• Quimper-Najib livre toujours ses repas malgré le coronavirus (OF.fr-24/03/20-11h)

    Pendant l’épidémie de coronavirus, Najib continue de livrer des clients à Quimper (Finistère) pour Uber Eats et Deliveroo.

    Pendant l’épidémie de Covid-19, des livreurs de nourriture continuent de travailler. Déjà précaires, ils sillonnent encore et toujours les rues en prenant des risques au guidon de leur scooter. L’exemple de Najib, livreur pour Uber Eats et Deliveroo à Quimper, dans le Finistère.

    Lundi 23 mars. Comme partout en France depuis dix jours, les rues de Quimper (Finistère) sont vides. Enfin, presque vides. Dans le cœur de la préfecture finistérienne, on entend encore le battement de quelques scooters qui continuent inlassablement de tourner. Ils sont faciles à reconnaître. D’abord au bruit caractéristique de leur moteur de 50 cm³, un brin nasillard. Mais aussi et surtout à leurs chauffeurs : ils portent tous les mêmes sacs isothermes sur le dos : Uber Eats et Deliveroo, les deux principales sociétés de livraison de nourriture à domicile.

    « Le masque, ça tient chaud ! »

    Najib* est l’un d’eux. Âgé d’une vingtaine d’années, il est livreur pour Uber Eats depuis un an et pour Deliveroo depuis son lancement à Quimper, il y a un mois. Ce lundi midi, il passe chez Speed Burger prendre un menu qu’il doit livrer dans un grand magasin de Gourvily, la plus grosse zone commerciale de la ville. « Le magasin est fermé, mais le gérant est présent à l’intérieur pour faire son inventaire » explique Najib. C’est parti. 

    Zigzag dans les ruelles du centre-ville. Un feu rouge, deux feux rouges grillés, un sens interdit emprunté. Impossible de suivre le livreur pressé. On le rejoint cinq minutes plus tard, directement à l’adresse de livraison. Najib contourne le magasin. Une fois arrivé devant la porte d’accès à l’arrière de l’enseigne, il dépose le sac isotherme contenant le repas du client. Un burger, une frite et une boisson. Puis il recule de deux mètres. Le commerçant récupère son panier-repas. Une fois qu’il est parti, Najib s’approche et attrape vite fait son sac avant de repartir.

    Pendant l’épidémie de coronavirus et faute de pouvoir rester confiné comme beaucoup de gens, Najib a choisi le système D pour se protéger le mieux possible : une connaissance lui a gentiment donné un masque et des gants. « Par contre, le masque, ça tient chaud et ce n’est pas toujours très confortable pour bosser. Du coup, je préfère baisser la visière de mon casque en permanence pour me protéger. »

    Il faut dire que les livreurs de nourriture n’ont pas eu besoin d’une pandémie mondiale pour devenir précaires. Au contraire. Le virus en ajoute encore un peu plus à la fragilité de leur métier : « En temps normal, j’arrive à atteindre 1 400 € bruts par mois. Mais une fois que j’ai payé les charges, l’essence, l’assurance du scooter et tous les autres frais, il ne me reste que 1 000 €. »

    Les autres frais ? « Chez Uber Eats, ils prenaient au départ 25 % de frais au client. Maintenant, c’est passé à 10 % », détaille Mathieu*, un autre livreur de Quimper qui démarre sa course en même temps que Najib. « Nous, on paie des impôts sur ces frais alors qu’on ne voit jamais la couleur de cet argent ! On paie aussi des charges sur les pourboires, les déplacements plus longs facturés au client… »

    Mais pas trop le temps de discuter : les moteurs des scooters tournent et attendent que Mathieu et Najib actionnent la poignée d’accélérateur pour respecter l’horaire de la prochaine livraison : coronavirus ou pas, le client n’attend pas.

    Les livreurs n’ont pas intérêt à faire les fines bouches : seuls « cinq-six » commerces alimentaires restent ouverts pour les livraisons à domicile à Quimper, autorisées jusqu’à 22 h par un arrêté préfectoral. « Il s’agit essentiellement des marchands de kebabs et de tacos, de la Mie Câline… » énumère Najib. La street-food survit à la pandémie.

    Quatre ou cinq courses dans la journée

    « Que ce soit avant ou pendant le coronavirus, ce sont les kebabs qui arrivent en tête. » En temps normal, le jeune livreur fait « minimum quinze courses par jour. Là, c’est plus calme ! Si j’arrive à en faire quatre ou cinq dans la journée, c’est bien. Hier, j’ai réussi à en faire dix : la livraison est gratuite le dimanche. Du coup, les clients sont plus nombreux à appeler. Je ne suis même pas sûr d’atteindre les 800 € de salaire ce mois-ci ». 

    Le portable du livreur sonne. Najib décroche illico. Un nouveau client. Pas de temps à perdre : en ce moment, les places sont encore plus chères que d’habitude. Quand tout allait bien. « Depuis le début de l’épidémie, on n’est plus qu’une dizaine à tourner pour Uber Eats sur Quimper. Mais en temps normal, on peut être jusqu’à 35. »

    Et tout le monde parvient à se tailler sa part du gâteau dans ces conditions ? « Pas toujours et c’est d’ailleurs un gros problème pour nous : Uber Eats ne cesse de recruter de nouveaux livreurs, même si l’activité n’augmente pas forcément. Du coup, il n’y a pas toujours du boulot pour tous les livreurs dans la place. Avec Deliveroo, c’est différent : ils recrutent le nombre de livreurs en fonction des livraisons potentielles. Une fois qu’on est suffisamment nombreux pour assurer le nombre de livraisons quotidiennes, ils arrêtent d’embaucher. »

    Chez Uber Eats, « on est payé entre 3,50 et 7 € la course selon la distance parcourue. La paie tombe chaque lundi ». Najib fait ce boulot faute de mieux. « On livre toute la journée et on gagne pas grand-chose » reconnaît ce jeune. Mais déjà, il a enfourché son scooter et n’est plus qu’un petit point à l’horizon.

    Pierre FONTANIER

    *Prénoms d’emprunt

    « Virer la mondialisation virale – par Georges Gastaud (LGS-18/03/20)Coronavirus et prisons : les difficultés du confinement-par Dominique Raimbourg, avocat (OF.fr-24/03/20-10h) »
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