Aurélie Trouvé, une « femme de combat(s) »

Au moment où Aurélie Trouvé a rejoint l’Union Populaire en décembre 2021, nous avions publié un portrait dans nos colonnes. De par ses engagements et activités multiples, elle se situe à la frontière des champs associatifs, médiatiques, politiques, intellectuels et militants. Rien que ça. Ingénieur agronome, maîtresse de conférences à AgroParisTech, docteure en science économique, co-présidente d’Attac de 2006 à 2012, puis porte-parole de l’association de 2016 à 2021, Aurélie Trouvé est inclassable.

Qui ne l’a jamais croisée en allant manifester ? Figure des rosies lors du mouvement historique contre la réforme des retraites, à l’initiative de la gouache sur la vitrine de la Samaritaine le 3 juillet dernier, des fauchages de chaises dans les banques aux contre-sommets du G7… Aurélie Trouvé a été de toutes les luttes, de tous les mouvements sociaux ces dernières années.

Le bloc arc-en-ciel

Après onze ans de bons et loyaux services à la tête d’Attac, Aurélie Trouvé a décidé de s’engager dans le champ politique en rejoignant l’Union populaire en décembre dernier. C’est elle qui a présidé son Parlement. Il était chargé de représenter, d’unir la diversité des luttes sociales, écologistes, féministes, et antiracistes du pays et de faire lien avec la campagne présidentielle de l’Union populaire.

L’objectif décrit dans son ouvrage Le bloc arc-en-ciel : Pour une stratégie politique radicale et inclusive, publié à la rentrée, est précisément celui-ci : arriver à unir, enfin, les différentes forces magnifiques en présence, majoritaires dans le champ des idées, mais divisées. « Une alliance de forces suffisamment large pour espérer prendre le pouvoir et l’exercer de façon démocratique pour construire un monde d’après le patriarcat, le capitalisme, le racisme et le productivisme ».

Aurélie Trouvé, micro à la main, prend la parole pendant l’Assemblée populaire organisée à Noisy-le-Sec.

Aurélie Trouvé ? Une « femme de combat(s) » selon un militant. « Même avant qu’elle rejoigne l’Union populaire, je [la] suivais : Attac, AgroParisTech, gauche arc-en-ciel… Je connais sa sincérité politique, je connais son engagement, ses convictions qui n’ont jamais été ébranlées », nous confie-t-il. Plus précisément, qu’est-ce qui fait d’elle une bonne candidate en Seine-Saint-Denis alors ? « Parce qu’elle a vécu longtemps en Seine-Saint-Denis et qu’elle est très au fait des problématiques locales ! »

Mehmet Ozguner, le suppléant d’Aurélie Trouvé, nous donne une autre analyse : « Les gens me demandent : ‘c’est quoi son parcours ?’ » commence-t-il. « Je leur réponds : ‘Elle vient d’Attac, du monde associatif !’ . Ça rassure les gens ! Tu sais, ce rapport conflictuel entre la politique et les quartiers populaires… Aurélie, elle vient avec autre chose, avec d’autres codes pour faire de la politique. »

La Seine-Saint-Denis, « un département qui cumule les inégalités sociales et environnementales »

À Noisy-le-Sec, 200 personnes étaient présentes. Aurélie Trouvé connaît bien la Seine-Saint-Denis. Elle y a vécu longtemps et connaît toutes les problématiques auxquelles elle doit se confronter : « C’est un département qui cumule les inégalités sociales et environnementales. C’est un département dont on ne dépollue pas les sols, qui subit les autoroutes, les nationales, les aéroports pour les riches et tant d’autres, avec un air pollué et saturé. C’est aussi un département dont on enlève les derniers espaces verts, et on laisse faire la spéculation des grands promoteurs immobiliers ! » s’est-elle exclamée pendant sa prise de parole.

Du monde était présent Place des Découvertes à Noisy-le-Sec pour l’Assemblée populaire.

Élisabeth Borne, « la responsable d’une casse sociale énorme et qui va continuer à la porter ! »

« C’est un département qui cumule à la fois la destruction des services publics… Et on sait ce que c’est d’être parent ici quand on n’a pas d’AESH pour nos gosses. On sait ce que c’est ici, dans les hôpitaux publics, à la limite de la maltraitance parce qu’il n’y a pas assez de moyens et de soignants. Et encore, on veut nous enlever la maternité des Lilas, et encore on veut nous dézinguer Jean Verdier ou même l’Hôpital de Montreuil dont on dépend aussi. Voilà ce qu’il se passe en Seine-Saint-Denis ! » Tonnerre d’applaudissements.

Une chose est sûre : la situation continuera de s’aggraver en Seine-Saint-Denis et partout dans le pays si tous les pouvoirs sont laissés à Emmanuel Macron. Le monarque présidentiel n’a d’ailleurs pas hésité à nommer Élisabeth Borne à Matignon, « l’une des figures les plus dures de la maltraitance sociale macroniste » selon Jean-Luc Mélenchon, déterminé à lui succéder au lendemain des élections législatives. Vis-à-vis d’Élisabeth Borne et Emmanuel Macron, les mots d’Aurélie Trouvé sont durs.

« Nous partageons de la colère ensemble, contre un président de la République qui est le plus mal élu depuis 1969. C’est un président élu par 1 Français sur 3, qui a bénéficié d’un vote barrage extraordinaire, et qui, tout de suite après nous annonce qu’il veut faire passer la retraite à 65 ans par 49.3, qui vous annonce avec tout le grand mépris qu’il a une nouvelle Première ministre : Élisabeth Borne ! »

« Élisabeth Borne, on s’en souvient. J’ai une pensée pour les 1,15 million de chômeurs, qui ont vu leurs droits réduits à cause de sa réforme de l’assurance-chômage. C’est la responsable de cela. Élisabeth Borne, c’est quoi aussi ? C’est le fait d’offrir aux concessionnaires d’autoroutes des cadeaux mirobolants.

C’est quoi aussi Élisabeth Borne ? C’est la destruction du statut des cheminots ! Voilà qui on nous met comme Première ministre ! C’est quelqu’un qui est responsable d’une casse sociale énorme et qui va continuer à la porter ! » Aurélie Trouvé a ainsi résumé pourquoi une majorité de députes de la NUPES devait être envoyée à l’Assemblée nationale, et ainsi propulser Jean-Luc Mélenchon à Matignon écourter le court intérim de cette nouvelle Première ministre, fraîchement nommée.

« Il faut s’engager, il y a une nouvelle échéance qui s’ouvre »

Comme nous vous le racontons à chaque étape de notre tour de France, les nouveaux militants affluent. Ryan en fait partie de ses militants, pour qui la rage de la défaite du 10 avril fut un électrochoc : « Lorsque le résultat est tombé ce ‘joyeux’ soir du 10 avril, j’ai rejoint le GA LFI à Noisy-le-Sec. Je voulais remettre la main à la pâte: c’est mon cas mais aussi le cas d’autres jeunes en Île-de-France. » Ryan nous parle de l’abstention. 36% dans la circonscription d’Aurélie Trouvé pour le premier tour de l’élection présidentielle. Il sait que les élections législatives sont toujours boudées par les citoyens. Mais il est confiant, convaincu qu’ils réussiront à remobiliser pour le 3ème tour.

« Il faut s’engager, il y a une nouvelle échéance qui s’ouvre » : voilà ce que répète Mehmet Ozguner à toutes les personnes qu’il rencontre sur le terrain. Ému, il évoque ceux qu’il avait croisés le soir du 10 avril. En larmes, ils l’arrêtaient dans la rue : « Mehmet ? Qu’est ce qu’on va devenir ?! » Il nous parle de son père, comme il l’a fait pendant sa prise de parole. Il est déjà si fatigué à 50 ans, le dos cassé par un travail harassant. Travailler jusqu’à 65 ans ? Impossible. C’est pourtant ce que le duo Macron-Borne nous promettent.

Quelles mesures souhaite porter Aurélie Trouvé si elle est élue à l’Assemblée nationale ? Des mesures très concrètes pour changer la vie de chacun : « SMIC à 1500 euros net par mois, rehausse de tous les bas salaires, revenu minimum à 1 000 euros pour tout le monde, alimentation saine pour toutes et tous : cantines remuncipalisées, 100% bio gratuites et locales pour tous ! ». Les gens sont pris à la gorge. Ils subissent de plein fouet l’inflation galopante. Emmanuel Macron et tous ceux qui l’entourent ne s’en rendront visiblement jamais compte, vu le programme de casse sociale promis par le chef de l’État.

Aurélie Trouvé a tenu à insister sur la question de l’alimentation et des cantines : « L’alimentation, il y a énormément d’inégalités sociales autour. Ceux qui mangent les produits les plus sucrés, salés, transformés, ce sont les couches les plus précaires. Aujourd’hui, le bio, le local ne sont accessibles qu’à une couche privilégiée. Moi, j’ai à cœur de porter une mesure pendant ce mandat : des cantines remunicipalisées, 100% bio, locales, gratuites pour toutes et tous, pour que tous les enfants puissent manger, bio,, gratuit, et local. »

« C’est uniquement une question de volonté politique, et ça sera uniquement une question de vote ! »

Elle n’oublie pas d’évoquer le partage du temps de travail, le chômage qui continue de faire souffir le pays et qui ne baisse pas, contrairement à ce que les libéraux aiment à prétendre. « Nous allons garantir un emploi à chacune et chacun, en partageant le travail grâce à la retraite à 60 ans et à la semaine de 35 heures, voire 32 heures, mais aussi en créant 3 millions d’emplois, là où on en a essentiellement besoin. »

« Que ce soit clair, c’est uniquement une question de volonté politique, et ça sera uniquement une question de vote les 12 et 19 juin donc faisons campagne au maximum pour obtenir une majorité à l’Assemblée nationale ! », a ainsi conclu Aurélie Trouvé. Les applaudissements pleuvent.

Après les différents tours de paroles, c’est l’heure de trinquer et danser. Les musiciens font danser les habitants tandis que d’autres refont le monde. Aurélie Trouvé a le sourire. Elle nous décrit comment se mélangent ici des militants historiques de LFI, des nouveaux, souvent jeunes, et des camarades de luttes dans tous les champs qu’elle côtoie : « Ici, c’est la NUPES en chair et en os ! » s’exclame-t-elle. Elle sait néanmoins que rien n’est joué, et que l’essentiel se jouera sur la participation. Rendez-vous dans les urnes les 12 et 19 juin prochains !

Par Nadim Février

source: https://linsoumission.fr/