• Mediator. Les dix temps forts d’un procès-fleuve dont la décision est attendue ce lundi (OF.fr-29/03/21-6h)

    Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre son verdict lundi 29 mars 2021 sur le scandale du Mediator révélé en 2010 (photo d’illustration).Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre son verdict lundi 29 mars 2021 sur le scandale du Mediator révélé en 2010

    Le tribunal correctionnel de Paris doit rendre ce lundi 29 mars sa décision dans le procès du scandale sanitaire révélé en 2010. Le groupe pharmaceutique Servier et son ex-numéro 2 sont jugés pour tromperie aggravée, escroquerie et homicides involontaires. L’agence du médicament pour homicides involontaires par négligence.

    Le tribunal correctionnel rend ce lundi à 10 h, sa décision dans le procès du scandale du Mediator. L’audience s’était déroulée du 23 septembre 2019 au 7 juillet 2020, interrompue onze semaines en raison de la crise du Covid 19. Les laboratoires pharmaceutiques Servier, avec leur ex-numéro deux, Jean-Philippe Seta, sont jugés pour « tromperie aggravée, escroquerie et homicides involontaires ».

    Il est reproché à la firme « d’avoir sciemment dissimulé les propriétés anorexigènes » du Mediator. Et caché sa dangerosité, alors que les premières alertes sur sa toxicité ont été lancées dès les années 1990. Ce qu’elle conteste.

    Cet antidiabétique largement détourné en coupe-faim a été prescrit à 5 millions de personnes de 1976 à 2009, jusqu’à ce qu’un lien avec des maladies cardiaques (valvulopathie) et des poumons (hypertension artérielle pulmonaire) soit établi par la pneumologue brestoise Irène Frachon. Selon une expertise judiciaire, il pourrait être responsable de 2 100 décès à long terme.

    Le retrait tardif du Mediator vaut aussi à l’Agence nationale du médicament (ex-Afssaps) d’avoir comparu au côté de Servier pour « homicides et blessures involontaires par négligence ». Cette affaire a aussi levé le voile sur certaines pratiques dans le secteur sanitaire. Un « système d’influence très organisé » dans le cas du groupe Servier, « diffus et imprégnant toutes les autorités », selon l’accusation. 

    Le parquet a appelé le tribunal à sanctionner des fautes d’une « extrême gravité », requérant des peines de prison et des amendes.

    Retour sur les temps forts de ce procès hors norme d’une durée de « 517 heures et quelques minutes », a souligné à la fin la présidente du tribunal Sylvie Daunis. Il s’est déroulé sur plus de 110 journées d’audience, au cours desquelles plus de 100 témoins ont été cités à la barre. Plus de 6 500 personnes se sont constituées parties civiles, dont au moins 4 600 victimes « directes » selon leurs avocats. Ces derniers étaient environ 350. Et au nombre de 23 en défense.

    1. Un procès, « déjà une victoire »

    Le 23 septembre 2019, des victimes et leurs proches sont présents au tribunal judiciaire de Paris. Tenant à « représenter des malades éloignés » de la capitale, « désargentés » ou « désabusés » qui n’ont pas fait, ou pas pu faire, le déplacement. La tenue de ce procès pénal, dix ans après le retrait du Mediator, « c’est déjà une victoire », répètent plusieurs familles. Évoquant le « soulagement » de le voir enfin s’ouvrir. Partageant aussi leur « appréhension », leur « crainte de remuer de mauvais souvenirs ». Tous affirmant néanmoins leur « détermination » à témoigner pour qu’un « tel drame ne se reproduise pas. »

    Avant le début de l’audience, des avocats des parties civiles répètent que Servier a « délibérément menti » et « caché les propriétés dangereuses » de son médicament « par profit ». Les laboratoires s’en défendent : « Il n’est pas apparu de signal de risque avant 2009 » et son retrait du marché, assure un conseil de la firme. Cette dernière dénonçant aussi une « instruction à charge ».

    Cette première journée est consacrée à l’organisation du procès et à l’appel de la centaine de témoins. Parmi eux, la Dr Irène Frachon, attendue et saluée par les victimes. « C’est un moment essentiel parce que nous attendons ce procès pénal depuis des années », dit-elle, dénonçant une nouvelle fois « un déni de responsabilité sans fin » de la part du laboratoire.

    2. Le doute « a profité au médicament »

    Un constat glaçant. C’est celui dressé par les premiers témoins, entendus dans ce procès, le 1er octobre 2019. Les auteurs du rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales sur le Mediator, commandé en décembre 2010, parlent d’un médicament aux qualités thérapeutiques « douteuses », dont les « propriétés dangereuses sont cachées », mais que Servier arrive à maintenir sur le marché malgré les alertes.

    Jugeant le non-retrait en 1999 du médicament « incompréhensible » en raison de signalements et d’inquiétudes sur les effets secondaires formulés par d’autres pays, la médecin Anne-Carole Bensadon conclut : « Le doute profitait toujours au médicament. Durant tout ce temps, la vie du médicament est prioritaire sur la vie des malades. Et ça, nous avons jugé dans ce rapport que c’était inadmissible ».

    3. Le premier signalement du Dr Georges Chiche

    Après des témoignages accablant les laboratoires Servier, visant notamment « l’absence d’intérêt thérapeutique du Mediator », la « stratégie d’enfumage » de la firme ou encore la non-prise en compte en 1995 d’une étude montrant les risques liés aux anorexigènes, un cardiologue marseillais s’avance aussi à la barre le 15 octobre. Le Dr Georges Chiche, qui a le premier fait un signalement « très documenté », en 1999, sur les effets secondaires du Mediator : il suspecte alors des lésions cardiaques liées au médicament chez un homme en ayant consommé pendant six ans.

    « J’ai été choqué, explique-t-il, de n’avoir eu après mon alerte zéro accusé de réception du centre national de pharmacovigilance. Mais j’ai eu trois retours, tous de Servier, à qui on a donné mes coordonnées… » Un visiteur médical « vient de Paris pour me dire que mon observation était nulle ». Puis un « médecin pour m’expliquer que je disais des bêtises ». Enfin, un maire-adjoint de Marseille, ancien professeur de médecine et jazzman dont Servier « sponsorisait les festivals », l’appelle : « Il m’a demandé de retirer mon signalement… »

    Ce que refuse le docteur Chiche. Mais, « découragé par l’absence de prise en compte », il ne déclare plus d’effet indésirable mais continue à « déprescrire » le Mediator. « Vous vous rendez compte, souffle-t-il au tribunal. On a perdu dix ans. »

    4. Irène Frachon explique pourquoi elle a « tiqué »

    Le 16 octobre 2019, la salle d’audience Victor-Hugo est comble. Des victimes et leurs proches sont revenus pour l’entendre. Pour « soutenir » celle qui a révélé le scandale. « J’ai échappé de très peu à la tromperie de Servier », lance au tribunal Irène Frachon. La pneumologue a raconté pourquoi elle s’est inquiétée de la toxicité du médicament en 2007. Elle examine alors « une patiente obèse se présentant avec une sévère Hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) », une « maladie très rare ».

    « Je m’aperçois qu’elle est sous Mediator. Pourquoi je tique ? Ça tient à deux choses », explique-t-elle. D’abord à « une affaire qui l’a profondément marquée » : celle de l’Isoméride, autre coupe-faim des laboratoires Servier, à l’origine de cas d’HTAP et retiré du marché en 1997. Elle se souvient aussi d’articles de la revue Prescrire et d’échanges avec des collègues, évoquant une possible proximité entre Mediator et Isoméride.

    Irène Frachon lance alors des recherches et trouve des informations « établissant une parenté. Contrairement à ce qu’affirme Servier », qu’elle accuse d’avoir « falsifié » des documents. Elle apprend vite aussi l’existence de cas de lésions cardiaques chez des patients sous Mediator. Elle s’entoure d’une équipe d’experts et lance une étude, « car l’Agence du médicament n’est pas réceptive » aux alertes. Ils obtiennent finalement en novembre 2009 le retrait de l’antidiabétique, commercialisé depuis 1976. Son livre document, « Mediator, combien de morts ? » (éditions Dialogues) révèle le scandale sanitaire l’année suivante.

    5. Les regrets à demi-mot de l’ex-numéro 2 de Servier

    « Nous n’avons pas assez pris le taureau par les cornes ». L’ex-numéro 2 du groupe Servier, Jean-Philippe Seta, a exprimé des regrets jeudi 28 novembre, tout en trouvant toujours des excuses au laboratoire pharmaceutique. Il parle d’une « tragédie », évoque sa « culpabilité », mais « conteste toute faute intentionnelle ».

    L’homme de 67 ans, entré en 1984 dans le groupe pharmaceutique dirigé par Jacques Servier – décédé en 2014 – va en devenir numéro 2. L’un des numéros 2, il y en avait six au total, nuance celui qui réfute avoir fait partie du cabinet du président. Et refuse d’être tenu seul responsable de ce scandale sanitaire.

    Interrogé sur les raisons de l’inaction des laboratoires après de premiers signaux dans les années 90, comme l’alerte du Dr Chiche, il admet que le groupe n’a pas accordé assez d’importance à ce cas. Mais Jean-Philippe Seta enchaîne : ce dossier n’était pas « si évident », pas assez documenté. Les autres cas ensuite ? « Nous n’avons pas assez rué dans les brancards », dit-il.

    6. La douleur et la colère des victimes

    Après deux mois de débats souvent techniques, le tribunal a entendu les victimes en décembre et janvier. Pour ce procès, le groupe Servier doit répondre de l’homicide involontaire pour quatre personnes et de blessures involontaires pour 90 autres. Des victimes, beaucoup de femmes qui voulaient perdre du poids, racontent à la barre leur « essoufflement », les conséquences d’opérations cardiaques, leurs souffrances, « l’angoisse », leur vie « saccagée ».

    Et expriment leur colère contre Servier, dénonçant des « mensonges pour faire du fric ». Pointant aussi la « débauche de moyens du groupe » au procès, avec une « armée d’avocats, de dactylos, etc. » Mais aussi la « violence des procédures » pour les demandes d’indemnisation. Beaucoup ont accepté celle proposée par le groupe pharmaceutique. Pas Stéphanie, qui refusait aussi la clause de confidentialité. « Le Mediator, a-t-elle souligné à l’audience, m’a fait autant de mal physiquement que psychologiquement ».

    7. Un ex-responsable de l’agence du médicament accuse Servier de « camouflage »

    Les laboratoires Servier ont « occulté les propriétés anorexigènes (coupe-faim) du Mediator en le présentant comme un antidiabétique, dès leur demande d’autorisation de mise sur le marché en 1974 ». Mi-janvier 2020, Philippe Lechat, directeur de l’évaluation au sein de l’Agence nationale de sécurité des médicaments de 2007 à 2012, a parlé à la barre d’une opération de « camouflage ». Elle n’a pas permis selon lui « de bien classer le médicament », largement prescrit comme coupe-faim, qui aurait dû être retiré bien avant son interdiction en 2009.

    Si le médicament « avait été correctement positionné, on aurait pu faire fonctionner correctement le système de pharmacovigilance », insiste Philippe Lechat, admettant néanmoins que « l’Agence n’a pas été suffisamment perspicace ».

    L’agence du médicament avait, dès le début du procès, reconnu une « part de responsabilité ». Son directeur depuis 2014, Dominique Martin indiquant alors qu’il ne « sollicitera pas de relaxe ».

    8. Les parties civiles réclament près d’un milliard d’euros à Servier

    Interrompu le 16 mars 2020 en raison du confinement, le procès a repris en juin. Pour entrer dans sa dernière ligne droite avec les plaidoiries des parties civiles : plus de 6 500 constituées dans ce dossier « historique ». Les avocats ont appelé les juges à rendre une décision « symbolique » et « dissuasive » pour « en finir avec le sentiment d’impunité ».

    « C’est au total pratiquement plus d’un milliard d’euros d’indemnisations demandé », a assuré au dernier jour des plaidoiries Me Jean-Christophe Coubris. Dont plus de 450 millions réclamés par une centaine de caisses d’assurance-maladie qui ont pris en charge le remboursement du médicament, et s’estiment victimes « d’escroquerie ».

    9. Prison et amendes requises contre Servier

    Dans un long réquisitoire les 23 et 24 juin 2020, le parquet a appelé à sanctionner le « choix cynique » du groupe Servier. Firme qui a privilégié « ses intérêts financiers » à la santé des consommateurs du Mediator, « malgré les risques qu’elle ne pouvait ignorer » et qu’elle a « délibérément » dissimulés. Le ministère public a réclamé plus de 10 millions d’euros d’amende contre six sociétés du groupe. Et cinq ans de prison dont trois ferme et 200 000 € d’amende à l’encontre de Jean-Philippe Seta, l’ex-numéro 2 de la firme. Le parquet a toutefois écarté une interdiction d’exercer en France du groupe Servier, demandée par des parties civiles. Elle aurait eu « pour conséquence de sanctionner les salariés », a-t-il précisé.

    L’accusation a demandé encore 200 000 € d’amende contre l’Agence nationale de sécurité du médicament, jugée pour avoir tardé à suspendre le médicament.

    Dans le volet « conflit d’intérêts » du procès, elle a sollicité aussi des peines d’un à deux ans de prison avec sursis à l’encontre d’anciens cadres et experts des autorités de santé. Ainsi que des amendes. Dont plusieurs contre quatre sociétés de la firme pharmaceutique, pour un total de près de 5 millions d’euros.

    Enfin dans le volet «trafic d’influence», disjoint du procès principal en raison de l’absence d’un prévenu et finalement examiné en septembre 2020, une ex-sénatrice UMP est poursuivie. Marie-Thérèse Hermange étant accusée d’avoir modifié un rapport pour minimiser la responsabilité des laboratoires Servier. Le ministère public a requis trois ans de prison avec sursis et 75 000 € d’amende contre elle, un ancien conseiller de Servier et ex-directeur de l’Inserm, Claude Griscelli et Jean-Philippe Seta.

    10. La défense de Servier réclame « l’impartialité » du tribunal

    « Des accusations injustes » opposées à « la réalité du dossier » : au dernier jour du procès le 6 juillet 2020, la défense des laboratoires Servier a tenté, une ultime fois, de démontrer l’absence de toute faute pénale. Voulant prouver notamment que la firme n’avait pas connaissance de la toxicité et des risques de ce médicament.

    Il a tenté de rejeter la faute sur l’Agence du médicament qui avait « les données essentielles [sur le Médiator] en mains, au plus tard en 1999 ». Selon lui l’Agence du médicament « n’ignorait rien du Mediator, elle savait. Je ne veux pas que le tribunal puisse clore les débats en pensant que les laboratoires Servier sont dans le déni. Ils ne pensent pas être irréprochables dans cette affaire », assure Me de Castro dans sa plaidoirie. « Le premier reproche qu’ils se font, c’est d’avoir été attentistes. Ils sont conscients qu’ils ont été mauvais sur l’appréciation du risque, en se reposant sur l’autorité sanitaire ».

    L’avocat et son confrère Hervé Temime se sont élevés contre la « diabolisation » des laboratoires. Disant attendre de la justice « de l’impartialité ».

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    Le tribunal doit rendre sa décision ce lundi matin 29 mars 2021. L’audience débute à 10 h.

    Philippe MIRKOVIC.

    source: https://www.ouest-france.fr/

    « Environ 500 manifestants à Brest « une vraie loi climat » (LT.fr-28/03/21-17h29)Entretien Georges Gastaud/ Aymeric Monville-Marxisme et philosophie 2/ Pour une ontologie matérialiste (YT-AM 23/03/21) »
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