• Colombie : Les opérations des États-Unis destinées à éviter la victoire de Gustavo Pétro- par Jorge Elbaum (resumen-24/05/22)

     Colombie : Les opérations des États-Unis destinées à éviter la victoire de Gustavo Pétro  (resumen-24/05/22)

    Dimanche 29 mai auront lieu les élections présidentielles en Colombie, le pays latino-américain le plus proche des politiques de Washington pendant ces dernières décennies. Dans le cas où aucun des candidats n’obtiendrait 50 % des voix plus une, il y aura un ballottage le 19 juin avec les deux candidats les mieux placés. La totalité des sondages prévoit la victoire du candidat du Pacte Historique, le sénateur Gustavo Petro, qui dépasserait le candidat de la droite, Équipe pour la Colombie, Federico Fico Gutiérrez.

    Gustavo Pétro, dans sa jeunesse, a fait partie du Mouvement du 19 avril (M–19), une organisation politique et militaire qui a été dissoute dans les années 80 pour se transformer en partip politique. Entre 2012 et 2015, il a été maire de Bogotá et a été l’opposant à Alvaro Uribe, le dirigeant colombien de droite, accusé plusieurs fois d’être associé au trafic de drogue, le plus en vue. Lors des dernières élections présidentielles, en 2018, Pétro a été opposé au second tour à l’actuel président Ivan Duque.

    Aux élections de dimanche, le sénateur a comme camarade de formule la militante afro colombienne Francia Marquèz Mina, liée au mouvement féministe, à l’activisme écologique et environnemental et à la lutte contre le racisme. Aux primaires de mars, l’ancien maire de Bogotá s’est hissé au premier rang parmi les favoris des secteurs progressistes alors que Francia Marquez –qui a survécu à un attentat en 2019– est devenue la troisième candidate la mieux placée. Le Pacte Historique a obtenu un très important pourcentage de voix dans les départements dans lesquels l’explosion sociale de 2020 et de 2021 a été la plus forte.

    L’éventualité du premier triomphe de la gauche dans le pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui a le plus d’affinités avec les politiques de Washington a provoqué de multiples alertes des agences qui se consacrent à « l’hémisphère occidental », une étiquette avec laquelle le département d’État qualifie le continent dans lequel il est inséré. Après les élections primaires et parlementaires du 13 mars, le Commandement Sud, qui coordonne les activités militaires vers le sud depuis le Guatemala, a organisé une réunion avec le commandant général des forces militaires de Colombie, le général Luis Navarro. Lors de cette réunion entre amis, ils ont envisagé un éventuel triomphe de Petro aux élections de mai. Navarro a été reçu par la générale de l’armée Laura Richardson qui lui a demandé des informations sur l’éventuel démantèlement des 7 bases militaires que les États-Unis possèdent en territoire colombien au cas où le candidat du Pacte Historique deviendrait président.

    Le témoignage fourni par Navarro le 28 mars à Richardson dit qu´ aussi bien la plupart des membres du Congrès que les propres forces militaires s’opposeraient à cette décision. Au terme de la rencontre, le Commandement Sud a diffusé un petit journal dans lequel il qualifie la Colombie de « partenaire de sécurité inconditionnel » de Washington. Quelques semaines plus tard, conformément au témoignage de Navarro, le chef de l’armée, Eduardo Zapateiro Altamiranda, a attaqué Gustavo Pétro sur Twitter après que ce dernier ait remis en question la répression lors du massacre de Putumayo dans lequel ont été assassinées 11 personnes dont un enfant de 11 ans, Brian Pama. Tous ont été présentés comme des membres dissidents des FARC mais l’enquête a montré que leurs corps ont été arrangés pour rendre impossibles les enquêtes judiciaires.

    Le sénateur Pétro, face à ce crime, a fait allusion à la continuité de ce qu’on appelle « les faux positifs, » le mécanisme utilisé par les forces armées et les paramilitaires pour prétendre avoir eu des victoires contre la guérilla et terroriser les paysans pour les forcer à abandonner les terres ancestrales et permettre l’expansion de l’extractivisme minier et agro-industriel. Jusqu’au 24 avril 2022, selon l’organisme des droits de l’homme qui est chargé de comptabiliser les assassinats pour raisons politiques et sociales, 36 massacre se sont produits, et ont fait 133 victimes. Les responsables des exécutions, selon les investigations de différents organismes internationaux, sont les structures paramilitaires qui contrôlent la production de cocaïne, en particulier dans les territoires que les guérillas démobilisées ont abandonnés après les accords de paix de 2016.

    La, les Russes arrivent

     Colombie : Les opérations des États-Unis destinées à éviter la victoire de Gustavo Pétro- par Jorge Elbaum (resumen-24/05/22)Les bases des Etats-Unis en territoire colombien

    Selon des sources diplomatique proches de Bogotá, l’un des fonctionnaires les plus hyper actifs est l’actuel ambassadeur de Washington dans cette ville, Philip Goldberg qui a été expulsé de Bolivie en septembre 2018 pour avoir organisé des initiatives sécessionnistes dans les régions de Santa Cruz, Beni, Pando, Taina et Chuquisaca. Goldberg, nommé à Bogotá le 19 septembre 2019, 2 mois avant le coup d’Etat contre Evo Morales, a prévenu, scandalisé, qu’il existe la possibilité « d’interférence de Russes, de Vénézuéliens ou de Cubains dans les élections. » Ses déclarations ont été interprétées par une grande partie des analystes colombiens comme le prologue d’un discrédit de l’élection au cas où Pétro deviendrais président : une façon de préparer le terrain proche de celle qu’il avait utilisée en novembre 2019 en Bolivie. 

    Le soutien de l’ambassade des États-Unis aux candidats de droite est devenu plus explicite lors des délibérations de l’assemblée générale des affiliés au conseil des entreprises américaines (CEA) qui a commémoré les 60 ans de la création de cette institution et les 200 ans des relations bilatérales entre la Colombie et les États-Unis. Goldberg, en compagnie d’Ivan Duque, a signalé que les deux Gouvernements travaillaient pour empêcher toute ingérence étrangère.

    Le 22 avril, le chef de l’armée a oublié la neutralité qu’on attendait d’un militaire en activité et s’est joint à la campagne contre le candidat du Pacte Historique. En réponse, les membres du parlement liés au candidat qui a gagné les primaires ont rappelé au militaire sa responsabilité pour les 50 manifestants assassinés à l’occasion des mobilisations de 2019 et 2020 à Cali où l’armée a été responsable des opérations de répression.

    Parallèlement, le patron uribiste Fabio Andrade, qui réside en Floride, a organisé une caravane à Miami le 15 mai lors de laquelle il s’est prononcé contre une future fraude étant donné que « les institutions sont prises : tout l’argent du trafic de drogue est contre le maintien de la démocratie en Colombie. » La mobilisation d’une centaines de personnes à été saluée par la congressiste Maria Elvira Salazar, membre du groupe républicain à la chambre des représentants, qui a déclaré devant le sous comité aux affaires étrangères que « Gustavo Pétro est un voleur, un socialiste, un marxiste, un terroriste et il est en tête du sondage pour être président de Colombie. »

    Négoce, refuges et politique

     Colombie : Les opérations des États-Unis destinées à éviter la victoire de Gustavo Pétro- par Jorge Elbaum (resumen-24/05/22)Office des Nations Unies-Plantations et rendement cocaïne

    Petro est le premier candidat de gauche arrivé au second tour. Ceux qui ont essayé d’arriver à ce niveau dans le passé ont été assassinés. Parmi eux Jaime Pardo Leal et Bernardo Jamarillo Ossa, des candidats de l’Union Patriotique, l’ancien membre du -Mouvement du 19 avril, Carlos Pizarro et le dirigeant progressiste libéral Luis Carlos Galan. Le candidat du Pacte a dénoncé il y a deux semaines un plan destiné à l’assassiner dans le cadre de sa tournée prévue dans la ville de Pereira, contrôlée par l’organisation paramilitaire la Cordillère, associée au cartel du trafic de drogue lié aux bandes mexicaines qui introduisent la cocaïne et l’héroïne aux États-Unis.

    L’économie de la drogue représente, pendant la dernière décennie, entre 2 % et 3 % du PIB colombien. En terme d’exportations, elle représente 5 % du total. L’énorme capital qu’impliquent ces transactions illégales se consacre à la concentration de la propriété de la terre et au financement de campagnes électorales. Il génère, en outre, un travail illégal important, l’institutionnalisation du blanchiment d’argent, la contrebande d’armes, la privatisation de la sécurité grâce à la formation de bandes de paramilitaires qui possèdent des régiments de tueurs à gages, en totale connivence avec les forces armées et les forces de sécurité. 

    Quelques jours avant les élections primaires, le 1er mars 2021, le département d’État a augmenté les subventions pour Bogotá destinées à faire limiter le trafic de drogue. La règle approuvée devrait être exécutée par l’International Narcotics Control and Law Enforcement (INCLE), qui découle de l’Iniciativa Andina Contra las Drogas qui a été créée au début du XXIe siècle. Début juin 2021, le bureau des Nations unies contre les drogues et le délit a publié les résultats initiaux du contrôle des cultures en Colombie réalisé en 2020 à travers des relevés par satellite (qui comprennent l’extension et la densité des cultures) et l’observation des champs.

    Le résultat est plus qu’éloquent : les zones occupées par des plantations sont plus étendues que celles qui existaient quand a débuté le plan Colombie en 1999 et la production a été doublée pendant les 20 dernières années. Les programmes mis en place conjointement par Washington et par les Gouvernements colombiens prévoyaient, sous prétexte de limiter les cultures de coca, des fumigations aériennes. Ces procédés ont provoqué, à leur tour, l’abandon des champs communautaires par les paysans affectés par les herbicides. Le résultat a été la concentration des terres après l’expulsion de leurs habitants ancestraux et la réduction de la biodiversité grâce a l’extension de la monoculture.

    Alors qu’aux États-Unis, on utilise des politiques douces destinées à affronter la demande de stupéfiants (traitement de réduction des dégâts et des façons de réguler les substances), en Amérique latine et dans les Caraïbes on exige la criminalisation comme noeud central de la réduction de l’offre. La combinaison des deux mesures, la punition et la montée en puissance des secteurs complices du trafic de drogue associés aux propriétaires terriens, explique aussi bien l’augmentation du trafic de drogue que la complicité entre les forces armées, l’ambassade et les cartels.

    Une grande partie des capitaux provenant de la drogue s’accumule dans les niches fiscales.Mais une autre partie entoure de luxe les patrons qui pullulent dans les ambassades pour se joindre au chœur de ceux qui cherchent à éviter les victoires des secteurs populaires, de gauche ou progressistes. C’est la raison pour laquelle en Colombie, il y a de plus en plus de plantations, de plus en plus de production de cocaïne et de plus en plus de flux de devises utilisables pour empêcher la démocratisation et la régulation publique de la terre au service des intérêts sociaux.

    L’écrivain Raphaël Moreno–Durand a déclaré dans une interview qu’en Colombie, « la politique est tellement corrompue qu’elle a corrompu même le trafic de drogue. » Il est compréhensible que Washington soit atterré par la victoire de Pétro.

     

    Jorge Elbaum

    Source en espagnol : https://www.resumenlatinoamericano.org/2022/05/24/colombia-las-operaciones-estadounidenses-para-evitar-el-triunfo-de-gustavo-petro/

    Source en français ( traduction Françoise Lopez pour Bolivar infos): http://bolivarinfos.over-blog.com/2022/05/colombie-las-operaciones-estadounidenses-para-evitar-el-triunfo-de-gustavo-petro.html

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