C’est pour ça que Le Monde peut inventer son Décodex (1), une arme qui le tuerait si elle le visait. Voir (en 40 secondes de lecture) :
C’est parce qu’on ne les relit pas que les médias peuvent fustiger les médias qui ont naguère enfumé leurs lecteurs, sans insister sur le fait qu’ils en étaient et que leur rappel de la déontologie nous les fait vertueux quand ils sont en vérité vicieux.
C’est parce que ne sont pas affichés les noms de qui les paie hors des médias, que les experts, politologues, sinologues, russophobes, analystes, économistes, virologues, sondeurs, tous vêtus de probité candide et de lin blanc, peuvent disserter dans la presse écrite, les radios, les télés, en paraissant crédibles.
C’est parce que les truqueurs sondagiers ne rappellent jamais leurs traficotages, c’est parce qu’ils gomment leurs partis pris, confessent après coup en les justifiant quelques « erreurs » (mensonges ?) qu’ils gardent encore une crédibilité dont le déclin est loin d’être suffisant et loin d’être assez rapide pour que les porteurs de vérité puissent leur arracher des mains pour les casser une bonne fois pour toute, les outils de la désinformation.
Les médias, sont des garnements qui, surpris la main dans le pot de confiture, se repentent et vous laissent remettre le couvercle tandis qu’ils vont ouvrir et piller le buffet aux gâteaux où ils seront vus, se repentiront, vous laisseront refermer la boîte et iront rôder vers l’armoire aux bonbons.
Les journalistes de cette engeance sont des Phénix qui brûlent à Libération pour mieux renaître au Point, à France Inter, en passant par BFM-TV, CNews ou Arte, peu importe : il s’agit de se vendre à un des huit ou neuf milliardaires qui possèdent la presse, ou de se coucher devant la pensée unique qui irrigue les médias publics.
Quel lecteur du Grand Soir se souvient des choses écrites ici pendant les campagnes électorales de 2012 et de 2017 ? Qui ? Dégun, comme on dit dans la circonscription électorale de Jean-Luc Mélenchon.
Cette tendance à l’amnésie est finalement une aubaine qui me permet de plagier une partie de ce que Le Grand Soir a écrit ici pour l’élection de 2017.
On a vu Jean-Luc Mélenchon, alors sénateur socialiste, se démener pour que nos frères d’Amérique latine échappent à l’autorité brutale et ruineuse des Etats-Unis. Nos médias le lui reprochent encore en caricaturant ses positions. Et nos politiques aussi (« Mélenchon, professeur de médecine à l’Université de La Havane annonce la deuxième vague », dixit Claude Malhuret, sénateur).
On l’a entendu dire que notre armée ne doit pas aller massacrer des pays du tiers monde, ce qui surprend et indigne le PS d’hier et d’aujourd’hui.
On l’a entendu affirmer que la Russie n’est pas un pays ennemi, ce qui a fait dire à Benoît Hamon que « Mélenchon est fasciné par Poutine ».
On l’a entendu réclamer la libération de Julian Assange et son accueil en France.
On l’a entendu avertir que la France ne fera pas la guerre à la Chine.
On l’a entendu dire que la politique extérieure des Etats-Unis constitue un vrai danger, qu’il faut sortir de l’OTAN.
On l’a entendu dire que la France ne devait pas respecter les traités européens contraires à notre Constitution et à nos intérêts.
On l’a entendu dire que la police doit être réformée, de fond en comble, et que les éborgneurs et autres coupables d’exactions mortelles seront identifiés et punis.
On l’a entendu défendre dans la rue les syndicalistes sanctionnés et soutenir les ouvriers.
On l’a entendu revendiquer pour les droits des femmes, pour les handicapés…
On l’a vu, assailli de sarcasmes et de viles attaques.
On a vu les bassesses dans le choix des photos de lui qui visent « à créer un effet de peur chez le passant » comme les portraits de l’Affiche rouge.
On l’a vu sous l’avalanche des éléments de langage : « candidat autoproclamé », « égo surdimensionné », « gourou », « mitterrandolâtre », « hargneux », « bougon », « coléreux » qui « s’en prend à… » et qui « éructe ».
On l’a vu mener mille combats dont beaucoup le desservaient électoralement et qui sauvent l’honneur de la classe politique.
Son programme « L’avenir en commun » prévient qu’il mettra fin à l’élection publicitaire d’un monarque élyséen.
Et nous avons tous assisté (depuis qu’il a quitté le PS) à son procès permanent dont se délectent les médias et les gogos qui ignorent qu’ils fondent leur opinion sur les informations livrées par les médias des banquiers, des industriels, des marchands d’armes. « Les idées dominantes d’une époque n’ont jamais été que les idées de la classe dominante » (Karl Marx, Friedrich Engels).
Ah ! Malcom X : « Si vous ne vous méfiez pas des médias, ils vous feront détester l’opprimé et aimer l’oppresseur » ! Justement Jean-Luc Mélenchon est l’homme qui dit dans les médias ce que sont les médias (et cela ne lui sera pas pardonné).
On se tire une balle dans le pied ?
Par quel néfaste miracle, en ce pays, « les petits, les obscurs, les sans-grades », ceux qui marchent « fourbus, blessés, crottés, malades, – Sans espoir de duchés ni de dotation. » (Edmond Rostand, L’Aiglon), les chômeurs, les vieux ouvriers maintenus au travail quand l’âge est là, les femmes sous-payées, les jeunes sans avenir, tous ceux pour qui la vie est plus dure que celle de leurs parents, les petits commerçants écrasés par les grandes surfaces, les paysans qui travaillent à perte, tous ceux qui désespèrent d’acheter un appartement, d’avoir un jour une retraite, les professeurs au pouvoir d’achat en chute libre depuis 25 ans, tous les fonctionnaires, indispensables et méprisés et dont le statut est menacé, une partie des manifestants en gilets jaunes, ceux que Macron veut « emmerder », ceux qui « ne sont rien », ceux-là, qui sont l’écrasante majorité des Français, par quel mystère votent-ils si nombreux pour les prédateurs ou leurs complices matois, badigeonnés en vert ou en rose ? Ou en bleu-blanc-rouge sur du vert-de-gris ?
La vérité est que les médias pèsent insidieusement sur les élections. Je connais (vous connaissez) des villages ou des quartiers sans immigrés, sans pic local de chômage, sans incivilité, sans militants du RN, où le RN recueille plus d’un quart des suffrages sur des noms d’inconnus qui n’ont jamais organisé une réunion ou collé une affiche.
La vérité aussi est que les électeurs ont besoin d’un projet visible qui annonce enfin la rupture avec les gouvernements d’hier, sous les présidences de Sarkozy, Hollande, Macron.
La (LA) question qu’il faudrait se poser est la suivante : Jean-Luc Mélenchon porte-t-il un programme rassembleur, acceptable par toute la gauche et, au-delà d’elle, par le peuple tout entier (sauf la bande du CAC 40) ?
J’ai lu ça naguère dans LGS : « Portrait du candidat idéal
Il le faudrait immaculé. Dans ce cas, on lui reprochera son manque d’expérience, de stature internationale (a-t-il rencontré Trump, Biden, Poutine ?).
Il le faudrait assez âgé, avec l’épaisseur nécessaire à la charge. Mais attention, il convient aussi que, dans son passé, il ait accompli un sans-faute, que nulle part dans un de ses articles, une de ses déclarations, un de ses votes, on ne puisse trouver matière à heurter la pureté. On exigera de lui des décennies d’infaillibilité, vertu dont sont désormais exemptés le pape et (restons sur le sujet) tous ceux dont les médias nous suggèrent qu’ils feraient mieux l’affaire que Jean-Luc Mélenchon, ainsi que tous ceux qui approuvent les médias qui disent ça.
C’est l’apanage des puceaux de n’avoir jamais mal fait l’amour et quiconque a un jour élevé des enfants, participé à la gestion d’une association, d’une commune, d’un pays, s’est exposé à l’erreur, à la faute, au compromis, voire à la compromission ».
Il serait temps que la France se souvienne qu’elle émerveilla le monde au siècle des Lumières, en 1789, en 1936, pendant la Résistance, en 1968, en 2005 en rejetant le Traité constitutionnel européen.
En 2012 et en 2017, elle a raté son nouveau rendez-vous avec l’Histoire. Il est probable que les peuples d’Europe, asservis par la puissance de l’argent, attendent un signal français qui ne serait pas la ruée du « parti de la trouille » vers les urnes pour y lâcher avec dégoût un bulletin de vote contre l’extrême-droite. Les sondages, par leurs prophéties auto-réalisatrices, nous disent que le choix ne sera pas donné de voter « pour » un projet avec quelque chance de le voir s’imposer. Mais est-ce bien sûr ?
Une dynamique de campagne
Voici qu’en ce début d’année 2022, un souffle nouveau décoiffe les médias. Il s’appelle « dynamique de campagne » de Jean-Luc Mélenchon (sur fond d’effondrement des autres candidats qui se réclament peu ou prou de la gauche). Les salles de ses meetings sont trop petites, ses passages à la télé séduisent les téléspectateurs, les Instituts de sondages, mal gré qu’ils en aient, et même si, leurs résultats sont« retravaillés », notent une progression
L’affluence record dans les meetings de Mélenchon (et des autres figures de la France Insoumise), les records d’audience enregistrés à la radio et à la télé, la progression dans les sondages (oui, je sais…), les ralliements de personnalités dans son « Parlement populaire » tout indique un engouement des Français.
Que l’abstention recule, que les jeunes aillent voter et le candidat de la France Insoumise sera au second tour.
Un choix de coeur et de conviction devient possible.
Du coup, la frange du PS qui n’a pas filé chez le banquier que Hollande fit ministre (tremplin inespéré !) s’émeut, tandis que le candidat d’un PCF qui a jeté la faucille et le marteau dans la benne à ordures, invite les maires communistes (presque toujours élus avec des voix de LFI) à ne pas parrainer un autre que lui. Jean-Luc Mélenchon, cible de Roussel, quel crève-cœur pour les adhérents et électeurs communistes !
Après le flop de l’opération Taubira pour affaiblir le candidat de l’Avenir en Commun, la bourgeoisie mise sur Fabien Roussel. « Manouel » Valls fait son éloge appuyé, Marlène Schiappa aussi, et Eric Naulleau, le pote de Zemmour, etc.
Car il y a le feu au lac : le piège du vote utile se retourne contre ses instigateurs.
Il n’est plus évident que nous devrons opter pour « le moins pire ».
Je sais la honte de beaucoup de braves gens, mes frères encore encartés et communistes authentiques (comme je le fus). Par dessus tout, je crains que Fabien Roussel empêche un candidat de gauche d’être présent au second tour, responsabilité historique dont le PCF aura du mal à se relever.
Pour conclure : ne pas voter le 10 avril 2022 pour un projet conçu pour le peuple, c’est accepter de voter le 24 pour un des programmes conçus contre lui. « Si tu n’entres pas dans l’isoloir avec tes convictions, ne t’étonne pas de ne pas les retrouver dans les urnes », dit Jean-Luc Mélenchon (je cite de mémoire).
Je vais voter encore une fois pour lui (la dernière puisque il n’y reviendra pas). J’ai lu l’Avenir en Commun. C’est un programme de gouvernement et non un contrat de mariage entre l’électeur et le candidat.
Alors, ou bien il sera élu et les yeux du monde seront à nouveau braqués sur la France redevenue grande, assez grande pour entraîner d’autres pays dans la voie nouvelle choisie, ou bien il sera battu (et nous avec), il sera trop vieux pour 2027. C’est bien le calcul de tous les autres candidats de « gauche ». Mélenchon exit, l’espoir est permis pour la prochaine. Cinq ans, c’est court pour des apparatchiks qui vivent confortablement de l’argent de leur parti ou de leur mandat électoral.
Tous les candidats, excepté Mélenchon, parient sur une victoire de la droite qui leur donnera un sursis, du temps, pour préparer 2027.
Et voici que mes amis m’avancent un cheval, monture parait-il indispensable à la fuite de qui a dit la vérité.
Vladimir MARCIAC
Note (1) Inventé par Le Monde afin de contrer la concurrence des sites d’information alternative, le Décodex est un outil de mise à l’Index des dizaines de sites (dont Le Grand Soir, pardi !) par une méthode inspirée de l’Inquisition où le censeur ne s’encombre ni de pièces justificatives, ni d’avocat de la défense. Ni d’un atome de déontologie. Ni d’un miroir où s’horrifier de son image. Rappelons-nous, c’est assez récent, Le Monde affirma que la télé chinoise a inventé une journaliste (Laurène Beaumond). Le Figaro l’interviewa peu après !