Des collectivités inquiètes pour l'avenir
Si des associations sont déstabilisées par la suppression des emplois aidés (Le Télégramme d'hier), les collectivités s'inquiètent aussi de la politique qui se dessine. Illustrations à Quimper et Pluguffan. André Guénégan, adjoint chargé des ressources humaines à Quimper, en a vu d'autres. La suppression, ou du moins le gel annoncé des emplois aidés, ne l'inquiète pas outre mesure. « Il faut rester prudent, dit-il. J'en ai connu des dispositifs supprimés par un gouvernement et qui était reconduits sous une autre forme peu après. Il est probable que cela sera remplacé en 2018, car nous en avons besoin. Par expérience, je sais que le gouvernement pourra alors se vanter d'avoir créé un nouveau dispositif ».
30 contrats aidés dans l'agglomération
« Il est vrai que, dans l'immédiat, nous sommes dans l'expectative sur les emplois aidés, ajoute l'élu quimpérois. Nous avons 30 salariés en contrat d'accompagnement dans l'emploi si l'on regroupe la ville, l'agglomération et le CCAS. C'est la ville de Quimper qui en a le plus (23), notamment dans les services techniques. La plupart des personnes sont embauchées pour un an, renouvelable une fois. Nous pouvons leur donner une formation, une aide pour préparer un examen. Une dizaine rentre dans le dispositif des moins de 26 ans et une dizaine des plus de 50 ans ». « Pour cette année, sept employés sont concernés par les annonces du gouvernement, annonce André Guénégan. Cinq auraient dû être renouvelés dans leur contrat et deux devaient être embauchés. Nous aurons 23 concernés en 2018 qui seront menacés si la suppression est confirmée. Ce sont surtout des personnes qui seront pénalisées dans leurs projets professionnels, leurs plans de formation ».
Alain Decourchelle (LREM) pour le maintien
Alain Decourchelle, maire de Pluguffan, adhérent de La République en marche après avoir été suppléant de la nouvelle députée macroniste Annaïg Le Meur, ne cache pas son opposition à la suppression des emplois aidés. « Ils sont très intéressants pour une collectivité qui peut ainsi recruter, former, insérer, des personnes, dit-il. À Pluguffan, nous en avions quatre depuis trois années, deux aux services techniques-espaces verts et deux animateurs pour les temps d'accueil périscolaire. Nous étions en recherche d'un CAE pour les espaces verts qui ne pourra pas se concrétiser ». « Cette suppression est dommageable. J'estime qu'il pourrait y avoir une solution intermédiaire. Les emplois sont aidés par l'État à 70 %. On aurait pu faire des économies en descendant à 40 ou 50 % ce qui permettrait aux collectivités de continuer. À Pluguffan, nous n'avons pas les moyens de financer ces postes en contrat normal. J'espère, dans l'immédiat, qu'aucune décision définitive n'a été prise. Sinon, ce sera plus de chômage et moins de services dans les collectivités ».
Franck Tabailloux, responsable emploi-formation à la Mission locale du pays de Cornouaille. « Nous avons suivi 70 contrats d'aide à l'emploi (CAE), à la Mission locale, au premier semestre. Sur une année, cela fait près de 150 qui vont vers les collectivités, les associations dans des domaines très variés, les activités tertiaires, les espaces verts, l'aide à la personne. Pour nous, il s'agit d'un outil dans l'accompagnement des jeunes qui font appel à nos services. C'est une vraie opportunité pour eux d'avoir une première expérience, un statut de salarié et donc un salaire, de valoriser ce contrat sur un CV. Nous ne pouvons que regretter l'arrêt de ces dispositifs. Cela va nous obliger à faire preuve d'imagination pour trouver de nouvelles formules ». Anne-Marie Morel, directrice d'Objectif Emploi Solidarité. « Nous sommes logiquement concernés par les emplois aidés. Nous avons 73 employés en CDD d'insertion. Ils ne devraient pas être concernés. Sinon c'est la moitié de l'activité de l'association qui est stoppée (les autres employés sont en CDD d'usage, une autre formule). Nous avons un seul salarié en Contrat d'aide à l'emploi. En général, ces employés, qui sont tout à fait aptes à travailler, souvent avec de l'expérience, ne sont pas en capacité de trouver un emploi à cause de leur âge (plus de 55 ans), ou d'un handicap. Nous essayons de les amener jusqu'à la retraite car nous pouvons renouveler chaque année avec Pôle Emploi le contrat pendant au maximum cinq ans. Là, nous avions prévu de refaire une demande en septembre, mais nous ne savons pas s'il sera reconduit. C'est inquiétant. Car si nous ne proposons pas ce travail, personne ne le fera ». Claire Levry-Gérard, présidente d'Actife (Action territoriale pour l'insertion, la formation et l'emploi). « Nous travaillons pour les bénéficiaires du RSA, les chômeurs de longue durée. Nous avions deux contrats aidés qui devaient commencer en septembre, signés avant le 8 août, deux personnes sans travail, chômeurs de longue durée, bénéficiaires du RSA. J'entends l'analyse du gouvernement qui estime que le dispositif n'est pas satisfaisant mais prendre une décision applicable immédiatement mènera des personnes à la précarité. Or, ces contrats ouvrent des portes. L'outil a fait ses preuves. Il est dommage de les supprimer sans prévoir un autre dispositif. Je me positionne du côté humain, pour ceux qui veulent rentrer dans la société. Je ne suis pas contre des économies, mais toucher cette population là et de manière aussi abrupte est étonnant. La méthode n'est pas correcte ni sur le fond ni sur la forme ».
Jean-Marc Tanguy, conseiller municipal socialiste quimpérois d'opposition, prend l'exemple du handicap dans le dossier des emplois aidés. « Nous savons que le nombre d'auxiliaires de vie scolaire auprès des enfants en situation de handicap va passer de 70.000 à 50.000 à la rentrée, dit l'élu. C'est 20.000 de moins, notamment des auxiliaires en dispositif collectif qui sont sous contrat d'emploi aidé. En catimini, en plein été, on frappe au coeur le lien social du quotidien ». « Les premières déclarations d'Emmanuel Macron sur le sujet semblaient pourtant source d'espoir. La secrétaire d'état chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, déclarait le 26 juillet que pour la rentrée de septembre, il y aurait : "un nombre de contrats suffisants pour accompagner les enfants en situation de handicap", en assurant que les emplois d'auxiliaire de vie scolaire (AVS) seraient "modernisés, professionnalisés et pérennisés". Pendant la campagne présidentielle, le candidat Macron disait vouloir "créer autant de postes d'AVS que nécessaire". Mais, une fois de plus, la communication ciselée du président et de l'exécutif est purement théorique. La ministre du Travail, Muriel Penicaud, a récemment demandé aux préfets de stopper les emplois aidés à destination du secteur non-marchand... Pour la scolarisation des élèves en situation de handicap, cette décision technocratique est bien sûr un recul évident, auquel nous n'étions plus habitués... Pour la suite, aucune piste de travail n'est lancée, hormis le 4e plan autisme et l'augmentation de l'allocation adulte handicapé, ce qui est certes satisfaisant, mais ne fera pas tout le quinquennat... ». « Une fois de plus, le handicap n'est considéré que dans les mots, par le président, son épouse et de nombreux parlementaires... mais la charité orale et la générosité de façade ne résistent pas à l'épreuve des faits avec, là aussi, si cette annonce se confirme et que les postes ne sont pas compensés, une rentrée qui promet d'être socialement désastreuse, et toujours pour les mêmes ».
Réunion aujourd'hui à Douarnenez