• Ukraine : Rompre le silence radio ! personne ne peut se taire !

    APPEL URGENT A SOUTENIR UN JOURNALISTE EMPRISONNE A ODESSA

    Ukraine : Rompre le silence radio ! personne ne peut se taire !Traduit par Marianne Dunlop

    La vague d’épurations qui a déferlé sur Odessa en avril-mai de cette année a emporté avec elle un grand nombre de citoyens qui exprimaient à voix haute leurs opinions. La liste complète des personnes arrêtées n’est pas accessible au commun des mortels, la police ne communique pas sur ce sujet. C’est pourquoi plusieurs semaines après les faits continuent de remonter à la surface des détails choquants des sévices infligés par la junte de Kiev aux dissidents. Une de ces victimes, dont le nom n’apparaissait pas au départ, est un journaliste du site d’opposition « Infocenter », Vitali Didenko.

    En automne 2014, le Rédacteur en chef du site « Infocenter » Yevguéni Anokhine a été arrêté soi-disant pour avoir des liens avec des terroristes. C’est-à-dire avec les Républiques de Donetsk et Lougansk. Le SBU (services secrets ukrainiens) a découvert dans son ordinateur une liste de gens pouvant faire l’objet d’un échange entre les républiques populaires et l’Ukraine. Dans la mesure où les organes de police n’avaient rien réussi à trouver de mieux comme motif de son arrestation, ils ont été obligés de jouer les imbéciles et prétendre ignorer qu’un journaliste a le droit de collecter ce genre d’information dans un but professionnel. Au bout du compte, Anokhine a été échangé contre des prisonniers des FAU, et, ses papiers d’identité confisqués, livré à la république de Lougansk, où il se trouve à ce jour.

    Après l’arrestation d’Anokhine, le journaliste Vitali Didenko qui travaillait déjà à « Infocenter » l’a remplacé au poste de Rédacteur en chef. Depuis ses années à la fac, Didenko sympathisait avec les idées communistes et avait une bonne connaissance du marxisme. Il s’est opposé au Maïdan, le considérant comme un mouvement réactionnaire et une arme aux mains des puissances impérialistes qui se battent pour le partage des sphères d’influence en Ukraine. Pour la même raison il n’a pas soutenu les nationalistes russes et s’est opposé au régime post maïdan à partir d’une plate-forme démocratique ouvrant sur une perspective socialiste. Cependant, son activité en qualité de journaliste d’Infocenter se bornait à une critique du régime instauré en Ukraine d’un point de vue de défense des valeurs démocratiques en général.

    Mais comme on sait, le régime instauré en Ukraine considère toute critique à son adresse comme du séparatisme, dès lors qu’elle ne s’appuie pas sur l’idéologie communément admise. Dans la mesure où  « Infocenter » et Vitali Didenko en personne ont toujours rejeté le bandérisme, ils étaient des cibles idéales. Sentant la menace, Didenko avait déjà changé d’adresse à la fin de l’année dernière, et peu avant son arrestation, il avait encore déménagé. Mais le SBU a retrouvé sa trace et, faisant pression sur le propriétaire, a mis son appartement sur écoute (illégale), et à l’aube du 29 avril a débarqué avec un mandat d’arrêt. Didenko a tenté de s’enfuir et s’est jeté du deuxième étage. L’opération a mal réussi : il s’est cassé un bras et deux côtes, devenant une proie facile pour ses persécuteurs.

    Comme on pouvait s’y attendre, Didenko a été accusé de séparatisme, malgré le fait que sur le site « Infocenter » n’aient jamais été publiés d’appels à la séparation de quoi que ce soit appartenant à l’Ukraine. En plus de son activité journalistique, on lui reprochait un soutien informationnel et organisationnel à la « Rada populaire de Bessarabie ». Cette « rada » est une association qui regroupe des représentants des minorités nationales dans le sud de la province d’Odessa. Elle a été créée en avril 2015 et dès le départ fait l’objet de répressions –  le régime de Kiev a vu en elle un organe séparatiste. Sans doute parce que la « Rada » rassemble des personnalités qui ne soutiennent pas la dictature post maïdan. Enfin, comprenant que les accusations portant sur les activités journalistiques et associatives ne suffiront pas pour mettre Didenko à l’ombre, au cours d’une perquisition on a « trouvé » chez lui de la cocaïne. Tous ses amis ont été profondément surpris de cette « trouvaille » : il menait un mode de vie sain, ne fume pas, ne boit de l’alcool que les jours de fête, et avant la crise politique jouait au football.

    Les services secrets avaient calculé juste. Les accusations de séparatisme étaient tellement bancales que le 15 mai la Cour d’appel a rejeté la décision d’arrêter Didenko. Mais le SBU l’a accusé de détention illégale de stupéfiants et arrêté de nouveau le 19 mai. L’avocat de Didenko a fait de nouveau appel, mais cette fois-ci, les « Maïdown » (partisans du maïdan) s’en sont mêlés. Le 27 mai ils ont intercepté le procureur et l’ont menacé de « lustration par la benne à ordures », si la Cour annule l’arrestation. Celle-ci a donc laissé Didenko derrière les barreaux.

    Le rôle des « Maïdown » dans l’affaire Didenko est remarquable à tous points de vue. Quand début mai le juge l’a placé pour la première fois en détention préventive, peu de gens étaient au courant. Seulement ses parents, le tribunal, les services secrets et… un groupe de Maïdown de la soi-disant association « Oberig ». Les identités de deux d’entre eux sont faciles à déterminer : il s’agit de la « journaliste » Vera Zaporojets et du militant Secteur droit à la réputation sulfureuse Mikola Dotsenko. Ils se sont présentés au tribunal et ont commencé à harceler moralement Didenko et son père. Ils en ont fait une vidéo https://www.youtube.com/watch?v=KAnFnvrKwIM&feature=youtu.be

    A en juger par leur discours, ils connaissent parfaitement le dossier de l’enquête, y compris les enregistrements réalisés au domicile du journaliste. Dans les couloirs du tribunal, ils ont joué le rôle de « procureurs bénévoles », s’efforçant de briser et de calomnier le prévenu, et en même temps de le rabaisser en public, afin de diffuser cette scène d’humiliation au monde entier, le privant par là-même de la sympathie et du soutien de l’opinion publique. Une circonstance assez pénible était aussi le fait que le père du journaliste est partisan du pouvoir à Kiev. Quoi qu’il en soit, la vidéo et le comportement inquisitoire des pro-maïdan dans les couloirs du tribunal ne jouent pas en leur faveur, car ce sont eux qui ont le mauvais rôle et non leur victime sans défense.

    Deux circonstances donnent un tour assez piquant à la situation. Premièrement, les inquisiteurs accusent Didenko de travailler non pour ses idées, mais uniquement pour de l’argent, alors que justement l’organisation « Oberig » a été exclue de « Pravy sektor » [Secteur droit, NdT] pour malversations financières, dont détournement de biens et d’argent. Et d’ailleurs il serait étrange que le rédacteur en chef d’un site d’information et dont c’est l’emploi principal ne reçoive pas de salaire. Deuxièmement, l’un des harceleurs moraux du journaliste d’opposition est recherché par la police pour avoir participé au passage à tabac du député Choufritch. Nous parlons de Mikola Dotsenko. Néanmoins, il se promène tranquillement à travers tout le bâtiment du tribunal et a même accès aux dossiers d’instruction des services secrets. Il est clair que sans un soutien direct du SBU, Zaporojets, Dotsenko et toute leur bande, qui se fait appeler « Oberig », n’auraient pas pu se comporter de cette manière.

    Ainsi, l’affaire Vitali Didenko témoigne clairement de l’arbitraire juridique et du caractère répressif du régime de Kiev. Un journaliste d’opposition, un homme de gauche a été accusé de séparatisme pour la seule raison qu’il n’accepte pas l’idéologie du pouvoir en place et qu’il collabore avec des associations en désaccord avec le régime. Lors de son interpellation on a placé de la drogue chez lui pour pouvoir l’accuser. Et après son arrestation, pour le discréditer moralement, on a utilisé des bandits et des trafiquants protégés par le SBU et qui couvrent leurs agissements de mouchards et d’inquisiteurs sous des accréditations journalistiques.

    Vitali Didenko est aujourd’hui détenu à l’hôpital d’un établissement pénitentiaire. Il souffre non seulement des blessures qu’il s’est faites en tentant vainement de fuir, mais aussi de harcèlement psychologique. Il a besoin de notre soutien moral. C’est pourquoi nous appelons tous ceux qui peuvent de diffuser largement ces informations sur la persécution d’un journaliste d’opposition, le mépris des droits civiques en Ukraine et les méthodes infâmes utilisées par les pro-maïdan pour faire pression sur le prévenu et sur la justice.

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