La concurrence dans les transports urbains, qui débutera en 2025, oblige la RATP à baisser le salaire de ses conducteurs. Une idée géniale, alors qu’elle ne parvient déjà pas à en recruter suffisamment.

Encore une grève des transports en Île-de-France ! Contre quoi râlent-ils, cette fois-ci ? Eh bien contre l’ouverture à la concurrence. Si, d’aujourd’hui à mercredi, le « réseau de surface », bus et tramways, va être fortement réduit, c’est parce que l’Union européenne a eu l’idée géniale d’ouvrir à la concurrence les anciens services publics de transport urbains.

En 2025, la RATP va devoir se battre contre des nouveaux venus afin de pouvoir continuer à faire ce qu’elle fait aujourd’hui. Imaginons que vous soyez éditorialiste à BFM ou aux Echos, et que l’on vous dise qu’une autre personne, que par gentillesse pour vous on va supposer moins compétente, beaucoup moins bien payée – rien de plus facile – vous remplacera en septembre, sauf si vous faites un gros effort sur votre salaire ?

Concurrence, ou chantage ?

Vous hurleriez au chantage. Et vous auriez raison. Mais là, comme ce sont les gars de la CGT dont vous ne connaissez rien, et que vous ne prenez pas le bus ou le métro, vous trouvez ça normal, juste, bon pour l’économie française, à bas les services publics inefficaces, vive la concurrence, etc., on connaît la chanson.

Bon, mais tout cela, c’est en 2025. Pourquoi les syndicats râlent-ils dès maintenant ? Parce que la régression sociale à laquelle la RATP devra procéder est telle que l’entreprise sait qu’elle prendra du temps, beaucoup de temps. Elle veut donc appliquer de nouvelles règles dès le 1er juillet prochain, afin « d’anticiper l’ouverture à la concurrence des lignes de bus ».

Le directeur du personnel Jean Agulhon a eu le mérite d’une certaine franchise :

« Si nous ne changeons rien, nos filiales ne remporteront aucun marché. Notre ambition est de commencer à préparer notre département du réseau de surface aux conditions d’exploitation de l’ouverture à la concurrence et à ce à quoi ils vont être exposés. Cela leur permettra de conserver un meilleur salaire malgré l’augmentation du temps de travail imposée. »

Baisser les salaires, c’est le projeeet de la RATP

Il s’agit pour l’entreprise de réduire ses coûts d’exploitation de 1% par an. Ceux-ci étant principalement constitués de coûts de main-d’œuvre, le salaire horaire doit baisser. C’est ce qu’ont bien compris les syndicats, qui alertent sur « un massacre » de leurs conditions de travail. Ils dénoncent un temps de travail accru, et, surtout, une flexibilité maximum avec la possibilité de modifier les horaires seulement 24 heures à l’avance.

Alors, bien sûr, on peut dénoncer les avantages de cette profession, qui travaille 33 heures par semaine. Mais il m’est très difficile, moi qui suis présentement assis à mon bureau, et qui travaille à des horaires dits « normaux », de critiquer celles et ceux qui travaillent de nuit, par tous les temps, et se font copieusement insulter.

Y aura-t-il des conducteurs dans les bus de banlieue ?

D’ailleurs, lorsque l’on prend le bus à Paris ces jours-ci, on est frappé par le nombre de messages de la Régie indiquant qu’elle recrute des conducteurs de bus. Ces postes de privilégiés sont manifestement difficiles à pourvoir, tout comme ceux d’infirmiers ou d’enseignants, autres grands privilégiés de notre société. Précariser ces métiers, leur ôter leur dignité, les mettre en concurrence comme on compare deux téléphones sur Amazon, c’est à coup sûr mettre en péril les recrutements, et donc la qualité du service rendu.

Ce qui pénalisera d’abord les habitants des lignes populaires, les plus compliquées, les plus mal desservies, et celles pour lesquelles il sera le plus difficile de trouver des conducteurs. Comme dans la santé ou l’éducation, la jolie « mise en concurrence » soutenue par les éditorialistes bien habillés de la télé signifie une forte dégradation de la qualité de vie des moins chanceuses et moins chanceux d’entre nous. •

Source : https://charliehebdo.fr