• Inflation et salaires au-dessous du SMIC : de quoi parle-t-on ? ( rapportsdeforce.fr - 21/05/22 )

    Inflation et salaires au-dessous du SMIC : de quoi parle-t-on ? ( rapportsdeforce.fr - 21/05/22 )

    “Avec l’inflation, le SMIC augmente.” On l’entend partout. Mais si le SMIC augmente, vos salaires à vous qui gagnez à peine plus, vont-ils passer au-dessous du SMIC ? Et c’est légal ça, être payé en-dessous d’un salaire minimum ? On n’y comprenait rien alors on a demandé à Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT en charge de la question des salaires.

    Depuis 2021, les salariés français sont confrontés à une inflation galopante. Le SMIC (Salaire minimum de croissance), indexé sur celle-ci, a ainsi augmenté 4 fois entre 2021 et 2022. Le 1er mai 2022, après une nouvelle augmentation de 2,6 %, le SMIC mensuel brut est désormais de 1 645,58 € brut par mois,  soit environ 1300 € net. Pourtant les syndicats alertent : “144 branches professionnelles étaient en situation de non-conformité à cette date”. Pour y voir plus clair : entretien avec Boris Plazzi, secrétaire confédéral CGT en charge de la question des salaires.

     

    Comment expliquer cette “non-conformité” des branches professionnelles, c’est-à-dire le fait que dans certaines branches professionnelles, les premiers échelons des grilles salariales commencent en dessous du SMIC ?

    Cela s’explique par un mécanisme simple : la hausse du SMIC est automatique et immédiate or les négociations dans les branches professionnelles arrivent plusieurs semaines voire plusieurs mois après. Or ce sont elles qui permettent de rehausser le montant des salaires dans les différents échelons d’une branche professionnelle et donc de leur faire rattraper le SMIC. En attendant on est en “non conformité”. Comme en ce moment l’inflation est très forte et que le SMIC augmente régulièrement, on se trouve confronté à ce phénomène très souvent.

     

    Cela veut-il dire qu’en attendant ce rattrapage, des salariés vont être payés en dessous-du SMIC, ce qui est illégal ?

    Légalement non, en France personne ne peut être payé en dessous du SMIC. Les entreprises utilisent des “primes différentielles” pour combler l’écart, c’est un peu du bricolage en attendant les négociations de branche. Mais même si les gens qui sont payés au salaire minimum voient leurs revenus légèrement augmenter, le problème c’est que les salaires de ceux qui sont en peu au-dessus du SMIC n’augmentent pas, ou pas dans les mêmes proportions.

     

    C’est ce que vous nommez le “tassement des salaires”, pouvez-vous expliquer cette expression ?

    Imaginez que le SMIC augmente de 2% – je prends un chiffre au hasard – le salaire du premier échelon, dans une convention collective où les gens commencent au SMIC, augmente donc de 2%, c’est une obligation légale. Mais si les négociations de branche qui suivent cette hausse ne tablent que sur 1% d’augmentation, alors les salaires de la branche qui sont au-dessus du SMIC augmenteront moins vite que ce dernier. Il est même probable que, dans certaines branches, les échelons 1, 2, voire 3 ou plus restent en dessous-du SMIC et donc soient payé au niveau de celui-ci. Ainsi, pour les salariés la perspective de décoller du revenu minimum s’éloigne, même après plusieurs années de boîte. C’est cela qu’on appelle le tassement des salaires.

    Pour l’éviter, la CGT propose que l’augmentation de l’ensemble des salaires d’une même branche suive au minimum celle du le SMIC, de manière à toujours garder de vrais écarts entre les différents échelons d’une même convention collective. On parle alors de la mise en place d’une “échelle mobile des salaires”. Si on ne fait pas ça, l’évolution de carrière n’est plus valorisée.

     

    Dans une note de 2020, la CGT explique que le SMIC est “une institution anticapitaliste”. Pouvez-vous expliquer ce terme ?

    Même si le système n’est pas parfait, on est l’un des rares pays à avoir un salaire minimum interprofessionnel qui évolue aussi vite que l’inflation. C’est un outil qui permet que les salaires les plus bas puissent au moins maintenir leur niveau de vie, indépendamment du bon vouloir des patrons. Il oblige par la loi à répartir les richesses par le salaire.

    Cependant son montant est bien trop faible. La CGT milite pour un SMIC à 2000 euros brut contre 1645 € depuis le premier mai. Nous estimons que cela n’est pas suffisant pour répondre aux besoins les plus fondamentaux. Il faut aussi savoir que le gouvernement peut donner ce qu’on appelle un “coup de pouce” au SMIC. C’est-à-dire qu’il pourrait ne pas se contenter de l’augmentation automatique de celui-ci mais aller au-delà. Cela n’est pas fait malgré le contexte d’inflation.

     

    On parle là de maintenir le niveau de vie des salariés avec les plus bas salaires… la CGT s’en contente-t-elle ?

    Effectivement, le mécanisme du SMIC permet que le niveau de vie des travailleurs les moins bien payés ne s’effondre pas. Mais la CGT milite pour un monde où les gains de productivité sont mieux répartis. Quand on voit qu’en pleine pandémie, les entreprises du CAC40 ont versé 70 milliards d’euros à leurs actionnaires, on se dit qu’il y avait quand même largement de quoi augmenter les salaires.

     

    Comment les négociations dans les entreprises interfèrent-elles avec les négociations de branche ?

    Lorsqu’un accord de branche est trouvé, toutes les entreprises qui emploient des salariés de cette branche doivent augmenter les salaires au moins au niveau décidé dans la branche. Mais rien n’empêche d’aller plus haut. C’est à ça que servent les NAO (Négociations annuelles obligatoires) qui ont lieu chaque année dans les boîtes. En fait, les négociations de branche servent surtout aux salariés des entreprises qui n’ont pas d’organisation syndicale.

    Il est intéressant de constater qu’en 2021 et 2022, les conflits autour des augmentations de salaire se sont multipliés dans les entreprises notamment du fait de l’inflation galopante. Cela a donné lieu à de nombreuses grèves, parfois longues et dures. C’est notre rôle de confédération syndicale que d’essayer de les faire converger, notamment grâce à des journées de luttes interprofessionnelles. Même si ce n’est pas facile.

    Propos recueillis par Guillaume Bernard

    Source : https://rapportsdeforce.fr

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