• Aux urnes salariés ! (nvo.fr-29/12/2016)

    Aux urnes salariés !

    Elections TPE-Du 30 décembre au 13 janvier, les salariés des entreprises de moins de 11 salariés, les très petites entreprises (TPE), sont appelés à voter pour le syndicat qui les représentera dans les négociations nationales ou dans les branches professionnelles. Un gros enjeu pour eux, et donc pour la CGT, qui joue sa position de premier syndicat représentatif alors que la longue mobilisation contre la loi « travail » n’a pas permis d’obtenir les résultats espérés.

    Aux urnes salariés

    On a souvent d’eux l’image d’une assistante maternelle, d’un employé de maison, d’un mécanicien. Ils sont aussi professeur de mathématiques à domicile, pharmacien ou expert dans un cabinet d’études. Et parfois même changent de métier : « De plus en plus de salariés qualifiés qui ne trouvent pas d’emploi dans leur domaine, mais qui tiennent à préserver leur qualité de vie en zone rurale, n’hésitent pas à se former pour aller travailler chez un artisan », précise David ­Gistau, secrétaire de l’union départementale CGT de l’Aveyron.


    Les salariés des TPE sont présents dans tous les secteurs de l’économie. Dans l’artisanat (1,4 million), le commerce et les professions libérales (600 000), chez les particuliers employeurs (1,2 million), les petites associations et l’économie sociale et solidaire (400 000), la petite industrie. Ils représentent environ 4,6 millions de salariés.

    Qui sont souvent isolés ou mal informés de leurs droits comme le montrent les résultats de l’étude Harris Interactive réalisée fin mars 2016. Ainsi, seulement 48 % des salariés des TPE estiment, par exemple, être bien informés de leurs droits 1. Et même si leur profil varie et se diversifie, ils restent également parmi les plus précaires dans leur grande majorité. C’est l’une des raisons pour lesquelles la CGT était arrivée en tête aux dernières élections professionnelles avec 29,54 % des suffrages. Et un bémol : la très faible participation des salariés, 10,4 % (contre 16 % pour les employeurs).

    La représentativité, un double enjeu

    La CGT gardera-t-elle sa place de premier syndicat à l’issue des élections professionnelles dans les TPE ? Après six mois de mobilisation et plusieurs démonstrations nationales d’envergure contre la loi « travail », dans ­lesquelles la CGT a été à l’offensive, cette question revient sans cesse dans les médias, qui ne cessent de présenter ce scrutin comme le couperet qui sanctionnerait une CGT radicalisée et jusqu’au-boutiste face à une CFDT réformiste. « La question de la représentativité est importante, reconnaît Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. « Mais je ne vois pas ça comme une compétition ni une opposition [entre syndicats, NDLR], il s’agit pour les salariés de pouvoir s’exprimer. C’est un moment démocratique. » « La question de la représentativité reste un enjeu fort et symbolique, bien sûr, renchérit Philippe Antoine, conseiller confédéral en charge du dossier des élections dans les TPE. Mais ce n’est pas une compétition entre syndicats car là n’est pas le problème des salariés. Et la CGT, c’est les salariés ». Il n’empêche, comment se mobilise-t-on pour mener campagne auprès des salariés des TPE à l’issue d’une mobilisation sociale longue et infructueuse, dans les faits ? À Pamiers, en Ariège, comme en Île-de-France, les militants investissent le terrain pour inciter les salariés à voter.

    Le commerce en première ligne

    Première organisation de la CGT concernée, la fédération du commerce et des services n’a pas ménagé son engagement dans cette élection. « Les TPE constituent les trois quarts des entreprises de notre périmètre », pose Amar Lagha, secrétaire général de la fédération. Diffusions de tracts, véhicules itinérants, site Internet (www.tpe.cgt.fr), etc., des outils communs à la CGT et à la fédération ont été déployés pour l’occasion.

    Mais quel bilan depuis les élections de 2012 ? Souvent présentée comme le syndicat qui ne sait que refuser, la CGT signait par exemple, le 9 septembre dernier, une convention de lutte contre le travail dissimulé dans le secteur de l’emploi à domicile avec la ministre du Travail et d’autres organisations de salariés et d’employeurs. « Les métiers de l’emploi à domicile, de l’emploi familial, du service à la personne sont souvent méconnus ou difficiles à définir, ils ont pourtant beaucoup progressé, précise Stéphane Fustec, secrétaire de la fédération CGT du commerce et des services. On partait d’une notion de domesticité pour arriver à une construction paritaire avec de la protection sociale : deux conventions collectives, l’une pour les assistantes maternelles, l’autre pour les salariés du particulier employeur (soit 1,5 million de salariés travaillant dans des emplois de proximité et de service). Il reste beaucoup à faire, mais la grille des salaires étendue le 1er avril dernier pour les salariés du particulier employeur est d’un niveau honorable par rapport à d’autres branches professionnelles. »

     

    « À emploi comparable, c’est chez un particulier qu’on est le mieux rémunéré, même si souvent on ne le sait pas, explique Jean-Rémy Acar, patron de la Fédération des particuliers employeurs de France (FEPEM). Tout le travail effectué par les partenaires sociaux a eu pour résultat la division par deux du travail illégal, c’est-à-dire une reconnaissance, une sécurisation des parcours professionnels et de la protection sociale de l’ensemble des salariés. » Un constat nuancé par la CGT. « D’un côté, les choses progressent, analyse Stéphane Fustec. Mais de l’autre, on assiste à une régression avec l’émergence d’un nouveau modèle économique lié à la numérisation de l’économie et qui ne concerne pas que les VTC, les taxis ou les livreurs de repas. L’aide à domicile est aussi touchée. » Un nouvel espace où batailler pour faire valoir les droits des salariés. L’extension du domaine de la lutte CGT.

    1. Enquête Harris Interactive, réalisée entre le 29 mars et 5 avril 2016. Echantillon de 1000 personnes, représentatif des salariés des TPE âgés de 16 ans et plus.

    La représentativité, comment ça marche ?

    La représentativité des organisations syndicales s’apprécie à trois niveaux :
    au niveau national et interprofessionnel, au niveau de la branche professionnelle
    et au niveau de l’entreprise.


    • Pour être représentatif au niveau national et interprofessionnel, un syndicat doit à la fois : avoir recueilli au moins 8 % des suffrages exprimés au global lors des élections professionnelles, des élections TPE et des élections aux chambres départementales d’agriculture et respecter les six autres critères de représentativité 1.


    • Au niveau de la branche : la représentativité suppose qu’on a recueilli au moins 8 %
    des suffrages exprimés, respecté les six autres critères de représentativité 1
    et disposé d’une implantation territoriale équilibrée.


    • Au niveau de l’entreprise, en revanche, il faut recueillir au moins 10 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles et, là encore, respecter les six autres critères de représentativité.

     

    La représentativité syndicale est donc assise sur la mesure de l’audience électorale. Cette mesure résulte de l’agrégation des suffrages recueillis par les organisations syndicales à trois niveaux : lors des élections professionnelles dans les entreprises de 11 salariés et plus ; lors du scrutin organisé auprès des salariés des TPE ; lors des élections aux chambres départementales d’agriculture pour les salariés de la production agricole.

    1. Le respect des valeurs républicaines ; l’indépendance ; la transparence financière ; l’ancienneté minimale de deux ans ; l’influence (activité et expérience) ; les effectifs d’adhérents et les cotisations.

     

    À la rencontre des salariés isolés

    Développer l’activité syndicale dans les TPE au-delà des prochaines élections, c’est l’ambition de la CGT Midi-Pyrénées.

    La CGT ariégeoise initiait, le 15 septembre, à Pamiers, une dix-septième journée contre la loi « travail » depuis le 9 mars. Les militants ont battu le rappel en interpellant les salariés des TPE, dans le cadre de la campagne électorale. Particulièrement nombreux sur ce territoire rural, ils sont aussi particulièrement concernés par l’arsenal El Khomri.

     

    Réalité sociale et impératif syndical


    « Ici, entre 4 000 à 5 000 salariés sont concernés, mais le chiffre est certainement sous-évalué : le territoire a perdu beaucoup d’emplois, dans l’industrie notamment. » Sophie Vicira coordonne les équipes parties visiter les commerces du centre-ville, puis les cantines ouvrières de ­Pamiers et sa périphérie. Elle surveille aussi le stock et gère la répartition des tracts imprimés ce jour-là, à l’occasion du passage de la caravane régio­nale CGT à ­Pamiers. La référente TPE pour l’union dépar­te­mentale de l’Ariège ouvre un bal syndical qui mobili­sera jusqu’à son terme, le 28 novembre, les cinq unions locales et les trois antennes CGT du département.


    « Cette caravane est l’un des outils de terrain que nous déployons pour accom­pagner la campagne, déclare Frédéric Birobent, membre du secré­tariat régional CGT. Il permet, en complémentarité avec la caravane initiée par la fédération du commerce, de couvrir un territoire plus vaste et des secteurs plus larges. »

    Soit 39 villes parcourues en Midi-Pyrénées et une journée coordonnée, le 8 novembre, par les 85 unions locales CGT de la nouvelle grande région Occitanie. Le commerce, bien sûr, est dans le viseur des militants. Le bâtiment et la construction, les professions libérales complètent le portrait d’un salariat qui est également très implanté dans une vie associative et des services à la personne, dont l’utilité le dispute à la nécessité, en Ariège notamment : « On aime rappeler que Midi-Pyrénées est une région constituée de sept départements ruraux et demi sur les huit qui la composent », ajoute le militant.

    Tandis que les salariés du secteur associatif représentaient, en 2014, 11,4 % de l’emploi privé en Midi-­Pyrénées et près de 15 % en Ariège, pour plus de la moitié, leurs employeurs ont moins de trois salariés 1. « Et l’accroissement de la précarité sur nos territoires contribue à augmenter encore le nombre de salariés dans les très petites entreprises et chez les particuliers employeurs, ajoute Lionel Pastre, le secrétaire régional de la CGT. Parce que la loi “travail” s’applique indifféremment à tous, nous avons choisi de nous mobiliser sur les deux fronts pour porter nos revendications, d’une part, et organiser la vie syndicale de cette catégorie de salariés qui comptent parmi les plus fragiles, d’autre part. »


    Déployer, mutualiser, structurer

    L’apparition des commissions paritaires régionales interprofessionnelles issues de la loi Rebsamen, où siégeront des représentants syndicaux, la détermination du nombre de conseillers prud’homaux dans chaque département et la désignation des organisations représentatives ouvrent des voies nouvelles en matière de négociation, de construction du rapport de force et d’animation de la vie syndicale. « Même si l’exercice n’est pas toujours facile compte tenu de l’éclatement géographique et de l’isolement caractéristiques de l’emploi dans les TPE, mesure Sophie Vicira. Mais nous n’avons jamais été refoulés et, au contraire, nous avons souvent ouvert des espaces de discussion autour du scrutin comme sur la loi “travail”. »

     

    Le travail de terrain paie, tant il rencontre les attentes des salariés des TPE. À l’instar de la stratégie mise en place à l’occasion des précédentes élections, la campagne TPE 2016 de la CGT Midi-Pyrénées mise sur l’harmonisation et la proximité : « Nous avons souhaité que chaque structure du territoire prenne le réflexe de recenser et de se rapprocher des sala­riés concernés, conclut Lionel Pastre. En lien avec les unions départementales, nous avons déployé plusieurs actions : recenser ceux qui sont passés par les permanences juridiques et leur envoyer un SMS pour les inviter à la discussion et au vote ; inciter les syndicats et leurs militants à compter les salariés de TPE qu’ils connaissent ou fréquentent dans leur entourage ; écrire une profession de foi et monter une liste de candidats qui permettent de structurer l’activité TPE au-delà du scrutin… » Pour que vive le collectif régional TPE, mis en place dans le cadre de la campagne électorale. Aux grands maux, les grands remèdes.


    1. « Les associations en Midi-Pyrénées – septembre 2015 », étude réalisée par l’association Recherches et solidarités avec le soutien de l’Association des régions de France et la Caisse des dépôts.

     

    « La CGT, c’est les salariés »

     

    Entretien avec Philippe Antoine,
    conseiller confédéral CGT

    en charge des TPE et de l’artisanat.

     

     

     

     

    Quelles sont les particularités de cette élection ?

    En 2012, l’élection se faisait sur sigle. En 2016, il y aura des candidats et donc des représentants
    régionaux qui siégeront dans les commissions paritaires régionales inter­professionnelles (CPRI) instaurées par la loi Rebsamen pour les salariés des TPE. Cette élection va porter sur trois enjeux : asseoir une représentativité permettant de négocier les conventions collectives et accords interprofessionnels avec un rapport de force favorable ; permettre la désignation de nombreux conseillers prud’homaux CGT dans les départements ; mettre en place des CPRI qui travailleront au fonctionnement du dialogue social dans les TPE – c’est-à-dire mieux faire connaître les droits, aider à la médiation, un peu comme des délégués du personnel – et traiteront des questions d’emploi, de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, de formation, de sécurité et d’hygiène, d’égalité femmes/hommes et d’activités sociales et culturelles…

     

    Quels sont les changements notables depuis la dernière élection ?

    Le regard de la CGT sur les salariés des TPE a évolué. Auparavant, on parlait des salariés des PME sans distinction. Depuis, nous avons regardé qui étaient les salariés des entreprises comptant entre 1 et 11 salariés ainsi que ceux travaillant dans les entreprises allant jusqu’à 50. Nous avons adapté notre discours à ces catégories, notamment à ceux des TPE qui ont avec leur employeur un lien interpersonnel, ou du moins une relation plus proche que ceux des grands groupes. Nous leur proposons un syndicalisme de conseil, de soutien, d’aide. Car s’il y a peu de délégués du personnel dans les entreprises de 11 à 50 – résultat de l’influence patronale notamment –, il y a aussi l’état d’esprit des salariés qui se disent capables de résoudre leurs problèmes individuellement sur leur lieu de travail. Notre devoir est de leur donner les moyens d’intervenir.

     

    Comment la CGT mène-t-elle sa campagne ?

    En investissant les places des villages, en se postant aux sorties du métro, en se déployant dans les rues commerçantes… Les militants poussent les portes à la recherche de l’échange, du débat sans éclats tonitruants. Le but est de commencer par informer les salariés sur leurs droits puisqu’un salarié de TPE sur deux ne les connaît pas. L’autre grand point d’entrée en discussion, c’est le paiement, souvent litigieux, des heures supplémentaires, qui les mène régulièrement dans nos permanences juridiques. L’insuffisance du niveau de salaire pour le travail réalisé est aussi un sujet de revendication qui revient dans les échanges. Dans les unions départementales et certaines unions locales, des collectifs sont mis en place pour aller à la rencontre de ces salariés dans les territoires selon une stratégie précise. Des fédérations, celle du commerce et des services en tête (près de 40 % des salariés des TPE, soit près de 2 millions, en dépendent), sont également très investies dans cette élection.

    Qu’est-ce qui se joue pour les salariés des TPE ?

    Plusieurs choses. Au niveau des prud’hommes, il s’agit d’avoir des conseillers qui auront à cœur le respect des droits des salariés. Au niveau de la représentativité, il s’agit de donner du poids à une orga­nisation syndicale qui va négocier les salaires, le temps de travail, etc., au niveau national.
    Au-delà, il faut que la CGT soit forte, représentative et donc légitime pour pouvoir défendre les intérêts des salariés dans un contexte social hostile, la preuve par la loi « travail », passée en force malgré les mobilisations. Le taux de syndicalisation est très faible dans les TPE. Ces salariés, souvent parmi les moins organisés et les plus précaires, ont tout à gagner à voter pour un syndicat qui les défende.

    La CGT joue aussi sa place de premier syndicat…

    La CGT, c’est les salariés. Nous sommes des salariés des TPE et non deux choses distinctes. Dans cette campagne, on dit : « Pour nos droits, votons. » C’est important, car nous n e voyons pas cette élection comme une compétition entre syndicats ; ce n’est pas le problème des salariés des TPE. Il n’y a pas de bataille pour la première place.
    Les médias voudraient nous faire entrer dans une course contre la CFDT, mais nous pratiquons un syndicalisme radicalement différent. La CFDT s’organise comme une entreprise (en sous-traitant certaines tâches au privé) alors que nous sommes un réseau militant démocratique, non hiérarchisé, construit à partir des salariés eux-mêmes. Si eux ne s’emparent pas de la CGT, quel intérêt ? Sans ça, dans les permanences juridiques, on finit par nous considérer comme l’avocat du pauvre, loin de notre conception de syndicat de transformation sociale où chacun est partie prenante. Et cela reste une de nos valeurs fondamentales.

    Les salariés des TPE sont-ils concernés par les formes grandissantes d’ubérisation ?

    Si la CGT reste centrée sur le salariat, il nous faut analyser de plus près la condition des travailleurs qui glissent progressivement vers des statuts plus précaires sous couvert de liberté, d’autonomie (auto-entrepreneur, etc.) alors que la plupart deviennent dépendants et sans droits.

     

    Dominique Martinez / Nathalie Carmeni / Ève Scholtès

    source: http://www.nvo.fr/0-0-4793-aux-urnes-salaries

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