• Législatives : Macron en PLS, les classes laborieuses absentes. ( frustrationmagazine.fr - 14/06/22 )

     Le soir du premier tour des élections législatives, il y avait tout de même de quoi se réjouir quand on souhaite la fin du règne bourgeois sur nos vies. Leur Macron, leur président, celui qui garantit à la classe dominante et ses admirateurs des baisses d’impôts, des salariés moins « coûteux », des services publics à la traîne pour lancer de nouveaux business, Macron a perdu de sa superbe. Sa clique de cadres, médecins, DRH qui lui servaient de députés a accumulé les mauvais scores. Au point de remettre en cause sa majorité absolue, celle qui permet au gouvernement de tout faire passer sans discuter de rien. Si la nouvelle fait plaisir, elle n’est pas forcément bonne à long terme : en cas de perte de majorité, le gouvernement devra s’allier avec la droite. La bonne vieille droite française, celle de Sarkozy et de Pécresse, celle qui a parfois l’air cool quand Dati sort ses punchlines, mais qui n’en est pas moins raciste, réactionnaire et furieusement néolibérale.

    La guerre identitaire n’a pas eu lieu

    Il n’empêche que sur le plan idéologique, le grand récit que la classe bourgeoise a imposé pour qualifier la politique française, le « progressisme ouvert sur le monde » contre le nationalisme du repli sur soi, a été déjoué. Comme lors de l’élection présidentielle, la vie politique continue d’être structurée autour d’enjeux économiques et sociaux et ceux qui, comme Zemmour et ses sbires, ont été envoyés pour réduire le débat à « pour ou contre l’islam », sont défaits.

    "Pour barrer la route d’un type aussi dangereux que Macron, s’allier avec Fabien Roussel ou le parti de Yannick Jadot était, pour l’Union Populaire de Mélenchon, une manœuvre responsable, qui a porté ses fruits"

    Car la gauche sera, quoi qu’il arrive au second tour, de retour dans l’hémicycle. Et ce seront les votants qui décideront dimanche à quel niveau elle le sera. La « gauche » est un terme dont nous nous méfions, à Frustration. Car il regroupe des gens qui veulent transformer la société – par le biais des institutions certes, mais tout de même -, d’autres qui veulent aménager à la marge les effets les plus violents des politiques néolibérales, et certains qui ont applaudi la loi travail et la déchéance de nationalité. Mais le jeu en valait la chandelle : pour barrer la route d’un type aussi dangereux que Macron, s’allier avec Fabien Roussel ou le parti de Yannick Jadot était, pour l’Union Populaire de Mélenchon, une manœuvre responsable, et qui a porté ses fruits. Avec plus de 200 députés possibles (voire bien plus), la gauche unie peut déclencher un référendum, peser sur le débat parlementaire, bref, contrecarrer la blitzkrieg que Macron comptait nous faire.

    Le retour de la gauche, vraiment ?

    Pour autant, est-ce le grand retour de la gauche ? Rien n’est moins sûr. Si, dans les milieux militants et « politisés » (on entend par là, les gens qui s’intéressent à la politique institutionnelle), l’enjeu de ces élections était grand, pour la première fois depuis longtemps, ça n’a visiblement pas été l’avis des jeunes, des ouvriers et des employés. 

    Législatives : Macron en PLS, les classes laborieuses absentes. ( frustrationmagazine.fr - 14/06/22 )

    Source : Radio France, 12 juin 2022Source : Radio France, 12 juin 2022

    Plus de la moitié de la population s’est abstenue, alors même qu’il s’agissait d’imposer une cohabitation à Macron et de permettre la réalisation d’un programme qui n’est certes pas révolutionnaire mais qui est susceptible de changer la vie des gens, en leur faisant sortir la tête de l’eau grise de l’inflation et des bas salaires ! Et pourtant, cela n’a rien changé : les Français se sont encore plus abstenus qu’en 2017 et la gauche unie a réuni 12,5 % des inscrits sur les listes électorales. Tout comme la majorité présidentielle certes, mais la déception est là.

    Où est passé l’espoir ? Pas dans la perspective d’élire un.e député.e, très clairement. Ces 12,5 % de Français qui ont choisi la gauche unie sont à l’image des candidats de la gauche unie : “Quand on regarde qui a voté pour la Nupes, c’est essentiellement des diplômés urbains, décrit le politologue Rémi Lefebvre dans Ouest France. Les jeunes et les électeurs issus des quartiers qui avaient voté pour Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle, ont très peu voté aux législatives”. Si ce premier tour des élections a brisé la marginalisation institutionnelle de la gauche – et c’est une bonne chose – elle n’a donc pas pour autant mis fin à sa marginalité sociologique.

    C’était pourtant le cas lors du premier tour de l’élection présidentielle : l’électorat de Jean-Luc Mélenchon était divers socialement. Des pans entiers de la classe laborieuse, en particulier dans les banlieues des villes, s’étaient fédérés derrière sa candidature. Le second tour nous donnera sans doute tort, mais ce n’est pas ce qu’il s’est passé autour de la NUPES, l’alliance de toute la gauche. Ce n’est pas non plus le retour de la gauche, toutes catégories sociales confondues : le total des votants de gauche à cette élection législative reste faible comparé aux scores des années 1980 à 2000.

    Législatives : Macron en PLS, les classes laborieuses absentes. ( frustrationmagazine.fr - 14/06/22 )
     

    La NUPES nuit à Macron, la NUPES a redonné aux partis de gauche une place institutionnelle. La NUPES a renforcé l’Union Populaire. Elle a aussi sauvé le Parti Socialiste et le Parti Communiste d’une mort certaine après leurs scores lamentables des présidentielles (proportionnels à leurs campagnes lamentables). Mais elle n’a pas ramené la gauche dans le cœur des Français et dans les espoirs de la classe laborieuse.

    Où est passé l’espoir ?

    Alors comment faire ? La réponse de l’Union Populaire et d’une partie de la gauche est de dire que pour ramener l’espoir dans le cœur des travailleuses et des travailleurs, il faut leur montrer, après vingt ans de renoncement et de trahison, que la politique peut encore changer leur vie. Mais pour cela, il faut conquérir le pouvoir… Mais pour conquérir le pouvoir, il faut que les jeunes, les ouvriers et les employés retrouvent l’espoir… Le serpent se mord la queue.

    "Peut-on espérer que les ouvriers et les employés éprouvent un enthousiasme pour l’élection d’un candidat si celui-ci ne vit pas la même vie qu’eux et elles ?"

    Beaucoup de travail reste à faire. Et de notre côté, sans juger les initiatives qui ont été prises jusque-là – la NUPES, il fallait la faire, et le résultat reste prometteur – on se dit qu’il faut regarder les choses en face : si le problème du désengagement politique est un problème de classe sociale, alors c’est du côté de la classe sociale qu’il faut chercher la solution. 

    Peut-on espérer que les ouvriers et les employés éprouvent un enthousiasme pour l’élection d’un candidat si celui-ci ne vit pas la même vie qu’eux et elles ? On nous rétorquera que cette question, la NUPES y a répondu : elle a investi des candidats comme Rachel Keke, une véritable working-class hero, femme de chambre ayant mené l’une des plus longues grèves de l’hôtellerie-restauration à l’Ibis Batignolles entre 2019 et 2021, arrivée en tête dans sa circonscription du Val-de-Marne. Mais aussi Youenn Le Flao, postier et syndicaliste, investi dans le Finistère. Stéphane Ravacley dans le Doubs, boulanger qui avait entamé une grève de la faim en 2021 pour empêcher l’expulsion de son apprenti guinéen… Mais voilà, comme le titrent nos confrères de Bastamag dans leur article consacré à ces candidats, ils sont « atypiques ». On parle d’eux pour “revivifier” la représentation nationale, et pas pour représenter dignement la population. Un peu comme Philippe Poutou, dont le traitement médiatique, y compris à gauche, est souvent misérabiliste, les rares candidat.e.s ouvrier.ère.s ou employé.e.s restent des exceptions dont le traitement est teinté de mépris de classe : “Une femme de chambre bientôt élue députée ?” s’étonne ainsi BFM TV.

    Part des candidats aux législatives selon leur catégorie socio-professionnelle
     

    Le candidat de gauche typique est un politicien professionnel, un cadre, un professeur, un étudiant du supérieur… Est-ce une fatalité ? Oui, si l’on considère les nombreux déterminants sociaux de l’engagement politique assidu que requiert l’investiture aux législatives (du temps à consacrer, de quoi faire un emprunt, des réseaux de connaissances…). Non, si l’on se souvient que le mouvement ouvrier a pu, par le passé, se faire représenter par des ouvriers et des employés pour agir politiquement au plus près possible de sa classe sociale. Avec un engouement beaucoup plus fort pour les élections car non, l’abstention n’est pas une constante de notre histoire.

    Evolution de la part d’ouvriers et d’employés parmi les députés entre 1871 et 2017Evolution de la part de l’abstention aux législatives entre 1958 et 2017

     Législatives : Macron en PLS, les classes laborieuses absentes. ( frustrationmagazine.fr - 14/06/22 )

    Evolution de la part de l’abstention aux législatives entre 1958 et 2017

     

    Car il fut un temps où les organisations de gauche, à commencer par le Parti communiste, menaient une politique active pour amener les ouvriers à des postes à responsabilité et à des candidatures. Mais ce combat, qui nécessite des moyens et de la volonté, a été abandonné.

    Pourquoi ? Sans doute parce que la gauche, en s’embourgeoisant, a abandonné l’idée de classe sociale. Non pas, comme on peut l’entendre « parce que les questions féministes, LGBT+, antiracistes, ont pris le dessus » (on peut s’intéresser aux deux à la fois), mais parce qu’elle s’est laissée prendre dans le récit bourgeois selon lequel ce qui compte, ce sont nos convictions, pas notre appartenance de classe. 

    "Il fut un temps où les organisations de gauche menaient une politique active pour amener les ouvriers à des postes à responsabilité et à des candidatures. Mais ce combat a été abandonné."

    Entendons-nous bien : oui, des tas de bourgeois et de sous-bourgeois ont des idées de gauche et votent d’ailleurs contre leurs intérêts. Mais les membres de la classe laborieuse, après des décennies d’humiliation, de précarité, de mensonges et de renoncement, n’ont qu’une confiance très limitée dans le personnel politique… et d’autant plus limitée que ce dernier lui ressemble de moins en moins socialement. Dans un pays où les écarts sociaux s’accroissent, la politique et le militantisme deviendront de plus en plus un monopole de classe bourgeoise et sous-bourgeoise si aucune organisation ne prend ce problème au sérieux, autrement qu’avec quelques candidatures « atypiques » (dont il ne faut pas nier l’importance : vivement Rachel Keke à l’Assemblée !).

    Les organisations politiques comme le Parti de Gauche, devenu depuis la France Insoumise puis l’Union populaire, ont mené une vraie politique active pour la parité entre les femmes et les hommes. C’est bien simple, il n’était pas possible d’occuper une fonction dans ces organisations sans que cela ne soit au sein d’un binôme femme-homme. Et si c’était difficile, eh bien on se débrouillait. Et si la prochaine étape était de faire la même chose avec les classes sociales ? Il y a 50 % d’ouvriers et d’employés dans ce pays : à peine 10 % des candidats NUPES le sont.

    En attendant ces évolutions nécessaires et urgentes selon nous, notre souhait pour dimanche est clair : Macron sans majorité, la droite conservatrice balayée et des député.e.s NUPES partout !

    Nicolas Framont

    Source : https://www.frustrationmagazine.fr

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  • Les bureaux de General Electric dans la ville de Baden (Suisse).

    Depuis le rachat de la branche énergie d’Alstom, en 2015, la multinationale américaine aurait mis en place un vaste système d’évasion fiscale entre la France, la Suisse et le Delaware. Avec la bénédiction de Bercy.

    C’est un fiasco industriel qui n’en finit plus. Sept ans après la vente de la branche énergie d’Alstom à General Electric, le bilan de la multinationale américaine en France est désastreux : 5 000 emplois supprimés, dont 1 400 au sein de l’usine de Belfort ; un savoir-faire technologique laissé à l’abandon ; une enquête préliminaire pour « prise illégale d’intérêts » contre Hugh Bailey, le directeur général de GE France… Et désormais, un scandale d’évasion fiscale.

    Selon notre enquête, qui s’appuie sur des rapports d’audits indépendants et plusieurs documents comptables internes au groupe, la multinationale américaine a mis en place un montage financier opaque entre son antenne française, la General Electric Energy Products France (GEEPF), et des filiales domiciliées en Suisse et dans l’état américain du Delaware. Objectif : échapper au fisc français en dissimulant les bénéfices liés à la vente de turbines à gaz produites à Belfort, en Bourgogne-Franche-Comté. D’après nos estimations, plus de 800 millions d’euros ont disparu des caisses de GEEPF entre 2015 et 2020. Soit un manque à gagner pour les comptes publics de 150 à 300 millions d’euros.

    La grande évasion débute fin 2015 par une astuce à la fois simple et discrète : le transfert des responsabilités commerciales de GEEPF vers une société créée pour l’occasion à Baden, en Suisse. Son nom : General Electric Switzerland GmbH (GES).  

    Dès lors, l’usine de Belfort, annoncée à l’époque du rachat comme le futur siège mondial des activités de turbines du groupe, cesse d’être un « fabricant » pour devenir, une « unité de fabrication » placée sous les ordres d’une société suisse. Cette « restructuration », précise un audit financier, correspondrait à la « dernière année profitable » du site franc-comtois. Pour cause : avec ce montage, GE vient de lancer son entreprise de captation des profits issus de la vente de turbines et de pièces détachées made in France.

    Illustration en 2019. Cette année-là, un contrat est passé entre GEEPF et la société suisse GES pour la vente de turbines à gaz. Montant du marché : plus de 350 millions d’euros. Alors que ces équipements ont été produits en France, GES s’approprie le statut de « fabricant », présentant le site de Belfort comme un banal « distributeur ». L’intérêt de ce tour de passe-passe : permettre à l’antenne helvète de revendre les turbines au client final afin d’en percevoir les bénéfices. Dans le cadre de ce contrat, pas moins de 97% des profits se sont envolés vers la Suisse, où le taux d’imposition sur les bénéfices se situe entre 17% et 22%, contre 33% en France. Contacté, General Electric n’a pas répondu à nos questions.

    LAISSER-FAIRE DE L’ETAT

    Un montage similaire implique la vente de pièces de rechange pour les turbines – l’essentiel des revenus de Belfort. D’après une estimation basée sur le rapport annuel de General Electric, la combine aurait rapporté près d’1,5 milliard d’euros à GES, sa filiale suisse, entre 2016 et 2019. Le tout avec la bénédiction du ministère de l’économie.  

    Selon nos informations, General Electric, à la suite du rachat de la branche énergie d’Alstom, aurait bénéficié d’un protocole dit de « relation de confiance » avec l’administration fiscale française. Ce mécanisme prévoit que « l’entreprise fourni[sse] tous les éléments nécessaires à la compréhension de sa situation » fiscale, d’après un document de la direction générale des finances publiques daté de 2013. En clair, la multinationale a fait valider son schéma fiscal, donc les liens entre ses filiales, par Bercy. En retour, elle a obtenu que les services du ministère n’effectuent pas de contrôle. Interrogé par Disclose sur sa connaissance précise du mécanisme d’optimisation mis en place par General Electric, le ministère de l’économie et des finances n’a pas répondu.

    General Electric : 800 millions d’euros transférés de France vers des paradis fiscaux. ( disclose.ngo - 29/05/22 )Emmanuel Macron lors d’une visite sur le site de Belfort, en 10 février 2022. ©AFP

    A Baden, au 8 Brown Boveri Strasse, General Electric a domicilié trois autres filiales en affaires avec le « prestataire » français. Les deux premières, General Electric Global Services Gmbh et GE Global Parts and Products Gmbh, sont chargées de vendre les pièces de rechange fabriquées à Belfort. La troisième, baptisée General Electric Technology Gmbh, collecte les droits des brevets liés aux turbines à gaz. Pour une raison simple, selon l’un des rapports d’audit consultés par Disclose : « Les revenus étrangers issus de brevets sont très peu taxés en Suisse ». Depuis 2015, 177 millions d’euros de redevances technologiques auraient quitté la France direction Baden.

    LES MILLIONS ENVOLÉS AU DELAWARE

    Pour compléter sa stratégie d’optimisation fiscale, General Electric s’appuie sur une autre filiale du groupe, basée, cette fois, aux Etats-Unis. Monogram Licensing International LLC, c’est son nom, est domiciliée dans le Delaware, un état connu pour ne prélever aucun impôt sur les sociétés.

    Entre 2014 et 2019, la société américaine aurait perçu près 80,9 millions d’euros de la part de GE France pour l’utilisation de la marque General Electric, du logo et des slogans publicitaires. Selon le contrat en vigueur entre les deux sociétés, la France doit normalement verser 1% de son chiffre d’affaires annuel au Delaware. Pourtant, ce seuil a été franchi à plusieurs reprises. Sans aucune explication, souligne l’un des audits du groupe.

    General Electric : 800 millions d’euros transférés de France vers des paradis fiscaux. ( disclose.ngo - 29/05/22 )

    La captation massive des richesses produites par les ouvriers de Belfort pourrait s’avérer illégale, comme l’indique une convention fiscale internationale appelée BEPS – « Erosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices » en français. Entré en vigueur en France en 2019, ce texte censé renforcer la lutte contre l’évasion fiscale stipule que les bénéfices des sociétés doivent être « imposés là où s’exercent réellement les activités économiques […] et là où la valeur est créée ». En toute logique, dans le cas des équipements produits à Belfort, l’impôt devrait donc être prélevé en France ; pas en Suisse.

    SALARIÉS LÉSÉS

    En faisant disparaître 800 millions d’euros des comptes de General Electric Energy Products France, la multinationale a donc échappé à l’impôt. Mais elle a aussi privé les salariés français d’une partie de leur participation dans l’entreprise. Un expert fiscaliste à qui nous avons soumis les bilans de GE à Belfort le confirme : en réduisant artificiellement ses profits depuis 2015, l’industriel a privé les employés de Belfort de plusieurs milliers d’euros chacun au titre de leur participation aux bénéfices de GEEPF. En réponse, le syndicat Sud Industrie et le Comité social et économique (CSE) de l’usine de Belfort ont déposé plainte contre leur employeur en décembre 2021 pour « fraude au droit à la participation des salariés ». 

    Le système mis en place par le groupe a également grevé les finances locales. « À partir du moment où GE délocalise ses bénéfices, forcément elle paye moins d’impôts », explique Mathilde Regnaud, conseillère d’opposition à Belfort. En février dernier, estimant à 10 millions d’euros « la perte cumulée de recettes » issues de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) de 2017 à 2022les élus du conseil communautaire ont réclamé une analyse détaillée des « pertes fiscales subies par l’agglomération ». Une demande qui pointe avant tout « la légalité […] des manœuvres d’optimisation fiscale » opérées par General Electric sur le territoire. En 2021, lesdites manœuvres auraient en partie provoqué l’augmentation des impôts fonciers à Belfort.

    Filippo Ortona

    [Mise à jour le 31 mai – A la suite de la publication, le ministère de l’économie et la DGFiP (direction générale des finances publiques) ont réagi auprès de l’AFP, assurant qu’ils n’avaient jamais validé le montage fiscal de GE dans le cadre de la « relation de confiance ».

    General Electric assure à l’AFP que le groupe « respecte les règles fiscales des pays dans lesquels l’entreprise opère ».]

    Source : https://disclose.ngo/fr

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  • POUVOIR D’ACHAT : POURQUOI LES PRIMES SONT UNE ARNAQUE. ( LVSL.fr - 10/06/22 )Manifestation de la CGT contre la réforme des retraites en janvier 2020. 

    Chèque inflation, prime carburant, « prime Macron »… Face à la diminution du pouvoir d’achat, les primes en tout genre se multiplient. Si un coup de pouce financier ponctuel est évidemment un bon moyen d’aider les plus démunis à court terme, l’inefficacité des petits chèques est désormais manifeste. Mais si les gouvernements successifs les apprécient tant, c’est d’abord car les primes ne constituent pas un salaire. Dès lors, bien que de plus en plus courantes, elles n’augmentent pas les revenus de manière pérenne et surtout ne comportent pas de cotisations sociales. Une focalisation excessive sur le pouvoir d’achat conduit ainsi souvent à nier l’importance du salaire comme vecteur de progrès social.

    Alors que l’inflation atteint des niveaux non observés depuis des décennies et que les salaires stagnent, les Français s’inquiètent de plus en plus pour leur pouvoir d’achat. A l’approche des élections législatives, et alors que l’alliance de gauche promet de porter immédiatemment le SMIC à 1500 euros nets, le gouvernement évoque une future « loi pouvoir d’achat » afin d’attirer les suffrages. Si le texte n’est pas encore abouti, les mesures phares devraient être le versement d’un chèque alimentaire par l’Etat pouvant atteindre 60€ pour les foyers très modestes, la prolongation de la remise de 18 centimes par litre de carburant ou encore le triplement de la « prime Macron », défiscalisée et exonérée de cotisations patronales.

    Ce type d’outils n’est pas nouveau : depuis le début des années 2000, les primes dont la vocation première est de lutter contre la diminution du pouvoir d’achat se sont multipliées. La première est créée sous le gouvernement de Lionel Jospin, en mai 2001 : la prime pour l’emploi. L’article unique de cette loi disposait ainsi : « Afin d’inciter au retour à l’emploi ou au maintien de l’activité, il est institué un droit à récupération fiscale, dénommé prime pour l’emploi ». Bien qu’issue d’un gouvernement de gauche, cette mesure pose plusieurs questions : d’abord, en excluant les chômeurs, le dispositif est conçu comme un moyen de creuser l’écart entre les prestations sociales et les revenus du travail. Ensuite, si ces derniers sont augmentés, cela se fait sans toucher au salaire minimum [2]. Enfin, la prime est originellement pensée comme étant un crédit d’impôt, et non un versement monétaire direct [3].


    L’ACHARNEMENT DANS UNE VOIE INEFFICACE

    D’emblée, la mesure séduit jusque dans les rangs des plus libéraux ; Alain Madelin, par exemple, y est grandement favorable. Les gouvernements successifs de Jean-Pierre Raffarin (2003) puis de Dominique de Villepin (2006), décident tour à tour d’augmenter le montant de cette prime [4]. Pourtant, face à son efficacité toute relative, le dispositif fusionne finalement avec le RSA activité en 2015 pour donner naissance à la prime d’activité, encore en vigueur aujourd’hui.

    De manière assez prévisible, Emmanuel Macron et le gouvernement d’Edouard Philippe ont prolongé cette série de primes pour le pouvoir d’achat au moment du soulèvement des Gilets Jaunes, dans l’espoir de calmer la colère. A l’automne dernier, face à l’augmentation forte des prix du carburant, c’est à nouveau une prime, de 100 euros, que le gouvernement a décidé d’instaurer. La future « loi pouvoir d’achat » n’invente donc rien.

    La seule multiplication de toutes ces primes devrait faire figure de preuve par l’exemple qu’elles ne sont pas assez efficaces.

    La seule multiplication et succession de toutes ces primes devraient a minima interpeller ou, mieux, faire figure de preuve par l’exemple qu’elles ne sont pas assez efficaces. Il ne semble en être rien dans les rangs de la droite. Pourtant, ces dispositifs présentent des défauts criants, à-mêmes de les disqualifier pour de bon.

    LES PRIMES CONTRE LE SALAIRE

    En premier lieu, ces primes sont pensées comme étant ponctuelles, alors même que l’aspect multifactoriel de l’inflation et de la pauvreté, dont elles aspirent à juguler les conséquences, tend à rappeler que le problème n’est pas uniquement conjoncturel. Des mesures simples et pérennes, comme la simple augmentation du SMIC, seraient ainsi autrement plus efficaces. C’est par exemple le point de vue de Noé Gauchard, qui affronte Elisabeth Borne pour la députation dans la sixième circonscription du Calvados, sous les couleurs de la NUPES. Pour lui, le constat est sans appel : « Toutes ces mesures sont évidemment nécessaires dans l’urgence, mais elles sont utilisées par l’exécutif actuel pour faire diversion. En refusant de porter le SMIC à 1500€, l’actuel gouvernement se rend coupable de ne pas permettre durablement à tous les travailleurs de remplir dignement leur frigo ».

    Des mesures simples et pérennes, comme l’augmentation du SMIC, seraient autrement plus efficaces.

    Par ailleurs, le caractère temporaire de ces primes maintient en permanence ses bénéficiaires dans l’insécurité. Gauchard estime ainsi que « l’imprévisibilité de tous ces dispositifs successifs et illisibles empêche les bénéficiaires de se projeter durablement et sereinement ». L’exemple de la prime Covid des personnels soignants est à ce titre éloquent : nombre de travailleuses et travailleurs ne savaient pas, jusqu’au dernier moment, s’ils toucheraient cette fameuse prime. La déception fut grande pour bon nombre d’entre elles et eux, en atteste le documentaire Debout les femmes.

    Ensuite, ces dispositifs sont non seulement illisibles, mais également complexes – et donc coûteux – à mettre en œuvre. Les nombreux critères à prendre en compte, très stricts et techniques, génèrent une activité compliquée à gérer pour les administrations, alors qu’une simple augmentation du salaire minimum ne présenterait pas cet inconvénient.

    En outre, ces primes, exclusivement orientées pour répondre au thème du pouvoir d’achat, sont orientées. Si la première prime pour l’emploi consistait en un crédit d’impôt, ses plus récentes déclinaisons sont bien des versements, mais le plus souvent sous forme de chèques à un usage pré-affecté. En effet, comme le rappelle le sociologue Denis Colombi, auteur de Où va l’argent des pauvres (Payot, 2020), le regard de la société sur la façon dont les plus modestes gèrent leur argent est souvent très moralisateur. Dans cette vision, les pauvres seraient avant tout des personnes incapables de bien gérer leur budget, comme l’illustrent les polémiques annuelles autour de l’allocation de rentrée scolaire. Ainsi, les aides financières apportées aux plus démunis ont de plus en plus tendance à être fléchées vers un poste de consommation.

    Surtout, les primes, en plus de n’être que ponctuelles, sont aussi isolées et déconnectées de tout autre droit. Le salaire, au contraire, en tant que fruit d’une importante lutte syndicale, est le socle de beaucoup d’autres droits. La focalisation des discours libéraux sur le pouvoir d’achat tend ainsi à éclipser un constat autrement plus lourd de sens et de conséquences : le seul travail ne paie plus. Un constat corroboré par les chiffres de l’INSEE : en 2019, avant même les conséquences néfastes de la pandémie, dont on peine encore à mesurer toute la portée, 6,8% des salariés étaient pauvres, de même que 17,6% des travailleurs indépendants, c’est-à-dire plus que la moyenne de la population générale (14,6%).

    C’est pourtant là le nœud de bien des problèmes sociaux : ces primes, temporaires et complexes à mettre en œuvre, ne peuvent prétendre les prendre à bras-le-corps dès lors qu’elles se focalisent sur le seul besoin traduit par le pouvoir d’achat et n’épousent pas une vision globale et sociale plus émancipatrice, tournée sur les salaires. Au-delà du pouvoir d’achat, la question qui se pose en creux est celle du pouvoir sur le travail.

    LE SALAIRE BRUT, FOYER DE DROITS IMPENSÉS

    Mais quand il est question de salaire, nombreux sont ceux à opposer salaire net et salaire brut. Le discours dominant se satisfait de la vision selon laquelle la part de salaire brut, à laquelle il faut soustraire les cotisations sociales (qui ne sont pas des impôts) pour obtenir le net, représente un coût – celui du travail, paraît-il. Toutefois le travail n’est un coût que pour celui qui l’exploite et partant, cette vision s’avère d’emblée biaisée et insusceptible d’apporter une réponse pertinente car ratant l’essentiel. D’Eric Zemmour à François Hollande en passant par Emmanuel Macron et Valérie Pécresse, les promesses d’augmentation du niveau de vie se fondant sur le rapprochement du salaire net vers le salaire brut, une obsession au moins relie tous ceux à qui le mot socialisation fait peur : la lutte contre les cotisations sociales.

    Augmenter le salaire net en diminuant le brut est un cadeau empoisonné.
    C’est pourtant ce salaire brut qui permet de financer le régime général de Sécurité sociale, c’est-à-dire de financer les allocations chômage et famille, les APL, les pensions de retraites ou l’hôpital public et d’alimenter nos cartes vitales. Bien peu lucide serait donc quiconque refuserait de voir le lien évident entre politique de baisse des cotisations d’un côté et destruction du système hospitalier aboutissant à la fermeture de toujours plus de maternités ou de lits d’hôpitaux de l’autre. En réalité, le salaire brut est le vecteur privilégié d’au moins deux éléments décisifs pour l’amélioration des conditions de vie et la rémunération du travail.

    D’une part, le salaire brut fait partie intégrante du salaire. Au moment de payer avec la carte Vitale, c’est bien grâce au salaire socialisé par la cotisation au régime général que chacun de nous est solvabilisé en tant qu’usager du système de soins conventionnés. En supprimant ou allégeant les cotisations (c’est-à-dire en faisant triompher le net sur le brut), peut-être le salaire net s’en trouverait augmenté. Il n’en demeure pas moins qu’à chaque rendez-vous chez le médecin ou passage à la pharmacie, le coût en serait automatiquement renchéri. Dans ce sens, toute augmentation du salaire net serait mécaniquement contre-productive, car la mutuelle à laquelle il faudrait souscrire représenterait un coût plus important que la part de brut. Le programme défendu par les candidats de la NUPES s’inscrit ainsi à rebours de cette logique de destruction du système de protection sociale, en proposant au contraire d’instaurer un système de prise en charge intégrale des soins prescrits, en intégrant donc dans la Sécurité sociale les complémentaires santé qui renchérissent le coût des prestations, aujourd’hui non remboursées.

    Augmenter le salaire net en diminuant le brut est un cadeau empoisonné et aurait pour première conséquence de supprimer ce qui fait l’hôpital public et ce qui le finance.

    D’autre part, s’il ressort donc que le salaire brut est bien du salaire qui nous permet à chacune et chacun d’avoir accès à des prestations autrement souvent inaccessibles, le salaire brut permet surtout de générer du travail. C’est le cas du système hospitalier qui, financé par les cotisations, ne fonctionne que grâce à l’avance monétaire permise par le subventionnement des caisses du régime général à partir des années 1950-1960. Augmenter le salaire net en diminuant le brut est un cadeau empoisonné et aurait pour première conséquence de supprimer ce qui fait l’hôpital public et ce qui le finance. Si cette position constitue une proposition ultra-libérale, il est nécessaire d’insister sur un enchaînement qui ne peut être aisément démenti : défendre la diminution des cotisations en même temps que l’amélioration de l’hôpital public est un non-sens.

    TRAVAIL CONTRE CAPITAL : L’HISTOIRE DE RÉMUNÉRATIONS RIVALES

    Les défendeurs des projets libéraux se drapent souvent des meilleures intentions pour défendre ce qui relèverait d’une hypothétique « valeur travail ». Souvent partisans d’un dialogue « apaisé » et « raisonné », ils aspirent à contenter à la fois le syndicat patronal et les syndicats des salariés. C’est, là encore, commettre une erreur rédhibitoire relativement à la rémunération du travail.

    L’augmentation pure et simple du salaire n’est pas la redistribution d’un impôt collecté, mais impose au contraire une nouvelle répartition primaire de la valeur dans l’entreprise.
    En vérité, la valeur ajoutée produite par toute entreprise [5] est répartie entre les différentes parties prenantes. Ainsi, au-delà de l’autofinancement ou des taxes, la valeur ajoutée est notamment répartie entre les salaires à verser et les dividendes à distribuer. Les premiers rémunèrent le travail, les seconds le capital. Dès lors, il s’agit d’un jeu à somme nulle : défendre une meilleure rémunération du travail sans remettre en cause celle du capital est tout simplement impossible.

    Finalement, l’augmentation du salaire minimum (et de tous les salaires en conséquence) permet donc de mieux rémunérer le travail, durablement, sans se contenter de primes subordonnées à la volonté imprévisible d’un exécutif par ailleurs réticent à accéder aux demandes du camp du travail. Surtout, les primes dites de pouvoir d’achat et versées par l’Etat présentent enfin le fâcheux inconvénient d’être financées par les contribuables eux-mêmes ! Au contraire, l’augmentation pure et simple du salaire, en plus de permettre l’augmentation de la cotisation donc l’amélioration de la protection sociale, n’est pas la redistribution d’un impôt collecté, mais impose une nouvelle répartition primaire de la valeur dans l’entreprise. C’est là un tout autre projet, véritablement social et émancipateur.

    Notes :

    [1] Le seuil de pauvreté correspond à 60% du niveau de vie médian.

    [2] Se trouve ici illustré le mythe selon lequel les bénéficiaires des minimas sociaux, confortablement installés avec leurs quelques centaines d’euros mensuelles, préféreraient cette situation à celle de l’emploi.

    [3] Toutefois, le IV de l’article unique de la loi du 31 mai 2000 prévoit que « si l’impôt sur le revenu n’est pas dû ou si son montant est inférieur à celui de la prime, la différence est versée aux intéressés ».

    [4] Voir « Prime contre salaire. Histoire et sous-entendu d’une lutte menée au nom du pouvoir d’achat », article paru dans La vie des idées, mars 2022.

    [5] Etant néanmoins entendu ici que l’entreprise lucrative n’est pas la seule entité productive où le travail est et doit être rémunéré. Ne doivent ainsi pas être oubliées les associations, les coopératives ou encore la fonction publique.

    Source : https://lvsl.fr

    Auteur : ROMAIN DARRICARRÈRE

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  • LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )

    Depuis la réforme de 2016, les règles en manière de temps de parole des candidats à la présidentielle ont été bouleversées, afin de remplacer l’égalité par une prétendue « équité » aux contours nébuleux. Censé s’inscrire dans une « modernisation de la démocratie » ces modifications favorisent en réalité les « candidats du système », et donnent un pouvoir très important aux instituts de sondages.

    Une régression démocratique des règles de la campagne

    Les règles du temps d’antenne applicables aux candidats de l’élection présidentielle sont précisées et contrôlées par le CSA, devenu Arcom après sa fusion avec Hadopi en 2022. Elles poursuivent l’objectif simple et indispensable d’assurer une représentation juste des différents candidats, de sorte à garantir un accès démocratique au pouvoir pour ces derniers.

    Cela ne date pas d’hier, les médias jouent un rôle majeur dans la vie démocratique, et bénéficient d’un pouvoir d’influence immense, pouvant très nettement infléchir le cours d’une campagne électorale. Les présidentielles de 2017 ont été un bel exemple de cette influence, avec la fuite de l’affaire Fillon ou les attaques répétées contre le candidat Jean-Luc Mélenchon, souvent dénoncées par les insoumis. Il y a beaucoup d’exemples et cela ne concerne bien entendu pas seulement la France.

    Encadrer le pouvoir d’influence des médias est donc une bonne chose, mais encore faut-il avoir des règles réellement justes.

    Celles qui ont été appliquées cette année sont assez récentes, et pour le moins critiquables. Elles résultent en fait de la loi organique datée du 25 avril 2016, passée assez inaperçue, qui propose une mise à l’écart du principe de l’égalité des temps de parole au profit d’une « équité en fonction de la représentativité des candidats et de la contribution de chacun à l’animation du débat électoral ». Ce point, loin d’être un détail, a totalement bouleversé l’équilibre de la représentation. Voyons donc, ce que nous dit cette réforme désormais applicable.

    Elle distingue 4 périodes. Pour les présidentielles de 2022, voici ce que cela a donné :

    - Entre le 1 janvier et le 7 mars 2022 : respect de l’équité simple du temps de parole et du temps d’antenne « en fonction de la représentativité ». Cela concerne autant les candidats déclarés que les candidats présumés (cela peut expliquer pourquoi certains candidats attendent le dernier moment pour se déclarer).

    - Entre le 8 et le 27 mars : à partir de la publication de la liste officielle des candidats, il y a une application d’un principe renforcé d’équité « dans des conditions de programmation comparable ». Autrement dit, les médias n’ont pas le droit de magouiller en diffusant les candidats qu’ils n’apprécient guère à 3h du matin, ces derniers doivent être visible à des heures de programmation similaires.

    - Entre le 28 mars et la veille du premier tour, le 9 avril : dès l’ouverture de la « campagne électorale officielle », un principe d’égalité strict des temps de paroles et temps d’antenne s’applique. Cela vaut également pendant l’entre-deux tours.

    - Période de réserve: la veille, et le jour du scrutin, interdiction de tout message de propagande électorale. Autrement dit, les médias doivent rester totalement silencieux sur la campagne.

    Mais alors qu’est-ce-qui cloche avec ces règles ?

    Pour s’en rendre compte, il faut se rappeler des principes applicables avant la réforme de 2016. À cette époque, le législateur était probablement agacé que les petits candidats bénéficient d’autant de visibilité ; certains se saisissant de l’occasion des élections comme d’une brèche pour mettre en avant des idées sous-représentées habituellement dans le débat public (la critique de l’UE, la remise en question du système capitalisme, etc).

    En effet, avant 2016, c’était le principe de l’égalité du temps de parole qui primait : 5 semaines avant l’élection, chaque candidat avait le même temps de parole, ce qui leur offrait beaucoup plus de visibilité ! Désormais il n’y a plus que deux semaines d’égalité, et c’est un principe assez vague « d’équité » qui s’impose.

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )
    Règles de temps de parole avant la réforme de 2016 - Source (p.26)

    Le « principe équité » ou la novlangue électorale

    Cette étonnante réforme s’inscrit dans la continuité des travaux de la « Commission de rénovation et de déontologie de la vie publique », laquelle promeut un « renouveau démocratique ». On peut donc s’attendre à une justification de la remise en cause des règles précédente pour des raisons…démocratiques ? Eh bien non.

    Les justifications sont les suivantes :

    1 - parce que deux régimes c’est « incertain » (on n’en saura pas plus)
    2- parce que dans la période intermédiaire le nombre de candidats ne va plus changer
    3- parce que ce sont des règles trop strictes et contraignantes pour les journalistes (oui c’était le but !).

    Le caractère non démocratique de cette réforme se démontre en réalité sur plusieurs points. Tout d’abord, qu’est-ce que ce fameux « principe d’équité », et comment s’applique-t-il concrètement ? Voici ce que nous dit le CSA, le 6 octobre 2021 :

    « Pour apprécier le respect du principe d'équité, le Conseil tient compte, d'une part, de la représentativité du candidat déclaré ou présumé et, d'autre part, de sa capacité à manifester l'intention d'être candidat. [...]

    La représentativité du candidat repose notamment sur :

    les résultats obtenus aux plus récentes élections, c'est-à-dire celles qui se sont déroulées depuis la précédente élection du Président de la République, y compris celle-ci, par le candidat ou les partis et groupements politiques qui le soutiennent ;

    le nombre et les catégories d'élus dont peuvent se prévaloir les partis et groupements politiques qui soutiennent le candidat ;

    les indications de sondages d'opinion réalisés et publiés conformément à la loi.»

    En résumé, la visibilité du candidat sera conditionnée par la place qu’il occupe déjà dans le paysage politique : plus le candidat est gros plus il sera visible, plus il est petit, moins il le sera.

    On notera le coup de grâce porté aux petits candidats par le rôle accordé aux sondages. Entendons-nous bien : on ne peut plus dire à présent que les sondages n’ont qu’un rôle informatif (ce qui était déjà bien naïf). Ils ont une place à part entière dans le processus électoral, ce qui est très critiquable.

    Voyons à ce stade ce qu’il s’est passé en 2022 (les données suivantes ont été recueillies pendant la période d’équité) :

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )

    En zoomant sur les principaux candidats :

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )

    On observe donc que les candidats qui appartiennent à de gros partis ont pour certains bénéficié d’un temps d’antenne beaucoup plus important que leur réelle représentation électorale.

    L’exemple le plus flagrant est Valérie Pécresse avec 17 % d’exposition médiatique, contre seulement un résultat de 5 %.... Mais ce fut également le cas pour Éric Zemmour, un « nouveau candidat » très apprécié par les médias qui a bénéficié de 13% d’exposition contre un résultat de 7 %. Dans le même esprit, nous pourrions citer la performance chaotique d’Anne Hidalgo.

    Ainsi, dans le premier cas on voit que Valérie Pécresse a bénéficié du statut important des Républicains, et d’un bon coup de pouce des sondages. Les règles d’équité de l'Arcom ont bien été respectée mais on peut sérieusement douter de leur pertinence. Dans le second cas, Éric Zemmour a bénéficié d’une exposition très importante alors que sa formation politique est toute neuve. On se demande comment les règles d’équité de l'Arcom ont pu amener à une telle représentation, si ce n’est par l’appui des sondages d’opinion.

    A contrario, Jean-Luc Mélenchon, gros candidat sensé répondre favorablement aux deux premiers critères de représentativité de l'Arcom, a été sous-exposé médiatiquement de manière assez impressionnante : seulement 10 % de temps d’antenne (moins qu’Éric Zemmour) pour un résultat de 23% ! C’est également le cas pour la candidate du RN Marine Le Pen. Soit, les deux premiers partis d’opposition du pays.

    On notera également une légère sous-exposition chez Emmanuel Macron, qui peut s’expliquer par une exception mise en place par l’Arcom concernant la comptabilité du temps de parole :

    « 1° Le temps de parole comprend toutes les interventions d'un candidat, sauf si des circonstances exceptionnelles conduisent à ne pas les comptabiliser, ainsi que les interventions de soutien à sa candidature.

    2° Si le Président de la République est candidat déclaré ou présumé, toutes ses interventions relevant du débat politique sont, sauf circonstances exceptionnelles visées au 1°, prises en compte. Les interventions qui relèvent de l'exercice de sa charge ne sont pas prises en compte. Il en va de même des interventions qui relèvent de l'exercice de la présidence du Conseil de l'Union européenne, à l'exception de celles qui sont susceptibles, en fonction du contenu et du contexte, de relever du débat public. »

    Le temps de parole et le temps d’antenne : toujours les mêmes qui trinquent

    À ce stade vous vous demandez peut-être quelle est cette distinction entre « temps de parole » et « temps d’antenne », et pourquoi la réforme a sanctionné le premier mais pas le second. C’est en réalité très simple : « Le temps de parole comprend toutes les interventions d’un candidat ainsi que les interventions de soutien à sa candidature ». Le temps d’antenne comprend ce temps de parole ainsi que « l’ensemble des séquences qui lui sont consacrées, dès lors qu’elles ne lui sont pas explicitement défavorables ».

    Voici quelques exemples donnés par le CSA pour les séquences visées :

    « Les éditoriaux et les commentaires politiques, les revues de presse, les débats réunissant des journalistes, des experts ou d'autres personnes, les analyses et les présentations de sondages d'opinion sont pris en compte dans le temps d'antenne lorsque, pour l'essentiel de leur durée, ils concernent un seul candidat et ne lui sont pas explicitement défavorables. »

    C’est une bonne mesure car elle permet de ne pas biaiser la représentation des candidats en passant par l’entremise d’éditoriaux, par exemple. Mais on comprend également pourquoi le législateur n’as pas touché au temps d’antenne dans la réforme de 2016 : les petits candidats n’ont quasiment jamais le soutien des médias de toute façon.

    Notons que cela vaut pour l’hypothèse où un éditorialiste encenserait un candidat. En revanche, il n’y a pas de prise en compte de l’effet que produirait une séquence défavorable pour un candidat.

    L’exposition des candidats en fonctions des médias…

    Précision que toutes les règles énoncées précédemment visent uniquement la radio et la télévision (la presse écrite et internet naviguant dans une zone bien moins régulée).

    Sur les graphiques ci-dessous, vous pourrez constater le pourcentage des expositions des candidats à l'élection présidentielle de 2022, en fonction des différents médias français de premier plan.

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 ) 

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )

    De même, observons ce qu’il en est pour quelques-unes des principales radios :

    LA PRÉSIDENTIELLE A DÉMONTRÉ LES ÉNORMES FAILLES DU SYSTÈME DES TEMPS DE PAROLE. ( elucid.media - 08/06/22 )

    En conclusion, la réforme de 2016 semble bien peu adaptée au besoin de renouveau démocratique exprimé fortement par les citoyens français au cours de ces dernières années, et notamment à l’occasion du mouvement des Gilets Jaunes. Le pouvoir, dans toutes ses composantes, semble de plus en plus vouloir limiter le débat public à un cadre rassurant pour le système politique en place. Ils entendent limiter l’intrusion de petits candidats, souvent issus de la société civile, ne correspondant pas à l’habitus recommandé, ou bien simplement défendant des idées jugées problématiques.

    Quoi qu’il en soit, le résultat de ces élections de 2022, suivi de la volonté majoritaire des français de voir une cohabitation s’imposer à Emmanuel Macron, démontre les limites des règles électorales appliquée, et interroge sérieusement sur la viabilité de ce système.

    Source : https://elucid.media

    Auteur : Olivier Berruyer

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  • ▶ Aude LANCELIN est journaliste. Après un long parcours dans les grands médias (notamment comme ex-directrice adjointe de L’Obs puis de Marianne) elle a fondé le média indépendant QG. Elle a tiré de sa longue expérience la conviction que plus rien de décisif ne pouvait être accompli dans des endroits abîmés par le pouvoir, les intérêts industriels privés, ou les agendas politiques secrets. Comment lutter contre la puissance des médias de masse qui façonnent l'opinion et orientent les choix politiques ? C'est ce que l'on va voir, dans cet entretien par Olivier Berruyer pour Élucid !

    Source : https://www.youtube.com

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  • Dans le cadre de la campagne pour les élections législatives du 12 et 19 juin 2022 dans la deuxième circonscription des Côtes-d'Armor, affiches de Bruno Ricard et Guylaine Frin, candidat·es de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). 

    L’union populaire conclue à Paris autour de La France insoumise bouscule non seulement les plans de la majorité présidentielle pour conserver ses nombreux députés bretons, mais également la gauche, dont socialistes et écologistes se disputaient jusque-là le leadership.

    Cinq ans après le raz-de-marée macroniste en Bretagne, la région voit son échiquier politique à nouveau chamboulé par l’accord conclu à gauche pour les élections législatives. La Nouvelle Union populaire, écologique et sociale (Nupes) présente 15 candidates et candidats issus des rangs de La France insoumise dans les 27 circonscriptions bretonnes, un territoire pourtant plutôt hostile, lors des élections intermédiaires, au très jacobin Jean-Luc Mélenchon.

    La séquence actuelle pourrait donc bien être le deuxième acte de la clarification engagée en 2017. Un grand nombre d’élu·es socialistes – dans le sillage de l’ancien ministre et maire de Lorient Jean-Yves Le Drian – avaient à l’époque endossé sans trop de problème le projet politique d’Emmanuel Macron. Beaucoup rempilent d’ailleurs cette année, sous les couleurs du mouvement présidentiel renommé « Ensemble », toujours plus loin du cap centriste fixé alors.

    Les autres, restés fidèles au socialisme, ont vu surgir à la faveur de la présidentielle de 2022 un second pôle d’attraction, constitué cette fois autour de La France insoumise (LFI), autour duquel se sont également ralliés les écologistes bretons, malgré leurs envies de conquête. Les Verts aussi ont dû apprendre à se faire tout petits dans la distribution des places, malgré un score historique aux dernières élections régionales.

    « La Bretagne fait partie des régions où les écolos ont été maltraités, remarque Claire Desmares-Poirrier, conseillère régionale Europe Écologie-Les Verts (EELV), candidate à la députation ayant dû s’incliner dans la première circonscription d’Ille-et-Vilaine au profit de l’Insoumis Frédéric Mathieu. Mais c’était le contexte de la négociation. Nous sommes lucides : cette situation est la conséquence de notre score à la présidentielle, une élection très incarnée qui n’a pas été favorable à l’écologie politique. »

    « Quand on est hégémonique, on est gourmand, et LFI n’a pas dérogé pas à la règle, confirme Marylise Lebranchu, ancienne députée du Finistère puis ministre socialiste. Mon parti a joué ce jeu-là pendant longtemps... La responsabilité de la qualité de l’accord est partagée d’ailleurs, car si nous avions démarré plus tôt, nous aurions pu réfléchir département par département pour trouver des solutions plus conformes aux implantations locales. » 

    L’accord conclu à Paris n’a en effet pas convaincu tout le monde en Bretagne, notamment au Parti socialiste, même si on est loin d’une « dynamique de dissidence organisée », comme en Occitanie ou en région Paca (Provence-Alpes-Côtes d’Azur).

    Il n’empêche que dans les Côtes-d’Armor, Loïc Raoult, proche du PS, a maintenu sa candidature face au choix de la Nupes de soutenir l’Insoumise Marion Gorgiard. Deux poids lourds du Parti socialiste costarmoricain ont fait de même dans les circonscriptions de Guingamp et Lannion. À Brest, le socialiste Réza Salami, avec le soutien du maire de la principale ville du Finistère, concourt également face à l’un des Insoumis les plus en vue de la région, Pierre-Yves Cadalen.

    Mais malgré quelques bourrasques dissidentes, le vent a bel et bien tourné : « Ces législatives actent la fin de l’hégémonie du PS sur la gauche bretonne, analyse le politiste Romain Pasquier, directeur de recherche au CNRS. Aux municipales et aux régionales, le Parti socialiste avait déjà été fortement concurrencé par les écologistes bretons. À la présidentielle, le coup de boutoir est venu des Insoumis. »

    À tel point que l’actuel président du conseil régional, Loïc Chesnais-Girard, dauphin et successeur de l’ancien « patron » des socialistes bretons Jean-Yves Le Drian, s’est presque muré dans le silence pour ces législatives, renonçant à peser sur les troupes. Hostile à l’accord Nupes, il a « suspendu » son adhésion au Parti socialiste, selon son service communication.

    « Une gauche plus gauchiste retrouve son lit et un centre qui tire vers la droite se consolide. Un autre rapport de force s’installe en Bretagne, poursuit Romain Pasquier. Est-ce qu’il correspond à l’électorat breton ? Je ne suis pas sûr. » Décrivant la région comme l’un des berceaux de la « deuxième gauche à la mode Rocard », longtemps teintée de catholicisme, le chercheur s’interroge sur l’influence de ces nouveaux militants et militantes d’une gauche plus « orthodoxe ».

    « Comme son habitat, l’électorat breton est très dispersé, et plus on s’éloigne des centres, plus on se rapproche des anciens bastions socialistes, communistes ou carrément acquis à la droite. Imposer là des candidats insoumis me paraît non seulement risqué mais mortifère », cingle le politiste, qui croit peu à une victoire de la Nupes en Bretagne, mais plutôt à une répétition du grand chelem macroniste de 2017.

    Jean-Luc Mélenchon, tout à son succès électoral, aurait-il été trop gourmand dans cet Ouest lointain qu’il connaît mal, malmène parfois, notamment sur son histoire linguistique ? « Deux fois de suite, la Bretagne a placé Mélenchon au second tour de l’élection présidentielle, répond Pierre-Yves Cadalen, à Brest. Donc penser que la région ne serait, et pour toujours, que socialiste ou macroniste, c’est une grosse erreur. »

    «C’est une anomalie que La France insoumise soit si faible en Bretagne.»  Claire Desmares-Poirrier, élue régionale EELV

    Le candidat à la députation réfute également l’idée d’un déficit de notoriété du personnel insoumis local, vantant des parcours en phase avec les enjeux contemporains, comme dans le Finistère : « Dans le Finistère, la candidate Nathalie Sarrabezolles [membre du parti socialiste –ndlr] est connue pour ses engagements dans les manifestations féministes ; la conseillère municipale Yolande Bouin à Douarnenez a participé à la Convention citoyenne pour le climat. Le Trégorrois Youenn Le Flao est identifié dans les luttes syndicales, le Brestois Pierre Smolarz va s’installer en maraîchage, un sujet au cœur du projet agricole pour le futur de la Bretagne. »

    Pas de quoi pour autant jouer les fiers-à-bras ou les revanchards. « Il est clair que dans cette campagne, l’enjeu national est tout à fait compris et pèse, concède Pierre-Yves Cadalen. L’élan, c’est celui de la possibilité d’un autre gouvernement face à Macron, comme une dernière carte de gauche à jouer. Pour nombre d’électeurs confrontés à la précarité ou à la crainte d’une retraite à 65 ans, il y a un retour du réel dans cette élection. »

    Le pari d’attribuer des circonscriptions à LFI là où le mouvement est peu implanté, afin de mesurer « l’impact national » sur une « dynamique régionale », reste « un peu risqué » pour Claire Desmares-Poirrier, qui ne renie pas pour autant la légitimité du mouvement de Jean-Luc Mélenchon sur le territoire : « C’est une anomalie que La France insoumise soit si faible en Bretagne. Parce qu’elle parle à des gens qui ne se retrouvent pas chez les écologistes ou les socialistes, qui ne votent pas ou plus. Nous avons aussi besoin de la capacité de mobilisation de LFI et de son projet politique. »

    Mais alors que dans d’autres régions de France en campagne, la simple mention du leader insoumis suffit pour emporter l’adhésion, quel que soit le ou la candidate locale, la figure de Jean-Luc Mélenchon peut faire office ici de repoussoir. « Mélenchon premier ministre, ça ne fait pas rêver tout le monde sur les marchés, confie Loïc Cauret, figure des socialistes costarmoricains et ancien maire de Lamballe. Mais l’union, oui. » À l’occasion des départementales en 2021, le département des Côtes-d’Armor avait déjà, grâce à cette dynamique d’alliance entre le PS, EELV et les communistes, rebasculé à gauche. Sans que La France insoumise ne participe alors à l’attelage électoral...

    Plus profondément, et au-delà des accords d’appareils pour ces législatives, se pose la question de la ligne politique à gauche pour la Bretagne, modérée dans ses choix politiques, mais terre de contestation avérée, du combat antinucléaire de Plogoff à celui contre les algues vertes, en passant par la révolte des Bonnets rouges. « La radicalité apparente du programme de la Nupes n’effraie pas les électeurs, croit Loïc Cauret. En 1981, avec Mitterrand, nous étions allés beaucoup plus loin que ça dans la remise en cause du système ! À force de parler de nous comme de “la gauche de gouvernement”, nous avons simplement oublié qu’il fallait d’abord être un gouvernement de gauche… »

    Un ancien élu breton confirme et raconte ce socialisme breton des années 1980 « totalement en osmose » avec le développement économique de la région. Maintenant que la Bretagne s’est transformée en l’une des régions les plus riches de France, tous les deux seraient pareillement secoués « par les tempêtes » : pollution, remise en cause du modèle agroalimentaire, pouvoir d’achat, prix de l’immobilier, précarité énergétique… « Le PS est rattrapé par ces enjeux et doit solder ses comptes. Pourquoi être du côté de la Nupes cette fois-ci ? Parce que nous comprenons que le monde change. »

    « Oui, il y a un enjeu de clarification politique dans cette élection, y compris sur le projet politique qu’il faut porter pour la Bretagne, juge Pierre-Yves Cadalen. Avec la Nupes, nous avons abouti à un programme cohérent qui a tout mis sur la table, y compris nos désaccords. C’est déjà une victoire. »

    Différends politiques et la langue en épine dans le pied

    Les points d’achoppement de La France insoumise avec ses partenaires socialistes et écologistes locaux restent cependant nombreux et de taille : l’Europe, le fédéralisme, la décentralisation, mais aussi la défense des spécificités régionales. La Nupes a par exemple écarté le projet de la création d’un « statut de résident », thème mis sur la table par le parti régionaliste UDB (Union démocratique bretonne), pourtant au cœur du débat public breton ces dernières années.

    « Tout le monde a eu peur d’une approche régionaliste mais ce n’est pas juste un sujet pour les Corses ou les Bretons, plaide Marylise Lebranchu, simplement un moyen, dans les zones en tension comme le littoral, de permettre aux travailleurs de trouver un logement abordable. Je vis à Plougasnou, dans le Finistère. Les gens qui travaillent dans l’usine de ma commune ne peuvent pas se loger. On trouve ça normal ? »

    Heurtée, déçue, toute la gauche bretonne n’est d’ailleurs pas venue. L’UDB, malgré son soutien au « pôle écologiste » à l’occasion de la présidentielle, n’a guère goûté cette « recomposition autour de Mélenchon », bâtie depuis Paris, explique l’élu régional Nil Caoussin. « La position sur les langues régionales, sur les écoles Diwan que LFI refuse de différencier des autres écoles privées, les positions internationales... Nous avons de sérieux désaccords. » 

    Malgré les dénégations d’un Pierre-Yves Cadalen, qui assure du soutien de son mouvement à l’enseignement bilingue, « dans le cadre d’un système éducatif public à reconstruire », et à la possibilité, « dans le cadre du débat parlementaire, de discuter de l’enseignement en immersion », les plaies restent profondes.

    L’UDB a donc proposé 21 candidatures autonomes à l’occasion de ces législatives, alors même que le parti s’était associé avec succès à EELV pour les dernières régionales, relançant une certaine dynamique électorale. « Si LFI avait voté pour la loi Molac sur les langues régionales l’an passé, si nous avions eu une discussion sur le statut de résident, l’histoire aurait pu être différente, regrette Nil Caoussin. En un sens, nous sommes en marge aujourd’hui. »

    La majorité présidentielle, composée de La République en marche (LREM), du MoDem et d’Horizons, forte de ses 26 député·es sortant·es, espère tirer profit de ces désajustements. D’autant qu’à sa droite, le parti Les Républicains ne peut espérer renverser la table, vu son score de la présidentielle, et que le Rassemblement national, malgré sa persistante progression scrutin après scrutin en Bretagne, manque encore cruellement d’ancrage régional.

    Mais l’effet de surprise s’est étiolé. Les figures locales de la Macronie (Jean-Yves le Drian, Richard Ferrand, qui se représente dans la 6e circonscription du Finistère) se sont parfois abîmées dans l’exercice du pouvoir ou les affaires. « Ce que l’on connaissait de la Bretagne modérée, incarnée par le PS puis par LREM, cette recherche de consensus depuis le Célib [la structure qui a orchestré le développement économique de la Bretagne – ndlr] qui emportait tout sur son passage, je n’y crois plus du tout, insiste Loïc Cauret. Il y a des rééquilibrages politiques majeurs à venir. » Vague contre vague ou une vague après l’autre, en fonction des courants bretons.

    Mathilde Goanec

     

    source: https://www.mediapart.fr/

     

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  • 1 – Enfoncer à nouveau les chômeurs pour nous faire travailler à n’importe quel prix

    L’année dernière, la réforme de l’assurance-chômage s’appliquait, faisant perdre du revenu et de l’indemnisation à des milliers de personnes augmentant indirectement la pauvreté. Selon une évaluation de l’Unédic évoquée dans Le Monde, “jusqu’à 1,15 million de personnes ouvrant des droits dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la réforme toucheraient une allocation mensuelle plus faible de 17 % en moyenne”. On pourrait croire qu’après un tel coup de massue, le gouvernement réélu allait s’arrêter là. Mais non : le président des députés MODEM, membre influent de la majorité présidentielle, Patrick Mignola, a annoncé les plans pour l’après-législatives, le 30 mai dernier, sur LCP. Pour lui, le « plein emploi » que nous vivons actuellement justifierait un énième changement de règle, avec réduction de la durée d’indemnisation. Après avoir modifié le calcul de l’allocation, le gouvernement pense à réduire sa durée ? Que resterait-il de l’assurance-chômage après ça ?

    Dans le même temps, les organisations patronales orchestrent une campagne médiatique de déploration des difficultés de recrutement dans certains secteurs, comme la restauration. Le point de vue patronal est omniprésent dans le traitement journalistique de la question. Ce matraquage a pour but de nous faire oublier que dans un contexte d’inflation galopante, il devient sacrificiel de bosser dans des secteurs où l’on est maltraité, mal payé et pris par des horaires qui bouffent le quotidien. L’objectif du patronat est donc de forcer les chômeurs à prendre ces emplois, et pour cela il faut en finir avec l’assurance-chômage.

    2 – La réforme des retraites est toujours au programme … et on sait désormais pourquoi

    L’objectif principal du gouvernement, ce pour quoi Macron est soutenu par la grande bourgeoisie, l’obsession de la majeure partie de la classe politique et du MEDEF depuis 15 ans, c’est de repousser l’âge de départ à la retraite à 65 ans. Ce qui signifie en réalité, pour les gens qui ont fait des études après 20 ans, bien plus tard. Macron, dans son premier quinquennat, n’avait pas assumé pleinement cette réforme. Puisqu’il s’était fait élire avec la promesse de ne pas toucher à l’âge de départ – ce qui lui avait valu son étiquette « ni gauche ni droite » et son élection – il avait mis en place une réforme complexe de réunification des différents régimes autour d’un critère unique que serait le point. Ce point, indexé sur un certain nombre de paramètres comme l’état de l’économie du pays, allait en réalité permettre à tout gouvernement de repousser l’âge de départ de façon technique, sans consulter les syndicats ou le Parlement : bref, un fantasme macroniste et technocratique total, qui a été mis au jour durant la discussion du projet de loi et provoqué un très fort mouvement social en 2019-2020. 

    Fort de sa réélection, Macron revient cette fois-ci sur le sujet en assumant son objectif : forcer les gens à partir à la retraite plus tard, pour faire des économies. Cette réforme n’est ni nécessaire, ni juste. Elle n’est pas nécessaire car notre système de retraite n’est pas en péril : c’est le Conseil d’orientation des retraites, l’instance chargée de prévoir la trajectoire budgétaire du régime, qui l’a dit. Et elle n’est pas juste, car il existe d’autres façons d’améliorer les finances du régime de retraite : augmenter les cotisations patronales en fait partie, pourtant, cette solution n’est jamais évoquée. Pour les macronistes et, indirectement, pour la presse mainstream qui n’évoque jamais cette piste, il est inconcevable de faire payer le capital, même quand il s’est gavé comme jamais.

    Puisque le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts des sous-bourgeois et bourgeois, c’est en allongeant la durée de cotisation de tous que l’on pourra investir ailleurs. Où ça ? Sans doute dans la “baisse des impôts de production” des entreprises, réclamée par le MEDEF durant la présidentielle. Une fois de plus, le travail va devoir payer pour le capital

    Mais l’objectif est de toute façon ailleurs, et c’est Elisabeth Borne elle-même qui s’est trahie dans son dernier entretien au Journal du Dimanche : il s’agit d’utiliser les économies faites sur le régime de retraite pour financer d’autres volets de l’action publique. : “l’enjeu, pour notre pays, est d’assurer la force de notre modèle social, dit-elle, de poursuivre le progrès social et d’investir, notamment dans la santé et l’éducation”. Et quel est le rapport entre le budget des retraites et celui de l’éducation ou de la santé ? “Le président de la République a pris des engagements clairs : ni hausse d’impôt, ni augmentation de la dette” : c’est donc ça, puisque le gouvernement ne veut pas augmenter les impôts des sous-bourgeois et bourgeois (qui ont été exonérés d’une partie de l’Impôt de solidarité sur la fortune, souvenons-nous), c’est en allongeant la durée de cotisation de tous que l’on pourra investir ailleurs. Où ça ? Sans doute dans la “baisse des impôts de production” des entreprises, réclamée par le MEDEF durant la présidentielle et soutenue par les macronistes. Une fois de plus, l’objectif est de faire payer le travail pour le capital.

    Nous payons décidément le fait que la Sécurité sociale n’est plus un budget indépendant de l’Etat, uniquement financé par les cotisations et géré par les travailleurs, comme elle l’était au moment de sa fondation : elle peut désormais servir de variable d’ajustement à des politiques publiques en faveur du capital (pour ça, on peut remercier Michel Rocard et les socialistes, inventeurs de la Contribution Sociale Généralisée qui s’est progressivement substituée aux cotisations).

    macron compte faireBruno avait déjà demandé aux patrons de mieux nous payer en aout dernier, ça n’a pas marché, alors il redemande. Bruno nous prend pour des jambons.

    3 – Des mesures de « pouvoir d’achat » inefficaces et prétextes à de nouvelles attaques

    Le seul volet « social » promis par Macron et Borne concerne une série de mesures en faveur du pouvoir d’achat – terme dont nous avons pu montrer à quel point il posait problème. Ces mesures ont pour point commun de s’attaquer au problème de l’inflation à la marge, et de ne pas aborder celui de la faiblesse des salaires. La loi “pouvoir d’achat” contiendra vraisemblablement les éléments suivants :

    • Le gouvernement compte mettre en place des « chèques alimentaires » pour les foyers les plus modestes, quelques dizaines d’euros par mois qui ne permettront pas d’endiguer la hausse des prix, et qui ont surtout l’avantage de ne pas toucher aux profits et de ne demander aucun effort au capital. Or, l’envolée des prix de l’alimentation est liée à la spéculation sur le contexte géopolitique tendu. « La flambée des prix actuels, ce n’est pas lié à un problème de production et de disponibilité sur les marchés internationaux, mais c’est lié à un emballement de ces marchés alimentaires sans précédent. Sur le marché du blé de Paris, le mois dernier, 72% des acheteurs étaient des spéculateurs. C’étaient des firmes ou des fonds d’investissement, c’étaient des financiers, ce n’était en rien des distributeurs ou des commerçants » expliquait un représentant de l’ONG CCFD-Terre solidaire à RFI le 1er juin. Mais plutôt que d’y faire face, ou d’obtenir des efforts de la grande distribution, le gouvernement joue la charité.
    • La mesure phare de cette loi anti-inflation sera la reconduction et l’augmentation de la « prime Macron » : la possibilité de verser chaque année 6 000€ de prime par salarié, sans cotisation et sans impôt : autant de salaire brut qui ne sera pas augmenté et qui n’ira pas dans nos hôpitaux, notre protection sociale, nos écoles. C’est de l’optimisation fiscale et sociale légale que propose ainsi Macron. Et augmenter les salaires ? Seulement pour les patrons qui « le peuvent » a déclaré le ministre de l’Economie Bruno Le Maire. C’est d’ailleurs la deuxième fois que le ministre “demande un effort” aux patrons, la dernière fois étant en août 2021. Mais pourquoi le feraient-ils s’ils peuvent arrondir les angles du « pouvoir d’achat » sans verser de cotisations ni d’impôts ?
    • Ironie mordante du gouvernement, cette loi « pouvoir d’achat » pourrait contenir la proposition de la campagne présidentielle de Macron de conditionner le RSA à un quota d’heures de travail gratuites. L’objectif serait de « stimuler le retour vers l’emploi » comme si les gens au RSA étaient simplement des fainéants. Là encore, la presse mainstream fait son travail d’accompagnement idéologique. Ces derniers jours, un fait divers est devenu viral, avec une présentation particulièrement fallacieuse de la part de la plupart des journaux : dans le Haut-Doubs, un agent immobilier multi-propriétaire est accusé de fraude fiscale massive après n’avoir pas déclaré de juteuses plus-values immobilières. Entre autres folies, il avait réclamé le RSA et roulait en Lamborghini. Comment pensez-vous que France Bleu a titré sur cet évènement ? « Il touche le RSA et roule en Lamborghini : un habitant du Haut-Doubs piégé par son train de vie ». Le Point ? « Doubs : bénéficiaire du RSA, il roulait en Lamborghini ». La Voix du Nord ? « Doubs : il touchait le RSA mais roulait en Lamborghini, une enquête ouverte ». Ces titres fallacieux mettent en valeur le RSA, qui n’est qu’une fraude de plus dans le parcours de cet agent immobilier. Ce fait divers participe de la propagande gouvernementale actuelle : “les bénéficiaires du RSA sont bien trop à l’aise”.
    macron compte faireQuand les journalistes font campagne pour le programme présidentielle en présentant sous un jour macroniste un fait divers

    4 – Un gouvernement fragilisé après sa victoire à la Pyrrhus, un changement majeur est possible

    Ce programme devrait tous nous terrifier. Mais pourtant, l’espoir demeure : selon Le Monde, Macron et ses sbires semblent temporiser la réforme des retraites. Ils se méfient des élections législatives à venir mais aussi et surtout de leur impopularité. Macron a gagné au premier tour et il a été élu au second par une minorité de votants. Il reste aussi peu populaire qu’avant son élection. Après le premier tour, les macronistes misaient sur un « état de grâce » post-présidentielle, ce phénomène d’opinion qui dure quelques mois et a bénéficié à la plupart des présidents durant leurs premiers mois de mandats. Mais ce n’est pas le cas pour Macron: non seulement sa popularité est restée stable (alors qu’elle aurait pu décoller après l’élection), mais en plus l’élection a renforcé son opposition de gauche, la plus dangereuse pour lui. Pendant ce temps, la vie de galère que l’inflation et les salaires qui stagnent nous imposent peut nous laisser espérer un mouvement social d’ampleur à venir : il reste à Macron peu de cartouches pour continuer à nous diminuer. Quant à nous, nous savons à quoi nous en tenir.

    La bourgeoisie reste forte dans les institutions mais elle est, politiquement, à court d’idées. Son monarque est très affaibli, et il gouverne un pays à la situation économique exsangue, sans grand projet pour redorer son blason.

    Les raisons d’espérer sont, pour celles et ceux qui souhaitent un changement d’ampleur, nombreuses : d’abord, le score de Mélenchon et le dynamisme de la gauche a déplacé le centre de gravité politique. L’extrême-droite a montré qu’elle ne servait à rien d’autre qu’à être le faire-valoir du candidat de la bourgeoisie : depuis, on ne l’entend plus, car l’ordre établi convient en réalité très bien aux Le Pen, Bardella et consorts. La bourgeoisie reste forte dans les institutions mais elle est, politiquement, à court d’idées. Son monarque est très affaibli, et il gouverne un pays à la situation économique exsangue, sans grand projet pour redorer son blason. La situation écologique et sociale est explosive : tout est donc ouvert. Jamais nous n’avions connu une situation aussi incertaine, où l’organisation des classes laborieuses sur des bases plus radicales voire – vu comme la situation est verrouillée côté institutions – révolutionnaires, pourra être décisive.

    Auteur : Nicolas Framont

     Source : https://www.frustrationmagazine.fr

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  • Le vrai problème de Twitter, ce ne sont pas les milliardaires qui le possèdent, mais l’indignation que ses algorithmes sont conçus pour provoquer, transformant nos pensées et notre attention en une marchandise. (Liesa Johannssen-Koppitz / Bloomberg via Getty Images)

    Beaucoup craignent que Twitter, sous la houlette d’Elon Musk, ne tombe dans l’escarcelle des trolls et des harceleurs. C’est possible. Mais au lieu de se disputer pour savoir qui devrait être exclu de Twitter, nous devrions nous intéresser aux raisons d’être de Twitter et à l’impact recherché du réseau social sur le comportement de ses utilisateurs.

    À entendre la classe bavarde libérale la semaine dernière, l’achat de Twitter par Elon Musk n’est pas seulement une mauvaise nouvelle – c’est l’apocalypse.

    « Une prise de contrôle par Musk pourrait véritablement être un pas important vers l’effondrement de la démocratie », commence un tweet. Elizabeth Warren a ajouté que l’accord était « dangereux pour notre démocratie. »

    « Nous verrons peut-être rétrospectivement que Twitter a enfoncé le dernier clou dans le cercueil de la possibilité de s’attaquer au changement climatique », a déclaré un autre tweet. Un autre encore se lamentait que se connecter à Twitter avant l’arrivée de Musk revenait à faire la fête dans une boîte de nuit de Berlin « au crépuscule de l’Allemagne de Weimar. »

    Pour résumer : la démocratie est morte, le changement climatique est imparable, l’enfer est vide, et tous les démons viennent sur Twitter parce que l’homme le plus riche du monde l’a acheté.

    Mais le véritable marché du diable est celui que nous avons obtenu lorsque nous avons migré notre discours public vers les plateformes de médias sociaux. Les spéculations sur les changements dont Musk pourrait se faire le champion sur Twitter servent de couverture au vrai problème : l’indignation induite par les algorithmes, qui transforme nos pensées et notre attention en une marchandise.

    L’enfer, c’est les autres en ligne

    Si le discours sur la « fin est proche » semble un peu mélodramatique, c’est une caractéristique principale, et non un bug, du site que notre Edgelord Empereur Elon possède désormais.

    Ces dernières années, plusieurs concepteurs de plateformes de médias sociaux ont admis que leurs systèmes créaient une dépendance et que les algorithmes qui médiatisent notre expérience et décident du contenu que nous voyons exploitent les « déclencheurs » négatifs dans notre cerveau. Selon l’étude universitaire intitulée « Angry by Design », les sites choisissent de diffuser des messages négatifs et émotionnels plus loin et plus vite.

    En conséquence, Twitter fonctionne principalement sur la peur, l’indignation et les clics haineux. Ce n’est pas vraiment une déclaration révélatrice. Savoir que les médias sociaux sont nuls fait partie de l’humeur ambiante du discours. Pourtant, de vastes pans de la population ne semblent pas se lasser de se déchaîner à l’intérieur de la machine et contre elle.

    Les chiffres ne mentent pas. Le temps que nous passons à consommer des médias numériques a augmenté pendant les périodes de confinement du Covid et n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant 2019. On estime que le temps que nous passons devant des écrans a dépassé les huit heures par jour, soit environ la moitié de notre vie éveillée. L’Américain moyen passe plus de deux heures par jour sur les médias sociaux, ce qui est plus que ce que beaucoup d’entre nous passent à parler aux gens en face à face. La distinction entre un monde « en ligne » et un monde « hors ligne » est elle-même en train de perdre son sens.

    C’est pourquoi je remets en question l’une des hypothèses sous-jacentes que les libéraux ont adoptées en matière de liberté d’expression. Ils prétendent que l’engagement de Musk en faveur de la liberté d’expression sur Twitter se traduira par un tsunami croissant de nouveaux discours de haine, de désinformation et de harcèlement qui inonderont nos fils d’actualité. Leur argument semble être que les discours répréhensibles émanent d’individus qui sont méchants dans le monde hors ligne et que leur méchanceté se propage en ligne. Twitter doit les exclure afin de préserver l’intégrité de notre discours public. Musk ne veut pas faire cela, il pourrait donc devenir responsable d’une marée montante de fascisme.

    Mais si c’était le contraire ? Peut-être que l’architecture numérique des médias sociaux, qui incite à la haine, est au moins partiellement responsable de la déformation de nos pensées et de notre communication, et non l’inverse.

    En 2018, le New York Times a publié une histoire accablante sur le rôle spécifique de Facebook dans l’encouragement de la violence sectaire au Sri Lanka. Le Council on Foreign Relations a publié un rapport sur la haine alimentée par les médias sociaux qui se transforme en violence réelle, et qui a entraîné une hausse de la violence chez les adolescents américains. C’est peut-être la preuve que le contraire de ce que pensent les libéraux est vrai : plutôt que de tenir les mauvaises personnes à l’écart des plateformes numériques, nous devrions peut-être tenir les gens à l’écart des plateformes numériques pour qu’ils ne deviennent pas mauvais.

    La vérité est que Twitter était déjà conçu pour attiser la colère, susciter l’indignation et renforcer le tribalisme politique avant qu’Elon Musk ne le rachète – parce que cela permet aux utilisateurs de rester en ligne plus longtemps et que chaque minute passée devant un écran est monétisable. Le problème, alors, n’est pas l’engagement de Musk envers la liberté d’expression. C’est l’appât du gain des plateformes privées qui existent pour le discours public.

    Le brassage des milliardaires

    La liberté d’expression n’existe pas en ligne. Pas vraiment. Twitter est une société qui vaut des milliards, et le public est à la fois le client et le produit – avec ou sans Musk.

    La semaine dernière encore, Twitter était détenu par une confédération de capitalistes. Son principal actionnaire était le Vanguard Group, une société d’investissement dont les actifs s’élèvent à 7 000 milliards de dollars, soit environ vingt-cinq fois plus que la fortune de Musk. Le deuxième était Kingdom Holding, une société contrôlée par le prince saoudien milliardaire Alwaleed bin Talal. L’année dernière, un procès a révélé comment Twitter était complice de la répression du prince héritier Mohammed bin Salman contre les dissidents et les critiques du régime.

    L’arrivée de différents milliardaires à la tête de l’entreprise fera-t-elle une grande différence ?

    La réponse est probablement non, tout comme le Washington Post n’a pas fondamentalement changé après le rachat par Jeff Bezos, un autre milliardaire de la tech comparable à Musk. Mais la Silicon Valley doit être ravie que ce soit la seule question que l’on se pose en cette période d’actualité. Quelques entreprises de la Big Tech, dont des sociétés de médias sociaux, ont dépensé 70 millions de dollars en lobbying auprès du gouvernement fédéral en 2021. Face à un cycle d’indignation sur la liberté d’expression en ligne, le discours de Washington sur le démantèlement des monopoles très lucratifs de Facebook et Twitter sur l’économie de l’attention a été mis en sourdine.

    Les entreprises technologiques bénéficient de la conviction que le principal problème de leurs produits est que certaines personnes ne les utilisent pas correctement. Cela conduit inévitablement à une discussion sur les modérateurs éclairés chargés de récompenser les bons discours et de punir les mauvais.

    Perdu dans tout ce bruit autour de Musk, il y a un débat plus profond sur la construction de réseaux de médias sociaux démocratiques à partir de la base, des réseaux qui pourraient favoriser une interaction humaine plus positive ou constructive, et nourrir nos meilleurs anges au lieu de nos démons les plus sombres. Mieux encore, nous pourrions parler de la reconquête de la sphère publique vidée du monde physique, où la liberté d’expression est plus grande.

    Au lieu de cela, c’est comme si le « site de l’enfer », comme on le surnomme souvent, était destiné à rester à jamais l’épicentre de la communication humaine, et que nous n’étions capables que de nous chamailler pour savoir qui mérite d’être expulsé de cette plateforme par ailleurs incontestée. Il semble que les utilisateurs de Twitter soient collectivement liés à Prométhée, éternellement condamnés à taper sur nos machines à misère 280 caractères à la fois pendant que le logo de l’oiseau Twitter nous mange le foie chaque jour.

    Et si vous êtes d’accord, veuillez retweeter ceci.

    Source : https://www.les-crises.fr

    Auteur : Ryan Zickgraf

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  • Mélenchon peut-il vraiment être Premier ministre ? Entretien avec Benjamin Morel  (elucid-25/05/22)

     

     

    Jean-Luc Mélenchon fait le pari qu’il sera Premier ministre au sortir des élections législatives. Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à Paris 2 et dont les thèmes de recherches portent notamment sur les institutions politiques, juge le scénario « pas impossible », notamment en cas de surmobilisation de l’électorat de gauche. Il revient sur les précédentes expériences de cohabitation dans la Ve République et envisage les conséquences d’une éventuelle cohabitation Macron/Mélenchon.

    Laurent Ottavi (Élucid) : Pensez-vous que les prochaines élections législatives pourraient accoucher d’une cohabitation ?

    Benjamin Morel : À ce stade c’est peu probable, mais pas impossible. Il faut, pour le comprendre, saisir les deux phénomènes qui servent le groupe « Ensemble-Renaissance-LREM-Emmanuel-Macron », et en nuancer la portée. Le premier point a trait à la mobilisation de l’électorat. On dit souvent que, lors des élections législatives, les Français veulent donner au président de la République une majorité pour gouverner. C’est un classique de commentateur politique… mais c’est faux. Les électeurs de l’opposition ne tombent pas du jour au lendemain en pâmoison devant le président élu.

    En réalité, on assiste à un phénomène classique de participation différentielle. L’électorat du président a gagné ; il est content, motivé, ragaillardi ; il se déplace pour les législatives. L’électorat de l’opposition est déprimé ; il est groggy, désespéré, et donc plus largement abstentionniste. Beaucoup d’électeurs ne se déplacent que quand ils pensent que leur vote sera utile. S’ils jugent que c’est perdu d’avance, alors ils restent à la maison.

    Or, dans cette élection, Jean-Luc Mélenchon a réussi à donner le sentiment à l’électorat de gauche que rien n’était perdu, que la victoire était à portée de main. C’est un coup magistral, car tout d’un coup on assiste à une surmobilisation de l’électorat de gauche qui, couplée à l’union, peut permettre à la gauche d’atteindre le second tour dans beaucoup de circonscriptions. Le simple fait que tout le monde s’interroge sur la cohabitation, alors qu’elle demeure peu probable, montre combien il s’agit d’un coup de maître.

    Le second phénomène, qui joue en faveur de la majorité, est sa position centrale. Dans un système politique tripolaire, au vu du mode de scrutin, les partis centristes disposent d’une rente de situation incroyable. Si le candidat LREM se retrouve face à la NUPES, il pourra compter sur l’électorat de droite. S’il se retrouve contre un candidat RN, il pourra compter sur l’électorat de gauche. Les castors de gauche et les castors de droite font que, quoi qu’il arrive, c’est Macron qui gagne à la fin. Même avec 25 % de l’électorat derrière elle, LREM peut obtenir facilement 60 à 75 % des sièges.

    « Si l’électorat droite-RN-Reconquête refuse de choisir au second tour, et que la mobilisation que l’on constate à gauche s’amplifie, il y a une possibilité. C’est pour cela que l’on assiste à une stratégie de diabolisation de la NUPES de la part de la majorité. »

    Il y a cependant deux limites à cette stratégie. La première a trait à un refus de choisir de la part des électeurs de droite, notamment RN, qui préféraient s’abstenir voire voter NUPES. Or, dans un contexte d’abstention importante, celui qui l’emporte n’est pas celui qui a l’électorat potentiel le plus large, mais celui qui parvient le mieux à mobiliser son électorat. Si l’électorat de droite-RN-Reconquête refuse de choisir, et que la mobilisation que l’on constate à gauche s’amplifie, il y a une possibilité. C’est pour cela que l’on assiste à une stratégie de diabolisation de la NUPES de la part de la majorité. Il faut « castoriser » la droite.

    Élucid : Que risquerait-il de se passer si, au contraire, l’abstention était faible ?

    Benjamin Morel : La seconde possibilité serait en effet une surmobilisation de l’ensemble de l’électorat qui conduirait à une multiplication des triangulaires. Marine Le Pen, qui part en vacances puis revient pour expliquer au journal de 20 h à ses électeurs que tout est foutu, qu’Emmanuel Macron a gagné… donc en gros qu’ils feraient mieux de rester chez eux, n’y aide pas…

    Pour avoir une triangulaire, il faut que trois candidats fassent plus de 12,5 % des inscrits au premier tour. Avec 50 % d’abstention, c’est anecdotique. Avec 40 % c’est possible. Avec 30-25 %, ça devient beaucoup plus répandu. Or, si vous avez des seconds tours gauche-LREM-droite, la gauche à l’électorat uni peut avoir l’avantage. Même si l’un de ces scénarii advenait, ça ne serait pas gagné.

    On évalue encore mal le poids de dissidents socialistes qui peuvent faire perdre un nombre substantiel de sièges à la gauche si leur campagne est organisée et visible au niveau national. Surtout, l’électorat de gauche est plus concentré géographiquement. C’est très bien pour établir des fiefs électoraux. Toutefois, pour emporter une élection, mieux vaut faire 51 % dans 289 circonscriptions que 75 % dans 100. Bref, comme le dirait un philosophe poitevin, « la route est droite, mais la pente est forte ».

    La cohabitation n’était pas censée relever de l’esprit de la Ve république. Le principe fut accepté par Giscard et elle fut pratiquée par les présidents Mitterrand et Chirac. Quel bilan tirez-vous de ces deux précédents ? 

    Les cohabitations n’ont pas été dysfonctionnelles. Les deux têtes de l’exécutif n’ont d’ailleurs jamais été aussi structurellement populaires que lors de ces périodes de cohabitation. Toutefois, cela est lié à l’intelligence des acteurs politiques et à leur capacité à faire prévaloir la continuité des institutions sur une tentation de sabotage.

    Il faut voir que le président de la République a peu de pouvoir en droit. Il a essentiellement des pouvoirs d’exception devant permettre de débloquer des situations de crises (article 16, dissolution, référendum sur un projet de loi proposé par le gouvernement…) En revanche, il dispose d’un très fort pouvoir de nuisance. Beaucoup d’actes (projets de loi, ordonnances, convocation du Parlement en session extraordinaire, décrets de nomination…) nécessitent un aval ou un contreseing présidentiel. S’il le refuse, le programme politique du gouvernement est bloqué.

    Jacques Chirac et François Mitterrand ont joué à la marge à ce jeu (sur les ordonnances et les sessions extraordinaires essentiellement), mais ont accepté que le gouvernement mène la politique pour laquelle sa majorité avait été portée au pouvoir. De même, ils ont accepté de nommer Premier ministre le chef de la majorité, ce à quoi rien ne les obligeait. Quand Jacques Chirac a refusé Matignon en 1993, François Mitterrand a nommé celui que lui proposait Jacques Chirac, un fidèle ami de 30 ans, Edouard Balladur. Toutefois, le président aurait pu, comme MacMahon l’a fait en 1877, s’entêter à nommer des Premiers ministres refusés par la majorité. Il aurait aussi pu tenter de fracturer cette dernière. Mitterrand aurait pu nommer un UDF en lui proposant le soutien du PS par exemple… aucun ne s’est risqué à ces jeux parlementaires.

    « En cas de cohabitation, on pourrait s’attendre à une dissolution présidentielle à la première difficulté. Stratégiquement, le premier texte à adopter serait donc l'introduction de la proportionnelle. »

    De leur côté, les Premiers ministres ont ménagé l’Élysée. Ils auraient pu la condamner à « inaugurer les chrysanthèmes », comme Clémenceau le disait des présidents de la IIIe République. Mais, ils ont laissé au chef de l’État la possibilité d’intervenir dans ce que l’on appelle le « domaine réservé ». Ce dernier n’existe pas en droit. Mais il relève d’une convention implicite entre acteurs politiques, permettant un apaisement des relations.

    L’Histoire risque-t-elle d’après vous de se répéter de façon similaire avec un Jean-Luc Mélenchon Premier ministre ?

    Si l’on est arrivé à ce modus vivendi, ce n’est pas par pur sens de l’État. C’est aussi parce que chaque Premier ministre de cohabitation s’est présenté aux élections présidentielles suivantes, et n’avait donc pas envie de trop affaiblir la fonction. Or, on peut penser que le logiciel très « parlementaire de Jean-Luc Mélenchon » et son âge ne le porteront pas vraiment à ce type de compromis.

    C’est aussi, car les présidents avaient pour espoir d’être réélus aux prochaines élections et pouvaient donc prendre leur mal en patience, ou bien étaient très affaiblis comme Mitterrand en 1995. Or, on voit mal Emmanuel Macron accepter d’inaugurer les chrysanthèmes. Quand bien même il y aurait cohabitation, on pourrait s’attendre rapidement à une dissolution présidentielle à la première difficulté de la majorité NUPES. Le premier texte à adopter serait donc une réforme électorale introduisant la proportionnelle pour éviter que le président puisse parier sur une monopolisation des pouvoirs par la reconquête d’une majorité pléthorique.

    Pensez-vous que la NUPES puisse s’imposer dans le temps long en cas de victoire aux législatives ou trop de divisions la perdrait-elle fatalement ? 

    On fait campagne en vers, et on gouverne en prose. Devant la réalité du gouvernement, les points les plus crispants peuvent faire l’objet d’une approche pragmatique par ailleurs enrichie du soutien de l’administration. La possibilité d’une telle majorité à tenir dépend de deux choses. D’abord de la solidité et du réalisme du contrat de coalition. Quand je parle de réalisme, je ne veux pas dire qu’il ne doit pas être ambitieux, mais il ne doit pas écarter les difficultés.

    Il n’est pas dit que les taux d’intérêt restent bas ou que la BCE accepte d’annuler ou de racheter de la dette. Que fait-on alors ? Il n’est pas certain que nos partenaires européens acceptent que nous désobéissions aux traités. Si c’est le cas et que des sanctions ou contre-mesures sont prises, que fait-on ? Bref, si le contrat de coalition ne prend pas en compte les obstacles extérieurs, ceux-ci risquent de mener à des crises profondes.

    « La principale menace pour la NUPES serait les appels du pied d’une majorité alternative par exemple entre LREM, EELV et le PS. »

    Le second facteur est politique. Le mode de scrutin est assez favorable à la cohésion des majorités. Si votre coalition explose et qu’aucun gouvernement ne peut être formé, le Président devra dissoudre. Si vous partez aux législatives divisés, en ayant en plus fait montre de votre incapacité à gouverner, vous serez laminé. L’instinct de survie peut faire durer la coalition. La principale menace pour elle serait les appels du pied d’une majorité alternative par exemple entre LREM, EELV et le PS. Cela dépendrait en grande partie du profil des députés et du champ des alliances qu’ils sont capables d’envisager.

    Quelles conséquences une cohabitation pourrait-elle avoir sur le paysage politique actuel ? Pourrait-elle redonner une dynamique à des partis jugés morts au vu de leurs résultats à la présidentielle ou, au contraire, favoriser la naissance de nouvelles forces politiques à droite comme à gauche ? 

    C’est vraiment difficile à dire. On vit une crise politique profonde avec une forte désaffiliation des Français vis-à-vis des identités partisanes, mais aussi politiques. L’électorat est assez fluide et se retrouve plus sur des personnalités charismatiques et quelques marqueurs politiques forts. On a deux sujets structurant de la vie politique. Le triptyque identité-sécurité-immigration, sur lequel la gauche est, sinon minoritaire, disons pour le moins mal compris par les électeurs. Les sujets économiques et sociaux, sur lesquelles la gauche, y compris dans ses propositions vues comme les plus radicales, peut être majoritaire.

    Une grande partie de l’électorat se compose et se décompose au regard de ces problématiques. Il ne suffit pas d’être majoritaire un jour pour fidéliser un électorat, il faut aussi lui proposer un logiciel stable à vocation majoritaire et lui donner le sentiment d’une identité politique. Pour l’instant, rien n’est évident tant à gauche qu’à droite. Par ailleurs, un parti, ce sont des cadres assez nombreux et bien formés. Il en existe à LFI, mais pas assez pour vraiment s’inscrire dans le temps. Le PS est devenu un parti d’élus locaux faisant primer l’intérêt du fief sur l’intérêt général du parti, ce qui est destructeur à terme.

    En bref, pour avoir un parti, vous avez besoin d’un logiciel idéologique stable à vocation majoritaire et d’une armée de cadres et de militants ayant pour unique objectif de faire triompher ces idées au niveau national ; les échelons locaux n’étant que des instruments de conquêtes ou de déclinaison du logiciel. Pour l’instant, rien de tout ça n’existe dans la vie politique française. Ce qui se rapprocherait le plus d’un parti à l’ancienne reste LFI et le RN.

    Propos recueillis par Laurent Ottavi.

    source: https://elucid.media/

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