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Histoire. Ces résistants étaient fusillés il y a 80 ans… Retour sur le réseau du Musée de l’Homme. ( OF.fr - 12/03/22 - 09h31 )
C’est au Mont-Valérien, aux portes de Paris, que furent fusillés les résistants du réseau du Musée de l’Homme.
Il y a 80 ans, des résistants du réseau du Musée de l’homme, à Paris, tombaient sous les balles des Allemands, exécutés au Mont-Valérien. Parmi eux, Boris Vildé. Ce chercheur, d’origine russe, linguiste et ethnologue, joua un rôle essentiel dans la création du réseau, un travail de l’ombre qu’il mena aussi en Bretagne.
Dans quelques minutes, ce 23 février 1942, Boris Vildé, 33 ans, va tomber avec six de ses camarades du réseau de résistance qui s’est structuré à partir du Musée de l’Homme à Paris. Ils sont exécutés au Mont-Valérien, près de la capitale, ce haut lieu de la mémoire de la France combattante.
Pour eux, il n’était pas question de se battre les armes à la main, mais avec des idées pour dénoncer l’Occupation et les idées mortifères des nazis. Le réseau, composé notamment d’intellectuels et de chercheurs, leur oppose un journal, Résistance.
Boris Vildé, comme plusieurs de ses camarades, refusa d’avoir les yeux bandés, un ultime défi au peloton d’exécution. Il n’a que 33 ans, mais déjà une longue vie derrière lui. Il est né à Saint-Pétersbourg en Russie avant de passer son enfance dans le petit village de Yastrebino.
Adulte, il séjourne en Lettonie, en Allemagne et arrive en France en 1932. Il vit pauvrement mais sa curiosité est insatiable. Il a déjà beaucoup étudié mais poursuit des études d’ethnologie. Elles lui permettent, avec sa connaissance de plusieurs langues étrangères, de décrocher en 1937 un poste au Musée de l’Homme.
Retour à Trégastel
La guerre le rattrape. Il est fait prisonnier en 1940 avant de s’évader. Un autre combat va alors commencer pour lui, celui de la Résistance. Il en jette les premières bases en Bretagne où il se rend naturellement. À Trégastel (Côtes-d’Armor), il retrouve sa belle-famille dans la villa Breizh Izel. Son beau-père, Ferdinand Lot, l’historien spécialiste du Moyen Âge, en a fait l’acquisition quelques années plus tôt. En 1934, Boris Vildé est entré dans la famille en épousant Irène, l’une de ses trois filles.
C’est dans cette maison, en septembre 1940, qu’arrive à vélo Boris Vildé venu retrouver son épouse Irène et ses beaux-parents qui s’y sont installés, apprenant alors par la radio l’entrée des Allemands à Paris
, raconte Jean-Yves Séradin dans le livre qu’il a consacré à la famille du professeur Lot (La maison d’à côté, éditions À l’ombre des mots).Boris Vildé (ici dans les années 1930). Il fut à l’origine de la création du réseau de résistance du Musée de l’Homme. Arrêté, il sera fusillé, avec d’autres membres du réseau, au Mont-Valérien.Boris Vildé commence alors à tisser la trame du réseau de résistance du Musée de l’homme. Il pense à ce journal clandestin mais il se renseigne aussi pour organiser des passages à travers la Manche vers l’Angleterre. Il prend des contacts dans le Finistère à Quimper, Bénodet et Crozon.
Boris Vildé, par le jeu des relations personnelles, va constituer une toile d’araignée qui couvre toute la France, zone occupée et zone libre. Son charisme et aussi son culot son tels qu’il est difficile de ne pas le suivre
, souligne aussi Jean-Yves Séradin.Au mois de juin 2003, une stèle est inaugurée à Quimper pour rappeler le sacrifice de plusieurs lycéens de la ville qui avaient choisi l’action clandestine. Certains avaient manifestement rejoint le réseau du Musée de l’homme.
Les plus âgés d’entre eux avaient rallié la Résistance dès décembre 1940 au sein du réseau du Musée de l’homme
, explique Ouest-France dans son édition du 28 juin 2003.« Un personnage hors du commun »
Toujours dans l’Ouest, les ramifications du Musée de l’Homme ont permis de transmettre aux Alliés des renseignements déterminants pour mener à bien l’opération Chariot, le 28 mars 1942, le raid audacieux des Anglais contre les installations du port de Saint-Nazaire, afin de rendre inutilisables par les Allemands plusieurs de ses installations.
C’est un personnage hors du commun et rien ne l’arrête. Il est capable d’apprendre une langue étrangère en quelques semaines
, ajoute Claude Doyennel, un retraité aujourd’hui installé à Argentan (Orne) après avoir passé plusieurs années à Saint-Pétersbourg où il était enseignant.Le Palais de Chaillot à Paris, sur l’Esplanade du Trocadéro, qui abrite le Musée de l’Homme.Il s’est ainsi retrouvé dans l’équipe de direction du musée dédié à Boris Vildé à Yastrebino, le bourg de son enfance.
Propagande antinazie, rédaction et distribution de tracts et journaux clandestins, organisation de réseaux de part et d’autre de la ligne de démarcation, exfiltration de prisonniers évadés, transmission de renseignements en Angleterre. En ce temps-là, c’était la mort assurée. Il le savait
, explique le musée pour évoquer tout l’engagement de Boris Vildé.Le résistant croit en sa bonne étoile, trop sans doute. Il ne s’est même pas inquiété de se procurer de faux papiers. Il est arrêté le 26 mars 1941 puis condamné à mort avec d’autres résistants du réseau. Ultime hommage du pire vice à la vertu, le président allemand du tribunal soulignera toute la qualité du journal Résistance pour le trouver aussi d’autant plus dangereux pour le camp de l’occupant.
« J’aime ce beau pays »
L’histoire tragique de Boris Vildé est aussi celle d’une trahison, celle de l’un de ses agents qui travaille en fait pour la Gestapo. Albert Gaveau aura livré plusieurs noms. Arrêté en 1945, il sera condamné, lors de son procès en 1949, aux travaux forcés à perpétuité.
En prison depuis quatre ans pour avoir dénoncé le réseau du Musée de l’homme, et attiré dans nombre de traquenards les résistants qu’il emmenait en Bretagne sous couvert de leur faire gagner l’Angleterre, Gaveau n’en présente pas moins un sourire que l’on veut croire inconscient
, écrit Ouest-France, le 18 octobre 1949, en rendant compte des audiences de ce procès.Le procès d'Albert Gaveau qui dénonça Boris Vildé et d'autres résistants est à la une de l'édition d'Ouest-France du 10 octobre 1949.Dans l’édition du lendemain, le 19 octobre 1949, le journal note combien, avec le recul, les agissements d’Albert Gaveau étaient dangereusement suspects :
Gaveau voyageait librement de Quimper à Douarnenez et à Sète. Mais partout où il passait des arrestations se produisaient.
Et puis, il y a ce témoignage apporté par un résistant et repris par Ouest-France. Albert Gaveau devait l’aider à passer en Angleterre mais rien n’était préparé :
Nous avions rendez-vous à Brest. Très vite, nous nous rendîmes compte qu’il y avait malentendu et qu’il n’y avait pas de moyens très sûrs de nous faire partir pour l’Angleterre.
Lors de cet hommage aux fusillés de Belle-Beille à Angers (Maine-et-Loire), on évoque la mémoire et le sacrifice de Boris Vildé et des résistants du Musée de l'homme.L’image de Boris Vildé, Victor Chatenay, le maire d’Angers (Maine-et-Loire) de 1947 à 1959, la rappelle en 1952 lors de la cérémonie en hommage aux 45 résistants fusillés dans le quartier angevin de Belle-Beille : « C’était un savant étranger, attaché au Musée de l’Homme. Après sa mort, on a trouvé ces mots qu’il avait écrits : Quand j’ai vu les soldats allemands dans les rues de Paris, c’est une douleur aiguë au cœur qui m’a appris combien j’aimais la France, oui, j’aime ce beau pays et j’aime son peuple car il est celui qui reste le plus infiniment humain. »
La maison d’à côté ou les trois filles du professeur Lot (éditions A l’ombre des mots), Jean-Yves Séradin, 288 pages, 22 € (alombredesmots@sfr.fr).
Source : https://www.ouest-france.fr
Auteur :
« À Brest, elles se mobilisent contre la banalisation des violences faites aux femmes. ( OF.fr - 12/03/22 - 16h26 )Le second tour Mélenchon - Macron sera un immense événement | Adrien Quatennens sur France Culture (12/03/22) »
Tags : musee, resistant, reseau, boris, vilde
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