Espionner ou surveiller abusivement des salariés : l’affaire reprochée à la filiale française du géant suédois de l’ameublement Ikea, jugée à partir de ce lundi devant le tribunal correctionnel de Versailles, n’est pas un cas isolé. Rappel de quelques cas révélés ces dernières années en France et en Europe.
1-L’œil du géant suédois ne passe pas
Huit ans après la révélation des faits, qui concernaient notamment le magasin de Brest, Ikea, le géant suédois du meuble, est donc renvoyé devant une juridiction pénale pour avoir « mis en place un système d’espionnage à l’encontre de candidats à l’embauche, de collaborateurs et de clients ». L’instruction estime qu’Ikea « a mis en place une politique managériale reposant sur un système d’espionnage organisé à l’encontre de candidats à l’embauche, de collaborateurs et de clients ». Accès illégal à des fichiers administratifs et judiciaires pour observer à la loupe les candidats à l’embauche, espionnage de salariés et de syndicalistes, et même de clients… C’est fin février 2012 que le syndicat FO de Seine-Saint-Denis dénonce, via une plainte, ces soupçons au parquet de Versailles. L’affaire fait alors grand bruit. Jusqu’à Brest, où l’enseigne a ouvert un magasin, quatre ans plus tôt. Dès septembre 2007, et pendant un an, près de 190 des 250 salariés auraient ainsi été passés au crible. Le système semble alors généralisé, probablement depuis 2003 : les enquêteurs trouveront trace de pratiques similaires dans 17 autres magasins.
2-Traduisez, vous êtes filmés !
En juin 2019, la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) inflige une amende de 20 000 euros à une petite entreprise parisienne de traduction pour un système de vidéosurveillance intrusif et permanent : les six traducteurs étaient filmés « à leur poste de travail sans interruption ». La Cnil rappelle qu’une entreprise doit informer clairement ses salariés lorsqu’elle met en place des caméras . En outre, elle ne peut pas les filmer en continu.
3-138 caméras pour un centre commercial
En février 2014, la direction d’un centre commercial situé à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde) est mise en demeure par la Cnil pour un « système de vidéosurveillance des salariés disproportionné ». L’autorité relève, lors d’une inspection, un total de 138 caméras sur le site, dont 39 installées dans des locaux non-accessibles au public ainsi qu’un dispositif biométrique pour contrôler les horaires des salariés.
4-Scanner mouchard
Un employé de la Halle aux chaussures reçoit en décembre 2012 une lettre de licenciement pour des « pauses sauvages » détectées par le scanner qu’il porte à la main pour gérer le stock de son entrepôt. La direction justifie ce licenciement par le fait que lorsque le dispositif n’envoie pas de signal, cela signifie que l’employé est inactif. Le tribunal des prud’hommes de Châteauroux (Indre) sanctionne l’entreprise, en février 2014, pour l’utilisation de ce système de surveillance non-déclaré.
5-Big Brother chez le discounter
En 2008 et 2009, deux scandales d’espionnage interne secouent le discounter allemand Lidl. Installation de caméras miniatures, embauche de détectives privés, collecte d’information sur la santé des salariés : le groupe reconnaît les faits, présente ses excuses et accepte de payer de grosses amendes en Allemagne. À la même époque, plusieurs autres affaires de surveillance interne éclatent dans ce pays : Deutsche Bahn, Deutsche Telekom et Airbus sont visés.
6-Espionnage chez Les Guignols : Canal + relaxé
En 2011, Canal+ est relaxé mais plusieurs ex-employés sont condamnés pour l’espionnage quelques années auparavant de Bruno Gaccio, auteur de l’émission satirique « Les Guignols de l’Info ». Ce dernier, qui menait alors la contestation interne contre le licenciement du patron de la chaîne Pierre Lescure, avait été filé, filmé et la liste de ses appels épluchée par le service de sécurité de Canal. Les juges ont estimé que, malgré ces agissements, la responsabilité du groupe audiovisuel n’avait pas été engagée.
7-La ténacité d’un ingénieur roumain
C’est la ténacité d’un ingénieur roumain, licencié en 2007 pour avoir utilisé l’internet de sa société à des fins personnelles, qui a abouti, dix ans plus tard, à un arrêt phare de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) établissant que les entreprises pouvaient, certes, surveiller leurs employés mais de manière raisonnable. Pour prouver que le salarié avait commis une faute, son employeur avait présenté la transcription, sur 45 pages, de ses communications électroniques personnelles pendant une semaine. Un mode de surveillance qui a violé, selon la CEDH, le « juste équilibre » nécessaire entre respect de la vie privée et droit de l’employeur de prendre des mesures pour le bon fonctionnement de sa société.
Hervé Chambonnière
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