Fadi Kassem, agrégé de l’université, syndicaliste, secrétaire national du Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) et porte-parole de l’Alternative rouge-tricolore, propose de remettre le concept de souveraineté nationale et populaire au centre des débats afin d'écarter le duopole incarné par Macron et Le Pen.
Pour les médias dominants, l’affaire est entendue : le second tour de 2022 opposera Emmanuel Macron à Marine Le Pen. En effet, à la suite du pseudo "débat" Le Pen-Darmanin diffusé sur France 2, tout est fait pour nous préparer au nouveau faux "duel" et vrai duo Macron-Le Pen ; pourtant, Atlantico révélait il y a peu que 80 % des Français ne veulent pas de ce scénario catastrophe qui voudrait les forcer à "choisir" entre "bonnet brun et brun bonnet", entre Macron prenant Le Pen de droite et cette dernière n’hésitant plus à déclarer son amour à l’UE et aux accords de Schengen !
Fausses alternatives
En réalité, Macron et Le Pen sont les deux faces d’une même médaille capitaliste et euro-atlantiste. Tous deux issus de l’oligarchie, ils partagent les mêmes haines antisyndicales, anticommunistes, antirépublicaines et même, quand on y regarde de près, ils sont deux variantes d’un euro-atlantisme qui va d’Angela Merkel à Victor Orban. Mais alors qu’une majorité de citoyens rejette ce scénario et se réfugie dans l’abstention massive depuis les législatives de 2017 (57 % au second tour), aucune alternative susceptible de conjurer le désastre annoncé ne parvient encore à émerger. Et pour cause !
Ce ne sont ni les satellites macronistes ("socialistes" et "écolos" Macron-compatibles comme Anne Hidalgo ou Yannick Jadot, "Républicains " comme Xavier Bertrand), ni les voltigeurs du Rassemblement lepéniste comme Nicolas Dupont-Aignan – qui accepta de devenir Premier ministre de Le Pen en 2017… – qui changeront la donne pour les classes populaires et moyennes, alors même que les licenciements prolifèrent, que les euro-privatisations dépècent les services publics et que les structures productives industrielles et agricoles de la France sont détruites à vitesse grand V par un capitalisme de plus en plus financiarisé, euro-mondialisé et antinational.
La solution ne viendra pas non plus de l’improbable "union des souverainistes des deux rives" car ses tenants ne souhaitent nullement rompre avec le capitalisme ni même, le plus souvent, avec l’euro, l'OTAN et l’UE. À l’image du mensonger Front populaire de Michel Onfray, ces projets ne peuvent que dérouler un tapis brun pour le RN, leurs obsessions antijacobines, leur anticommunisme et leur identitarisme occidentaliste n’ayant d’égale que leur docilité à l’égard de l’Europe atlantique et du grand capital.
Le salut ne viendra pas davantage des tentatives désespérées de reconstituer la "gauche plurielle", sous la forme édulcorée d’une "candidature unique" associant PS maastrichtien et "écolos" : comme Mitterrand, Jospin et Hollande, cette euro-gauche "plus rien" capitulera devant l'UE. Rien d’exaltant à attendre non plus d’une énième candidature promettant l’"Europe sociale" ou prétendant illusoirement "réviser les traités européens" sans sortir de l’UE ; la dialectique promue par Jean-Luc Mélenchon en 2017 ("l’UE, on la change ou on la quitte !") a d’ailleurs été mise sous l’éteignoir depuis que la France insoumise a adoubé la très europhile eurodéputée Manon Aubry, qui n’hésite pas à célébrer les 70 ans de la déclaration Schuman du 9 mai 1950…
Quant au PCF, sa schizophrénie politique est patente. En effet, comment incarner l’alternative en restant affilié au Parti de la Gauche européenne (PGE) subventionné par l'UE et en se subordonnant à Lille, la ville de Fabien Roussel, à une liste régionale conduite par les euro-fédéralistes du PS et d’EELV ?
L'importance de la souveraineté nationale et populaire
Pourtant, la situation politique, sociale, économique, environnementale, sanitaire, internationale même, n’a jamais été aussi grave depuis 40 ans. Depuis que, au détour des années 1980-1990, la re-mondialisation du capitalisme a accentué la soumission des travailleurs de France et du monde aux diktats du grand capital, la construction de cette prison des peuples européens qu’est l’UE et l’application des "critères de Maastricht" indispensables à l’euro s’est traduite par le démantèlement des services publics – à l’image du secteur de la santé dont Bruxelles a exigé à 63 reprises, entre 2011 et 2018, la "réduction des dépenses". À suivi le démantèlement par les euro-gouvernements successifs des conquêtes sociales issues du Conseil national de la Résistance (CNR) et mises en place en 1945 sous l’impulsion des ministres communistes Ambroise Croizat, Marcel Paul, Maurice Thorez, etc.
On assiste ainsi à l’euro-dissolution de la République une, laïque et indivisible et de la France dans le cadre du "saut fédéral européen" et du "pacte girondin" chers à Macron : l’Alsace est devenue "Collectivité européenne", la mairie PS-EELV de Nantes délivre désormais des certificats de naissance en français ET en breton et, en application d’une directive européenne servilement exécutée par Macron, les nouvelles cartes d’identité seraient même désormais libellées en français ET en anglais – ce qui revient, sans le moindre débat parlementaire, à destituer le français de son statut constitutionnel d’unique langue officielle commune de la République française.
En outre, ces dernières années, les colères populaires se sont multipliées, poussant à une répression aveugle de la part d’un appareil d’État au sein duquel prolifèrent des éléments réactionnaires, voire racistes : Gilets jaunes, syndicalistes de combat, travailleurs en lutte, lycéen(ne)s et étudiant(e)s, monde de la culture, sans-papiers, tous ont expérimenté la fascisation croissante de l’État, dont la principale fonction est de subventionner à fonds perdu le profit privé et de garantir manu militari l’ordre euro-atlantique. Ces colères n’ont toutefois pas trouvé de débouché politique en mesure de satisfaire leur désir de justice sociale, de sécurité, de liberté, de dignité. Comment pourrait-il en être autrement lorsque les citoyens de France sont totalement privés de souveraineté !
C’est pourquoi le concept de souveraineté nationale et populaire, c’est-à-dire de la capacité pour notre peuple de maîtriser son destin, jouera un rôle central en 2022. En effet, où est la souveraineté politique quand l’ordre juridique européiste s’impose en tout ? Où est la souveraineté monétaire quand la BCE indépendante s'apprête à imposer de nouveau, une fois passé le gros de l’épidémie, l'austérité à perpétuité ? Où est notre souveraineté militaire et diplomatique quand la France, redevenue vassale de l’OTAN, obéit à Washington, tandis que l’Allemagne exige de notre pays qu'il cède à l’UE (donc, indirectement… à Berlin) son siège de membre permanent au Conseil de sécurité ? Où est la souveraineté économique quand les forces du Capital – MEDEF, FMI, OMC, Banque mondiale – imposent la « grande réinitialisation » capitaliste en évinçant les petits industriels, artisans, commerçants et petits agriculteurs tout en sabrant l’emploi des travailleurs industriels et le statut des petits et moyens fonctionnaires ?
Voilà pourquoi, à l’approche de 2022, face à une situation mortifère pour les travailleurs et pour la France, j’ai été chargé par le PRCF d’être le porte-parole d’une Alternative rouge-tricolore en rupture avec l’euro, l’UE, l’OTAN et la domination du grand capital. Une campagne visant au rassemblement des citoyens désireux de reconstruire une République une et indivisible, sociale et laïque, souveraine, démocratique et fraternelle, maîtrisant les secteurs clés de son économie par la nationalisation démocratique. C’est indispensable pour affronter efficacement ce capitalisme prédateur qui "n’engendre la richesse qu’en épuisant ses deux sources, la Terre et le travailleur" (Marx).
Pour écarter le faux "duel" et vrai duo annoncé, pour qu’adviennent les "nouveaux Jours heureux " dont nous avons tant besoin, en lien étroit avec les militants du PRCF et avec les luttes sociales, je m’y emploie de toutes mes forces !