• ENTRETIEN. « En mer : 5 000 milliards de particules plastiques » (OF.fr-20/03/21-15h21)

    Arnaud Huvet, chargé de recherche à l’Ifremer, spécialiste en physiologie moléculaire des bivalves marins et de leur interaction avec les microplastiques, ces particules de plastique dont la taille est inférieure à 5 mm.Arnaud Huvet, chargé de recherche à l’Ifremer, spécialiste en physiologie moléculaire des bivalves marins et de leur interaction avec les microplastiques, ces particules de plastique dont la taille est inférieure à 5 mm. | IFREMER

    Chargé de recherche de l’Ifremer au sein du Lemar de Brest (Finistère), Arnaud Huvet est spécialiste de la physiologie moléculaire des bivalves marins et de leur interaction avec les microplastiques. Il est également impliqué dans le conseil scientifique du groupe de recherche « Polymères et océans ».

    Arnaud Huvet est chargé de recherche de l’Ifremer au sein du Laboratoire des sciences de l’environnement marin, à Brest (Finistère). Il est spécialiste de la physiologie moléculaire des bivalves marins et de leur interaction avec les microplastiques.

    Les plastiques polluent l’océan. En quelle quantité ?

    Partout où l’on cherche des plastiques en mer, on en trouve ! En mer, aucune zone n’est plus épargnée. Et celle-ci est très variable, que ce soit en types de plastiques ou en quantités. Il y a quelques années, la communauté scientifique a chiffré 5 000 milliards de particules de plastiques flottantes (pour une évolution en masse de 260 000 tonnes). 

    En 2015, une estimation de ce qui entre chaque année dans l’océan, oscillait entre 4 et 12 millions de tonnes. Ce différentiel entre le flottant (260 000 tonnes) et « l’entrant annuel » (4 millions de tonnes) fait justement se poser la question : où passent ces plastiques s’ils ne flottent pas ?

    D’où vient cette contamination ?

    Selon une autre estimation, 80 % des déchets en mer proviennent en moyenne de nos activités à terre. Ce réceptacle final est alimenté par le vent, les bassins-versants, les rivières, etc. Si certaines contaminations y sont vite déversées, d’autres peuvent rester longtemps dans les sols avant d’être drainés vers les cours d’eau et l’océan. 

    Ce chiffre de 80 % est une moyenne, en quoi est-il susceptible de varier ?

    Nos analyses concernent les côtes finistériennes, en rade de Brest et en baie de Douarnenez. L’expédition MED a aussi mis en évidence une forte variabilité en fonction des usages locaux, en analysant les déchets d’une vingtaine de plages, pendant un an, du nord au sud de l’Hexagone, jusqu’à la Corse. Elle a montré que cette proportion 80-20 s’inverse dans des zones aquacoles ou de pêche. Ce constat permet d’envisager des solutions locales pour endiguer le problème.

    Quid de la cohorte de déchets plastiques de l’océan ?

    La plupart migrent dans l’océan selon les courants et se retrouvent concentrés sous l’effet des gyres océaniques connus, nord et sud en Atlantique et Pacifique, gyre de l’océan Indien. Cette soupe de déchets ayant parcouru plusieurs milliers de kilomètres a été surnommée « 7e continent » dans le Pacifique. 

    Nous parlons ici des microplastiques ?

    Les images de gros déchets (filets de pêche fantômes, bouteilles plastiques, etc.) frappent l’opinion publique mais ils ne forment que 10 % de cette pollution, le haut de l’iceberg ! La plus grande proportion (90 %) est une masse de déchets plus petits, comme les microplastiques (dont la taille est inférieure à 5 mm), résultat des fragmentations subies sous le feu des UV, de l’eau de mer ou bien encore des organismes qui les colonisent. À cela, s’ajoutent les entrées directes de plastiques déjà à la taille micro : fragments de pneumatiques, fibres textiles, particules issues de produits industriels ou cosmétiques.

    Tout ce (petit) monde flotte ?

    Les études récentes montrent qu’il pourrait y en avoir deux ou trois fois plus dans la colonne d’eau, selon les endroits. La majorité des plastiques ont une densité qui les fait flotter à la surface, brassés par le vent et les vagues. Interviens alors le biofouling, c’est-à-dire leur colonisation par les organismes vivants, ce qui a pour effet de les faire s’enfoncer jusqu’à 30 ou 40 m de profondeur. Puis, après que les organismes vivants ont été broutés, les plastiques remontent vers la surface. Ce yoyo peut durer longtemps…

    Les eaux profondes ne sont pas non plus épargnées…

    Des études montrent la présence de plastiques dans les sédiments même profonds (y compris la fosse des Mariannes, – 11 000 m !) ou qu’ils seraient trois fois plus nombreux au fond de l’océan Indien qu’en surface.

    Quelles sont les zones les plus contaminées ?

    La Méditerranée détient les records, avec les côtes du golfe de Bengale, du fait de la très mauvaise gestion des plastiques par le triptyque Inde-Chine-Indonésie. On trouve aussi des plastiques dans les glaces de mer en Arctique, sur l’île Henderson du Pacifique, pourtant isolée de l'homme à plusieurs milliers de kilomètres…

    Vous pointez un impact inattendu en termes de biodiversité…

    Ces plastiques deviennent aussi un nouvel habitat de choix pour les organismes, qui peuvent être invasifs voire toxiques. Le tsunami japonais de 2011 a ainsi introduit 300 nouvelles espèces sur les côtes américaines, transportées par les déchets du tsunami, des plastiques pour 80 % d’entre eux.

    Les plastiques sont-ils aussi dans l’air ?

    Une étude allemande a montré en effet qu’on inhale des microplastiques dans l’air des Alpes. Et une autre, américaine, qu’un Canadien respire entre 70 000 et 100 000 fibres par an. Et ingère entre 40 000 et 50 000 particules par an. 4 000 microplastiques de plus, s’il boit l’eau du robinet. 90 000, s’il boit de l’eau en bouteille. Une étude tchèque sur des volontaires a aussi montré la présence de microplastiques dans leurs excréments, preuve qu’ils sont ingérés et excrétés.

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    Est-ce que l’on mesure les impacts sur les organismes vivants ?

    Seule l’Anses peut réaliser des études épidémiologiques, susceptibles d’être prises en compte par les industriels de la plasturgie. Dans les laboratoires de l’Ifremer, deux post-doctorats Kévin Tallec et Camille Détrée travaillent en écotoxicologie. Le premier étudie les effets de fragments pneumatiques et de leurs composés chimiques sur la biologie de l’huître. La seconde, ceux des fibres synthétiques déversées par nos machines à laver.

    Pourquoi l’huître ?

    Cet organisme filtreur est le premier organisme en contact avec tous ces microplastiques. Même en cas de simple transit, cette présence dans l’estomac entraîne une gêne et des bilans énergétiques défavorables, avec une diminution des gamètes de 40 % et des retards de croissance des larves produites.

    Que répondent les industriels face à ces résultats ?

    Que ces résultats expérimentaux sont ensuite à transposer du laboratoire à la réalité, compte tenu de la cohorte de polluants, pesticides, métaux lourds, résidus de médicaments, et des autres paramètres résultant par exemple du changement climatique, comme la hausse de la température et de l’acidité de l’eau.

    Quid des nanoplastiques, ces particules plus petites qu’un micron ?

    Pour l’instant, on ignore en quelles quantités ils sont présents en mer, faute de technologie innovante pour les compter. La communauté scientifique se doute que, plus les particules sont petites, plus les effets sont forts, car leur petite taille leur permet de passer les membranes digestives et de migrer en générant des inflammations. Des chercheurs scandinaves nordiques en ont retrouvé dans le cerveau de poissons exposés expérimentalement à des nanoplastiques. Et observé des modifications de comportements, de déplacements et de fuites en face de prédateurs…

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    Alors, que peut-on faire ?

    Il serait impossible de bannir les plastiques, par exemple dans les véhicules (où leur légèreté est essentielle) ou à l’hôpital. Par contre, 40 % des plastiques sont destinés à l’emballage, certains d’une durée de vie très courte : de quelques minutes ! Il faut promouvoir la sobriété, développer les filières de fin de vie dès leur production, réduire les échappées de plastiques au cours des process industriels de fabrication ou de leur transport.

     

     

    Devant l’urgence, un groupement de recherche, le GDR Polymères et océans, a été constitué en 2019 sous l’égide du CNRS. Quel est son rôle ?

    Le GDR Polymères et Océans réunit 215 chercheurs, 45 laboratoires, cinq instituts du Centre national de la recherche scientifique (CNRS : INP, INC, INEE, INSU, INSIS) et deux partenaires (Institut français de recherche pour l’exploitation de la Mer/Ifremer et Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail/Anses). Son but est de rassembler la communauté francophone qui travaille sur le devenir des plastiques en milieu aquatique. Pour favoriser l’émergence de nouvelles recherches interdisciplinaires, toutes les communautés scientifiques sont mobilisées, des chimistes aux physiciens, en passant par les biologistes, les écologues, les écotoxicologues, les océanographes, les économistes, les sociologues !

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    Le laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar) de Brest (Finistère) est l’un de ces 45 laboratoires ?

    Ika Paul-Pont (CNRS) et moi-même (Ifremer) sommes impliqués dans le conseil scientifique de ce GDR, via le laboratoire des sciences de l’environnement marin (Lemar) de l’Institut universitaire européen de la Mer (IUEM), lui-même une Unité mixte de recherche (UMR) réunissant université de Bretagne occidentale (UBO), Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut de recherche pour le développement (IRD) et Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer).

    Vos travaux, eux, ont commencé bien avant la création du GDR ?

    Depuis 2011, nous travaillons en effet sur les impacts des plastiques en mer. Seulement, avant d’approfondir cette question, il faut être capable de répondre aux questions : où sont-ils présents ? En quelle quantité ? Quels plastiques ? Un autre volet important de notre travail est la sensibilisation du grand public, notamment au sein du projet européen Preventing Plastic Pollution.

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    Kevin Tallec, en cours d’expérience, mesure les réponses écophysiologiques (respiration, prise alimentaire, rendement d’assimilation de la nourriture) de jeunes huîtres aux composés chimiques relargués par des microfragments de pneumatiques grâce à un système d’enceinte individuelle reliée à des capteurs de mesures, sur le site expérimental Ifremer d’Argenton. | STÉPHANE LESBATS/IFREMER

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    Gaël HAUTEMULLE

    source: https://www.ouest-france.fr/

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