• «Une guerre que je n’approuve pas» [Henri Martin-le témoignage d'André Pierriès-épisode n°2]

    Des soldats français rencontrés lors de leur première sortie à Saïgon, en décembre 1945, proposent à des marins, dont notre témoin André Pierrès, des lingots d’or.

    «Une guerre que je n’approuve pas» [Henri Martin-le témoignage d'André Pierriès-épisode n°2]

    Henri Martin, matelot mécanicien, ancien FTP
    (Francs-Tireurs et Partisans),
    se promène rue Catinat à Saîgon en 1947

    Il s'agissait de lingots de 300 à 500 grammes de fabrication artisanale, raconte André Pierrès. Le prix proposé était dérisoire, Ces hommes .avaient besoin d’argent, nous leur demandâmes l'origine du métal précieux. Ils nous répondirent que nous, marins sur un bateau, avions une compagnie de débarquement et que celle-ci aurait l'occasion comme eux-mêmes, de trouver ce métal précieux dans les expéditions en brousse ou dans les villages' côtiers, Nous ne fûmes absolument pas convaincus et nous eûmes la résolution de ce problème  quelques jours après, en conversant avec des soldats du Corps expéditionnaire français. Je n'ai pas le courage de donner .l'origine et la fabrication de, ces lingots. Il faut savoir simplement que la façon de transformer ce métal précieux en lingots, était pratiquée couramment dans les camps de déportation d'Auschwitz et de Dachau.

    RACISME EXACERBÉ 

    En tant que marins. nous avons vu aussi ce 'qu'était, la ségrégation raciale, notamment au Maroc et en Algérie. Mais à Saïgon, cela dépassait l'entendement. Un exemple: dans l'arsenal maritime, étaient employés des coolies, c'est-à-dire des manœuvres non- spécialisés habillés d'un short déchiré et de deux claquettes aux pieds. De pauvres  hères. Ces hommes, par 150 ou 200, étaient rassemblés, alignés au carré et au cordeau.          .  

    Pour les garder, pour les conduire sur le lieu de leur, travail, il y avait un fonctionnaire français armé d'un fouet. Non pas le fouet que nous avons connu dans notre enfance, ou dont les paysans  se servaient pour aiguillonner leurs chevaux. Non, un fouet de dompteur de cirque, c'est-à-dire un, manche de 50 cm en cuir prolongé par une lanière de la même matière, et enfin par une ficelle.  

    Eh, bien cet homme avait une grande dextérité, il aurait pu taire un numéro de cirque contre des bêtes fauves , Il lançait son fouet  sur les Vietnamiens et arrivait à toucher une oreille, un nez, un dos., C'était ignoble et tout le monde à Saïgon connaissait  cette pratique. Tous les fonctionnaires qui venaient matin et soir, voyaient le tableau: l'homme qui dirige l'homme avec un fouet. 

    Tous les officiers, tous les marins d'arsenal étaient au courant. C'était un fait tout à fait normal qui ne devait en aucun cas choquer les blancs. C'était un racisme exacerbé. Les colons parlaient des blancs et des jaunes.

    La ville de Saïgon était l'endroit où l'on pouvait trouver de tout, où l’on pouvait pratiquer tous les vices attachés à la sexualité, où l'on pouvait consommer de l'opium dans les fumeries que l'on trouvait en plein cœur de Saïgon et appelées pudiquement des dispensaires.

    «Une guerre que je n’approuve pas» [Henri Martin-le témoignage d'André Pierriès-épisode n°2]

    L’insigne du « Chevreuil »,

    avec la Croix de Lorraine en incrustation

     

    Début 1946, des mutineries eurent lieu à Saïgon. Exemple : sur le Béarn, étaient embarqués des marins engagés dans la France libre en 1940, 1941 et 1942, qui demandaient à résilier leur contrat, à être rapatriés en France. Leur demande n'a jamais été satisfaite. Ils se sont décidés à mettre leur sac à terre, avec la volonté de ne plus remettre les pieds à bord. Une ou deux heures après, des camions militaires les ont emportés. Trois jours après, ils embarquaient sur un bateau et étaient rapatriés.

    Les autorités militaires avaient agi très rapidement pour éviter que ce cas bien spécial ne se reproduise pas dans l'armée ou la marine. Il s’est reproduit- je l'ai vu –sur le Chevreuil, dans le poste des rnécaniciens. Là où Henri Martin et moi prenions nos repas, où nous dormions dans nos hamacs.

    COMMANDOS DE LA LÉGION

    Des camarades, marins, qui. s' étaient engagés en 1939 ou 1940, qui avaient été renvoyés dans leurs foyers après le sabordage à Toulon (novembre 1942), avaient été réintégrés courant 1944. Ces marins demandèrent l'abrogation de leur contrat et leur rapatriement en France. Jamais. il ne leur fut répondu. Alors, pour montrer leur mécontentement, ils se mirent à chanter « l’Internationale ». Ce qu’on n'avait jamais vu dans la marine.

    Il nous arrivait parfois de transporter des commandos de la Légion pour les déposer le long des côtes, et nous conversions avec eux. J'ai appris un jour que deux Allemands étaient d'anciens SS, ayant fait Stalingrad. Ils 'me montrèrent. du doigt un camarade légionnaire français parisien qui avait doublé· solde. Parce que, disaient-ils, il était chargé des exécutions sommaires. Je pense que vous ferez le rapprochement avec les corps que nous avions vus en remontant la rivière de Saïgon, lors de notre arrivée le 22 décembre. En 1945, la proportion d'Allemands dans la Légion était de 45%et à la fin de la guerre d'Indochine, elle tangentait les 70%. Ces légionnaires, qu'on recrutait dans les camps de prisonniers, avaient le. choix : soit rester prisonniers, soit être incorporés dans la Légion. Le 13 juillet 1946, l'armée française défila dans les rues de Saigon; et dans la principale rue (la célèbre rue Catinat), les Légionnaires défilèrent en chantant des chants nazis. Nous avons entendu le fameux « Heidi Heido », qui n'est pas une chanson nazie à l'origine, mais qui nous faisait trembler pendant l'occupation. 

    Oui était Henri Martin ? Un marin comme tous les autres, un bon camarade. Il était estimé de tout le monde, aussi bien des officiers que de ses camarades. Il n'était pas le dernier pour faire des expéditions joyeuses à. Saïgon, ce, que nous appelons' des «bordées». Il était simple et intelligent. Je me souviens que toutes les semaines, il recevait de son père un journal: La vie ouvrière. Car il ne voulait pas rompre avec le milieu d’où il sortait.        

    En plus, il était courageux. Je me dois de raconter un épisode de sa vie. Comme on dit familièrement : « Il fallait le faire ». 

    «Une guerre que je n’approuve pas» [Henri Martin-le témoignage d'André Pierriès-épisode n°2]

    L'aviso "Chevreuil" [dans l'état, un peu modifié, où il était après son séjour en Indochine]

     

     (A suivre)

    source: Le Marin-vendredi 12 juin 2015-page 43

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