissé Kidal à l’ennemi, ce qui ne laisse pas d’étonner et d’interroger sur la bonne volonté de nos dirigeants d’éradiquer une fois pour toutes le djihadisme.

    On sait que la France tire 30 % de son uranium du Niger voisin, par ailleurs l’un des pays les plus pauvres du monde. On sait aussi les richesses pétrolières, encore exploitées ou non, du Mali et l’on peut se demander si l’impérialisme français n’a pas intérêt à affaiblir davantage ces États du Sahel dans leur capacité à gérer leurs propres ressources.

    Nos camarades du Sadi voient également ce qui s’est passé en Irak, ce qui s’est passé en Afghanistan et force est de constater que c’est la présence étrangère qui est contemporaine de l’établissement des phénomènes aussi monstrueux que l’État islamique.

    Contre cette stratégie impérialiste qu’il faut bien qualifier comme celle du pompier-pyromane, il s’agirait de parier sur le fait que l’Islam malien, implanté paisiblement depuis des siècles, ne doit sa métamorphose récente en Islam politique conquérant et belliqueux qu’à la faveur d’ingérences étrangères, et que la question djihadiste vient se greffer sur des dissensions ethniques (Touaregs, Peuls etc.) qui, djihadisme ou pas, sont toujours là et ne peuvent se régler que par la concertation et nécessitent un minimum de prospérité économique.

    A priori, ce sont nos camarades aux convictions solidement marxistes-léninistes et donc qu’on ne peut nullement soupçonner de sympathies pour l’Islam politique, qui envisagent cette solution concertée.

    Il faut aussi comprendre qu’une solution endogène signifie le retrait de toutes les ingérences impérialistes et l’on pense immédiatement à d’autres acteurs du conflit, notamment l’impérialisme néo-ottoman d’Erdogan qui, depuis le désastre en Libye, pousse ses pions dans la région.

    Une solution malienne, panafricaine, et internationa-liste

    Certes, au PRCF, nous ne renonçons pas aux principes de la Charte de l’ONU issus de la grande victoire de l’Armée rouge sur le fascisme en 1945 et nous n’abandonnons pas l’idée d’orienter l’ONU vers une voie bien plus progressiste qu’elle ne l’est.

    Nous pensons aussi que le caractère endogène de la réponse signifie en plus d’une réponse malienne une réponse panafricaine, ce en quoi nous ne pensons pas diverger de nos camarades, car tous les progressistes comprennent que face à la stratégie actuelle des impérialistes en Afrique visant à n’avoir pour interlocuteurs que des États « faillis » divisés en autant de sous-régions qu’on peut contrôler à loisir (voir les exemples récents du Soudan, de la Centrafrique), il faut renouer avec la dynamique de l’unité africaine.

    Mais pour ce qui est de nos tâches immédiates, de « ce qui dépend de nous » comme dirait Épictète, il nous faut, à nous Français, nous poser la question de savoir si l’impérialisme français, loin d’être une solution au problème du fascisme islamiste, n’en est pas plutôt le fourrier. Macron n’était-il pas membre d’un gouvernement dont le ministre des Affaires étrangères n’hésitait pas à dire que face au dirigeant laïque Bachar al-Assad « Al Nosra fait du bon boulot » ? Depuis l’affaire de Libye principalement, la parole de la France, Sarkozy ayant renoué avec Kadhafi pour après l’attaquer par traîtrise, est discréditée à l’international. Le soutien à la chouannerie islamiste en Syrie en opposition à un État laïque et somme toute assez proche bien plus proche de l’idée que nous nous faisons de la République (je rappelle que Bachar al-Assad, avant le conflit, venait d’autoriser le multipartisme) n’a pas non plus arrangé les choses. Comment peut-on prétendre se faire entendre à l’étranger lorsqu’on ne présente pas un minimum de cohérence dans le discours ?

    C’est donc à notre niveau, sur notre territoire et en pensant à la défense du peuple français face au djihadisme – car nous sommes autant internationalistes que patriotes – que nous devons interroger sans cesse nos dirigeants, leur demandant des comptes, en nous rappelant jour après jour, selon les rudes paroles de Marx, qu’un peuple qui en colonise un autre ne saurait être libre.

     

    Aymeric Monville, 8 juin 2021

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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