Dans son roman graphique « La Fiancée », Gwenaëlle Abolivier retrace l’histoire de la résistante Odette Nilès qui avait eu une relation amoureuse avec Guy Môquet peu avant son exécution. Un récit qui entre en résonance avec l’anniversaire des 80 ans de la Fusillade de Châteaubriant, commémoré ce lundi à Concarneau.
L’émotion risque d’être intense en ce début de semaine à Concarneau. Il y a 80 ans, Pierre Guéguin et Marc Bourhis étaient fusillés à Châteaubriant (44) par les soldats allemands avec 25 autres otages. À l’occasion de cet anniversaire, la commune va rendre un vibrant hommage, ce lundi, à l’ancien maire de Concarneau et à l’instituteur de Trégunc, morts pour leurs idées.
L’histoire des fusillés de Châteaubriant, la journaliste et écrivaine Gwenaëlle Abolivier a décidé de la raconter dans sa dernière BD intitulée « La Fiancée » et dessinée par Eddy Vaccaro (éditions Noctambule). C’est avant tout le parcours méconnu d’Odette Nilès qui est ici mis en lumière. Âgée de 98 ans, Odette Nilès est l’une des rares survivantes encore en vie du camp d’internement de Choisel, à Châteaubriant, où les 27 otages ont été exécutés.
Dès ses 15 ans, Odette s’engage en participant à des réunions clandestines ou des manifestations anti-allemandes. Un courage incroyable qui lui vaut d’être condamnée à mort avant d’être transmuée en détention, puis envoyée à Châteaubriant en 1941. C’est dans ce camp qu’elle fait la rencontre de Guy Môquet, âgé comme elle de 17 ans. « Guy était un gamin qui lui a tapé dans l’œil. Lui a été séduit par la fille de caractère qu’elle était », raconte Gwenaëlle Abolivier. Les deux adolescents vivent ensemble leurs premiers émois mais sont séparés par la mort le 22 octobre 1941. Avant son exécution, le jeune militant communiste avait adressé un mot doux à sa bien-aimée, « regrettant » de ne pas avoir eu un baiser tant promis. Une relation qui vaut à Odette Nilès le surnom de « Fiancée ».
«Elle m’a confié qu’il n’y avait pas un soir sans qu’elle ne pense à Guy et ses camarades.»
Une lettre gardée secrète pendant 60 ans
Un parcours tragique raconté avec justesse par Gwenaëlle Abolivier dans son roman graphique. La journaliste bretonne a rencontré à différentes reprises Odette Nilès qui a pu lui détailler toute son histoire. « Ce qui m’a frappée, c’est que cette dame avait encore toute sa jeunesse et se souvenait très bien de tout ce qu’elle avait vécu », témoigne-t-elle. « Elle m’a confié qu’il n’y avait pas un soir sans qu’elle ne pense à Guy et ses camarades. Il ne faut pas oublier que la lettre de Guy, elle l’a gardée secrètement pendant 60 ans ! », rappelle l’écrivaine.
Pierre Guéguin présent dans le récit
Son récit est aussi une ode à la jeunesse « que l’on n’écoute pas assez ». Gwenaëlle Abolivier n’hésite d’ailleurs pas à faire la comparaison entre la résistance des jeunes durant le second conflit et la nouvelle génération aujourd’hui impliquée dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais elle souligne que parmi les fusillés de Châteaubriant, figuraient des hommes de tous âges et de tous milieux sociaux. En témoigne la figure de l’ancien maire de Concarneau, lui aussi présent dans « La Fiancée ». Comme un symbole tragique, les lunettes de Pierre Guéguin sont dessinées en toute fin d’ouvrage, retrouvées projetées à quelques mètres des exécutions.