• Carnets grecs du PTB (2) : « La peur doit changer de camp »

    Carnets grecs du PTB (2) : « La peur doit changer de camp »

    Giorgios a voté… ND (droite). « Mais qu’est-ce que je regrette ! Là je vais voter pour le non. Ca ne peut plus continuer. 5 ans d’austérité, c’est assez ! On ne doit pas avoir peur. » Carnet de bord, deuxième partie, sur la manifestation massive pour le « non », du climat de peur entretenu par les partisans du « oui » et  d'une fille de 16 ans qui porte l’avenir en elle.

    Alors que la campagne pour le référendum bat son plein, le PTB a envoyé une délégation en solidarité avec le peuple grec. Parmi cette délégation, Michaël Verbauwhede, député bruxellois, et Steff Coppieters nous font vivre les événements sur place avec ce journal de bord.

    Après une courte nuit, rendez-vous à Omonia avec un journaliste grec. De peur des pressions, il préfère rester anonyme. Il confirme que la pression des médias privés et de l’élite économique est terrible pour faire gagner le « oui ». « Les agences de presse étrangères envoient des renforts ici, qui arrivent avec des idées totalement préconçues. Ils passent leur temps à filmer des scènes devant les banques, entretenant encore la peur. Les journaux grecs ne sont pas en reste. Une chaine de télé grecque a diffusé un reportage de 45 minutes sans arrêt d’images sur les files devant les banques, la panique, les rues désertes, les restaurants vides. Un bandeau circulait en-dessous avec comme seule phrase « seule la peur circule en rue aujourd’hui ». Bien sûr que des magasins sont fermés, mais c’est à cause de la crise et des mesures d’austérité ! ». Les journalistes sont aussi victimes de ce climat : « Mon employeur a menacé de me licencier si je ne décrivais pas dans mes reportages des scènes de panique. C’est honteux. Qu’ils aillent se faire foutre. Je ne me laisse pas faire ! »

    La meilleure réponse : 100 000 personnes disent οχι à Syntagma

    Aux alentours de 19 heures, la foule était très compacte dans le centre déjà très vivant d’Athènes. Après la grande canicule de la journée, la vie reprend ses droits en rue. Mais la foule présente est sans commune mesure avec la foule habituelle qu’on peut voir dans ce quartier central d’Athènes. Pour nous rendre à Syntagma, lieu du rassemblement du « non », nous avons du laisser passer deux métros pleins à craquer.  Il nous a fallu plus de 15 minutes pour sortir de la station de métro. Dans les sous-sols, la foule scandait des slogans hostiles aux médias privés, et criait οχι ! οχι ! (non)

    La place Syntagma était pleine à craquer. Jeunes et vieux, issus de couches diverses de la population étaient présents. La foule débordait sur les rues adjacentes. Nous étions dans le fond de la place, impossible d’avancer plus loin, quasiment le dos contre le mur sous la pression de la foule. La police et les médias parlent des 20 000 personnes, mais c’est très largement sous-estimé. En réalité, certains avancent le chiffre de 100 000 personnes. Des militants expérimentés évoquaient la plus grande manifestation depuis très longtemps sur Syntagma.  

    Même dans les stations de métro, les gens crient « οχι ! »

    La grande diversité des manifestants sautait aux yeux : des jeunes, des vieux, des parents avec leurs enfants, membres de Syriza, d’autres partis de gauche ou du mouvement social. « Nous descendons en rue pour vaincre la peur », nous dit Ira, une Grecque originaire d’Australie, venue avec ses nièces manifester. Les enfants nous montrent fièrement une pancarte « Non ! Pour notre avenir ». Mais c’était loin d’être un meeting réservé à la « gauche ». Nous avons ainsi rencontré un groupe de jeunes ayant voté aux dernières élections pour Nouvelle Démocratie (parti de droite, conservateur, NdlR) mais qui vont voter résolument pour le « οχι ». Car pour eux, sans une victoire du « non », difficile de s’imaginer un avenir en Grèce.  

    Nous rencontrons aussi Giorgios, la vingtaine, venu avec un ami, Eleftherios. Giorgios travaille 9 heures par jour, plus deux heures de trajet, pour 600 euros par mois. « Mais bon, j’ai au moins un travail, pas comme tous mes amis ». Giorgios a aussi voté… ND. « Mais qu’est-ce que je regrette ! Là je vais voter pour le non. Ca ne peut plus continuer. 5 ans d’austérité, c’est assez ! On ne doit pas avoir peur. » Un peu plus loin, Andreas, une quarantaine d’années, est présent avec sa femme. « A ceux qui nous prédisent la catastrophe si le "non" l’emporte, je leur dis que la catastrophe a déjà eu lieu pour la majorité de la population. Ceux qui craignent le "non", ce sont ceux qui ont des privilèges ou qui se sont enrichis ces dernières années. »

    Vaincre la peur était effectivement le message de la soirée et l’enjeu de la campagne du « non » : ce qui effraie les gens de voter pour le « non », c’est la peur des conséquences. 

    Les manifestants à Syntagma semblaient immunisés des messages de panique, et se détournaient des messages des tabloïds. Comme ce flyer appelant à voter pour le « non » : « Dignité : nous dépassons la peur, nous éteignons notre TV ».  

    La grande diversité des manifestants sautait aux yeux : des jeunes, des vieux, des parents avec leurs enfants, membres de Syriza, d’autres partis de gauche ou du mouvement social. « Nous descendons en rue pour vaincre la peur »

    Le Premier Ministre Alexis Tsipras a aussi dénoncé dans son speech la campagne de peur des médias. « Aujourd’hui, nous fêtons et chantons pour vaincre la peur, pour vaincre le chantage. En ce moment, tous les yeux de l’Europe sont tournés vers vous. Vous, le peuple grec, les trois millions de pauvres, le 1,5 millions de travailleurs sans emploi. »

    Son speech a été plusieurs fois interrompu par un puissant « οχι » de la foule. Tsipras a évoqué la démocratie, la souveraineté, et une Europe qui doit être là pour l’ensemble de la population au lieu d’être une Europe pour une petite élite. « C’est une fête de la démocratie » a-t-il conclu.

    Des concerts rythmaient aussi la soirée. Les manifestants chantaient et dansaient sur Syntagma. Malamas, un chanteur grec venu chanter après le speech d’Alexis Tsipras, a parfaitement résumé l’avis de la place Syntagma : « Tout scientifique sait que s’il réalise deux fois la même expérience, il obtiendra le même résultat. Votons "οχι" aux nouvelles mesures d’austérité ! » 

    On n’aurait pu rêver d’une meilleure réponse à la terreur de la campagne du « oui ».

    Comment Joséphine, serveuse, répond à Didier Reynders

    Minuit passé, après la manifestation gigantesque. Nous nous asseyons au restaurant « Alexandre le Grand », près d’Omonia. Un smartphone vibre. Didier Reynders (MR) tweete : « Un référendum, cela ne se fait pas en 8 jours ». Et le Ministre belge des Affaires étrangères continue : « Si un même type de référendum avait lieu hors Union Européenne, on aurait dit que ce n’était pas très démocratique ». Alors que nous lui répondons, la serveuse vient prendre notre commande. Joséphine travaille dans le restaurant familial.

    «  Les gens qui sont pour le "oui", ce sont surtout des gens qui ont de l’argent », selon une jeune serveuse.

    Devant un tract « οχι » sorti d’une de nos poches, elle nous demande dans un anglais impeccable : « Ah, vous étiez à la manif ? C’était comment ? J’aurais bien voulu y aller, mais impossible, je dois travailler ici. » La conversation s’engage. « Bien sûr, je suis pour le "non", comme toute ma famille. C’est la catastrophe ici. Je vois tous les jours des gens dormir dans la rue. Des hommes, des femmes, des enfants. Si on a un cœur, on ne peut pas laisser la situation comme ça. Avec le "οui", on sait que ça va être pire. Au moins avec le "non", il y a un espoir que ça change. On ne doit pas avoir peur. Les gens qui sont pour le "oui", ce sont surtout des gens qui ont de l’argent. C’est pour ça que les générations de politiciens, les Papandreou, Karamanlis, etc., tous ces gens qui veulent conserver leurs privilèges sont pour le "oui" ». Joséphine est aussi très critique sur le rôle des médias privés qui roulent pour le "oui". « Je ne les crois plus. Je dis à mes amis d’être critiques. Par exemple, la Une du journal Espresso il y a quelques jours, c’était une photo d’un vieillard en pleurs avec comme titre "Les larmes de la désolation". Mais la photo datait du tremblement de terre en Turquie en 2011 ! ». « Vous voterez οχι alors ? ». « Ah non, non. Moi je ne peux pas voter, je n’ai que 16 ans… Malheureusement. ». Oui, malheureusement.

    Devant tous les Reynders de ce monde, qui estiment le peuple grec incapable de décider de son avenir, Joséphine, 16 ans, nous démontre exactement l’inverse. Une fille de 16 ans qui, contrairement à cette Union européenne néolibérale, porte l’avenir en elle. Son avenir, celui de la Grèce, et celui d’une Europe de la coopération et de la solidarité.

    Michaël Verbauwhede et Steff Coppieters

    source: solidaire.org   [4/07/2015]

    « Ce que contiennent les Memorandums de la Troika UE BCE FMI ou de Syriza contre les travailleurs Grecs !Carnets grecs du PTB (3) : « Le jour le plus long » »
    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    Tags Tags : , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :