• Entre 100 et 120 manifestants ont formé un cortège depuis l’hôpital de Quimper (Finistère) jusqu’au rond-point de Kerustum, ce mardi 15 juin 2021.Entre 100 et 120 manifestants ont formé un cortège depuis l’hôpital de Quimper (Finistère) jusqu’au rond-point de Kerustum, ce mardi 15 juin 2021. 

    Entre l’introduction du mérite dans l’évolution de carrière et le manque de personnel « chronique », soignants et personnels de l’hôpital alertent sur l’horizon bouché du service public. Une centaine d’entre eux a manifesté ce mardi 15 juin 2021, à Quimper (Finistère).

    Laboratoire, service de transport interne des patients, urgences… Courant mai 2021, débrayages et grèves ont touché plusieurs services de l’hôpital de Quimper (Finistère). À quinze jours du début de la saison estivale, la CGT et Sud Santé ont tenté de mobiliser en masse, ce mardi 15 juin 2021, laissant le soin aux personnels des services d’afficher leurs revendications propres.

    « Restrictions budgétaires, personnel en galère », « Des moyens en oncologie », « Le mérite, ça m’irrite », « À bout de souffle, l’hôpital s’essouffle », « Ehpad », « Services techniques »… Hématologie, médecine interne, Samu…

    Sur le parvis de Quimper (Finistère), ce mardi 15 juin 2021. 

    Si les différents services étaient représentés, la mobilisation n’a pas connu l’ampleur escomptée : entre 100 et 120 personnes ont écouté la prise de parole, un peu avant 15 h, avant de se rendre en cortège jusqu’au rond-point de Kerustum.

    À la tribune, se sont succédé les représentants syndicaux, Yvonne Rainero, conseillère municipale déléguée à la santé, représentant la maire Isabelle Assih, les représentants du comité interhospitalier et ceux des usagers de l’hôpital.

    « Bureau de recrutement »

    Du côté des représentantes syndicales, la notion de mérite dans l’évolution de carrière des agents inquiète fortement : « Ici, la direction applique la réforme avec beaucoup de ferveur : 20 % de mérite l’an prochain, 40 % l’année suivante et 60 % en 2024. D’autres établissements n’ont pas fait ce choix », exposent Karine Goanec (CGT) et Pascale Jacq (Sud). Elles craignent « une concurrence malsaine » entre agents et un droit de regard des organisations syndicales amoindri.

    Lors des prises de parole sur la rampe d’accès aux urgences de l’hôpital de Quimper (Finistère), ce mardi 15 juin 2021. 

    Plus largement, dans la foulée des coups de colère successifs dans les services, les syndicats alertent sur « l’état de fatigue » des agents et le manque de personnel « chronique ». « On va entamer l’été avec des plannings à trous et la direction ne recrute pas », commente Karine Goanec.

    Son syndicat, la CGT, organisera un « bureau de recrutement », jeudi 17 juin 2021, à l’entrée de l’hôpital, de 14 h à 16 h : « On recueillera lettre de motivation et CV de toute personne souhaitant postuler », détaille-t-elle.

     

    Nelly CLOAREC

    source: https://www.ouest-france.fr/

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Tant que les salariés n’ont pas obtenu satisfaction, notamment sur les volumes, la grève à la Fonderie de Bretagne se poursuit. (Image d’archives) Tant que les salariés n’ont pas obtenu satisfaction, notamment sur les volumes, la grève à la Fonderie de Bretagne se poursuit.

    La réunion qui doit permettre la sortie du conflit entre les salariés et la Fonderie de Bretagne a été suspendue, ce mardi. Alors qu’elle avait débuté à 9 h 30 elle a été ajournée à 11 h. Un nouveau rendez-vous est prévu ce mercredi.

    La négociation entre les délégués syndicaux de la Fonderie de Bretagne et la direction de l’usine s’est ouverte ce mardi, à 9 h 30, en terrain neutre, à la Chambre de commerce et d’industrie de Lorient. Mais elle a tourné court. « Il y a eu une pause de 10 h à 11 h et à 11 h, on nous a dit que la réunion était suspendue jusqu’à demain matin », a annoncé Maël Le Goff, à sa sortie de la CCI. Le délégué syndical, secrétaire CGT du site, assure que la direction « est acculée » et n’a pas la main sur les négociations. « Ils n’ont pas la maîtrise du sujet ici. Le DRH rappelle que l’on est dans un groupe de 180 000 salariés et que ce n’est pas eux qui décident de quoi que ce soit ». La suspension de la réunion servirait donc à aller négocier plus haut avec la direction du groupe Renault, dont la Fonderie de Bretagne est une filiale.

    Détresse financière et psychologique des salariés

    Une chose est sûre, ça s’agite en coulisse pour sortir de ce conflit qui dure depuis le 27 avril, mais les grévistes sont prudents. « Depuis deux mois, on prend les heures les unes après les autres, les jours les uns après les autres. On verra demain matin ce qu’il en est », tempère Maël Le Goff qui estime que les négociations vont se dérouler « point par point. Cela va être très long ». Les délégués syndicaux ont redit leurs revendications : « du volume de pièces pour faire fonctionner l’entreprise », condition primordiale pour que les grévistes reprennent le chemin du travail mais ont aussi insisté sur la détresse psychologique des salariés. « Cela fait huit semaines qu’ils sont sur le parking. Financièrement, c’est plus que compliqué, il y a des gens qui ne mangent plus, qui n’ont plus d’argent. On essaye de les aider comme on peut. Il est grand temps d’intervenir. La détresse est aussi psychologique, pour les familles c’est très dur ».

     

    source: https://www.letelegramme.fr/

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Environ 200 personnes ce mardi 15 juin 2021 à Lorient dans la manifestation pour la défense de la fonction publique.Environ 200 personnes ce mardi 15 juin 2021 à Lorient dans la manifestation pour la défense de la fonction publique.

    Personnels de santé en tête de cortège, 200 personnes ont manifesté ce mardi, de l’Hôtel-de-Ville au centre hospitalier.

    Mobilisation en demi-teinte ce mardi 15 juin 2021 pour la fonction publique, où 200 personnes ont pris part au rassemblement intersyndical (CGT Educ, CGT Finances publiques Morbihan, CGT santé, Sud santé, Solidaires…) pour la défense du service public.

    Dans le cortège qui a sillonné le centre-ville de Lorient, de la place de l’Hôtel-de-Ville jusqu’au centre hospitalier, des agents territoriaux, et nombre de personnels de santé et du médico-social en souffrance.

    Partie de la place de l’Hôtel-de-Ville-de-Lorient, la manifestation a fait un passage par le centre hospitalier du Scorff. 

    « Jouons collectif »

    « Nous devons nous faire entendre face au démantèlement de la fonction publique organisé par le gouvernement, indique en préambule, Thibault Le Dévéhat, secrétaire départemental de la CGT. L’État privatise, livre aux libéraux et au capitalisme des pans entiers du service public. Derrière cela, c’est le statut des personnels qu’on liquide ». Régine Le Jeune (CGT Territoriaux, Ville de Lorient) enfonce le clou : « Nous nous battons depuis 6 mois pour défendre nos acquis. Et tout est fait pour diviser les agents. Alors, restons solidaires, jouons collectif pour défendre notre statut, ici et partout en France ».

    Infirmières, aides-soignants mais aussi assistantes sociales se sont mobilisés ce mardi. 

    « Nous sommes fatiguées »

    En tête de manifestation ce mardi matin, la fonction publique hospitalière et le médico-social. Qui ont donné de la voix aux abords du centre hospitalier vers midi. Comme ces infirmières en réanimation au GHBS (une trentaine, autant d’aides soignants). « Aujourd’hui, le service est en grève. Infirmiers et aides soignants souffrent d’un manque de reconnaissance. C’est notre cas, disent à l’unisson, Audrey, Nathalie, Marylise et Frédérique, infirmières en réanimation. Durant la crise sanitaire et encore aujourd’hui, nous avons donné notre maximum, pris le temps de former dans l’urgence de la crise. Nous étions indispensables et nous le sommes toujours. Aujourd’hui, nous sommes fatiguées. Il est urgent de revaloriser notre statut, d’obtenir la reconnaissance salariale et les primes que nous méritons, que nos services bénéficient de remplaçants formés ».

     

    Pierre WADOUX

    source:  https://www.ouest-france.fr/

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Sur le compte Twitter « Accident du travail : silence des ouvriers meurent », Matthieu Lépine, professeur d’histoire-géographie en collège, s’attèle à un recensement des accidents du travail. Réalisé essentiellement à partir de la presse locale, il s’accompagne souvent d’interpellations de la ministre du Travail : Muriel Pénicaud de mai 2017 à juillet 2020, et Élisabeth Borne depuis. Parallèlement, Matthieu Lépine publie sur le blog « Une histoire populaire » des portraits de victimes, des bilans statistiques et ponctuellement, des analyses complémentaires. Enquête, recoupement, spécialisation, mise en perspective : des méthodes qui ne sont pas sans rappeler celles du (bon) journalisme, que revendique d’ailleurs en partie l’auteur contre les défaillances des médias traditionnels. C’est qu’à l’origine de ce travail résonne un cri de colère : « Face à l’indifférence des médias, soyons notre propre média ». Nous avons voulu en savoir plus.

    Acrimed : Votre recensement s’appuie essentiellement sur des articles de presse, plus précisément issus de la presse quotidienne régionale (PQR). Est-ce à dire que ce traitement est satisfaisant ?

    Matthieu Lépine : Inévitablement, j’ai besoin que des journalistes aient fait un minimum de travail pour pouvoir faire mon recensement. Ce qui me permet aussi de constater que le traitement journalistique n’est absolument pas satisfaisant. D’abord, parce que la plupart du temps, les articles sur lesquels je m’appuie sont des brèves, dans lesquelles on a très peu d’informations sur les circonstances de l’accident, et tout aussi peu sur la victime… Il n’y a jamais de suivi sur le fond. Je pense par exemple à des accidents de bûcheronnage : on peut lire dans la presse qu’un bûcheron est décédé dans un bois écrasé par un arbre, sauf qu’en l’état, ça ne nous permet pas de savoir si c’est un accident du travail ou non. Et on en vient à un problème essentiel : le terme « accident du travail » n’est quasiment jamais employé dans ces articles, comme si le mot était tabou. Or, il existe bien une définition, qu’il suffirait d’utiliser : à partir du moment où un accident survient par le fait ou à l’occasion du travail, c’est un accident du travail. Mais comme le mot n’est jamais employé, il y a une espèce de flou qui s’installe. Et quand je contacte des journalistes pour avoir des éclaircissements, savoir si le travailleur bûcheronnait dans un cadre privé ou professionnel, ils ne sont pas capables de me répondre. On me dit « je me renseigne », mais le renseignement n’arrive pas.

    Donc c’est vrai que des articles existent, et rien que pour ça, ils sont importants, mais ils ne permettent pas du tout de rendre compte de la réalité de ce problème. En définitive, les grands médias considèrent qu’un accident du travail, c’est un fait divers. Et on le sait, les faits divers ne sont pas censés faire la Une régulièrement… Il faudrait pourtant pouvoir le considérer comme un fait social, dans la mesure où ça arrive tous les jours, partout en France, dans tous les corps de métier : selon les chiffres « officiels » dont on dispose, on parle de plus de 650 000 victimes par an, ça mériterait quand même qu’on s’y intéresse un peu plus que ça.


    Dans la PQR, c’est d’ailleurs souvent « rubriqué » dans les faits divers…

    Tout le temps. Toujours. La catégorie en général, c’est « fait divers – justice ». Régulièrement, on va connaître le nom du chef des urgences, le nom de la personne qui dirigeait la caserne de pompiers et qui est intervenue ce jour-là ; par contre, de la victime, on ne connaîtra ni l’âge, ni parfois même sa profession exacte ! « Un homme est mort », et voilà.


    Donc peu d’enquête, peu de reportage. Ce genre d’angle et de traitement superficiel pose la question des sources des journalistes : savez-vous auprès de qui ils obtiennent leurs informations ?

    La plupart du temps, c’est la police, les pompiers, et les urgences. Tel que ça m’est présenté, et pour avoir eu beaucoup de journalistes au téléphone, la routine de travail en fin de journée consiste à faire la tournée des commissariats, des casernes ou des urgences par téléphone, et voir ce qui en ressort. C’est aussi pour ça que c’est souvent très peu détaillé : l’information arrive par ce canal, est reproduite, et s’arrête aussitôt. On leur rapporte qu’un homme est grièvement blessé et en urgence absolue, ça va faire l’objet d’une brève, mais on ne saura jamais si la personne va mieux, si elle est décédée, etc. C’est le strict minimum : des articles de fond sur les accidents du travail, il y en a très rarement.


    Que dire de la couverture des médias nationaux ? Observez-vous des différences avec la PQR ?

    Si la PQR y revient tous les jours, dans les médias nationaux, c’est beaucoup moins régulier. À quel moment s’y intéressent-ils ? Lorsque ça va toucher une grande entreprise : Eiffage, Bouygues, etc. Et encore… Le 22 décembre, il y a eu un accident mortel sur le chantier de la future ligne 16 du métro parisien – et une semaine plus tôt, sur un autre chantier de la même ligne, un ouvrier a été grièvement blessé après une chute. Dans un premier temps, il n’y a eu aucune information dans la presse. J’ai posté la nouvelle sur Twitter de mon côté, et dans les heures qui ont suivi, un certain nombre de médias se sont empressés de décrocher leur téléphone pour savoir si l’information était vraie… et elle l’était. Il y a eu à ce moment-là une couverture plus large, parce que c’était Eiffage et « le Grand Paris ».

    Mais le silence initial pose à nouveau la question des sources des journalistes. Dans certains départements comme la Seine-Saint-Denis, où de grosses entreprises ont des chantiers un peu partout, je constate que les accidents du travail ne sont pas ou peu médiatisés. Pour reprendre l’exemple du chantier de la ligne 16, on a l’impression que les sources traditionnelles (pompiers, police, urgences) se brident. Est-ce qu’ils ne veulent pas donner l’information aux journalistes ou est-ce que ce sont les journalistes qui ne font pas leur travail ? J’aurais plutôt tendance à dire que ce sont les sources habituelles qui ne donnent pas l’information. Et les entreprises encore moins : Grand Paris Express [1] a fini par faire un communiqué, Eiffage a répondu au Parisien, mais après que l’information a déjà circulé sur Twitter. Pourquoi les journalistes n’ont-ils pas eu l’information avant ? Il y a aussi sans doute une omerta chez ces grandes entreprises, qui ne se bousculent pas pour diffuser l’information. Et ce n’est pas basculer dans une quelconque théorie du complot que de le dire.

    Plus généralement, on peut dire qu’en dehors de ce type d’accident, et même si Le Monde a pu dernièrement faire trois ou quatre pages de dossier, aucun journal national ne se distingue vraiment sur ce sujet, aucun n’en fait une thématique centrale accompagnée d’un travail régulier. La couverture va être au contraire très rare et très ponctuelle. Un dernier exemple : quand l’Assurance Maladie diffuse son rapport annuel, les journalistes s’en font l’écho, avec le même article un peu partout… En particulier si l’AFP prend les devants : les autres médias se contenteront alors d’un simple copié-collé. C’est un petit rituel qui permet de se donner bonne conscience, de se dire qu’on en a au moins parlé une fois et qu’on a fait son travail correctement ! Mais ce n’est pas assez. Évidemment, il y a pléthore de sujets, et les journalistes ne peuvent pas parler de celui-ci tout le temps… mais encore une fois, au moins 650 000 victimes reconnues, 600 morts, voire bien au-delà des 1 000 morts si l’on ajoute les suicides liés au travail, les maladies professionnelles, etc. : je ne trouve pas que ce soit un petit sujet, ni qu’il mérite d’être traité une fois par an. Beaucoup de gens me disent qu’ils ne pensaient pas qu’il y avait autant de morts. Ce n’est pas qu’ils sont idiots, c’est qu’ils ne sont pas (ou mal) informés.

    C’est différent dans la presse spécialisée et dans les médias alternatifs indépendants : Bastamag, par exemple, s’y intéresse très souvent ; de son côté, Le Média a décidé de faire régulièrement un « focus » sur une victime d’accident du travail, etc. Dernièrement, L’Humanité a publié un dossier sur Amazon et le recours au travail intérimaire, qui pèse près de 60% dans les entrepôts. Dans cette enquête, il est ressorti qu’il y avait plus de 1 000 accidents par an chez Amazon France Logistique, c’est-à-dire plus de trois par jour ! Là encore, l’information n’a pas beaucoup circulé. Ouest France ou d’autres ont pu reprendre les données de L’Humanité, mais on a parfois l’impression que si on ne fait pas le travail à leur place, les grands médias n’iront pas chercher eux-mêmes l’information.



    Avez-vous des observations quant aux choix des interlocuteurs sélectionnés par les médias pour s’exprimer sur la question du travail et des accidents du travail ?

    On peut entendre des représentants syndicaux parce que ce sont souvent ceux qui alertent, et encore, c’est assez restreint. À une époque, l’ancien inspecteur du travail Gérard Filoche était assez médiatique, et revenait beaucoup sur cette question, moins maintenant. Au-delà de ça, qui va-t-on faire parler ? Lorsqu’il y a une affaire en cours, le procureur, qui va donner l’avancée de l’enquête. Et lorsqu’un article relate un procès, on entendra les avocats des uns des autres, parfois le patron, mais très rarement les familles de victimes ou les victimes elles-mêmes.


    Une autre question sur les biais du traitement médiatique. Sur votre blog, vous évoquez le cas de deux couvreurs de 33 et 35 ans, morts au travail en 2019, et faites à leur propos le constat d’un « traitement médiatique complètement différent ». Pouvez-vous développer ? Et dans un second temps, nous expliquer ce que ce deux poids deux mesures – que vous pointez régulièrement – nous dit des logiques qui déterminent le traitement de l’information dans les grands médias ?

    Sur ces deux couvreurs, Ludovic Tricolet, le premier, est décédé au mois de mars 2019 à Anzin dans le Nord. Il a fait une chute, et il est décédé. Il y a eu très peu d’écho médiatique, hormis les relais locaux comme La Voix du Nord, et le traitement « classique » dont je parlais. En juin 2019, la mort d’un couvreur sur un chantier en Bretagne a été beaucoup plus médiatisée : Le Parisien, France soir, La Provence, 20 minutes, Le Télégramme, Ouest France, BFM, RTL, Sud-Ouest, La Nouvelle République, La Voix du Nord, Le Figaro, France Info, Le Dauphiné Libéré, Le Point, L’Express, l’Internaute, La Dépêche, Bien Public, et LCI l’ont évoquée. Pourquoi, alors que le même type d’accident du travail survient ? Parce que le second s’est passé en plein été, et que les journalistes ont fait le lien avec la canicule (l’ouvrier aurait fait un malaise sur le toit). En d’autres termes : si de très nombreux médias, jusqu’aux chaînes d’info, ont relayé, ce n’est pas parce qu’un ouvrier est mort et que c’est un accident du travail – le mot n’apparaît d’ailleurs même pas ! – mais parce que cet événement est venu alimenter le buzz du moment, en l’occurrence ici, la canicule. L’accident du travail n’est donc pas étudié en tant que tel : il vient illustrer un autre thème, qui occupe quant à lui le premier plan.

    Je peux citer un autre exemple de ce phénomène : en juillet 2019, un jeune ostréiculteur est décédé dans la baie de Morlaix : il a fait un malaise et s’est noyé. La question des algues vertes est immédiatement venue sur la table, et les médias y sont allés de leur article pour finalement rapporter que ça n’avait rien à voir. En attendant, les journaux n’ont pas précisé qu’il s’agissait d’un jeune ouvrier saisonnier âgé de 18 ans, qui venait d’avoir le bac, et qui, dans mon souvenir, n’était même pas déclaré. Son histoire n’intéressait pas les journalistes. Ce qui les a intéressés, c’était les algues vertes, et une potentielle nouvelle « victimes des algues vertes ». Le contrat de l’ostréiculteur, la façon dont il était traité, tout cela était secondaire. Pour moi, ça en dit long parce qu’avec ces deux exemples, on voit bien que les accidents du travail ne sont pas pris au sérieux. Le fait qu’on s’intéresse à eux ne se justifie que parce qu’ils vont venir illustrer ou se greffer à une autre actualité.


    Vous êtes également attentif aux choix iconographiques des journalistes. En novembre 2018, pour illustrer un article sur les accidents du travail – et les cas de chute comme « scénario le plus fréquent » – BFM-TV sélectionnait une photo d’un pied sur le point de glisser sur une peau de banane. Que vous inspire ce choix et s’agit-il à vos yeux d’une « bavure » isolée ?

    Je me souviens très bien du cas de BFM-TV, c’était vraiment du foutage de gueule ! En plus, c’était de belles chaussures, toutes neuves, du style Timberland, comme si un ouvrier portait des chaussures comme ça… ! Quant à l’idée de l’ouvrier qui glisse sur une peau de banane, c’est la cerise sur le gâteau. Ça en dit long sur la déconnexion de celui ou celle qui a choisi cette image. Ou alors, et ce n’est pas mieux, le ou la journaliste s’est dit que ça pouvait être drôle…



    Mais heureusement, l’iconographie est rarement si caricaturale. Le reste du temps, je ne sais même pas si l’image sert à illustrer : il faut une image, et point. Donc en général, on colle la photo d’un camion de pompiers, et emballé c’est pesé ! Toujours la même d’ailleurs, sous toutes ses coutures, il faut croire qu’il n’existe qu’une seule image de camion de pompiers en France ! De temps en temps, quand l’accident survient dans une entreprise « identifiée », on pourra avoir un plan large de l’entreprise ou de sa devanture. Par contre, ce qu’on va très rarement avoir, c’est une image de la victime. Et là, on en revient au fait qu’il n’y a pas d’enquête.

    Or, au-delà du fait qu’une photo peut faire du bien aux familles, l’image nous raconte aussi des choses. Je pense à deux exemples dernièrement : Teddy Lenglos, qui est mort d’un arrêt cardio-respiratoire après avoir été enseveli sous les décombres d’un mur de clôture haut de quatre à cinq mètres, quand on voit sa photo, ça nous frappe parce qu’on voit qu’il est très jeune. Idem pour Franck Page, mort il y a deux ans, dont j’ai mis la photo sur Twitter : c’était un jeune livreur Uber Eats de 19 ans. On les voit les yeux dans les yeux – qu’ils soient jeunes ou moins jeunes d’ailleurs – et ça devient concret, et plus humain. En tout cas, c’est autre chose que la formule « un ouvrier est mort » flanquée d’une photo de camion de pompiers, qui déshumanise le problème, en plus d’invisibiliser totalement la victime…

    Alors évidemment, il y a une famille. On ne peut pas annoncer la mort de quelqu’un au pied levé dans la presse, et peut-être que la famille n’aura pas non plus envie qu’on divulgue nom ou photo. Bref, ça demande encore une fois un travail d’enquête plus long. Et c’est très rare que les journalistes le fassent. Dans le cas des accidents mortels, la question des familles pourrait également donner lieu à des reportages : qu’est-ce qu’il s’y passe ? que deviennent-elles ? Mais c’est un angle inexistant.

    Je me souviens de l’exemple de François Ruffin qui, à l’époque où il était journaliste à plein temps, avait fait une enquête sur onze ans, qui a même donné naissance à un livre, Hector est mort [2]. L’enquête portait sur un jeune, mort sur un chantier d’insertion de la Citadelle d’Amiens. François Ruffin avait mené le travail aux côtés de la famille durant les semaines et les mois qui ont suivi, jusqu’au procès. Ce genre de « huis clos » est un regard qu’on a vraiment très rarement. Et ça a des incidences : clairement, le lecteur ne perçoit pas les mêmes choses. Toutes les semaines, des formateurs en sécurité me contactent pour me dire qu’ils utilisent la recension, qu’ils la montrent aux jeunes pour qu’ils prennent conscience des risques de monter sur un toit, d’utiliser telle ou telle machine. Voir une image d’un jeune de leur âge qui est mort, ça touche, et l’image, on la garde. Franck Page, je m’en souviendrai toute ma vie : il est jeune, il sourit, et il est mort traîné sur dix mètres par un camion en livrant de la nourriture à quelqu’un qui n’avait pas envie de se bouger.



    Les accidents du travail nous ramènent à la question des conditions de travail, de la précarisation croissante de nombreux métiers, du recours aux intérimaires… bref, aux politiques patronales et à la responsabilité des dirigeants d’entreprises vis-à-vis des salariés. Les médias prennent-ils le temps de faire a minima ces mises en perspective ou se contentent-ils de véhiculer le récit – comme sur de nombreux autres sujets – d’un « grand malheur sans cause » ?

    Les articles sont déjà tellement courts et concis qu’ils n’en parlent jamais. Concernant la question du contrat ou du statut par exemple – est-ce que c’était un intérimaire, un apprenti, etc. – c’est extrêmement rare que ce soit abordé. Ce qui en ressort donc la plupart du temps, c’est l’idée d’une fatalité. Les titres de presse jouent également ce rôle : « un ouvrier se tue », « un ouvrier s’est tué sur un chantier ». Je n’en peux plus de lire ce genre de titres, parce qu’on a l’impression que c’est de sa faute ! Un ouvrier qui est écrasé par un camion, il ne « s’est pas tué », il a été tué. Combien d’entreprises sont en plus reconnues coupables d’homicide involontaire ? Donc oui, c’est le récit de la fatalité : l’ouvrier a chuté, il y aura toujours des ouvriers qui chuteront… Mais peut-être que s’il y avait eu un filet de sécurité, s’il avait été attaché, s’il avait été encadré, etc. il ne serait pas mort. Mais on évite de rentrer dans de tels considérants parce que… c’est trop compliqué ? Le « reste », soit l’essentiel, est laissé à l’Inspection du travail ou à la Justice.


    À ce sujet, on pourrait penser que les procédures judiciaires, dans lesquelles comparaissent des patrons, soient l’occasion d’un traitement davantage politisé des accidents du travail et de la question du travail tout court. Qu’en est-il ?

    Les articles existent, mais là encore, il y a des biais : une entreprise peut être condamnée pour homicide involontaire par exemple, mais l’article va titrer sur… la relaxe du patron. L’angle choisi ne porte donc ni sur la victime, ni sur la condamnation de l’entreprise… Il y a bien sûr des contre-exemples, mais je crois que ça dépend beaucoup du journaliste qui mène le travail. Je pense au journal L’Union par exemple, et à son traitement du procès des entreprises Carrard Services et Cristal Union après la mort d’Arthur Bertelli et Vincent Dequin, deux cordistes qui ont été ensevelis sous des tonnes de sucre dans un silo de l’usine Cristal Union à Bazancourt, en mars 2012. Le procès a énormément duré, et n’est pas terminé puisque l’appel en correctionnelle a été reporté à septembre 2021. Ce que je remarque, c’est que la journaliste de L’Union a décidé de s’intéresser à l’affaire, et qu’elle a la possibilité de régulièrement actualiser la thématique. On se dit donc que c’est possible, et qu’il faudrait davantage de journalistes qui suivent les sujets de près. Après, ça dépend aussi de la rédaction. Je l’ai bien vu lorsque j’ai rencontré des journalistes : eux peuvent avoir une idée en tête, mais entre l’idée initiale et ce qui ressort à la fin dans le journal…


    Justement, vos rencontres avec les journalistes ont-elles été l’occasion d’échanges critiques autour du traitement médiatique des accidents du travail ? Quelles ont été leurs réactions, et quel regard portent-ils sur l’information qu’ils produisent et la manière dont ils la fabriquent ?

    Ils ne s’en cachent pas… J’ai pu avoir beaucoup de discussions avec des journalistes qui me racontent que quand ils arrivent pour proposer une pleine page sur les accidents du travail, on leur répond : « Vous ferez une interview de trois questions avec votre "gugus" qui a son compte Twitter, et on s’arrête là » ou « le sujet n’est pas vendeur », etcetera. Je peux aussi entendre parfois des journalistes me dire qu’« il n’y a pas d’actualité sur le sujet ». Il faut être gonflé pour dire ça quand on sait que l’actualité est présente tous les jours ! Regardons les faits, ne serait-ce que depuis hier [21 janvier] : un routier est mort ; un ouvrier aussi, après avoir été happé par une presse à contreplaqué ; un autre encore est décédé à Chartres sur un chantier, et à Toulouse, un éboueur a été renversé et son pronostic vital est engagé. C’est tous les jours. Tous les jours, quelqu’un est mutilé par une machine, tous les jours, quelqu’un meurt au travail. « L’actualité », il faut être aveugle pour ne pas la voir…

    Chez beaucoup de journalistes, il y a également un manque total de connaissance sur la thématique. Quand on discute et que je demande si les accidents du travail concernent beaucoup de monde, comme n’importe qui, ils n’auront pas d’ordre de grandeur. Il faut dire qu’on (et qu’ils) manque(nt) de données précises. Par exemple, certains journalistes me disent qu’ils se heurtent à un mur quand ils veulent obtenir des informations du ministère du Travail. Ils n’arrivent pas à avoir de chiffres ou de données.

    Du coup, ils se tournent vers moi, certains vont presque jusqu’à me faire des commandes du genre : « Est-ce que vous pouvez réussir à prouver qu’il y a plus d’accidents depuis le déconfinement ? »… Quand j’ai commencé le compte Twitter, j’ai bien vu la rapidité avec laquelle le travail s’est diffusé – j’ai aussi fait effet « nouveauté » – et j’ai reçu un certain nombre d’appels de journalistes. L’un d’entre eux m’a même demandé si j’étais un lanceur d’alerte ! Mais mon travail est très limité et dépend de beaucoup de facteurs (est-ce que les journalistes s’y seront intéressés ? est-ce que je l’aurai moi-même vu passer ?) : je recense 1 000 accidents par an, et si on prend les données de l’Assurance Maladie, c’est au moins 650 000… Donc mon travail est un « zoom » qui met la lumière sur un problème, mais il faudrait des enquêtes plus larges. Et c’est vrai que personne ne fait le travail de visibilisation en France, qu’il y a très peu de chiffres et que ceux dont on dispose, comme ceux de l’Assurance Maladie, comportent des limites. Pourquoi n’y a-t-il pas un Observatoire des accidents du travail, qui, sans concurrencer l’Inspection du travail, mènerait un vrai travail de fond et statistique sur la question ?

    Le dernier problème que je voulais pointer, c’est celui de la saturation et la hiérarchie de l’information. Une poignée de sujets prennent beaucoup de place, et il y a peu d’espace pour le reste. Les accidents du travail font partie du « reste ». Sans compter l’agenda qui se bouscule. Il y a un an, France 2 était chez moi pour une interview dans le cadre d’un grand reportage sur les accidents du travail. Quelques semaines plus tard, le Covid est apparu, et le reportage n’a jamais vu le jour. C’était en mars 2020, il n’y avait alors plus de place pour rien en dehors du Covid et du confinement, donc encore moins pour un sujet sur les accidents du travail, qui a vraisemblablement été relégué très loin...


    Vous avez vous-même donné plusieurs interviews aux grands médias. Comment analysez-vous rétrospectivement ces entretiens ?

    Les rencontres se sont toujours bien passées même si les questions étaient souvent, voire toujours les mêmes. Au bout d’un moment, j’ai presque eu envie de leur conseiller l’article écrit par un confrère, parce que le déroulé était identique ! Et en effet, la même interview est sortie chez beaucoup de monde, de Ouest France au Nouvel Obs en passant par France Info. Ils ne cherchent pas vraiment à renouveler l’information. Parfois, certains vont aller un peu plus loin, et ça peut être surprenant : au Figaro, le journaliste avait décidé de faire quatre portraits avec des photos de victimes, et un petit encart sur mon travail. J’ai trouvé ça beaucoup plus intéressant que de faire la même interview une énième fois. Idem chez BFM-TV, où le journaliste avait réalisé un reportage assez complet de sept ou huit minutes. Je cite ces deux exemples parce qu’on n’y penserait pas a priori !


    Vous revendiquez vous être inspiré du travail de David Dufresne sur les violences policières (recensement, enquête, interpellation du ministère, etc.) et vous visez, du reste, le même objectif : faire en sorte que les journalistes perçoivent et traitent les accidents du travail pour ce qu’ils sont, c’est à dire un fait social et un problème de société majeur. Sans vouloir nullement opposer les deux sujets, et même si le traitement est encore loin d’être à la hauteur, et que les acquis n’en sont jamais vraiment, on constate que les violences policières ont récemment fait l’objet d’une couverture plus aiguë ; les accidents du travail… toujours pas. Comment l’expliquez-vous ?

    À mon avis, l’un des éléments principaux, c’est l’image. Le travail de David Dufresne et le traitement des violences policières s’appuient sur des images. On voit les victimes. On voit le manifestant qui a perdu sa main. On voit celui ou celle qui s’est fait détruire la mâchoire. C’est ça qui impacte, choque les gens… et les journalistes. J’en reviens à ce que je disais sur les victimes d’accidents du travail, quasi systématiquement invisibilisées. Je pense que s’ils voyaient l’ouvrier d’Eiffage tomber dans un malaxeur à béton et se faire broyer à l’intérieur, peut-être que les journalistes commenceraient à s’y intéresser un tout petit peu plus… Pareil pour l’ouvrier qui perd son bras happé par une machine, et qui ne doit sa vie qu’au collègue qui a appuyé sur le bouton « Stop ».

    Un deuxième élément d’explication, c’est que le sujet des violences policières a été poussé par le mouvement des gilets jaunes, qui était dans la lumière, voire l’actualité médiatique principale au niveau national. Le contexte n’est donc pas le même. Dans le mouvement social, les syndicats font un gros travail d’accompagnement des victimes d’accidents du travail. Par contre, le travail de médiatisation n’est pas vraiment fait, essentiellement parce qu’ils n’ont pas le temps.


    Matthieu Lépine, propos recueillis et transcrits par Pauline Perrenot

     

    Notes:

    [1Grand Paris Express est un vaste projet de réseau de transports pour l’Île-de-France, incluant la construction de quatre nouvelles lignes de métro, sous la coupe de la Société du Grand Paris.

    [2François Ruffin, Hector est mort, Fakir Éditions, 143 p.

    [2François Ruffin, Hector est mort, Fakir Éditions, 143 p. 

     

     [2François Ruffin, Hector est mort, Fakir Éditions, 143 p.

     

    Source:  https://www.acrimed.org/

     

     

    [2François Ruffin, Hector est mort, Fakir Éditions, 143 p.

     

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Si un peuple sort pour manifester au milieu d’une pandémie, c’est parce que le gouvernement est plus dangereux que le virus. » Sous cette forme ou sous une autre, ce slogan figurait sur d’innombrables pancartes, panneaux et banderoles quand, le 28 avril, dans les rues de Bogotá, Cali, Medellín, Pereira, Manizales, Neiva ou Pasto, des flots de manifestants ont commencé à se déverser. Une indignation majuscule portait les participants : trois jours auparavant, le gouvernement avait annoncé sa nouvelle… « Loi de solidarité durable » (ou « soutenable », selon les traductions). C’était la meilleure, celle-là ! Préparée par le ministre des Finances, un néolibéral orthodoxe, Alberto Carrasquilla, cette réforme fiscale entendait recouvrer 6,3 milliards de dollars afin de réduire un déficit fiscal que la catastrophe sanitaire a considérablement aggravé. Soit. Mais en tapant essentiellement sur les classes moyennes et les milieux populaires. Coup pas trop élégant, on en conviendra. Surtout quand, au milieu des cris d’alarme des hôpitaux débordés, le pays subissait la troisième vague de la pandémie.

    « Solidaire », une loi faisant passer la TVA (IVA en espagnol) de 5 % à 19 % sur des produits comme l’essence ou, depuis les aliments jusqu’aux vêtements, les biens de première nécessité ? « Soutenable » l’augmentation de la taxe sur les services publics, dont l’eau, le gaz ou l’électricité ? Acceptable un impôt sur les retraites ou l’élargissement de la base imposable en direction des moins fortunés ? Très difficile à avaler quand, au même moment, la Direction nationale des statistiques (DANE) publie ses derniers chiffres : de 35,7 % en 2019, le taux de pauvreté est passé à 46,1 % en 2020 [1]. A peine moins – 42 % – si l’on intègre dans les calculs les maigres – et provisoires – programmes d’assistance mis en place pour atténuer les effets du Covid-19 [2].
    Trois millions six cent mille nouveaux pauvres (pour arriver à un total de 21 millions, dont 7,5 millions en extrême pauvreté) … Et il faudrait subir encore plus ? La Colombie se révolte.
    La fièvre est le symptôme, pas la cause de la maladie.

    Le Comité national de grève (Comité de Paro  ; CNP) rassemble les principales centrales syndicales et divers mouvements sociaux [3]. Il appelle à la mobilisation. Malgré les ravages de la pandémie (plus de 80 000 morts), l’appel est massivement suivi. Aux travailleurs et salariés, syndiqués ou non, se joignent les étudiants, des pans entiers de la classe moyenne, les organisations paysannes, la « minga » [4] indigène et, surtout, les jeunes précarisés des quartiers populaires, nouvelle génération « sans futur », qui se réveille comme un volcan. D’impressionnantes colonnes de protestataires s’ébranlent pacifiquement.
    Vingt-quatre heures ne se sont pas écoulées que le procureur général de la Nation Francisco Barbosa donne le ton de ce que va être la réaction gouvernementale en annonçant l’arrestation de plusieurs membres de « cellules subversives » dédiées au « terrorisme urbain ». Le lendemain, alors que la rue bouillonne de colère, l’ex-président Álvaro Uribe se manifeste une première fois, dans le registre qu’on lui connaît : « Soutenons le droit des soldats et des policiers à utiliser leurs armes pour défendre leur intégrité et pour défendre les personnes et les biens contre l’action criminelle du terrorisme et du vandalisme », ordonne-t-il sur les réseaux asociaux. Petit doigt sur la couture du pantalon, Iván Duque, celui que nombre de Colombiens ont surnommé « le sous-président », obéit à son mentor. Dès le 1er mai, il annonce le déploiement l’armée dans les rues « pour protéger la population ».

    Alvaro Uribe : « Renforcer les Forces armées, affaiblies car comparées aux terroristes par La Havane et la JEP » ; « Reconnaître » : terrorisme plus grand que ce qu’on imaginait » ; « Accélérer le social » ; Résister à la Révolution Moléculaire Dissipée ».

    Les premières victimes tombent, bien mal protégées. Portés par la rage et l’indignation, plus spontanés, plus émotionnels, les jeunes débordent le Comité de grève et se projettent en « première ligne » du mouvement. Si les manifestations demeurent pacifiques, conjuguant les marches, rassemblements, carnavals, sit-in et orchestres de rue, se greffent sur elles, très classiquement, des groupes de « casseurs » – irresponsables et/ou infiltrés. Bien que marginaux par rapport à l’ampleur du soulèvement, destruction de biens publics et privés, de bus, de gares, attaques et incendies de postes de police – les Centres d’attention immédiate – font le lait des médias. Dans un formidable déploiement, policiers et membres du très redouté Escadron mobile antiémeutes (ESAMD) jouent de la matraque, de la « lacrymo », de la munitions paralysante, du gaz irritant, du canon à eau et… de l’arme à feu. Commandant en chef de l’armée, le général Eduardo Zapateiro déploie ses troupes et se rend à Cali, troisième ville du pays, devenue l’épicentre de la rébellion, pour y diriger personnellement les opérations.

    Zapateiro ? Un chef militaire bien « à la colombienne ». En février, des mères de victimes des « faux positifs » – ces pauvres hères assassinés par des militaires, puis, pour « faire du chiffre » et obtenir des récompenses, affublés d’uniformes de guérilleros – se sont insurgées. Elles exigeaient de la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) que ne soient pas uniquement jugés les soldats, mais aussi leurs officiers supérieurs ainsi que les responsables gouvernementaux. En guise de réponse, le général Zapateiro a décoché un Tweet venimeux : « Nous sommes des soldats de l’armée et nous ne nous laisserons pas vaincre par les vipères et pervers qui veulent nous attaquer, nous montrer du doigt et nous affaiblir. Officiers, sous-officiers et soldats, nous ne nous rendrons pas, nous ne faiblirons pas, toujours forts, la tête haute. Dieu est avec nous [5]. »

    Dieu ? On l’ignore. Mais l’ex-président Uribe, oui, assurément. Réapparaissant le 3 mai, celui-ci a fait l’événement en évoquant une mystérieuse « révolution moléculaire dissipée » (RMD) pour stigmatiser les manifestants. Cette théorie fumeuse a été importée en Colombie par un certain Alexis López, chilien néonazi et nostalgique d’Augusto Pinochet. Officiellement invité à plusieurs reprises par l’Université militaire Nouvelle Grenade (UMNG), établissement public d’éducation supérieure chargé à Bogotá de la formation des sous-officiers, officiers et policiers, il y a donné plusieurs conférences, dont une intervention intitulée « Violence dans la protestation sociale : loi et ordre entre l’épée et la légitimité », le 23 juillet 2020. D’après López, les grandes organisations dirigeant la révolution ayant disparu, tout comme « le communisme », ce sont désormais des forces occultes qui, à travers des entités autonomes, mènent « une guerre civile permanente » contre l’Etat – à l’image des soulèvements de 2019 en Colombie, en Equateur et au Chili (ou le pouvoir s’est vu « tragiquement imposer par le terrorisme » l’organisation d’une Convention constituante), ou même à travers « Black Lives Matter » aux Etats-Unis. Par conséquent, les manifestants et membres des mouvements populaires, c’est-à-dire les civils – rebaptisés « molécules » – doivent être considérés comme des « cibles militaires » [6].

    Alexis Lopez : « Aujourd’hui j’ai eu l’honneur de recevoir la médaille du groupe des Ingénieurs militaires de Colombie, des mains du général (en retraite) et ex-chef d’état-major conjoint, Juan Carlos Salazar Salazar ».

    Un retour assumé à l’ « ennemi interne » cher à la Doctrine de sécurité nationale imposée dans toute l’Amérique latine, via les dictatures, pendant les années de Guerre froide, par les Etats-Unis. Un concept appliqué au pied de la lettre par les forces de sécurité colombiennes. Deux semaines après le début de la contestation, on déplorait déjà 963 détentions arbitraires, 800 blessés (dont 28 éborgnés) et 47 morts (dont un capitaine de police).

    Pourtant, malmené par la pression sociale, le président Duque a retiré la réforme des finances contestée dès le 2 mai (version officielle : en réalité, c’est le Congrès qui a traîné des pieds au moment de l’examiner). Géniteur du projet, le ministre Carasquilla a démissionné. La contestation ne s’en est pas moins poursuivie. Elle s’est même amplifiée. Indignation devant les violences policières. Exaspération portée à son paroxysme. Car, en fait, la fameuse réforme n’a été que le détonateur d’une situation qui ne demandait qu’à exploser. Et qui n’a rien d’une nouveauté.

    A partir du 21 novembre 2019 – au moment où se révoltaient d’autres victimes du néolibéralisme, du Chili à l’Equateur en passant par Haïti – des protestations massives ont déjà secoué la Colombie. Convoquées à l‘origine par les centrales ouvrières (CUT, CGT, CTC), elles contestaient la politique économique, la privatisation des caisses de retraite, les réformes affectant le monde du travail, le sabotage des Accords de paix signés en 2016 par l’Etat avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), les assassinats de dirigeants sociaux. Elles reçurent le renfort d’un mouvement étudiant qui réclamait davantage de ressources pour l’éducation supérieure. Et qui, en l’absence d’une direction politique claire et définie, le mouvement ayant pris de l’ampleur de façon très spontanée, devint le fer de lance des affrontements avec l’ESMAD et les policiers. Les jeunes, déjà, symboles d’un changement générationnel.
    Alors que plus d’un million de personnes se mobilisaient dans les principales villes du pays, le pouvoir, comme à son habitude, choisit la confrontation. Il décréta un couvre-feu à Bogotá, militarisa le pays et octroya des facultés extraordinaires aux autorités locales pour « rétablir l’ordre ». On eut à déplorer trois morts, 250 blessés et des centaines d’arrestation.
    Conséquence de ce mouvement considéré comme « historique », le Comité de Paro s’organisa. Fin 2019, il remit au pouvoir une série de revendications. Qui demeurèrent lettre morte. Plus que les vacances de fin d’année, la propagation du Covid-19 interrompit les mobilisations – le pays entamant un confinement général de cinq mois à partir du 25 mars 2020.

    La trêve fut on ne peut plus brève. Malgré la pandémie, quinze organisations indigènes, paysannes et afro-colombiennes relancèrent la contestation sociale au mois d’octobre 2020. Surgies des entrailles du Département du Cauca, région du sud-ouest du pays très affectée par les près de 60 ans de conflit armé, huit mille membres de la « Minga » entassés dans des cars et « chivas » multicolores [7], parcoururent les 450 kilomètres les séparant de Bogotá. Ils souhaitaient rencontrer le président Duque pour lui présenter leur demande d’un pays « plus démocratique, pacifique et égalitaire ». C’était beaucoup attendre d’un chef d’Etat élu sous les couleurs du Centre démocratique, le parti d’Uribe, féroce allié des « terratenientes » (les grands propriétaires terriens) et du secteur privé. Duque refusa de les recevoir. Ils ne purent donc lui rappeler que, dans les populations indigènes, le taux de pauvreté atteint 63 %.
    En revanche, partout où ils passèrent, puis sur la symbolique place Bolivar, à Bogotá, les étudiants, les jeunes et le mouvement social réservèrent un accueil triomphal aux consignes et au courage de la « Minga ». Et, sous la cendre, le feu continua à couver.

    Ce sont ces braises qui embrasent à nouveau la Colombie, la réforme des finances (et les projets gouvernementaux touchant aux retraites et à la santé) ne faisant que s’ajouter aux raisons de l’exaspération exprimées en 2019.

    Entre 2012 et 2016, tandis que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), la plus ancienne et importante guérilla du pays, négociait avec le gouvernement du président Juan Manuel Santos, les Colombiens ont « fait un rêve merveilleux ». Le retour de la paix. D’une « paix avec justice sociale » ajoutaient même les pans situés sur le flanc gauche de la société. Le 26 septembre 2016, à Cartagena, Santos et Rodrigo Londoño Echeverri (alias Timoleón Jiménez ou « Timochenko »), numéro un des FARC, ont signé l’Accord tant attendu. Pas une simple démobilisation des rebelles. En 297 pages, l’accord contenait six points principaux : réforme rurale intégrale ; participation politique ; fin du conflit ; solution au problème des drogues illicites ; réparations aux victimes ; mise en œuvre, vérification et approbation. Sur cette cet engagement solennel de l’Etat, 13 511 guérilleros ont déposé les armes, ôté leurs bottes noires et quitté leur treillis.
    Depuis, cinq années ont passé. Le constat est implacable, la frustration terrible : emmenée par Uribe et son Centre démocratique, l’extrême droite a exercé une énorme pression pour torpiller les accords. Un travail de sape que Duque a parachevé. Il n’existe toujours ni paix ni justice sociale en Colombie.

    A la place de la paix, un massacre quotidien, au compte-gouttes, passant inaperçu au niveau international, mais sanglant : 904 dirigeants sociaux et 276 ex-combattants des FARC revenus à la vie civile ont été assassinés depuis le 1er novembre 2016, d’après la Juridiction spéciale pour la paix (JEP).
    Créée dans le cadre des Accords, cette même JEP a subi les assauts de ceux qui ne veulent en aucun cas qu’éclate la vérité historique. Les guérilleros, paramilitaires et membres des forces de sécurité ne sont pas les seuls à avoir exercé la violence au cours de la guerre. Censée entendre tous les acteurs impliqués dans le confit – combattants de tous ordres, hommes d’affaires liés au financement du paramilitarisme, acteurs engagés de la société dite « civile », fonctionnaires, cols blancs donneurs d’ordres, etc. – pour établir leurs responsabilités et éventuellement les juger, la JEP a vu ses prérogatives rognées par la Cour constitutionnelle, le 13 juillet 2018, après un long passage par le Congrès. Alors que les ex-guérilleros respectent leurs engagements, comparaissent et assument leurs responsabilités, la JEP n’a plus la possibilité de convoquer des civils, seule une comparution « volontaire » de ces derniers étant désormais autorisée. Une loi du silence encore trop limitée ! Fin 2020, le Centre démocratique a présenté des propositions visant à abroger définitivement la juridiction et à transférer ses fonctions à la justice ordinaire – qu’il contrôle beaucoup mieux.

    Réforme rurale intégrale ? Trois millions d’hectares de terre devaient être attribués à près de 14 millions de paysans qui en sont dépourvus. Dans le même temps, 7 millions d’hectares de petites et moyennes propriétés devaient se voir régularisés. Farce absolue. Fin 2020, le premier hectare remis gratuitement aux paysans sans terre n’avait pas encore été enregistré [8]. Selon l’Agence nationale des terres (ANT), seuls 10 554 hectares avaient été régularisés à la fin février 2020 sur l’objectif de 7 millions d’hectares annoncé [9]. Une poignée de « terratenientes » continuent à posséder plus de 40 millions d’hectares sur lesquels ils pratiquent l’élevage extensif du bétail ou exploitent le palmier à huile, la canne à sucre et autres cultures industrielles.

    Pendant des décennies (pour ne pas dire des siècles), les élites rurales, « terratenientes » et « gamonales » [10] ont contrôlé de manière hégémonique les pouvoirs locaux et nationaux. En 2011, un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) indiquait à cet égard : « La surreprésentation des propriétaires fonciers (notamment dans les départements les plus arriérés) et la sous-représentation des groupes sociaux non propriétaires de biens (classes subordonnées) empêchent les demandes et les aspirations des habitants ruraux les plus vulnérables d’être canalisées par le système politique et d’être prises en compte par ceux qui ont le pouvoir de décider des dépenses et des politiques publiques. »
    Partant de ce constat, seize Circonscriptions spéciales pour la paix ont été créées (point 2.3.6 de l’Accord de 2016) pour réparer ce déséquilibre dans la représentation des communautés agraires. L’Etat s’engage alors à garantir une meilleure intégration des 167 « municipios » présents dans ces territoires du Chocó, du Cauca, de Nariño, du Catatumbo, du Guaviare et de l’Urabá, les plus affectés par la violence et l’abandon de l’Etat, en leur octroyant d’office, pour une période de deux législatures, seize sièges au Congrès.
     Intolérable pour toutes sortes de gens importants ! Il leur suffit de demander une chose pour l’obtenir. En 2017, leurs représentants au Congrès trucident la loi qui devait donner vie aux seize Circonscriptions. Le 8 avril 2021 encore, vingt jours avant le début de l’explosion sociale, la procureure générale Margarita Cabello Blanco demandait à la Cour constitutionnelle – devant qui un recours a été déposé – de ne pas relancer les « sièges de la paix » – représentation politique octroyés fort justement aux victimes du conflit armé.

    Depuis les années 1990 et l’ouverture du marché national à la production agricole de pays comme le Brésil, le Chili, la Chine ou le Canada, les ananas, le café, le yucca, le maïs, les haricots, les pommes de terre produits en Colombie ont commencé à être payés en dessous de leurs coûts de production et de commercialisation. Pour survivre, des dizaines de milliers de familles, accrochées à leurs maigres parcelles, cultivent la coca. L’activité attire aussi des journaliers qui, auparavant, cueillaient le café, le coton et vendaient leur force de travail dans l’agriculture traditionnelle.
    Coca = cocaïne. Dieu sait combien la « coke » a permis de financer de condominiums à Cali, Medellin ou Bogotá. Mais le mafieux, c’est le paysan. A l’initiative des négociateurs des FARC, l’Accord de 2016 a promu un traitement prioritaire et bienveillant à l’égard du maillon le plus faible de la chaîne du narcotrafic en établissant un Programme national intégral de substitution des cultures d’usage illicite (PNIS). Les « campesinos », est-il alors prévu, doivent y participer sur une base volontaire et définir les cultures qu’ils envisagent de développer en fonction des sols et du climat. Ils recevront la première année un million de pesos par mois (environ 340 dollars) pour préparer la terre à accueillir des plantations légales ou travailler à des œuvres communautaires. Ils pourront également percevoir une prime unique de 800 000 à 9 millions de pesos (entre 272 et 3 000 dollars) pour financer des projets autonomes de sécurité alimentaire.

    Le « campesino » colombien n’a rien d’un gangster. S’il peut sortir de l’illégalité, qui lui fait courir des risques insensés, il le fait. Dans son Rapport de gestion du PNIS du 31 décembre 2020, le Bureau consultatif pour la stabilisation et la consolidation (dépendant de la Présidence de la République et chargé de suivre la mise en œuvre des Accords de paix) a indiqué que 215 244 familles vivant dans 99 « municipios » de 14 Départements du pays ont signé des accords collectifs de substitution volontaire de cultures illicites. Seulement, il y a un hic… De ce total, seules 99 907 familles (de 56 municipalités), soit moins de la moitié, ont été intégrées au PNIS par la signature définitive d’accords de substitution individuels. Les autres – 116 147 familles – sont demeurées sur le bord du chemin [11]. Peu armées pour créer des « start-up » dans leurs précaireshabitations de « barenque » (mélange de boue et de bouse de vache pressé entre des bambous), elles n’ont eu d’autre choix que de continuer à dépendre de la feuille de coca et de la « pasta » [12] (ou de la marijuana, ou du pavot).
    Comme toujours (et sous la pression de Donald Trump lorsque celui-ci occupait la Maison Blanche), Duque entend tuer le malade plutôt que la maladie. A la substitution volontaire, il préfère l’éradication forcée mise en œuvre manuellement par le biais de groupes mobiles d’éradication (GME) accompagnés de militaires ou de policiers. Le mode opératoire étrangle les communautés rurales, qui crèvent la bouche ouverte ou se révoltent et sont réprimées. Il expose aussi les « éradicateurs », des journaliers aussi pauvres que ceux dont ils détruisent les plantations, aux attaques et assassinats commis par les « sicarios », quand ils ne perdent pas une jambe après avoir sauté sur une mine posée par les « narcos » [13].

    Dans leur espoir absurde de réduire la production de drogue sans procéder à des réformes sociales, les gouvernements colombiens successifs ont utilisé toute une gamme de produits chimiques comme le Paraquat et le Triclopyr, ou d’autres, infiniment plus nocifs, et dans ce cas illégalement : l’Imazapyr, l’Hexaxinona, le Tebuthiron. Déversé depuis le ciel à partir de 1986, le glyphosate a pris le relais. C’est le fameux RoundUp de la firme Monsanto. En 2015, le gouvernement de Juan Manuel Santos en a suspendu les épandages. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) venait de déterminer que le glyphosate est « probablement cancérigène pour les êtres humains ». Le 12 avril dernier, le ministre de la Défense Diego Molano a signé un décret en vue de reprendre les pulvérisations aériennes. Outre les effets sanitaires directs sur les humains, on en connaît les conséquences : le glyphosate tue toutes les plantes qu’il contamine... Il suffit d’une petite brise pour qu’il soit dispersé bien au-delà des champs de coca, sur les cultures vivrières des environs [14].
    Poussés par la misère, les paysans continueront à abattre des pans de forêt pour replanter la coca un peu plus loin.

    Spectaculaires résultats : de 48 000 hectares en 2013, les cultures de coca sont passées à 169 000 ha en 2018 (et même à 212 000 ha fin 2019 si l’on en croit le Bureau de la politique nationale pour le contrôle des drogues [ONDCP] [15] américain) ! Et ce, alors que les FARC longtemps accusées d’être les principales responsables de ce fléau, ont déposé les armes en 2016.

    Les « narcos », eux, se portent bien. Le pouvoir et ses médias ne les nomment plus « paramilitaires ». Après la supposée démobilisation en 2006 de treize mille hommes des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), responsables, avec d’autres organisations supplétives de l’armée, de près 80 % des crimes commis contre les civils depuis le début des années 1980, la création de concepts tels que Bandes criminelles émergentes (BACRIM) et Groupes armés organisés (GAO) a permis de les transformer en acteurs censément dépourvus de liens avec les forces obscures du pouvoir [16].
    Autodéfenses gaitanistes de Colombie (AGC, également connues sous le nom de Clan del Golfo, Los Urabeños, Clan Úsuga), Los Caparrapos, Los Rastrojos (grands amis du président autoproclamé vénézuélien Juan Guaido) [17], Los Paisas, La Empresa se sont abattus sur les territoires autrefois occupés par les FARC, contrées dont l’Etat n’a fait aucun effort véritable pour reprendre le contrôle. Quand on parle de carence de l’Etat, on ne se réfère pas uniquement à l’absence de la Force publique, mais de l’Etat dans son intégralité : éducation, système judiciaire et de santé, voierie, communications, crédits pour l’agriculture, etc.
     
    Toutes ces structures criminelles – auxquelles il convient d’ajouter quelques groupes résiduels des FARC, qui ne se sont pas démobilisés – sont directement impliquées dans la production et le transport de la cocaïne. Mais pas uniquement. Elles agissent dans le champ politique. En octobre 2017, les AGC publiaient un pamphlet intitulé « Plan pistolet contre l’Union patriotique » dans lequel elles menaçaient de mort Jahel Quiroga et Pablo Arenales, respectivement directrice et membre de l’ONG progressiste de droits humains Reiniciar [18]. Depuis, et pour ne citer qu’elles, les AGC ont été l’une des principales responsables de l’augmentation des assassinats sélectifs de dirigeants communautaires et sociaux, de militants politiques de gauche et de déplacements forcés de population. En 2020, d’après le très officiel Défenseur du peuple, 28 509 personnes ont été victimes de ces déplacements forcés dans les Départements du Cauca, de Putumayo, du Choco, de Cordoba, du Bolivar et du Nord Santander ; 15 000 autres ont subi le même sort, précise l’Institut d’Etudes pour la paix (Indepaz), pendant les trois premiers mois de 2021.
     
    S’ajoute à ce désastre la putréfaction à la tête du pouvoir. Álvaro Uribe (le chef à peine caché derrière le trône) : assigné à résidence, accusé (entre autres affaires) de fraude procédurale et corruption – pour avoir soudoyé des témoins afin de faire condamner son ennemi juré, le sénateur de gauche Iván Cepeda –, il démissionne de son poste de sénateur en août 2020. Il évite ainsi la Cour suprême de justice, seule habilitée à juger les élus et, libéré, voit son affaire passer entre les mains de la justice ordinaire, aux ordres du Procureur général Francisco Barbosa, ami proche et ex-collaborateur… d’Iván Duque. Bonne pioche ! Le parquet a annoncé le 5 mars 2021 son intention de demander au juge de prononcer un non-lieu. «  Merci à Dieu pour cette avancée positive. Merci à tous pour vos prières et solidarité  », a réagi Uribe sur Twitter.

    Duque (le Président) : embourbé dans le scandale dit de la « Ñeñepolítique ». L’écoute téléphonique d’un narcotrafiquant suspecté d’homicide, José Guillermo Hernández, dit « el Ñeñe Hernández », débouche sur une découverte inattendue : « sur ordre d’Álvaro Uribe », il a « acheté des votes » et aidé à organiser une fraude électorale, sur la côte caraïbe et dans la Guajira, pour favoriser en 2018 l’élection de l’actuel chef de l’Etat. Informé de ces révélations, le Procureur général de l’époque, Néstor Humberto Martínez, un autre « grand ami » du Centre démocratique, s’empressa de les enterrer et de n’en rien révéler [19].

    Marta Lucía Ramírez (la vice-présidente) : obligée d’avouer en juin 2020 qu’elle a payé 150 000 dollars de caution en juillet 1997 pour faire sortir de prison son frère Bernardo, accusé de narcotrafic aux Etats-Unis. Finalement condamné à quatre ans et six mois, Bernardo Ramírez Blanco a purgé sa peine et payé sa dette à la société. Toutefois, jamais les électeurs n’ont été informés de ce détail de la vie d’une femme politique qui, ministre de la défense d’Uribe entre 2002 et 2003, puis « numéro deux » de la République actuellement, s’acharne sur les paysans producteurs de coca ou traite le président vénézuélien Nicolás Maduro de « narcotrafiquant ». Lorsque la « minga » indigène a planté ses modestes tentes de plastique noir à Cali pour appuyer l’actuel soulèvement, Ramírez n’a pas hésité a insinuer : « On me dit que le maintien de la minga coûte environ 1 milliard de pesos [225 000 euros] par jour. Qui est derrière ce financement ? Quelle activité est aussi lucrative pour être aussi dépensière ? »

    Le pilote Samuel David Niño Cataño et Álvaro Uribe.

     

    Samuel David Niño Cataño : pilote, il se tue le 3 décembre 2019 en s’écrasant dans la région du Petén, au nord du Guatemala, à proximité de la frontière mexicaine, au manche de son bimoteur chargé de 500 kilos de cocaïne destinés au cartel de Sinaloa. Cataño avait été en 2018 le pilote des célèbres duettistes Uribe (lors de sa campagne pour le Sénat) et Duque (candidat à la présidence). « On a dit qu’il était le pilote officiel et qu’il travaille pour moi, réagira ce dernier, après son élection et la mort de Cataño. Non, il n’était pas le pilote officiel et ne travaillait pas pour moi [20]. » Dont acte. Mais, tout de même… Par le plus grand des hasards, lors de la très officielle et huppée cérémonie d’investiture de Duque comme chef de l’Etat, le 7 août 2018, Niño Cataño figurait parmi les invités – de même que José Guillermo Hernández, « el Ñeñe » (assassiné au Brésil depuis).

    Dernier haut le cœur (avant les prochains ?) : pendant longtemps, les organisations de défense des droits humains ont estimé que le phénomène dit des « faux positifs » avait provoqué la mort d’environ 3 000 personnes. Le 18 février 2021, la JEP a rendu public l’état de ses dernières investigations : entre 2002 et 2008, sous la présidence d’Uribe (et avec comme ministre de la Défense le futur prix Nobel de la paix Juan Manuel Santos), ce sont 6 402 Colombiens qui ont été assassinés de sang froid par l’armée, dans 29 des 32 Départements du pays.

    Un écœurement massif. Une indignation énorme, depuis trop longtemps contenue. Les Colombiens décents crèvent l’abcès. Avant 2016, quiconque manifestait se voyait accusé de sympathie pour la lutte armée. Depuis la démobilisation des FARC – et même si l’Armée de libération nationale (ELN) poursuit le combat dans la clandestinité –, les revendications explosent plus librement, dans toutes leurs diversités. A tel point que, si c’est le Comité de Paro qui lance les consignes, ce n’est pas forcément à lui que répond la rue. Les jeunes s’émancipent, s’autogèrent et souvent mènent la danse.

    José Guillermo Hernández, dit « el Ñeñe Hernández », avec Iván Duque.

    Aux mobilisations massives, hétérogènes et souvent spontanées, répondent les anathèmes jetés par des illuminés médiévaux : il s’agit « d’un plan macabre de la gauche radicale et criminelle financée par le narcotrafic pour déstabiliser la démocratie », ose le Centre démocratique. A Bogotá, les forces de l’ordre vont jusqu’à agresser la veillée d’une foule rassemblée en hommage à des victimes. A Cali, le 5 mai, les policiers agressent et tirent à balles réelles sur un groupe de défenseurs des droits humains accompagnés de fonctionnaires de l’ONU. « Historiquement, témoigne depuis Medellin l’universitaire Luis Ramírez, la répression s’exerçait sur les groupes les plus marginaux : les populations paysannes, indigènes et rurales éloignées. Le reste de la société colombienne n’était pas directement concerné et ne voyait pas trop ce qui se passait. Maintenant, cette répression se généralise dans tout le pays. Alors qu’on prétend habituellement qu’elle s’exerce sur tout ce qui respire “la gauche”, c’est sur les multiples secteurs d’exercice de la citoyenneté libre et active qu’elle s’abat [21]. »

    Très vite, le 5 mai, on parle de 87 « disparus ». Réelle inquiétude. Quatre jours plus tard, le nombre des personnes dont les proches se déclarent sans nouvelles s’élève à 548. Frayeur justifiée dans un pays où l’on estime à au moins 80 582 (d’après le Centre national de la mémoire historique) ou même 84 330 (selon le Parquet général) le nombre des disparitions forcées durant les quarante dernières années de conflit. Comparaison n’est pas raison. Les absences inexpliquées des derniers jours se rattachent – tout du moins doit-on l’espérer – au phénomène des détentions arbitraires (666, des jeunes en majorité, au 12 mai). En cause, la Loi de transfert pour protection. Datant de 2016, celle-ci permet l’interpellation par la police de toute personne dépourvue « de défense ou [victime] d’altération grave de l’état de conscience due à des problèmes mentaux, ou sous l’influence de boissons alcoolisées ou de substances psychoactives ou toxiques », le transfert étant le seul moyen disponible pour protéger son intégrité ou celle des tiers, mais, surtout, et infiniment plus fréquemment, lorsque un individu « est impliqué dans une querelle ou fait preuve d’un comportement agressif ou imprudent, effectue des activités dangereuses ou à risque qui mettent en danger sa vie ou son intégrité ou celles de tiers (…)  ». La police expédie alors le détenu dans un Centre de transfert pour protection – façon poétique de ne pas employer l’appellation centre de détention.

    José Guillermo Hernández, dit « el Ñeñe Hernández », avec son « grand ami » le général Adolfo Hernández (accusé par des organisations sociales d’être responsable d’au moins 39 cas de faux positifs).

    « Or, dénonce depuis Medellin Vanessa Vasco, de la Corporation Juridique Liberté, la police, de façon délibérée, injustifiée, capture des gens qui sont en train de manifester ou même simplement de marcher ; elle enregistre leur nom de façon erronée, ce qui empêche les organismes de défense des droits humains de savoir qui est là, d’informer les familles. Les détenus sont frappés et maintenus pour un temps indéterminé, de trois ou quatre jours, hors de toute protection de la loi [22]. » Le 16 mai, alors que se multipliaient les cris d’alarme et les dénonciations, les Bureaux du Procureur et du Défenseur du peuple ont fait savoir que 227 personnes ont été retrouvées et qu’ils en recherchaient 168 autres. En ce qui les concerne, le jeune Brahian Gabriel Rojas López, qu’on avait aperçu le 28 avril dans le « municipio » La Virginia (Risaralda), pendant une intervention de l’ESMAD, et un autre homme non encore identifié, ont été retrouvés, morts, flottant dans le courant du fleuve Cauca.
    Au terme de la grève nationale de 2019, diverses organisations sociales ont entrepris une procédure destinée à protéger les droits des manifestants. Dans sa sentence STC-7641-2020 du 22 septembre 2020, la Cour suprême de justice a satisfait à leur demande en ordonnant au président de la République de convoquer une Table de travail destinée à revoir les directives sur l’usage de la force par les 140 000 intégrants des forces de l’ordre. Le pouvoir a fait la sourde oreille. Expédier les auteurs de « bavures », sévices ou assassinats devant les tribunaux ordinaires plutôt que devant les Cours militaires ne l’intéresse pas. Oter au ministère de la Défense son contrôle sur la Police nationale pour placer celle-ci sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, comme dans tous les pays civilisés, ne lui traverse pas plus l’esprit. « La situation du narcotrafic et des groupes hors-la-loi ne le permet pas en ce moment », s’est contenté de réagir récemment le chef de la Police nationale, le général Jorge Luis Vargas [23]. C’est donc avec la férocité habituelle que le gouvernement lance ses forces de répression à la rencontre des protestataires. Elles ont même perfectionné leurs méthodes – en mode plus dangereux. Inconnu ailleurs en Amérique latine, est apparu un blindé léger équipé de lanceurs – Venom – projetant en même temps, à la manière d’un Katioucha (dit « orgue de Staline ») [24], jusqu’à 150 mètres de distance, une volée de projectiles générant un flash lumineux et sonore, paralysant, et des cartouches génératrices de nuages de gaz lacrymogènes et de fumée. Des tirs qui, illégalement effectués à l’horizontale, se révèlent particulièrement redoutables pour les manifestants.

    Blindé léger « Venom », équipé de lanceurs, des forces de répression colombiennes

    Troisième ville de Colombie avec 2,2 millions d’habitants, Cali est devenue la capitale de la rébellion. Stratégiquement située à proximité des Départements du Chocó, du Cauca et de Nariño, à moins de trois heures de route de la côte Pacifique et de son important port de Buenaventura, toutes zones particulièrement affectées par le conflit armé, Cali a servi de réceptacle à des dizaines de milliers de réfugiés internes, paysans misérables déplacés par la violence. Sans parler d’une faune interlope d’aventuriers, « paracos », « narcos » etmembres de « pandillas » [25].
    Dès le deuxième jour des manifestations, le maire « écolo » Iván Ospina (Parti Alliance Verte) a livré la ville en demandant au gouvernement une assistance militaire. Ce renoncement à une gestion locale de la situation a provoqué un très fort rejet de la population et interrompu les possibilités de dialogue avec les manifestants.
    Défiant le pouvoir et les 3 500 militaires envoyés en renfort, ouvriers, travailleurs informels, femmes et étudiants défilent à n’en plus finir. Ils ont aussi organisé vingt-et-un « points de résistance ». « Des jeunes, y compris des adolescents, certains plus organisés que d’autres, très hétérogènes, sont présents en permanence sur ces points de “bloqueo” »,décrit Irene Velez-Torres, anthropologue de l’Université d’El Valle, le 12 mai [26]. Le plus fameux de ces points, la rotonde Puerto Rellena, rebaptisée Port Résistance, à l’est de la ville, jouxte la périphérie d’Aguablanca, agglomération populeuse à mauvaise réputation car occupée, depuis les années 1980, par les flots de déplacés. Pas de quoi rendre les forces de l’ordre particulièrement bienveillantes…

    « Affrontement hier [11 mai] entre police et jeunes dans les secteurs Siloé et Pont du Commerce, commente John J, artiste de rap (Fondation HipHop Peña) et enseignant. La police a répondu par des tirs [27]. » Sur la cinquantaine de morts déplorés dans l’ensemble du pays (à l’heure de boucler cet article), trente-cinq ont été tués à Cali. Que le pouvoir tente d’étouffer et réduire au silence. « La nuit, sur les “points de résistance”, les coupures d’électricité laissent des quartiers entiers dans l’obscurité et sans Internet, raconte Irene Velez-Torres. Dans certaines zones, pour certaines personnes, les communications en direct à travers Facebook sont limitées ; des courriers électroniques, que nous avons envoyés, ne sont jamais arrivés. Il semble qu’à partir de certains mots clés, ils sont interceptés et éliminés. »
     
    Accourue en renfort le 5 mai avec sa « garde indigène », une sorte de police communautaire non armée, les trois mille hommes et femmes de la « minga » sont restés une semaine en ville avant de devoir se replier sur leurs territoires ancestraux du Cauca. Précairement installés sur le campus de l’Université del Valle, ils exerçaient une présence permanente sur les « points de résistance » pour y protéger « les jeunes » – souvent attaqués la nuit.
     Le 5 mai, néanmoins, ce sont des membres de la « minga » qui ont subi une agression particulièrement violente. Au sud de Cali, dans le quartier chic de Cañasgordas, des civils vêtus de blanc, protégés par des policiers, ont ouvert le feu sur plusieurs « chivas » qui se rendaient à l’Université del Valle pour y participer à une réunion avec des porte-paroles du Comité de grève afin d’établir un agenda de négociation avec le gouvernement. L’attaque a fait douze blessés, dont quatre dans un état grave. Explicitement et plus ou moins élégamment, les autorités locales, départementales et nationales ont demandé aux Indigènes de « retourner dans leurs montagnes ». Le 12 mai, au terme d’une Assemblée permanente et après avoir pris congés des « points de résistance », ceux-ci sont de fait repartis en caravane vers le Cauca, non sans avoir précisé : « Nous continuerons à participer à la grève nationale depuis nos territoires ancestraux. » Archevêque de Cali, Mgr Darío Monsalve leur a demandé pardon au nom de la ville pour ce qu’ils ont subi. D’autres s’inquiètent ouvertement : « Leur départ laisse les jeunes très vulnérables sur les points de concentration. »

    Que ce soit à Cali ou ailleurs, les barrages sur les routes, les barricades citadines, l’entrave aux déplacements, la paralysie des transports, des services et de l’activité économique, les difficultés d’approvisionnement provoquent le mécontentement de secteurs de la société, qui s’estiment lésés. Et qui, parfois, réagissent avec véhémence. Toutefois, ces réactions émotionnelles et spontanées ne peuvent occulter le développement de pratiques infiniment plus inquiétantes.
    La première alerte a émané précisément de Cali, le 6 mai. Surgis d’un camion banalisé, un groupe de policiers en civil pourchasse des manifestants et tirent à balle réelle. Au vu de vidéos filmées par les protestataires, la Police devra admettre que le véhicule lui appartient effectivement (tout en trouvant une explication des plus « vaseuse » sur les agissements de ses fonctionnaires).
    Dans toute la Colombie, se déplaçant souvent dans des véhicules haut de gamme, des civils menacent ou répriment les protestataires. Et parfois ouvrent le feu. Et parfois tuent. Ce qui arrive à Pereira, dans l’ouest du pays, où deux jeunes hommes qui organisent un sit-in pacifique sont gravement blessés par un groupe d’hommes non identifiés, tandis qu’un troisième, Lucas Villa, ne survit pas. Fait divers malheureux dû à une poignée d’irresponsables ? Quelques jours auparavant, le 2 mai, le maire Carlos Maya, s’était fendu d’une déclaration très remarquée : « Nous allons convoquer toutes les corporations de la ville ainsi que les membres de la sécurité privée pour faire un front commun avec la police et l’armée afin de rétablir l’ordre dans la sécurité publique. La ville de Pereira ne s’arrête pas et ne s’arrêtera pas et nous ne la laisserons pas entre les mains des violents. » Des pratiques qui renvoient à de funestes antécédents : la création des Coopératives de sécurité (Convivir en milieu rural), particulièrement promues par le gouverneur du Département d’Antioquia, Álvaro Uribe, dans les années 1980. Il ne fallut pas très longtemps pour qu’elles révèlent leur véritable nature en rejoignant les paramilitaires des AUC.

    Un compte Twitter appelé « Brigade anticommuniste », révèle le Collectif d’avocats José Alvear Restrepo, « stigmatise la Minga indigène en signalant qu’elle a des liens avec des groupes armés illégaux »  ; on y trouve des messages tels que « Minga = FARC »  ; un appel y a été lancé aux habitants de Cali « pour qu’ils envoient l’emplacement exact des manifestants et utilisent des armes pour les attaquer [28]  ».
    Dans le « municipio » de Jamundi (Valle del Cauca), le jeune membre de la garde indigène Geovanny Cabezas Cruz (18 ans) sera assassiné le 15 mai de plusieurs balles dans le dos par deux inconnus. D’après les témoignages recueillis par Indepaz, des escouades paramilitaires des AGC arpentent la zone et, les jours précédents, des menaces avaient été proférées contre les dirigeants indigènes s’étant déplacés avec la « Minga » à Cali.
    Toujours dans cette ville, divulgue le 9 mai « Noticias Uno », diffusé sur la chaîne de télévision payante CableNoticias, un groupe organisé, « Cali Fuerte » (Cali forte), planifie sur WhatsApp des stratégies pour démanteler les points de blocage. Les échanges ont lieu en termes ordinaires – « Je sais que, nous allons avoir en abondance du renseignement, parce que (…) nous pouvons arriver à quelque chose de bon pour la ville » –, mais aussi en usant, pour certains des intervenants, d’un vocabulaire spécialisé, codé, très « policier ».
    Après que, la nuit du 16 mai, des affrontements aient fait deux morts et trente-quatre blessés dans le quartier La Estancia de Yundo, la gouverneure du Valle del Cauca, Clara Luz Roldán, a exprimé son indignation pour avoir vu, sur une vidéo, aux côtés des militaires, des civils n’appartenant en aucun cas aux forces de l’ordre, armés et cagoulés.

    L’enchaînement de ces divers événements ramène immanquablement au paramilitarisme et à l’Etat – responsable de ce qu’il laisse faire, mais aussi de ce qu’il fait. Car les traces de liaisons aussi dangereuses que troubles ne manquent pas. Ainsi des Águilas Negras (Aigles noirs). Après les Autodéfenses gaitanistes de Colombie, il s’agit de l’organisation responsable du plus grand nombre de menaces de mort et d’avertissements ciblés proférées, sur l’ensemble du territoire national, contre les dirigeants communautaires, politiques et sociaux. Curieusement, on ne lui connaît aucun leader, on ignore totalement ses structures et son fonctionnement, on n’a jamais repéré aucun supposé campement. Pour se livrer à son œuvre mortifère, elle a une stupéfiante capacité d’identifier ses cibles, leurs localisations, adresses mail et numéros de téléphone. Du travail « de police » ou de « service de renseignements ». Qui exerce une incontestable fonction de discipline et de contrôle social en terrorisant les secteurs opposés tant au gouvernement qu’aux pouvoirs locaux.

    « L’épidémie qui devrait nous préoccuper est l’épidémie communiste. Sauvons la Colombie. » Le message n’a rien de clandestin. Il figure sur un énorme panneau d’affichage, dans le secteur de Las Palmas, l’un des plus fréquentés de la ville de Medellín. Les médias du « système » chantent à l’unisson. Si les élus ne parviennent pas à persuader les manifestants d’abandonner les barrages, « le gouvernement a l’obligation de recourir aux outils que la Constitution lui accorde pour garantir la prévalence de l’intérêt général », prévient le quotidien El Tiempo. Hebdomadaire, Semana révèle « en exclusivité » (15 mai) « le plan violent des dissidences des FARC et des milices urbaines de l’ELN pour assiéger la capitale [Cali] du Valle del Cauca. Les enregistrements et les informations des services de renseignement prouvent qu’il y avait une intention criminelle au milieu de la grève. Qui est derrière tout cela ? »

    Les Etats-Unis se disent « très préoccupés » par la situation. L’Union européenne est elle aussi « très préoccupée ». L’Organisation des Etats américains (OEA) a mis beaucoup de temps à se préoccuper, mais elle s’est finalement déclarée « très préoccupée ». Il faut préciser qu’avant d’être « très préoccupé », son secrétaire général Luis Almagro était « très occupé ». Le 5 mai, en Floride, il recevait les clés de la ville de North Miami Beach, des mains du maire Anthony DeFilippo. Un hommage rendu à « son incessant travail pour la justice dans la région » et à sa lutte « pour la liberté et la démocratie ».

    « Venezuela : Explosion sociale » ; « Colombie, sous la menace »

    Fort heureusement, Almagro a participé ensuite à Miami au forum « Défense de la Démocratie dans les Amériques », organisé (forcément !) par l’Institut interaméricain pour la démocratie, au cours duquel, dans une de ses dernières envolées avant de déposer le bilan, le président équatorien Lenín Moreno a exprimé avec une rare véhémence « une demande unanime »  : que le président vénézuélien Nicolás Maduro retire « ses mains sanglantes et corrompues de la démocratie et la stabilité du peuple colombien ». D’où la préoccupation (presque) soudaine d’Almagro. Le 10 mai, tout en condamnant « les cas de torture et d’assassinats commis par les forces de l’ordre », il a précisé que « le droit à la protestation ne peut être un prétexte pour violer les droits fondamentaux de la population » et a stigmatisé « ceux qui ont transformé les manifestations en vandalisme et ont confondu le vandalisme avec des actions de nature terroriste contre les institutions et les autorités de l’Etat ». C’était bien le moins. La Colombie n’est tout de même pas le Venezuela ou la Bolivie, où tout est permis à l’opposition !

    L’inquiétude n’en demeure pas moins réelle. Même Uribe, à l’origine, avait senti le danger et s’était prononcé contre cette réforme fiscale arrivant au plus mauvais moment. Dirigeants de Cambio radical (Changement radical) et du Parti libéral, les dirigeants de droite Germán Vargas Lleras et César Gaviria avaient ordonné à leurs troupes de ne pas voter le texte. Pour Gaviria, ex-président (1990-1994), cette réforme était « la pire chose qui puisse arriver à la classe moyenne » : elle allait « achever le pays et l’économie [29]  ». Les centristes et les Verts – Sergio Fajardo, Jorge Robledo, Juan Manuel Galán, Humberto de la Calle, etc. – ont exprimé le même rejet. Sans être plus entendus. Et ce qui devait arriver est arrivé. La droite perd le contrôle de la situation.
     Panique à bord. Ministre des Affaires étrangères, Claudia Blum démissionne (elle sera remplacée par Marta Lucía Ramírez). « Chaque déclaration du ministre de la Défense sur la grève est un permis de tuer », dénonce Gaviria. « La solution à la grève se trouve dans les Accords de paix et dans des objectifs de développement soutenable », renchérit l’ex-président Santos. C’est que tous les yeux sont désormais tournés vers l’élection présidentielle de 2022. Signe des temps, même les Etats-Unis, plutôt que prononcer leur habituel soutien inconditionnel, ont exhorté les forces de l’ordre colombiennes à faire preuve d’un « maximum de retenue » pour éviter de nouveaux décès. Et ne pas entacher davantage l’image des gouvernants.
    Au-delà de cette tentative pour « limiter les dégâts », beaucoup subodorent que cette révolte d’ampleur exceptionnelle marque sans doute, ou peut-être, le crépuscule de l’Uribisme et de son entourage mafieux. Chacun fait un pas de côté. Une droite plus présentable, décente, intelligente, civilisée, serait la bienvenue. Pas trop indépendante tout de même – Washington a besoin d’alliés obéissants aux directives (n’oublions pas le contexte régional et surtout le Venezuela).
    Seulement, l’aiguille de la boussole ne tourne pas dans le bon sens. Alors qu’« on » la voudrait fixée sur la droite classique, au pire le centre droit, elle s’incline clairement en direction… du centre-gauche.

    Le second tour de la présidentielle, le 17 juin 2018, opposait Duque au candidat de la Colombie humaine, Gustavo Petro. Une première évolution dans un pays habitué à des duels entre candidats de droite ou opposant la droite à l’extrême droite. Confronté à la « maquinaría » (appareil) et aux partis traditionnels, victime d’une campagne de la peur faisant de lui un proche d’« ex-terroristes » [30] et un représentant du « castro-chavisme », victime d’une trahison des pseudo « centristes – De la Calle, Fajardo, Robledo – ayant appelé à voter « blanc », Petro fut finalement battu (41,8 % des voix contre 54 % à Duque) [31]. Toutefois, il était arrivé en tête dans la capitale Bogotá et dans les départements Atlántico, Nariño, Cauca, Chocó, Vaupés, Sucre, Putumayo et Valle, tout en faisant de son mouvement la seconde force politique du pays. La Colombie n’était pas encore prête pour le changement. Elle vient de faire un grand pas dans cette direction. Et l’ombre du Chili plane désormais sur elle, tout un chacun en est conscient.
    Lors de l’élection de la Convention constituante, le gouvernement de Sebastián Piñera (37 sièges sur 155) et les partis traditionnels viennent d’y subir une défaite cinglante, historique, le 16 mai dernier. A l’origine de ce séisme, l’apparition d’une nouvelle génération politique née de l’explosion sociale de 2019, elle aussi férocement réprimée (27 morts, 22 000 arrestations, 3 649 blessés).

    Tout plutôt qu’un gouvernement réformiste. Tout plutôt que le « Petro-madurisme »  ! L’Uribisme n’entend pas lâcher le pouvoir aussi facilement. Il a peur. Il joue son va-tout. Il a en face de lui un Comité national de grève qui exige des garanties pour le libre exercice de la protestation, la fin des violences, une réforme de la police. Malgré la répression, la pression paye. Le pouvoir lâche du lest : après le retrait de la réforme fiscale, celle de la santé a également disparu de l’agenda (rejetée par le Congrès) ; le gouvernement approuve une subvention de 25 % du salaire minimum pour tout employeur embauchant un jeune ; il annonce la gratuité des frais d’inscription dans l’enseignement public supérieur pour les étudiants des strates 1,2 et 3 (les couches les plus modestes) ; enfin, le 22 mai, la Cour constitutionnelle rétablit les 16 Juridictions spéciales pour la paix (qui disposeront de sièges à partir des prochaines élections législatives) ! Ce pour la carotte. Mais le bâton n’est pas loin. On ne voit même que lui. Le 17 mai, alors que le pays espérait des avancées en matière de négociations, Duque a coupé court et ordonné « l’augmentation de toutes les capacités opérationnelles des forces de l’ordre sur le terrain (…) ».

    A bout de trois semaines de soulèvement, on déplore déjà une cinquantaine de morts et 1 600 blessés. Portées par le refus de la pauvreté, de la corruption, de l’insécurité, des inégalités dans l’accès aux études et à la santé, les manifestations massives continuent à se succéder. A chaque jour son tragique, son sordide, son poignant. Popayán : le 13 mai, la très jeune Alison Meléndez est interceptée et détenue par des agents de l’ESMAD. Le lendemain, libérée, bouleversée, elle dénonce avoir subi des violences sexuelles, puis se suicide. L’indignation est telle que des manifestants attaquent et incendient l’Unité de réaction immédiate (URI) où ont eu lieu les sévices. Huit quartiers se soulèvent. A 22 ans, Sebastián Quintero Múnera meurt à son tour, atteint au cou par une grenade assourdissante...

    Le pouvoir avait-il pressenti une telle résistance ? Le 6 mai, le sénateur Wilson Arias (Pôle démocratique alternatif) a dénoncé la commande par l’Etat, de 130 000 grenades, 60 000 balles de marquage pour lanceurs de balles de défense (LBD), 4 734 boucliers anti-émeute, 107 lanceurs de gaz, etc., destinés à l’ESMAD, pour plus de 3 643 451 dollars (14 milliards de pesos). A Cali, John J réfléchit à haute voix : « Nous qui sommes des dirigeants communautaires, on connaît les jeunes, on sait pourquoi ils sont dans la rue. On s’inquiète de savoir s’il y aura une sortie négociée, concertée, au moins avec les autorités locales, parce qu’avec le gouvernement ça va être difficile… Qu’est-ce qui va leur arriver à ces jeunes ? On connaît l’histoire de notre pays ! »

     Maurice LEMOINE

    Notes

    [2] Le gouvernement revendique la mise en place d’un programme de soutien à l’emploi formel bénéficiant à environ 3,5 millions de travailleurs ; le remboursement de la TVA pour près de 2 millions de ménages vulnérables ; le renforcement du Fonds de solidarité éducative (700 000 étudiants).

    [3] Le CNP regroupe 26 organisations nationales, 29 comités départementaux et plus de 300 comités municipaux.

    [4] C’est ainsi que les indigènes appellent leurs rassemblements et actions collectives.

    [6] Pour ajouter à son délire, López se réfère aux… philosophes français post-structuralistes Félix Guattari (qui a publié en 1977 La révolution moléculaire), Jacques Derrida, Gilles Deleuze et au très oriental Jeu de GO !

    [7] Véhicules collectifs ouverts à tous les vents et souvent vétustes, typiques des régions montagneuses de Colombie.

    [9] Senadores y representantes – Informe multipartidista (2020) « ¿En qué va la paz a 2 años del gobierno Duque ? », Bogotá, 18 de agosto 2020.

    [10] Propriétaire terrien qui a du pouvoir politique.

    [12] La « pasta » ou pâte base : stade intermédiaire entre la feuille de coca et la cocaïne pure, obtenu avec des moyens souvent rudimentaires sur le lieu de production.

    [13] Entre 2009 et 2018, 126 « éradicateurs » des GME et membres de la Force publique ont été tués et 664 blessés – la majorité par amputation (Fundacion Ideas por la Paz, Bogotá, 29 mai 2020).

    [14] Lire Maurice Lemoine, « Cultures illicites, narcotrafic et guerre en Colombie », Le Monde diplomatique, Paris, janvier 2001.

    [15] Pour une production potentielle de 951 tonnes de cocaïne.

    [16] Les paramilitaires trouvent leur origine dans des groupes civils « d’autodéfense » légalement crées par l’armée colombienne, conseillée par le Commandement sud de l’Armée des Etats-Unis (Southern Command), dans les années 1970 et 1980, pour lui venir en aide pendant les opérations anti-insurrectionnelles.

    [17] « Venezuela : aux « sources » de la désinformation », 7 octobre 2019 – https://www.medelu.org/Venezuela-aux-sources-de-la-desinformation

    [18] L’Union patriotique (UP) est un parti politique issu d’un « processus de paix » mené en 1984 sous la présidence du conservateur Belisario Betancur et composé de guérilleros démobilisés, du Parti communiste et de membres de la société civile. Entre 3 000 et 5 000 de ses membres ont été assassinés, torturés et victimes de disparition, essentiellement par les paramilitaires.

    [19] Lite « La Colombie aux temps du choléra » – https://www.medelu.org/La-Colombie-aux-temps-du-cholera

    [21] Témoignage recueilli le 12 mai lors d’un Webinaire « Que se passe-t-il en Colombie ? » organisé à l’initiative de France Amérique latine 33 (Bordeaux), Les 2 Rives et le collectif ALBA-TCP France.

    [22]  Idem.

    [24] Lance-roquettes multiple soviétique de la Seconde Guerre mondiale.

    [25]  « Pandilla »  : bande ; « paraco »  : paramilitaire.

    [26] Ibid, « Que se passe-t-il en Colombie ? »

    [27]  Ibid.

    [29] El Espectador, Bogotá, 21 avril 2021.

    [30] Actuellement sénateur, maire de Bogotá de 2012 à 2015, Petro a été, à partir de 1977, membre de la guérilla du Mouvement 19 Avril (M-19), dissoute en 1990.

    [31] Lire : « Qui a trahi le camp de la paix en Colombie ? » – https://www.medelu.org/Qui-a-trahi-le-camp-de-la-paix-en

     

    source: https://www.medelu.org/Guerre-totale-contre-le-mouvement-social

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Le PRCF n’a eu de cesse que de le dénoncer de longue date : le Front National – rebadgé Rassemblement National – des Le Pen n’a jamais été pour la sortie de l’Union Européenne et de l’Euro.

    Faut il rappeler que durant toute la guerre froide, Le Pen père et le Front National s’erigeaient en soutiens virulents de l’OTAN et de la construction européenne sous la tutelle de l’impérialisme américain? C’est ainsi que lors du vote décisif de l’Acte Unique les nombreux députés des Le Pen s’absteniennent, collaboratn ainsi à l’institution de la monnaie unique et la disparition du franc au profit de l’euro. Privant la France et son peuple de la souveraineté monétaire, désormais sous contrôle de l’Allemagne et de marchés financiers.

    Faut il rappeler qu’ensuite, profitant des trahisons antipopulaires d’une gauche préférant vanter le mensonge d’une Europe sociale, le FN et les Le Pen père et fille se mirent à susurrer un discours aux accents euro critique. Sans jamais en pratique cependant proposer franchement de sortir de l’Union Européenne, de l’Euro ou même de l’Otan. Il s’agissait pour le FN, tel des bonimenteurs de foire, de tromper les ouvriers victimes des délocalisations, du dumping social et fiscal et de la concurrence des travailleurs détachés institués par l’Union Européenne, ainsi de que de l’appauvrissement euro austéritaire provoqués par l’Euro. Ces ouvriers et emplyés, ces pécheurs et agriculteurs, en un mot la classe ouvrière de France constatant les ravages de l’Union Européenne sur le produire en France. Eux qui tant qu’ils disposaient d’un parti et d’un syndicat de classe se sont opposés à chacune des étapes de la construction européenne. Contrairement au FN et aux Le Pen. Cette classe ouvrière abandonnée par ceux qui provoquant la mutation du PCF et s’alignant derrière le Parti Socialiste et sa , se coulant dans le Parti de La Gauche Européenne et ses millions de subventions versés par la européenne, choisissaient la lutte des places plutôt que la lutte des classes. Renoncements pour de mauvais arrangements, mutation pour trahison, ont ainsi provoqué dégout et abstention parmi des millions d’ouvriers, de paysans, d’employés et d’agents publics. Ouvrant la porte à cette extrême droite qui est le naturel profond et l’arme d’exploitation du Capitalisme.

    Les communistes résistants et militants du Frexit…

    Faut il cependant aussi rappeler que les communistes, et eux seuls, ont depuis toujours à avoir combattu pieds à pieds tous les traités européens. Et le PRCF, et ses militants franchement communistes, sont les seuls à avoir toujours porté le mot d’ordre, clair, simple, démocratique, de la sortie de l’Union Européenne, de l’Euro, de l’OTAN et du Capitalisme. Répondant ainsi à l’aspiration ultra majoritaire des classes populaires à la souveraineté populaire. A la défense de cette souveraineté nationale permettant de défendre droits sociaux, libertés démocratiques, protection écologique, solidarité internationaliste contre la supranationalité européiste imposant la dictature du Capital. Plaçant les budgets publics sous la férule des diktats euro austéritaire de la commission européenne et sous le chantage des marchés financiers gavés par la Banque Centrale Européenne ! En 2005, par un vote spectaculaire, ouvriers et employés, votaient NON au TCE, dans une campagne populaire et de terrain, emmenées par les forces républicaines et progressistes.

    , tandis que le PRCF montrait que le FN/RN et les Le Pen n’étaient pas pour la sortie de l’Union Européenne, les tenants de la mensongère “réforme” de l’Union Européenne en une europe sociale se faisaient eux les promoteurs des Le Pen.

    les Le Pen collaborateurs capitalistes ne proposant jamais la sortie de l’Union Européenne

    Des Le Pen partageant leur programme économique commun avec l’UMPS, puis les LR et LREM, celui du parti maastrichien unique, c’est à dire celui de l’exploitation capitaliste. Car pour verrouiller le débat, un argument était alors jeté à la tête des communistes de façon scandaleuse, sortir de l’UE c’était “dire comme Le Pen”. Et cela alors que cette sortie de l’UE ne figurait pas dans le programme des occupants du château de Montretout. Et c’est bien là l’un des principaux moteurs de la dédiabolisation du FN et de la “popularisation” des Le Pen : l’anticommunisme et l’européisme béat. Provoquant ainsi le 21 avril 2002 et sa réplique très commode pour le candidat préféré de la finance Macron de 2017. Jeter dans les bras de la clique Le Pen une partie des ouvriers voulant rejeter les euro délocalisations, l’euro dumping anti social, l’euro destruction de la France et de ses services publics, à force de mensonges dépeignant le FN/RN comme celui de ceux étant contre cette Union Européenne.

    Marine Le Pen se démasque

    Désormais plus sur de sa force après avoir malheureusement embrigadé depuis plus de 20 ans une partie des classes populaires, et alors que Macron a fait voler en éclat l’écurie LR issue de l’UMP de Sarkozy, Le Pen peut se payer le luxe de rappeler mezo voce pour ramener à elles les caciques LR n’ayant pas trouvé place dans les cercles macronistes que non elle n’est pas pour la sortie de l’Euro et encore moins celle de l’Union Européenne. Et dans une tribune publiée par le très patronal journal L’Opinion, qu’elle est parfaitement alignée avec la BCE (banque centrale européenne) étranglant les travailleurs de France et d’europe – et donc totalement d’accord avec Macron – sur la question de faire payer l’intégralité de la dette aux travailleurs (https://www.lopinion.fr/edition/politique/ayons-idees-claires-bon-sens-dette-tribune-marine-lepen-237103).

    Marine Le Pen est contre le Frexit et contre la sortie de l’Euro, et elle le fait savoir jusque sur euronews. Elle est pour rester dans les accords de Schengen.

    Tandis qu’elle serine son programme ultra libéral : des prêts pour les “jeunes entrepreneurs” – comprendre les gosses de riches ayant accès aux crédits bancaires, la suppressions des cotisations sociales patronales, c’est à dire la fin de la sécurité sociale, de son assurance maladie, des retraites par répartition, et de l’assurance chômage. Un programme et un discours violent dans la continuité de ce qui est la colonne vertébrale du FN/RN : la haine de classe contre les travailleurs. Les Le Pen n’ont ils pas toujours condamné les travailleurs défendant leurs droits et salaires ? S’insurgeant contre ces travailleurs en grève pour défendre les retraites ou refuser la casse du code du travail ? Appelant à la répression policière ?

    Le tout en diffusant des discours xénophobes s’en prenant à qui mieux mieux aux mineurs isolés, à nos compatriotes de confession musulmane ou supposés telle, qui lui sont d’autant plus facile à porter qu’ils sont désormais en écho terrifiant avec ceux de la Macronie et de ses appuis du parti socialiste et d’europe écologie les verts, vociférant d’une même voix contre un soit disant islamogauchisme. Dans un écho terrifiant des campagnes de haine des années 1930 contre le judéobolchémisme. Les mêmes votant de concert au parlement européen la criminalisation du communiste pour mieux réhabiliter… le nazisme. Ces sociaux démocrates faisant comme leur prédécesseurs de l’Allemagne des années 1930 le choix d’Hitler contre celui du front populaire, c’est à dire le choix de l’autoritarisme capitaliste contre celui du pouvoir populaire souverain.

    Macron Le Pen, c’est l’Union Européenne, c’est l’exploitation des travailleurs et c’est la fascisation.

    De fait, il est ainsi éclatant que Macron Le Pen, c’est l’Union Européenne, c’est l’exploitation des travailleurs et c’est la fascisation.

    Et de fait, Marine Le Pen n’est pas isolé. L’ensemble de l’extrême droite européenne est d’accord pour mettre sous le joug de l’Union Européenne du Capital les peuples. De la Pologne à la Hongrie, de l’Espagne à l’Italie.

    Tenez regardez en Italie. La ligue du nord de Mateo Salvini s’est fondue sans aucune surprise dans le gouvernement de l’ex chef de la banque centrale Mario Draghi, cette ligue du nord soit disant “patriote” qui n’est que violemment nationaliste et xénophobe. Pressée de stygmatiser les travailleurs immigrés et les italiens du sud, de faire exploser l’Italie pour gaver le riche patronat de l’Italie du Nord, la ligue du Nord est pour rester dans l’UE et dans l’Euro. Mieux, sur l’extrême droite de cette extrême droite c’est Giogia Meloni, présidente fondatrice de Fratelli d’Italia qui déclare ” Je suis pour l’Europe fédérale, je ne crois pas que l’Italie doit sortir de l’Euro”. Lui ouvrant ainsi grand les portes des médias des milliardaire.

    Tournant le dos à la France, Marine Le Pen proclame vouloir défendre non pas la France et les Français, mais “une Europe qui préfère les Européens”. Macron Le Pen c’est le nationalisme européen contre la France. N’est ce pas d’ailleurs par exemple les Le Pen qui soutiennent les nationalistes flamants dont le projet et de s’arroger certains territoires du nord de la France ? (lire ici).

    Ils sont d’accord pour sous prétexte de remboursement d’une dette qui n’est pas le fait des travailleurs mais des cadeaux de milliards d’euros aux multinationales, de faire payer les travailleurs, en durcissant tant et plus l’exploitation, écrasant les salaires en réduisant à néant les remboursements sécurités sociales, écrasant les retraites, anihilant les indemnités chômages, et annulant les cotisations sociales patronales.

    D’accord pour privatiser et libéraliser les services publics. D’accord pour privatiser nos trains régionaux d’abord, et toutes la SNCF ensuite, appliquant ainsi les ordres de , c’est à dire du grand Capital. D’accord pour s’en prendre à la justice et durcir toujours plus un état policier toujours plus violent et autoritaire, et ce non pas pour assurer la sûreté. Mais bien pour garantir la seule sécurité des milliardaires, en réprimant le mouvement social, et sans garantir la tranquillité d’aucune façon pour les quartiers populaires. Abandonnés et délaissés.

    Plus que jamais, face au duo Macron Le Pen, pour une politique de progrès, de justice sociale, et de prospérité économique, briser les chaînes de l’Union Européenne, c’est à dire celle de l’exploitation, c’est une urgente nécessité. Construire l’alternative rouge et tricolore, comme la porte Fadi Kassem pour 2022 avec les 30 mesures d’urgences du programme du PRCF, c’est ouvrir une perspective rassembleuse qui est la seule permettant de résister à la fascisation et de remettre le peuple, la classe des travailleurs à l’offensive. C’est un des enjeux politique de 2021, pour briser l’étau du duo Macron Le Pen rejetté par une large majorité des français et l’écrasante majorité des classes populaires.

    JBC

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/


    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire
  • Alors que se tenait ce 14 juin 2021 le sommet annuel de l’OTAN, l’organisation militaire offensive du bloc euro atlantique, Emmanuel Macron a annoncé le changement de son chef d’Etat major. Un double événement qui annonce le pire pour la paix mondiale. Nous reviendrons dans un prochain article sur l’augmentation des dépenses militaires.

    Macron à la remorque de Biden et Merkel, féal des impérialismes américains et allemand

    Ce sommet de l’OTAN, immédiatement après celui du G7 aura démontré combien Macron – malgré ses postures grotesques ridiculisant la présidence française de la même façon qu’il avait procédé avec Trump – ne fait pas illusion. Il s’est affiché à la remorque de Biden, en caniche obéissant de l’impérialisme américain. Loin de la rodomontades non suivi des faits proclamant en 2019 l’état de “mort cérébrale de l’OTAN”, le banquer occupant l’Elysée a appelé pour l’OTAN à « une requalification des valeurs communes et du concept ». Des mots creux, de la langue de bois que l’on peut aisément traduire. Allégeance aux USA et acceptation de l’augmentation massive des budgets militaires offert au nom de la France à l’OTAN.

    Car c’est la le cœur du sommet 2021 de l’OTAN : l’augmentation des budgets militaires de l’OTAN, ainsi que le plan OTAN2030 focalisé sur les capacités offensives d’agression contre la Russie et la Chine. Sont ainsi prévu l’accélération de la hausse des dépenses militaires, encore bien au delà des +215M€ depuis ces 7 dernières années. Avec des offensives militaires dans les domaines de l’internet mais également l’accélération de la militarisation de l’espace.

    “Il y a toujours des milliards pour faire la guerre, mais pas un rond pour nos infirmières”

    Dans une France où les étudiants font la queue aux banques alimentaires et où le chômage et la précarité explosent, où les plans de licenciement se multiplient et où l’hôpital public a montré son sous dimensionnement pour assurer les soins face à la pandémie de covid-19, la priorité de Macron est donc d’acheter des armes pour les offrir à l’OTAN.

    Pire il s’agit également de poursuivre dans l’affaiblissement de la défense nationale souveraine.

    Menace sur la dissuasion nucléaire française

    Dans un doux euphémisme, Macron veut que les “européens” et non pas les français soit les acteurs de la maitrise des armement sur leur sol. Traduisons le, il s’agit de mettre l’, la seule réellement efficace et fonctionnelle sous le commandement de l’Union européenne. C’est à dire de l’Allemagne. Et ce y compris la dissuasion nucléaire. Ne nous y trompons pas, la soit disant fin de l’opération Barkhane est un pas dans ce sens, avec son remplacement par une force intégrée européenne… constituée à 90% de soldats français. Bref, les dépenses, les blessées et les morts seront français dans une guerre de l’Union Européenne allemande.

    Effritement des mécanismes de stabilisation.

    Ce sommet de l’OTAN ne s’est pas saisie de l’enjeu principale pour la paix. Celui du renouvellement et du rétablissement des fragiles et maigres mécanismes de stabilisation. Issue des initiatives soviétiques, de grands traités permettaient la non prolifération nucléaire, des mécanismes de contrôles limitant la course aux armements. Mais il est vrai que dès la chute de l’Union Soviétique, les USA avec l’OTAN n’ont eu de cesse que de vouloir renforcer leur hégémonie militaire et géostratégiques. Emblématique de cette offensive militaire, la constitution d’un bouclier antimissiles, visant à annihiler la dissuasion nucléaire russe et chinoise (mais également… française) et appuyant la poursuite de la théorisation américaine de la doctrine de 1ere frappe. Attaquer la population civile adverse et ses infrastructures sous un tapis de bombes nucléaires pour l’exterminer.

    Après la fin du traité sur les missiles intermédiaires, c’est le traité openskies qui a pris fin. Laissant un monde toujours plus dangereux.

    Quant à la prolifération nucléaire, poussé par les USA et leur bouclier antimissiles, elle s’accentue. Avec 3825 tête nucléaires déployées, dont 2000 prêtes à être tirées à tous instants… 

    Nomination du général Thierry Burkhlard un virage guerrier

    Ça fait plus de dix ans que l’ s’est concentrée sur la menace du moment qu’était le terrorisme militarisé. L’armée de Terre doit changer d’échelle et se préparer à des conflits plus durs, de haute intensité.

    Thierry Burkhlard à l’AFP en novembre 2020

    Les propos sont virulents et très clairs : c’est l’annonce d’un virage stratégique majeur, celui de l’augmentation du budget militaire pour reconvertir l’armée française de métier en une force offensive pour mener la guerre contre la Russie et la Chine, en s’équipant en blindés et en l’artillerie, mais aussi notamment en renforcement de l’aviation, des défenses sol-air, de la guerre informationnelle et des drones. bref, la relance de la course aux armements.

    Un virage déjà effectif. L’armée française n’a t elle pas envoyé un corps expéditionnaire dans les pays baltes pour s’y enterrer dans des tranchées, mener des manœuvres de chars et d’artillerie à la frontière russe, dans des exercices dangereux et de grandes ampleurs désignant dans une proclamation béliqueuse un unique ennemi, la Russie. Et il y a quelques semaine, n’est ce pas dans un remugle affligeant de la politique de la canonnière l’envoie d’un navire de la navale dans les eaux territoriales de la Chine ?

    Issus de la légion étrangère, le corps traditionnel des interventions impérialistes de l’armée française, Thierry Burkhlard n’est pas seulement qu’un changement de tête, c’est également la réponse de Macron pour satisfaire aux ordres de l’OTAN et de l’Allemagne.

    Rompu aux guerres impérialistes néocoloniale, du Tchad au Gabon en passant par la Cote d’ivoire, l’officier de l’armée de terre est également intervenu sous le commandement de l’OTAN dans la guerre contre la Yougoslavie.

     

    JBC 

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire
  • Alors que la casse de l’emploi et des usines se poursuit dans les industries mécaniques, tout particulièrement le secteur de l’automobile, Laurent Giblot délégué central de la CGT Renault a accordé un ent retien à Initiative Communiste.

     

    Fermeture de la fonderie de Bretagne, grave menace sur la Française de mécanique, la désindustrialisation s’accélère. Sous les recommandations de l’UE, il y a un plan de fermeture de 40% des capacités de production des fonderies en France. Désormais la France ne produit plus que 1,5 millions de voitures en 2021, contre 3,5 millions en 2000. À comparer aux 2,2 millions d’automobiles achetées en France en 2019. La filière automobile, c’est un demi million d’emplois dont 20% chez les constructeurs et le reste dans les sous traitants de la filière. Cela reste le premier débouché pour la classe ouvrière. Rappelons que le PRCF propose la (re) nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie, Renault donc, à travers ses 30 mesures d’urgence


    Bonjour, pouvez-vous vous présenter ? Quel poste occupez-vous au sein de Renault ?

    Je m’appelle Laurent Giblot, je suis dessinateur industriel et je suis délégué syndical adjoint de la CGT. Je travaille pour Renault depuis 27 ans et je suis syndiqué depuis 10 ans.

    Quelle est la situation de l’emploi dans les différentes usines et dans les centres de recherche de l’entreprise ?

    Dans un premier temps, on va parler de la fabrication. Aujourd’hui, si je regarde les chiffres en 2019, il y avait 14.385 personnes et il est envisagé pour 2022, l’objectif de la direction est qu’il ne reste qu’environ 12.000 postes. Que ce soit au niveau du montage et de l’encadrement, pour toutes les usines françaises. Pour vous donner un autre chiffre, en 1989, en usine il y avait 99.000 ouvriers.
    Pour l’engineering c’est exactement la même chose, on est 6850 et ils ont annoncé que pour fin 2022 qu’il ne restera que 5650. Les coupes franches arrivent donc, 1200 personnes vont être supprimées.

    Quelles sont les luttes en cours ? les principales revendications ?

    Il y a 2 grandes luttes aujourd’hui : les fonderies de Bretagne qui sont en grève depuis plus de 6 semaines. Ils sont en grève car la direction de Renault a décidé de se séparer de la fonderie car elle ne serait pas rentable. Renault veut vendre la fonderie. Les travailleurs refusent donc, ils veulent rester dans le giron de Renault car par expérience, en cas de , les travailleurs vont être attaqués, licenciés. C’est hors de question. Renault s’était engagé sur des volumes de fonte pour la fonderie mais cela n’a pas respecté. On décide de ne plus donner de travail sur ce site, on délocalise en Espagne et en Turquie, et après Renault se plaint que le site n’est pas rentable. Ce n’est pas une question de compétence, de qualification, c’est qu’il n’y a pas de travail donné par le propriétaire ! Après plusieurs analyses, on sait que le travail fait à la fonderie de travail est de meilleure qualité qu’en Espagne !

    À côté de ça, il y a d’autres luttes sporadiques, comme la fermeture de LARDY dans le 91 où il y a eu du mouvement. Pour l’engineering, il y a aussi une lutte qui est portée par l’intersyndicale, dans l’Essonne. Ces suppressions d’emplois, la direction ne peut pas faire de PSE  (plan de suppression de l’emploi), car les bénéfices de Renault ne justifient pas un plan comme celui là. Il faut quand même gagner de la masse salariale en utilisant la « Rupture Conventionnelle Collective » ! Ils ont fait un pont d’or aux techniciens et cadres sauf que personne ne veut le prendre ! On ne va pas quitter un emploi sûr, pour être au chômage, en pleine crise. En tant qu’ingénieur, ou technicien industriel, je serai parti avec un chèque de 150.000 euros, sauf qu’après la joie passée, il me reste 15 ans de travail à faire… À 56 ans, où est-ce que je vais retrouver du travail. Et voilà, notre âge moyen est de 46 ans. Donc nous n’avons pas pris cette RCC, sauf que la direction avec le nouveau directeur Luca de Meo, a des objectifs et que s’ils ne sont pas atteints, monsieur De Meo n’aura pas sa prime qui n’est que 6 millions d’Euros… Donc ils utilisent le restant de l’arsenal, l’article 12.24 du code du travail, qui stipule qu’une entreprise peut vendre une activité avec le personnel qui y travaille.
    L’intersyndicale de LARDY se bat donc pour garder les salariés, on ne doit pas lâcher. Ce sont nos luttes vitrines, et évidemment  accompagnées de tous les autres problèmes : la dégradation des conditions de travail, le chômage partiel, le télétravail… On se retrouve avec toutes ces problématiques dures. C’est clairement un chaudron malfaisant où tout est cumulé.

    Les projets de PSA et de Renault (de fusions monopolistiques continentales/transcontinentales, qui amèneraient à des délocalisations) ne tueraient-ils pas définitivement la production automobile française, avec dans son sillage ce qu’il reste de l’industrie métallurgique ? Quelles seront les conséquences pour la classe ouvrière française ?

    Je vais vous dire une chose : cela fait 40 ans que cela dure. Rendez vous compte, il ne reste plus 185.000 personnes dans l’industrie métallurgique. Cela représente à peine 6% de la masse salariale, alors qu’on était des millions avant. Il n’y a plus de classe ouvrière française, c’est un triste constat. En repartant de 1989, les ouvriers représentaient 60% des effectifs de Renault, toutes catégories confondues. En techniciens, on tournait autour de 30% et il restait entre 5 et 10% de cadres. Aujourd’hui, il y a plus de cadres et d’ingénieurs que d’ouvriers chez Renault. Les ouvriers  ne représentent plus que 27% de l’entreprise.

    En gros, le travail des ouvriers a été délocalisé en dehors de la France ?

    C’est pas aussi manichéen. Alors oui, la production a été délocalisée : on ne produit que 20% des véhicules Renault en France en 2019, je ne parle même pas de la période COVID. Dans les usines Renault aujourd’hui, on ne voit que la précarité : on voit des intérimaires ! Les ouvriers Renault ont été remplacés par des intérimaires. Nos ouvriers ont donc été remplacés par des intérimaires à peine payer au smic, pris dans la précarité. C’est la triste réalité des usines Renault en France. Et c’est le même processus en engineering : il n’y a plus de lutte de classes entre les cols bleus et les cols blancs : on est tous à la même enseigne. On sous-traite le travail ! Et même ça, on veut sous-traiter moins en France en augmentant la sous-traitance étrangère ! C’est une catastrophe.

    On observe que toute la politique de dénationalisation des entreprises françaises est voulue par l’Union Européenne. Comme on le lisait déjà dans le traité de Maastricht en 1992 où il était dit que « l’économie de marché ouverte sur le monde où la concurrence est libre et non faussée ». Quel est vote avis sur ce point ?

    Je suis d’accord avec vous, l’analyse que vous faites est vraie.

    Est-ce que Renault, comme d’autres très grandes entreprises a bénéficié d’aides de l’État, d’argent public avec la crise du COVID ?

    Tout à fait. Juste un nombre : 150 millions d’euros par an de Crédit impôt recherche. Juste pour vider nos bureaux d’études. C’est hallucinant, les chiffres sont publics. On va donc virer énormément de personnel en étant payer par l’État pour le faire ! L’État sponsorise cette politique de suppression massive de l’emploi. 

    Renault a également bénéficié d’un PGE (prêt garanti par l’État énorme). Pour PSA, elle avait une énorme usine de fabrication de moteurs : 5500 personnes dans les années 80, aujourd’hui ils ne sont que 1500 à peine. Énormément de terrain et donc ils ont installé une énorme usine de batteries : coût 5 milliards d’Euros. L’État a investi 1.3 milliard dans cette usine. Cet argent de l’État sert en fait à virer des ouvriers, délocaliser, tuer l’industrie française.

    Cet argent public qui devrait servir à préserver l’emploi, préparer l’avenir, il ne sert qu’a enrichir les dirigeants en licenciant les salariés français.

    On observe que toutes les bases de l’existence sociale du monde du travail sont attaquées de plein fouet (« produire en France, services publics, protection sociale, code du travail…). Comment construire la convergence des luttes et remobiliser collectivement les travailleurs français ?

    Je pense que vous êtes mous du genou ! Il faut parler d’expropriation

    Ha ! Vous avez touché dans le mille !

    Aujourd’hui est-ce que la nationalisation de Renault serait possible… Dans l’histoire, on l’a vu après la deuxième guerre mondiale et c’était un contexte vraiment différent. Mais il faut savoir que le premier propriétaire de Renault c’est l’État : 15.1% des actions de RENAULT sont détenues par l’État, ce sont les actionnaires majoritaires. Les autres marques peuvent dire ce qu’elles veulent en parlant de fonds de pension ou autres choses : ça reste l’État qui est actionnaire majoritaire de Renault.

    Le de la CGT s’approche. Comment le voyez-vous ?

    Je ne peux pas vous répondre, je ne suis pas du tout dans ces instances-là. Je suis délégué central, je fais du syndicalisme de terrain. Les bagarres de la conf. ne m’intéressent pas. On est divisé au sein même de notre CGT, il y a différents courants : on se rejoint sur le fond mais pas sur la forme. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’il faut abattre le capitalisme, c’est la cause de tous les maux de notre société. Quand on sera arrivé à ça, on pourra se prendre la tête entre nous, en tout cas il faut foutre en l’air le capitalisme avant !

    On est d’accord. Merci pour votre temps ! On vous soutient à fond dans votre lutte !

    Merci à vous !

    Propos recueillis par Dark Vlador le 08/06/2021

    _______________________________________________________________________

     ______________________________________________________________________________

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire
  • Communiqué de la commission Internationale du PRCF – 13 juin 2021 

    Soutien du PRCF aux communistes, aux travailleurs, à la jeunesse et au peuple tunisien  (IC.fr-14/06/21)

     

    Les politiciens qui dominent la Tunisie au profit de l’impérialisme et de la bourgeoisie compradore locale croyaient sans doute avoir neutralisé et récupéré la grande insurrection populaire dite du “printemps de jasmin”, qui avait fait tomber le tyran Ben Ali. Pour neutraliser et endormir le peuple tunisien, ces politiciens ont tenté d’utiliser successivement ou simultanément les oripeaux d’une démocratie bourgeoise tronquée, ne s’attaquant pas à la corruption et aux prébendes, ils ont recouru à l’islamisme patriarcal d’Ennahdha et, en continu, aux forces de répression de l’État bourgeois. Mais la révolte n’est pas morte et le peuple tunisien, travailleurs et jeunesse populaire en tête, veut toujours sa .

    Dans la vidéo ci-dessus, on voit la jeunesse populaire de Tunis affronter la police du pouvoir qui la réprime avec une grande violence. On voit aussi le drapeau rouge frappé de la faucille et du marteau, cet emblème de lutte que répudient lâchement les renégats du communisme, et l’on entend les jeunes scander en arabe le slogan “le peuple uni ne sera jamais vaincu”. Bref, le contenu de classe du mouvement populaire tunisien se précise et nous ne pouvons qu’en féliciter les militants courageux, au nombre desquels de nombreuses et vaillantes jeunes filles car leur mouvement montre le chemin aux peuples du : l’impérialisme, le capitalisme, la domination patriarcale, l’obscurantisme n’ont pas l’avenir pour eux!

    Dans le même temps, en Algérie, le mouvement populaire n’en finit pas de rebondir courageusement malgré la répression intense et les simulacres électoraux successifs qu’organise le pouvoir. 

    Le PRCF soutient la jeunesse populaire d’Alger et de Tunis qui, fidèle à l’esprit des luttes de libération nationale, s’en prend de plus en plus directement désormais à la grande bourgeoisie qui strangule leurs pays respectifs. Camarades, LES PEUPLES UNIS NE SERONT JAMAIS VAINCUS, vive la renaissance inéluctable du Mouvement Communiste International, du Front Anti-Impérialiste Mondial, vive le Front Mondial de la Jeunesse Démocratique et le mouvement historique irrépressible à long terme pour le progrès social, les lumières, l’égalité des sexes, l’émancipation des peuples, le socialisme et le communisme!

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Communiqué CGT CHRU Brest - Carhaix ( FB.com - 14/06/21 )

    Communiqué CGT CHRU Brest - Carhaix ( FB.com - 14/06/21 )

    Source : https://www.facebook.com/cgtchrubrestcarhaix

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire