• « Un pays colonisé » : tribune de Patrick Köbele, secrétaire général du Parti communiste allemand (DKP) sur la politique de l’UE à l’encontre de la Grèce

    Alexis Tsipras a accepté le chantage crapuleux exercé par l’UE. Une grande coalition incluant les « vieux partis » sanctionnés par le peuple, le PASOK et la Nea Dimocratia et des composantes du parti « porteur d’espoir », Syriza, s’apprêtent à valider cette politique au Parlement grec. Parmi les principaux points de ce chantage, on dénombre une attaque dramatique contre le pouvoir d’achat des masses, déjà largement entamé, via la hausse de la TVA, une coupe claire sur les retraites ainsi que le transfert de biens nationaux vers un fonds de liquidation, qui ôte encore davantage sa souveraineté à l’Etat grec.

    Cette dernière mesure rappelle beaucoup l’annexion de la RDA, du moins son volet économique. Ce parallèle n’est pas déplacé. Les directives des maîtres-chanteurs augmenteront le chômage, la pauvreté des masses, la misère sociale en Grèce. Et elles ne supprimeront pas l’endettement.

    Elles poursuivent ce que l’UE a déjà commencé : elles jettent l’économie grecque, le peuple grec dans les griffes du capital monopoliste des plus grandes puissances impérialistes, d’abord l’Allemagne, mais aussi des monopoles grecs qui, soit se font dévorer, soit sont dans le train des profiteurs, sans que par ailleurs le sort des propriétaires des monopoles avalés leur soit défavorables pour eux-mêmes.

    Avec ce chantage, l’UE a montré de façon dramatique à l’extrême son caractère d’alliance impérialiste. Dans le même temps, cet épisode donne une photographie du processus de transformation du caractère de l’Union européenne en une UE toujours plus allemande. Il porte en soi des conflits. Les contradictions entre la France, l’Italie et l’Allemagne ont été flagrantes. Ces contradictions ont été remisées au profit des intérêts communs. Avec l’exemple de la Grèce a été démontré que quiconque refuse le joug est contraint de se plier au chantage.

    Les auteurs et les victimes du chantage ne se trouvent jamais sur un pied d’égalité. Cela vaut également pour le gouvernement grec. Cependant, l’illusion d’une discussion d’égal à égal entre une économie faible et les impérialistes dominants, et avec elle, l’illusion d’une issue à l’intérieur de l’UE, ont facilité le travail des maîtres-chanteurs, et ont rendu possibles maintenant la grande coalition au parlement grec et les menaces qu’elle porte. Le danger est grand que tout cela conduise à une frustration parmi les masses et à une poussée à droite.

    Mais il faut aussi parler de la responsabilité des forces progressistes en Allemagne. Elles n’ont pas réussi à repousser le soi-disant « penser local » et à faire valoir à nouveau l’internationalisme. Au contraire, l’idéologie dominante, ses médias et ses politiciens, ont réussi à ancrer le nationalisme. Changer cela exige une clarté d’analyse, des actions de masse et le développement de la lutte des classes, en Grèce, en Allemagne comme dans toute l’UE.

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  • Le Parti communiste du Venezuela (PCV) a réagi aux déclarations certains porte-parole du gouvernement qui avaient mis en discussion la privatisation d’entreprises nationalisées. Pour Oscar Figuera, secrétaire général du PCV, au lieu de restituer au capital privé les entreprises regagnées sur lui au Venezuela, l’Etat devrait s’engager pour promouvoir une gestion participative des groupes par les salariés.

    Fuguera a expliqué en quoi le retour des entreprises industrielles et des domaines agricoles dans les mains de leurs anciens propriétaires comme leur transfert dans celles de la bourse constitueraient un recul. Le secrétaire du Parti a également critiqué le fait que, dans certaines entreprises d’Etat, les dirigeants poursuivent une politique destinée à donner l’impression que l’Etat et les travailleurs ne seraient pas capables de produire et de gérer. De cette façon certains cherchent à justifier le démantèlement, la revente ou la restitution des entreprises nationalisées.

    Les communistes du Venezuela prônent une intervention de l’Etat dans le fonctionnement des entreprises publiques pour développer un autre mode de gestion, participatif et orienté vers l’intérêt du peuple. Selon la conception du PCV, le travail dans l’entreprise doit être organisé conjointement par les conseils socialistes de travailleurs, des représentants désignés par le gouvernement, les conseils municipaux et les producteurs impliqués. Pour Oscar Figuera, cela approfondirait l’exercice de la démocratie participative dans un domaine aussi central que le développement économique.

    Source : Tribuna Popular

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  • La dictature en Ukraine s’intensifie : 3 partis se référant au communisme ont reçu l’interdiction de se présenter aux élections municipales.

    Le gouvernement ukrainien vient de franchir un nouveau pas dans son affirmation dictatoriale. Le ministre de la justice, Pavel Petrenko, a décidé d’interdire l’inscription pour les prochaines élections municipales d’octobre de candidatures émanant du Parti communiste d’Ukraine (PCdU) et de deux petites formations se réclamant du communisme.

    Les motifs invoqués sont le non-respect de la loi inique interdisant la diffusion de « symboles totalitaires » et la procédure d’interdiction en suspens du PCdU (voir, entre autres, notre article d’avril 2015 en lien).

    La direction du PCdU a affirmé son intention de contester la légalité de cette décision, puisque le Parti n’est pas (encore) interdit. Il compte présenter des candidats de toute façon.

    La surenchère répressive et anticommuniste du régime en place à Kiev, issu d’un coup d’Etat, ouvert aux néofascistes, toujours plus discrédité dans la population, s’explique vraisemblablement par deux raisons.

    1°. Son incurie dépasse encore celle de de ses prédécesseurs, comme sa dépendance aux oligarques pillards. La situation économique et sociale s’est encore considérablement dégradée. La misère engendre la colère. Les chiffres officiels donnent un revenu moyen de 130 euros et une pension de retraite moyenne de 36 euros par mois ! Les prix des biens de première nécessité, alimentation, électricité, eau, ont explosé depuis un an, multipliés par 6 pour le gaz, par 3 pour les fruits, par 2,7 pour le pain et les pâtes, par 2,6 pour l’eau, par 2,3 pour l’électricité etc.

    Le régime redoute de toute évidence la dénonciation conséquente, par le PCdU, des causes de ces réalités, l’affirmation d’un début d’alternative politique et sociale, sur la base de la mobilisation des richesses du pays.

    2°. Le vote communiste pourrait également être le moyen d’exprimer une condamnation de la poursuite de la guerre civile, enclenchée par le régime, à force de propagande xénophobe et néofasciste, contre les populations de l’est du pays, en grande partie pour le compte des puissances impérialistes occidentales. L’état du rapport de force local et international ne laisse voir qu’un enlisement. Le PCdU a toujours mis en avant une résolution diplomatique du conflit, une conception fédérale du pays. C’est inacceptable pour le régime de Porochenko et ses commanditaires impérialistes.

    Communistes français, nous adressons à nouveau notre solidarité aux communistes ukrainiens. Nous appelons à la dénonciation la plus forte de la dictature ukrainienne. Le gouvernement français est directement en cause dans son soutien à ce régime. Notre site continuera à relayer les demandes aux autorités françaises de dénonciation des mesures antidémocratiques prises à Kiev, d’interruption de toute livraison d’armes et de tout soutien logistique et économique à ce régime, de retrait définitif de la France du processus d’accord économique entre l’UE et l’Ukraine.

    source: solidarite-internationale-pcf.fr

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  • 70ème anniversaire des bombardements d’Hiroshima et Nagasaki : lettre ouverte de la présidente du Conseil mondial de la Paix, Socorro Gomes

    Un terrible anniversaire qui appelle à intensifier notre lutte contre les armes atomiques.

    En ce 70ème anniversaire des bombardements criminels américains sur les villes japonaises d’Hiroshima et Nagasaki, nous vous écrivons pour réaffirmer notre solidarité avec le peuple japonais, victime de l’effroyable inauguration de l’usage des armes nucléaires dans le monde. Nous rendons hommage aux milliers de victimes de ce crime de guerre et crime contre l’Humanité perpétré par l’impérialisme américain, qui a toujours des comptes à rendre.

    Les victimes ne sont pas des nombres : ce sont des hommes et des femmes dont les vies ont été arrachées par la pire expression du bellicisme et de la brutalité, mais dont le souvenir doit animer notre combat contre les armes de destruction massive et pour la paix.

    Au moment où nous adressons l’expression de notre solidarité au peuple japonais et lui apportons notre soutien, nous adressons un appel au renforcement de la lutte commune des peuples pour l’abolition totale de l’arme atomique. Nous regrettons que, 45 ans après son adoption, le Traité de non-prolifération (TNP), un texte superficiel et insuffisant, n’ai pas assuré à l’humanité la délivrance de la menace de guerre nucléaire.

    Nous rendons hommages aux 300.000 victimes japonaises et aux victimes des essais nucléaires américains dans des sites comme les îles Marshall, qui souffrent toujours des conséquences des essais réalisés par les Etats-Unis entre 1946 et 1958. Nous réitérons notre appel au monde pour la suppression totale des arsenaux nucléaires qui mettent en danger l’humanité.

    En 1950, le Conseil mondial de la Paix lançait l’Appel de Stockholm, qui allait être signé par plus de 350 millions de personnes. Il demandait « l’interdiction absolue de l’arme atomique, arme d’épouvante et d’extermination massive des populations ». Ce document, que nous portons toujours 65 ans après, exhorte « les hommes et femmes de bonne volonté du monde entier à signer l’Appel ». Bien que des millions de personnes aient demandé l’abolition de l’arme nucléaire, les dirigeants de ce monde en sont encore à débattre d’un projet bien moins ambitieux : la simple réduction des arsenaux existants.

    L’échec des conférences d’examen du TNP – la dernière a eu lieu en avril 2015 – est le fait des régimes qui y sont le plus opposés, poursuivant leur politiques impérialistes de massacre, de terreur et d’oppression : Israël et les Etats-Unis. Le projet de faire du Moyen-Orient, l’une des régions les plus instables à cause des menées impérialistes, une zone dénucléarisée a suffi à déclencher la réponse d’Israël et à enrayer le processus à travers l’intervention des Etats-Unis.

    De leur côté, les Etats-Unis ont fait du théâtre avec la mise en scène de la réduction de leur arsenal, cachant leur effort de « modernisation » : maintenant leur pouvoir nucléaire, ils accroissent les effets meurtriers et l’opérativité de leur arsenal même s’ils le réduisent en quantité. Leur politique, combinée et mise en avant par la plus grande machine de guerre qu’ait connue l’humanité, l’OTAN, est basée sur la menace et sur l’agression contre les peuples de toute la planète.

    Aussi, en ce jour de terrible anniversaire, nous affirmons avec force, une fois de plus, notre condamnation du massacre du peuple japonais et de la menace de répétition d’un événement aussi horrible.

    Nous intensifions notre lutte déterminée pour l’abolition de l’arme atomique et des autres armes de destruction massive. Dans notre démarche antiimpérialiste, nous sommes sûrs que notre unité mettra en échec les politiques bellicistes et militaristes, parce la volonté des peuples, c’est simplement la paix.

    Socorro Gomes, présidente du Conseil mondial de la Paix.

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  • "Très intéressante interview – heureusement qu’il y a l’Humanité quand même… Quelques commentaires de ma part en exergue.

    Le 29 juillet, le Premier ministre grec s’exprimait longuement à l’antenne de Sto Kokkino. L’entretien, conduit par Kostas Arvanitis, le directeur de cette radio proche de Syriza, offre un éclairage inédit sur cinq mois d’une négociation aux allures de guerre d’usure avec les créanciers d’Athènes et les « partenaires » européens. Avec l’autorisation de nos confrères, nous en publions ici la retranscription intégrale.

    Parlons de ces six mois de négociations. Quel bilan en tirez-vous ?

    Alexis Tsipras. Il faudra en tirer les conclusions de façon objective, sans s’avilir ni s’auto-flageller car ce fut un semestre de grandes tensions et de fortes émotions. Nous avons vu remonter en surface des sentiments de joie, de fierté, de dynamisme, de détermination et de tristesse, tous les sentiments. Je crois qu’au bout du compte si nous essayons de regarder objectivement ce parcours, nous ne pouvons qu’être fiers, parce que nous avons mené ce combat. Et parce que les combats perdus d’avance ne sont que ceux que l’on ne livre pas.

    "Ouaip, mais les combats qu’on gagne, c’est quand même mieux…

    Nous avons tenté, dans des conditions défavorables, avec un rapport de force  difficile en Europe et dans le monde, de faire valoir la raison d’un peuple et la possibilité d’une voie alternative. Au bout du compte, même si ces rapports de forces étaient déséquilibrés, même si les puissants ont imposé leur volonté, ce qui reste c’est l’absolue confirmation, au niveau international, de l’impasse qu’est l’austérité. Cette évolution façonne un tout nouveau paysage en Europe. L’Europe n’est pas la même après le 12 juillet. Quand Jürgen Habermas lui-même affirme que l’Allemagne a détruit une stratégie de cinquante ans, une stratégie de l’imposition par la persuasion et non par la force, je pense que ce sont des mots qu’il nous faut écouter.

    "Euh, et il trouve que c’est positif ?

    Vous-même, le gouvernement, Syriza étaient-ils prêts à affronter l’adversaire ? N’y êtes-vous pas allés avec de bonnes intentions, face à des institutions qui ne se sont pas comportées de façon très institutionnelle ?

    Alexis Tsipras. Il n’y a pas eu de « bonnes intentions », de notre côté ou du leur. Il y a eu une négociation très dure. Pour la première fois. Et la différence avec le passé c’est que sur la table il y avait des stratégies très différentes, contradictoires. Il y avait d’un côté un gouvernement qui avait et continue à avoir la majorité du peuple grec à ses côtés, qui revendique une autre voie, une autre perspective et de l’autre côté les institutions, qui ne sont ni indépendantes ni neutres mais aux ordres d’un plan stratégique précis.

    "Eh oui, il est déniaisé le gars on dirait… Ce qu’il appelle les “instituions”, c’est en particulier le machin “Union Européenne”

    Est-ce que Syriza s’est rangé à l’unisson derrière cette ligne de la négociation ou y avait-il d’autres opinions ? Avez-vous pris la négociation sur vous ? Les organes du parti connaissaient-ils les procédures ? Le parti était-il au courant de ce qui se passait ?

    Alexis Tsipras. Le gouvernement fonctionne collectivement, avec le Conseil des Ministres, le conseil gouvernemental, qui tenait des réunions régulières afin que les ministres soient tenus au courant et qu’ils puissent définir le cours des négociations. Et en même temps nous avions créé, et ils existent toujours, des organes institutionnels comme le Groupe de négociation politique à laquelle de façon exceptionnelle assistaient tant le secrétaire du groupe parlementaire de Syriza que le secrétaire du comité central de Syriza, afin qu’ils soient absolument tenus au courant et qu’ils participent aux prises décisions. Le parti était lié aux organes gouvernementaux. Étroitement lié. Et bien sûr il y avait des réunions régulières du secrétariat politique de Syriza. C’est une autre question qu’il faut se poser. À quel point le parti participait de façon active à pour créer les conditions d’un soutien à l’effort gouvernemental dans la négociation ? C’est une question que l’on doit se poser.

    Mais c’est vous le président de Syriza.

    Alexis Tsipras. Effectivement mais je pense que le peuple grec a surpassé le parti et le gouvernement.

    Cela s’est vu aussi lors du référendum.

    Alexis Tsipras. Pas seulement. Certains regardaient se dérouler les négociations en grognant au moment même où la majorité du peuple grec voulait renforcer cet effort de la négociation. La négociation est une chose, la lutte quotidienne en est une autre. Les combats sociaux sont indispensables pour créer de nouveaux cadres, dépasser les cadres institutionnels en place, créer les structures et les infrastructures facilitant  la confrontation avec l’ordre établi, tout en soutenant les populations qui souffrent des politiques actuelles.

    Une grande partie de la population voit toujours d’un œil positif la trajectoire du gouvernement mais il y a aussi ceux qui se sont battus, dans la rue, dans les quartiers, qui se sentent contraints par les évolutions récentes. Qu’en est-il aujourd’hui du mandat populaire donné à Syriza ? Les memoranda n’ont pas été déchirés. L’accord est particulièrement dur. Vous-même, le gouvernement, le parti, avez posé la dette comme étant notre problème principal. Le sujet est enfin en discussion. Mais sur le reste, l’addition finale ?

    Alexis Tsipras. Tout d’abord le mandat que nous avons reçu du peuple grec était de faire tout ce qui était possible afin de créer les conditions, même si cela nous coûte politiquement, pour que le peuple grec cesse d’être saigné.

    “Mission accompl…” . Ah non…

    Pour que s’arrête la catastrophe…

    Alexis Tsipras. C’est le mandat que nous avons reçu, il nous a guidés dans la négociation…

    Vous aviez dit que  les memoranda seraient supprimés avec une seule loi.

    Alexis Tsipras. Ne vous référez pas à l’un de mes discours de 2012. Avant les élections je n’ai pas dit que les memoranda pouvaient être supprimés avec une seule loi. Et personne ne disait cela. Nous n’avons jamais promis au peuple grec une ballade de santé. C’est pour cela que le peuple grec a conscience et connaissance des difficultés que nous avons rencontrées, auxquelles lui-même fait face, avec beaucoup de sang-froid. Laissons de côté ce cadre d’approche populiste « Vous avez-dit que vous déchireriez les memoranda ». Nous n’avons pas dit que nous déchirerions les memoranda avec une loi. Nous avons dit que nous mènerions le combat pour sortir de ce cadre étouffant dans lequel le pays a été conduit à cause de décisions politiques prises avant 2008 générant les déficits et les dettes, et après 2008, nous liant les mains.

    “Mission accompl…” . Ah non…

    Vous aviez bien dit que vous arrêteriez la catastrophe.

    Alexis Tsipras. Je reviendrai sur la catastrophe. Mais nous n’avons pas promis au peuple grec que tout serait facile et que tout serait réglé en un jour. Nous avions un programme et nous avons demandé au peuple de nous soutenir afin de négocier dans des conditions difficiles pour pouvoir le réaliser. Nous avons négocié durement, dans des conditions d’asphyxie  financières jamais vues auparavant. Pendant six mois nous avons négocié et en même temps réalisé une grande partie de notre programme électoral. Pendant six mois, avec l’angoisse constante de savoir si à la fin du mois nous pourrions payer les salaires et les retraites, faire face à nos obligations à l’intérieur du pays, envers ceux qui travaillent. C’était cela notre angoisse constante. Et dans ce cadre nous avons réussi à voter une loi sur la crise humanitaire. 200 millions, c’est ce qu’on a pu dégager. Des milliers de nos concitoyens, en ce moment, bénéficient de cette loi. Nous avons réussi à réparer de grandes injustices, comme celles faite aux  femmes de ménage du ministère des finances, aux gardiens d’écoles, aux employés de la radiotélévision publique ERT, qui a rouvert. Nous avons voté de manière unilatérale, contre les institutions et la troïka, une loi instaurant la facilité de paiement en 100 fois, qui a permis à des centaines de contribuables, d’entrepreneurs, de s’acquitter de leurs dettes envers l’Etat, et de se débarrasser ainsi d’un poids. Nous avons voté une loi sur la citoyenneté, nous portons un projet de loi sur les prisons… Sans essayer d’enjoliver pour autant, n’assombrissons pas tout. Si quelqu’un a le sentiment que la lutte des classes est une évolution linéaire et se remporte en une élection et que ce n’est pas un combat constant, qu’on soit au gouvernement ou dans  l’opposition, qu’il vienne nous l’expliquer et qu’il nous donne des exemples. Nous sommes devant l’expérience inédite d’un gouvernement de gauche radicale dans les conditions de cette Europe, de l’Europe néo-libérale, un peu comme un cheveu sur la soupe.

    "Non. Ce n’est pas “Cette Europe”. C’est : “L’Europe”. Il n’y en aura jamais une autre, elle remplit actuellement 100 % des objectifs qui lui ont été assignés dès l’origine. Il veut pas comprendre le bougre…

    Mais nous avons aussi, à gauche, d’autres expériences de gouvernement et nous savons que gagner les élections ne signifie pas, du jour au lendemain, disposer des leviers du pouvoir. C’est un combat constant. Mener le combat au niveau gouvernemental ne suffit pas. Il faut le mener, aussi, sur le terrain social.

    Pourquoi avez-vous avez pris cette décision de convoquer un référendum ? En quoi cela vous a-t-il aidé ? En quoi cela a-t-il aidé le gouvernement et le pays ?

    Alexis Tsipras. Je n’avais pas d’autre choix.

    Pourquoi vous n’aviez pas d’autre choix ?

    Alexis Tsipras. Il faut garder en tête ce que j’avais avec le gouvernement grec entre les mains le 25 juin, quel accord on me proposait. Je dois admettre que c’était un choix à haut risque. La volonté du gouvernement grec n’était pas seulement contraire aux créditeurs, elle se heurtait au système financier international, au système politique et médiatique grec. Ils étaient tous contre nous. La probabilité que nous perdions le référendum était d’autant plus élevée que nos partenaires européens ont poussé cette logique jusqu’au bout en décidant de fermer les banques. Lorsque  nous avons pris la décision du référendum ceci n’était pas en jeu, loin de là. C’était donc un choix à haut risque mais c’était pour nous la seule voie, puisqu’ils nous proposaient un accord avec des mesures très difficiles, un peu comme celles que nous avons dans l’accord actuel, voire légèrement pires, mais dans tous les cas des mesures difficiles et, à mon avis, inefficaces. En même temps ils n’offraient aucune possibilité de survie. Car pour ces mesures ils offraient 10,6 milliards sur cinq mois. La principale position de nos partenaires lors des Sommets et des réunions de l’Eurogroupe était que la Grèce devait compléter ses obligations et ses engagements, avec une cinquième évaluation du programme précédent, ce que [le précédent Premier ministre] Samaras avait laissé à moitié fait. Ces engagements sont en fait les mêmes engagements que nous avons maintenant, c’est la cinquième évaluation que nous complétons dans un programme plus étendu, ce sont exactement les mêmes mesures. Ils voulaient que la Grèce, donc, prenne, une fois ses engagements tenus, ce qui restait du programme précédent en termes de financements. C’est à dire à peu près 10 milliards d’euros – 7 existants et 3,6 du FMI – et 2 milliards d’augmentation des bons du Trésor grec que la BCE, juste après notre élection, a mis comme limite – extrêmement basse – pour ne laisser aucune marge de respiration pour l’économie grecque. Essentiellement ils nous donnaient à peu près 12,6 milliards pour cinq mois d’extension, durant lesquels nous devions être soumis à quatre « revues » successives. Nous aurions dû appliquer le programme en cinq mois, au lieu de trois ans désormais,  et l’argent que nous aurions obtenu aurait été issu des restes du programme précédent, sans un euro en plus, parce que telle était l’exigence des Néerlandais, des Finlandais, des Allemands. Le problème politique principal des gouvernements du Nord était qu’ils ne voulaient absolument pas devoir aller devant leurs Parlements pour donner ne serait-ce qu’un euro d’argent « frais » à la Grèce, car ils s’étaient eux-mêmes enfermés dans un climat populiste selon lequel leurs peuples payaient pour ces paresseux de Grecs. Un climat qu’ils ont eux-mêmes fabriqué. Tout ceci est bien sûr faux, puisqu’ils paient les banques et les prêts des banques, pas les Grecs.

    La droite grecque reprend ce discours…

    Alexis Tsipras. Qu’a apporté la position forte tenue contre vents et marées par le peuple grec au référendum ? Elle a réussi à internationaliser le problème, à le faire sortir des frontières, à dévoiler le dur visage des partenaires et créditeurs. Elle a réussi à donner à l’opinion internationale l’image, non pas d’un peuple de fainéants, mais d’un peuple qui résiste et qui demande justice et perspective. Nous avons testé les limites de résistance de la zone euro. Nous avons fait bouger les rapports de forces. La France, l’Italie, les pays du Nord avaient tous des positions très différentes. Le résultat, bien sûr, est très difficile mais d’un autre côté la zone euro est arrivée aux limites de sa résistance et de sa cohésion. Le chemin de la zone euro et de l’Europe au lendemain de cet accord sera différent. Les six mois prochains seront critiques et les rapports de forces qui vont se construire durant cette période seront tout aussi cruciaux.

    "Mais oui, tout le monde va t’aider mon biquet… Hollande enfile déjà son casque pour venir t’aider…

    En ce moment le destin et la stratégie de la zone euro sont remis en question. Il y a plusieurs versions. Ceux qui disaient « pas un euro d’argent frais » ont finalement décidé non pas seulement un euro mais 83 milliards. Donc de 13 milliards sur cinq mois on est passé à 83 milliards sur trois ans, en plus du point crucial qu’est l’engagement sur la dépréciation de la dette, à discuter en novembre. C’est un point-clé pour que la Grèce puisse, ou non, entrer dans une trajectoire de sortie de la crise. Il faut cesser avec les contes de Messieurs Samaras et Venizelos, qui prétendaient sortir des mémoranda. La réalité est que ce conte avait un loup, ce loup c’est la dette. Avec une dette à 180-200% du PIB, on ne peut pas retourner sur les marchés. On ne peut pas avoir une économie stable. Le seul chemin que nous pouvons suivre est celui de la dépréciation, de l’annulation, de l’allégement de la dette. La condition pour que le pays puisse retrouver une marge financière, c’est qu’il ne soit plus obligé de dégager des excédents budgétaires monstrueux, destinés au remboursement d’une dette impossible à rembourser.

    "Amusant, on dirait qu’il a bien compris qu’il n’est plus qu’un spectateur de la chute de son pays – vive l’Europe…

    Le non au référendum était un non à la proposition de la troïka, donc un non à l’austérité…

    Alexis Tsipras. Il y avait deux parties dans la question posée au référendum. Il y avait la partie A, qui concernait les mesures pré-requises, et la partie B, qui concernait le calendrier de financement. Si nous voulons être tout à fait honnêtes et ne pas enjoliver les choses, par rapport à la partie A, l’accord qui a suivi le référendum est similaire à ce que le peuple grec a rejeté. Avec des mesures en partie améliorées, en partie plus difficiles, par exemple ce qui a été rajouté au dernier moment sur le Fonds de remboursement de la dette pour les 30 prochaines années. Sur d’autres mesures c’est un accord amélioré, il n’y a plus de suppression de l’EKAS [prime de solidarité pour les petites retraites, NDLR], la proposition Junker parlait de supprimer l’EKAS, d’augmenter à 23% de la TVA sur l’électricité. En ce qui concerne la partie B par contre, et là nous devons être tout à fait honnêtes, c’est le jour et la nuit. Nous avions cinq mois, 10 milliards, cinq « revues ». Nous avons 83 milliards – c’est à dire une couverture totale des besoins financiers sur le moyen terme (2015-2018), dont 47 milliards pour les paiements externes, 4,5 milliards pour les arriérés du secteur publique et 20 milliards pour la recapitalisation des banques et, enfin, l’engagement crucial sur la question de la dette. Il y a donc un recul sur la partie A, de la part du gouvernement grec, mais sur la partie B il y a une amélioration : le référendum a joué son rôle. Le mercredi soir précédent le référendum, certains avaient créé les conditions d’un coup d’État dans le pays, en proclamant qu’il fallait envahir Maximou [le Matignon grec, NDLR], que le gouvernement emmenait le pays vers une terrible catastrophe économique, en parlant de files d’attente devant les banques. Je dois dire que le peuple grec a su garder son sang-froid, au point que les télévisions avaient du mal à trouver du monde pour se plaindre de la situation, ce sang-froid était incroyable. Ce soir-là je me suis adressé au peuple grec et j’ai dit la vérité. Je n’ai pas dit : « Je fais un référendum pour vous sortir de l’euro ». J’ai dit : « Je fais un référendum pour gagner une dynamique de négociation ». Le « non » au mauvais accord n’était pas un « non » à l’euro, un « oui » à la drachme. Appelons un chat un chat. On peut m’accuser d’avoir eu de mauvaises estimations, de mauvais calculs, des illusions, mais à chaque moment, à chaque avancée, et je pense personne d’autre ne l’avait fait auparavant,  j’ai dit les choses clairement, j’ai informé deux fois le Parlement, c’était un processus ouvert, Il n’y avait pas dans cette négociation de cartes cachées, tout était ouvert. À chaque avancée j’informais le peuple grec, je disais les difficultés, mes intentions, ce que je préparais, même au moment crucial du référendum, j’ai dit précisément ce que je comptais faire, j’ai dit la vérité au peuple grec.

    Avec dans vos mains, aux heures de la négociation, les 61,2% que vous a donné le peuple grec, quel aurait été l’accord qui vous aurait satisfait lors de votre retour de Bruxelles ?

    Alexis Tsipras. Le référendum a été décidé le jour de l’ultimatum, le 25 juin, vendredi matin, lors d’une réunion que nous avons tenue à Bruxelles, avec, devant nous, la perspective d’une humiliation sans sortie possible. C’était, pour eux, à prendre ou à laisser. « The game is over », répétait le président du Conseil européen, Donald Tusk. Ils ne s’en cachaient pas, ils voulaient des changements politiques en Grèce. Nous n’avions pas d’autre choix, nous avons choisi la voie démocratique, nous avons donné la parole au peuple. Le soir même en rentrant d’Athènes, j’ai réuni le Conseil gouvernemental où nous avons pris la décision. J’ai interrompu la séance pour communiquer avec Angela Merkel et François Hollande. Je leur ai fait part de ma décision, le matin même je leur avais expliqué que ce qu’ils proposaient n’était pas une solution honnête. Ils m’ont demandé ce que j’allais conseiller au peuple grec et je leur ai répondu que je conseillerai le « non », pas dans le sens d’une confrontation, mais comme un choix de renforcement de la position de négociation grecque. Et je leur ai demandé de m’aider à mener à bien ce processus, calmement, de m’aider afin que soit accordé par l’Eurogroupe, qui devait se réunir 48 heures plus tard, une extension d’une semaine du programme afin que le référendum ait lieu dans des conditions de sécurité et non pas dans des conditions d’asphyxie, avec les banques fermées. Ils m’ont tous les deux assuré à ce moment-là, qu’ils feraient tout leur possible dans cette direction. Seule la chancelière m’a prévenu qu’elle s’exprimerait publiquement sur le référendum, en présentant son enjeu comme celui du maintien ou non dans l’euro. Je lui ai répondu que j’étais en absolu désaccord, que la question n’était pas euro ou drachme, mais qu’elle était libre de dire ce voulait. Là, la conversation s’est arrêtée. Cette promesse n’a pas été tenue.

    "Arrrrrr, quelle surprise… Pourtant il n’avait qu’à regarder ce qui était advenu à son prédécesseur qui avait voulu un référendum…

    Quarante-huit heures plus tard l’Eurogroupe a pris une décision très différente. Cette décision a été prise au moment où le Parlement grec votait le référendum. La décision de l’Eurogroupe a mené en vingt-quatre heures à la décision de la BCE de ne pas augmenter le plafond ELA [mécanisme de liquidités d’urgence dont dépendent les banques grecques, NDLR] ce qui nous a obligés à instaurer un contrôle de capitaux pour éviter l’effondrement du système bancaire. La décision de fermer les banques, était, je le pense, une décision revancharde, contre le choix d’un gouvernement de s’en remettre au peuple.

    Est-ce que le « non » au référendum reste, pour vous, une carte à jouer ?

    Alexis Tsipras. Cela ne fait aucun doute. C’est une carte très importante. Le référendum a fait de la Grèce, de son peuple et de son choix démocratique le centre du monde. C’était un référendum contre vents et marées. Tous nos partenaires, nos créanciers et la classe dirigeante internationale affirmaient que la question était euro ou drachme. Mais la question formulée par le gouvernement grec souverain, c’était la question inscrite sur le bulletin de vote.

    Vous attendiez-vous à ce résultat ?

    Alexis Tsipras. J’avoue que jusqu’au mercredi [précédent le scrutin, NDLR] j’avais l’impression que ce serait un combat indécis. À partir du jeudi, j’ai commencé à réaliser que le « non » allait l’emporter et le vendredi j’en étais convaincu. Dans cette victoire, la promesse que j’ai faite au peuple grec de ne pas jouer à pile ou face la catastrophe humanitaire a pesé. Je ne jouais pas à pile ou face la survie du pays et des couches populaires. À Bruxelles, par la suite, sont tombés sur la table plusieurs scénarios terrifiants. Je savais durant les dix-sept heures où j’ai mené ce combat, seul, dans des conditions difficiles, que si je faisais ce que me dictait mon cœur – me lever, taper du poing et partir – le jour même, les succursales des banques grecques à l’étranger allaient s’effondrer, nous parlons là d’actifs valant 7 milliards d’euros, plus de 405 établissements, environ 40 000 emplois. En quarante-huit heures, les liquidités qui permettaient le retrait de 60 euros par jour se seraient asséchées et pire, la BCE aurait décidé d’une décote des collatéraux des banques grecques, voire auraient exigé des remboursements qui auraient conduit à l’effondrement de l’ensemble des banques. Il n’était pas donc pas question de décote, seulement. C’était bien la menace d’effondrement. Or un effondrement se serait traduit non pas par une décote des épargnes mais par leur disparition. Malgré tout j’ai mené ce combat en essayant de concilier logique et volonté – et je dois dire que moi-même et nos partenaires européens avons pris quelques coups durant ces dix-sept heures. Je savais que si je partais j’aurais probablement dû revenir, dans des conditions plus défavorables encore. J’étais devant un dilemme. L’opinion publique mondiale clamait «  #ThisIsACoup », au point que c’est devenu cette nuit-là sur Twitter le premier hashtag au niveau mondial. D’un côté il y a avait la logique, de l’autre la sensibilité politique. Après réflexion, je reste convaincu que le choix le plus juste était de faire prévaloir la protection des couches populaires. Dans le cas contraire, de dures représailles auraient pu détruire le pays. J’ai fait un choix de responsabilité.

    Vous ne croyez pas à cet accord et pourtant vous avez appelé les députés à le voter. Qu’avez-vous en tête ?

    Alexis Tsipras. Je considère, et je l’ai dit au Parlement, que c’est une victoire à la Pyrrhus de nos partenaires européens et de nos créanciers, en même temps qu’une grande victoire morale pour la Grèce et son gouvernement de gauche.

    "Il est quand même sidérant le gars. Les Grecs crèvent, et il est heureux d’une victoire morale qui va les faire crever encore plus…

    Mais bon, il prépare peut être un plan B, on verra

    C’est un compromis douloureux, sur le terrain économique comme sur le plan politique. Vous savez, le compromis est un élément de la réalité politique et un élément de la tactique révolutionnaire. Lénine est le premier à parler de compromis dans son livre La Maladie infantile du communisme (le « gauchisme ») et il y consacre plusieurs pages pour expliquer que les compromis font partie des tactiques révolutionnaires. Il prend dans un passage l’exemple d’un bandit pointant sur vous son arme en vous demandant soit votre argent, soit votre vie. Qu’est censé faire un révolutionnaire ? Lui donné sa vie ? Non, il doit lui donner l’argent, afin de revendiquer le droit de vivre et de continuer la lutte. Nous nous sommes retrouvés devant un dilemme coercitif. Ce chantage est cynisme : soit le compromis – dur et douloureux – soit la catastrophe économique – gérable pour l’Europe, pas au niveau politique, mais économiquement parlant – qui pour la Grèce et la gauche grecque aurait été insurmontable. Aujourd’hui les partis de l’opposition et les médias du système font un boucan impressionnant, allant jusqu’à demander des procédures pénales contre Yanis Varoufakis, pour savoir si oui ou non il avait un plan de crise. Imaginez ce qui se passerait dans ce pays s’il y avait eu une telle catastrophe économique. Nous sommes tout à fait conscients que nous menons un combat, en mettant en jeu notre tête, à un niveau politique. Mais nous menons ce combat en ayant à nos côtés la grande majorité du peuple grec. C’est ce qui nous donne de la force.

    Toute cette procédure de négociation pour en arriver là… Cela en valait-il le coût, politiquement parlant ? Au point où nous en sommes, avec les banques fermées, les dommages causés à une économie grecque déjà affaiblie, cela en valait-il la peine ?

    Alexis Tsipras. Je ne regrette pas un seul de ces moments, je ne regrette rien de tout ce qui s’est passé ces cinq mois. Cela en valait la peine, et concernant l’économie, les choses sont réversibles.

    "Ben voui, les boites qui ont crevé vont ressusciter – prévoir 3 jours quand même…

    La Grèce est à la Une des journaux, en des termes positifs. Le drapeau grec flotte sur des manifestations à travers les capitales d’Europe. Des milliers de personnes en Irlande, en France, en Allemagne, ont manifesté leur solidarité avec le peuple grec. Cela en valait la peine, bien sûr.

    "Euh, comment te dire….

    Mais la conclusion de ces négociations est considérée comme une défaite…

    Alexis Tsipras. C’est considéré comme une défaite par certains esprits étroits qui pensent que la révolution aura lieu via l’invasion des Palais d’Hiver et qu’elle durera un instant.

    "Noooooooooooon, elle va arriver toute seule par UPS je pense, grâce à la bonté d’âme de Merkel et Hollande. Prévoir un délai quand même…

    Et si l’on regarde les sondages en Espagne pour Podemos ?

    Alexis Tsipras.  Ceux de Podemos ont devant eux la possibilité de revendiquer une alternative. Ils ne l’auraient pas si le 12 juillet nous avions assisté à une énorme catastrophe économique.

    "Euhhh, pour faire pareil ? Vaut mieux voter Mainstream, ça fait moins mal à la fin quand mêmes, car ils tapent moins forts à l’eurogroupe…

    Podemos a toutes les possibilités de gagner,

    "aaaaaahahahahahahah. Elle est bien bonne. 15 % des voix dans le dernier sondage… Ils se sont effondrés suite à l’expérience Syriza….

    ils ont trois mois devant eux pour mener le combat et la bataille électorale en Espagne en novembre fait partie du changement qui arrive en Europe.

    "Il arrive… mais prévoir 2 ou 3 millénaires quand même…

    Tout comme les changements et transformations qui auront lieu dans le reste de l’Europe. Mais revenons aux dommages causés à l’économie grecque. Ils sont réversibles, à condition que l’accord soit complété. Nous ne sommes pas tous seuls :

    "On dirait un discours de l’état major français en mai 1940, non ?

    le projet de Grexit des cercles conservateurs extrémistes pour un Grexit est toujours sur la table.

    "Ah, ça, c’est sûr que vous allez finir par quitter l’euro…

    Il y restera jusqu’à la décision de dépréciation de la dette grecque, une décision qui doit déterminer si le FMI participera ou non au programme. Je dis que la situation est réversible. S’il n’y avait pas eu de changement politique, le pays, de toute façon, serait contraint de dégager des excédents budgétaires primaires équivalents à  3,5% en 2015 et 4,5% à partir de 2016 et par la suite. Aujourd’hui, nous avons l’obligation, d’arriver en 2018 à un excédent de 3,5%. Aujourd’hui nous pouvons n’en dégager aucun, voire être en négatif, arriver à 1% demain, à 2,5% en 2017, en fonction de la situation économique. Qu’est-ce que cela signifie en pratique ? Cela veut dire que le changement politique et la négociation ont sauvé l’économie grecque de mesures qui lui auraient coûté plus de 15 milliards d’euros.

    Mais l’économie réelle devra fait face à la hausse de la TVA… Nous n’avons plus notre mot à dire sur le niveau de taxation de tel ou tel produit. Ils font irruption tels des gangsters dans la gestion de nos affaires internes…

    Alexis Tsipras. Il n’y a pas de doute là-dessus.

    Les Grecs ont porté la gauche au pouvoir pour arrêter cela…

    Alexis Tsipras. La gauche a fait tout ce qu’elle a pu et elle va continuer à se battre que cela s’arrête. Mais il faut que la gauche – et nous tous avec – se rende compte que nous devons nous battre dans un cadre très précis, en mesurant les alternatives qui s’offrent à nous. À ce stade en particulier les alternatives que nous avions devant nous étaient soit la faillite désordonnée soit le compromis difficile qui nous laisse la possibilité de survivre et de nous battre dans les années à venir pour « casser » cette étroite mise sous surveillance. Nous avons la possibilité de nous libérer de cette surveillance asphyxiante. Le peuple grec est comme le fugitif qui, parce qu’il a tenté de s’échapper de la prison de l’austérité, a été placé à l’isolement. Il mène un combat pour s’enfuir mais à la fin il est arrêté et jeté dans une cellule encore plus étouffante et plus étroite.

    "C’est incroyable quand même, un premier ministre qui parle ainsi de son pays. Il ne lui manque que de partir en exil à Shangaï…

    Comment sortir de cette prison désormais ? Certains préconisent de se jeter dans les douves avec les crocodiles ou sur les grillages électriques. Non, ce n’est pas une façon de s’échapper : c’est une façon de se suicider. Aujourd’hui pour quitter cet isolement il faut susciter une immense vague de solidarité internationale pour aider le peuple grec à se libérer du joug de l’austérité. C’est seulement ainsi que nous nous libérerons.

    "Il est énorme ce type ! Mais oui, compter sur un  immense élan de solidarité internationale, ça c’est du lourd. Moi, je vais dire à mon banquier que j’attends de gagner au loto…

    Peut-on encore entrevoir une solution au sein de cette Union Européenne, dans le cadre de cette zone euro ? C’est un peu une alliance de loups…

    Alexis Tsipras. Nous vivons dans le cadre d’une économie mondialisée. Regardez les pays voisins, en dehors de l’UE, de la zone euro : la Serbie, l’Albanie. Vous avez l’impression que là-bas il n’y a pas d’austérité ?

    "Un peu plus loin, il y a le Mali aussi…

    Que les conditions de survie n’y sont pas difficiles ? Que ces pays ne sont pas contraints d’importer les produits de base ? Tout d’un coup, le pays deviendrait autonome et pourrait couvrir les besoins pour la survie de la population ? Nous ne pouvons pas faire ça du jour au lendemain. Nous sommes donc obligés de voir la réalité en face. Et de voir, dans le cadre de cette réalité, si la lutte des classes existe seulement au niveau des négociations ou aussi au sein du pays. Existe-il, pour un gouvernement de gauche, des possibilités d’ouvrir un espace, de créer des respirations de solidarité et de redistribution ? La différence entre une politique progressiste et une politique conservatrice, au sein de l’étroit cadre européen est-elle possible ?

    "Ami lecteur (trice), si vous répondez oui à cette question, ne prenez SURTOUT pas la route dans cet état !!!!

    Nous devrons répondre  collectivement à ces questions. Cet accord a été un choc pour le peuple et pour la gauche. Certains en concluent que dans ce contexte un gouvernement de gauche n’a pas de raison d’être. Je suis prêt à débattre de ce point de vue. Cela équivaut à dire au peuple grec : « Nous nous sommes trompés en disant que nous pouvions mettre fin à ce mémorandum, demandons au système politique déchu qui nous a mené jusqu’ici de gérer cela. Choisissez plutôt ce système qui toutes ces dernières années ne négociait pas mais complotait avec la troïka afin de vous imposer ces mesures. » Le peuple grec nous répondrait qu’il n’en veut pas, qu’il attend de nous que nous assumions nos responsabilités. Si nous devions renoncer parce que les conditions trop difficiles, comment cela se traduirait-il en pratique ? Nous ne nous présenterions pas aux prochaines élections pour ne pas courir le risque d’être élus, comme l’a fait le KKE en 1946. Voyons maintenant les choses différemment. Supposons que nous en arrivions à la conclusion théorique que nous autres les « sages » de la gauche, façonnions mieux les conditions objectives en étant dans l’opposition. Si nous avouons au peuple, les yeux dans les yeux, que nous ne pouvons pas gérer les choses, en étant au gouvernement, comment pourrait-il nous faire confiance pour le faire dans l’opposition ? Dans l’opposition, nous aurions dix fois moins de pouvoir. Si elle suit cette logique, la gauche en arrivera à clore volontairement une opportunité historique de mener le combat pour changer les choses – tant qu’elle le peut – depuis une position de responsabilités. Au fond, ce serait céder à la peur des responsabilités.

    Ne sommes-nous pas dans une position surréaliste, avec des travailleurs appelés à se battre contre une politique que la gauche est supposée mettre en œuvre ? C’est une folie !

    Alexis Tsipras. La grande différence, l’énorme différence, et c’est là où se concentre leurs attaques,  à l’intérieur comme à l’extérieur du Parlement, c’est que nous, nous ne revendiquons pas la propriété de ce programme. Quand l’opinion publique européenne et mondiale a vu de quelle façon le gouvernement grec et moi-même avons été contraints à ce compromis, personne ne peut prétendre que la propriété de ce programme nous revient. Ici permettez-moi de répéter la citation de Jürgen Habermas qui a dit, je le cite mot à mot  : « J’ai peur que le gouvernement allemand, y compris sa frange social-démocrate, ait dilapidé en l’espace d’une nuit tout le capital politique qu’une Allemagne meilleure avait accumulé depuis un demi-siècle ». Voici quelle défaite politique ont subi nos partenaires européens. Ici s’ouvre devant nous un espace, très important, de transformations en Europe. Doit-on l’abandonner, nous qui en sommes les protagonistes, nous qui avons suscité ces fissures ? Enfin, un gouvernement de gauche obligé de mettre en œuvre ce  programme va rechercher en même temps les moyens d’en équilibrer les conséquences négatives, tout en restant dans les combats sociaux, parmi les travailleurs qui se battront.

    Mais ils vous couperont l’herbe sous le pied ! Pourquoi vous laisseraient-ils compenser les effets de ces mesures ?

    Alexis Tsipras. Vous pensez que la négociation s’est arrêtée le 12 juillet ? C’est un combat constant. Tant que nous façonnerons les conditions pour des rapports de force plus propices au niveau européen, ce combat penchera en notre faveur. Il ne faut pas abandonner le combat.

    "Ah mais si : quand tu as une armée de 500 personnes, et que tu as l’armée allemande qui te fonce dessus, tu abandonne le combat, sauve tes troupes, et prépare la résistance. Tu ne vas pas mener le combat de face… en l’espèce il faut sortir du cadre en quittant l’euro – ce qui est trèèèèès difficile pour un pays aussi faible que la Grèce

    Il y déjà des rumeurs sur de nouvelles mesures, sur de  nouveaux paquets de mesures.

    Alexis Tsipras. J’ai bien peur que ces rumeurs ne naissent ici, avant de se propager à l’étranger pour ensuite revenir ici.

    Cela fait partie du jeu. Mais vous les avez bien entendues vous aussi. Des rumeurs de prêt-pont.

    Alexis Tsipras. Je connais le cadre de l’accord que nous avons signé le 12 juillet au Sommet de la zone euro. Ces obligations fondamentales, indépendamment du fait que nous soyons ou non d’accord avec elles, nous les mettrons en œuvre. Pas une de plus, pas une de moins.

    Un auditeur nous dit : « J’ai trois enfants, ils sont au chômage, je travaille à temps partiel, je dois m’acquitter d’une taxe immobilière de 751€, je veux les soutenir mais je n’ai rien ! »

    Alexis Tsipras. C’est la réalité de la société grecque aujourd’hui. Un rapport de l’Institut du travail de la Confédération syndicale des salariés du privé évalue à 4 sur 10 le nombre de personnes en situation de pauvreté. Nous devons affronter cette réalité que nous devons affronter. Si nous abandonnons le combat, ces 4 pauvres sur 10 vont-il cesser d’être pauvres? Le seul choix, c’est de rester, d’organiser un mouvement de solidarité et en même temps de nous battre pour des mesures qui contrebalancent les conséquences néfastes des obligations imposées par les recettes néolibérales de l’austérité. Dans le cadre d’un projet que nous allons devoir établir au plus vite, nous allons nous reconstituer pour contre attaquer. Ce projet sera un projet de gauche, il ne peut venir ni de la droite ni de la social-démocratie. Le projet de la droite et de la social-démocratie c’est de dire que s’il n’y avait pas de mémorandum, il faudrait l’inventer ! Nous, nous affirmons que le mémorandum est une  mauvaise recette. Les alliances en face étaient trop fortes et nous avons été obligés de l’accepter.  Mais nous livrons un combat pour en retourner les termes, pour nous en désengager petit à petit. J’entends dire que c’est le pire mémorandum de tous ceux que nous avons eus. C’est le plus douloureux parce qu’il arrive dans le cadre d’un compromis douloureux. Je suis d’accord là-dessus. Mais les deux précédents memoranda se sont traduits par 16% d’ajustement budgétaire sur quatre ans. Ils comportaient des licenciements collectifs  - des licenciements de fonctionnaires, ici nous n’avons pas de licenciements de fonctionnaires, mais nous avons eu des réembauches de gens injustement traités. En même temps, nous avons la poursuite de l’austérité de manière directe avec  l’augmentation de la TVA, dans la restauration par exemple, c’est une mesure qui ne va rien donner à notre avis et c’est un des grands problèmes, mais nous n’avons pas de baisse nominale des retraites et des salaires !

    Mais nous avons des baisses indirectes !

    Alexis Tsipras. Dites-moi donc où sont ces baisses ?

    L’augmentation de la TVA se traduira par une perte de pouvoir d’achat.

    Alexis Tsipras. Je l’ai dit ça, sur la TVA, je ne vais pas me répéter. Mais est-ce la même chose que d’avoir des baisses de salaires ou de retraite de 40% comme avec les deux précédents memoranda ? 40% de baisse nominale sur les retraites, est-ce la même chose que la TVA à 23% sur la restauration ? Cela justifie-t-il que l’on juge ce memorandum pire que les deux précédents ?

    C’est une autre logique…

    Alexis Tsipras. Non nous ne sommes pas dans des logiques différentes ! Nous sommes tous déçus, nous sommes tous amers, mais de là à se charger d’un poids supplémentaire, s’auto-fustiger, parce que la gauche s’est habituée à un discours de la faute ces quarante dernières années, et ne pas reconnaître que nous avons réussi quelque chose et que nous allons continuer…

    Vous n’avez pas décrit l’accord qui vous aurait fait dire : « c’est un bon accord », après le référendum.

    Alexis Tsipras. Oui. Après le référendum un bon accord aurait été celui qui nous aurait donné la possibilité d’assurer nos obligations budgétaires à moyen terme, celles que nous avons assurées désormais, en plus de l’engagement sur la dette. Mais avec un cadre de compromis honnête. D’accord, acceptons les règles de la zone euro, acceptons d’entrer dans une logique de budgets équilibrés et d’excédents budgétaires – mais modérés, pour qu’ils soient viables, ces excédents. Des excédents de 1 ou 2% pour éviter des mesures qui sont, de l’avis des meilleurs économistes de la planète, contre-productives. Par exemple je considère que l’augmentation de la TVA est une erreur. Parce que le pays a besoin d’une amélioration de l’encaissement des impôts et de la TVA. Cela implique de renforcer les mécanismes de contrôle, dans les îles où il y a actuellement énormément de fraude et d’évitement fiscal ; de convaincre les citoyens de prendre part en demandant des factures, pour améliorer l’encaissement. Si on augmente l’encaissement de 3%, on encaissera d’avantage que ce qui est prévu avec l’augmentation de 10% de la TVA dans la restauration. Je dis des choses logiques, il n’y a là rien d’incroyable. De même je considérerais comme logique de ne pas imposer une pression fiscale supplémentaire sur des secteurs touchés par la crise, comme l’agriculture. Là nous devons trouver des mesures qui compensent cette pression fiscale supplémentaire.

    Mais qui sont vraiment les agriculteurs ? Ils ne sont pas tous les mêmes. La Grèce compte-elle 800.000 agriculteurs ? On ne peut pas caresser certaines catégories dans le sens du poil…

    Alexis Tsipras. Certaines catégories sociales sont habituées à ne pas faire face à leurs obligations et à revendiquer sans critères de justice. Nous devons nous attaquer à tout cela. D’autre part, nous devons comprendre que ces changements ne peuvent pas intervenir dans un contexte de conflit social, mais seulement dans un contexte de cohésion sociale. Mais là vous m’offrez l’occasion de prendre position sur les nombreux choix qui peuvent se faire, dans une perspective progressiste, même dans le cadre d’un ajustement budgétaire difficile imposé de l’étranger. Prenons les exemples de la fraude fiscale, de la corruption. La gauche sera jugée sur sa capacité à  les affronter Peut-on suivre un programme politique de gauche, une politique socialement juste sans contrôle de ceux qui fraudent depuis des années, envoient de l’argent à l’étranger, au vu et au su de tous, tout en restant hors d’atteinte ? Nous serons jugés là-dessus.

    Qui peut arrêter ceux-là ? Est-ce si difficile, pour l’administration, de repérer les comptes depuis lesquels l’argent est transféré à l’étranger ?

    Alexis Tsipras. Cela demande du temps et de la méthode. Je dois avouer que ces derniers six mois, notre attention a été accaparée par les confrontations liées à la négociation. Mais il n’y a pas que la négociation ! Si l’on considère que les étrangers sont responsables de tout ce qui ne marche pas dans le pays, on déroule le tapis rouge à la bourgeoisie et à l’oligarchie locale qui ont mené le pays à la catastrophe. Nous devons nous occuper de l’oligarchie intérieure, cela implique de réorienter notre projet, notre plan de bataille, de confrontation et de conflit, contre l’oligarchie qui a conduit le pays à la destruction et qui continue à contrôler des centres de pouvoir. Certains diront : mais là aussi vous allez vous retrouver avec la Troïka comme adversaire ! Oui. Mais alors chacun devra prendre ses responsabilités publiquement. C’est une chose que la Troïka dise : « Je ne veux pas que vous ayez des déficits » – même si on n’est pas d’accord avec sa politique – et c’en est une autre qu’elle dise : «  Je ne veux pas que les riches de votre pays soient mis à contribution et je veux que les pauvres paient toute l’addition ». La Troïka prendra publiquement ses responsabilités, elle devra rendre des comptes devant l’opinion internationale parce qu’en ce moment tous nous regardent,  l’Europe et le monde entier.

    "Ah oui, ça va les terroriser. Un peu comme quand il se sont assis sur le référendum de 2005…

    Je suis allé au Parlement européen, il y avait une immense dichotomie : la moitié de notre côté et l’autre moitié avec ceux d’en face. Tout le monde regarde vers la Grèce ! Il faut donc que nous prenions des initiatives, dans le sens de grands changements, des réformes au contenu progressiste, qui vont changer le système politique, combattre la corruption, la fraude fiscale, les pratiques de l’oligarchie. Voilà les buts que doit se donner une politique progressiste et radicale pour notre pays.

    Des combats n’ont pas été menés par le gouvernement de gauche. Par exemple, sur les mines d’or de Skouriès où les citoyens se sont dressés contre la compagnie Ellinikos Chrysos. Le gouvernement de droite a poursuivi et réprimé ces citoyens. La Compagnie Ellinikos Chrysos fonctionne encore.

    Alexis Tsipras. À Skouriès ce que je sais c’est que l’entreprise se plaint, elle réclame une décision car elle n’a pas encore reçu d’autorisation pour continuer l’extraction et la séparation de l’or sur place. Ce combat continue. Pas seulement contre les grands intérêts. C’est aussi un combat qui se livre sur place contre des intérêts locaux. Il faut trouver un modus vivendi parce que de l’autre côté, ils avancent l’argument de l’emploi.

    Mais nous sommes d’un côté, pas de l’autre !

    Alexis Tsipras. Nous sommes un gouvernement, nous avons des responsabilités, nous ne pouvons pas mettre 5000 salariés au chômage. Il faut trouver une solution. Ce dossier était géré par Panayotis Lafazanis en tant que ministre [de l'Énergie et de la Reconstruction productive, qui a quitté le gouvernement le 18 juillet, NDLR]. Il est aujourd’hui repris par Panos Skourletis. Ce n’est pas encore réglé mais je suis certain que la solution prendra en compte à la fois la cohésion, la justice sociale et le bon droit du combat citoyen.

    Quels citoyens ? Ceux qui se battent contre cet « investissement » ou ceux qui réclament du travail ?

    Alexis Tsipras. La justice sociale implique que les gens qui travaillaient ne perdent pas leur emploi. Le droit du combat citoyen, c’est celui des gens qui se battent pour l’environnement et pour leurs vies. Je suis clair là-dessus.

    Concernant les médias de masse, il y a depuis des années un environnement anarchique. Le gouvernement a pris des engagements, un projet de loi a été déposé. Cela se fait-il dans un esprit de revanche ? Les nouveaux acteurs qui vont surgir dans le paysage audiovisuel seront-ils plus honnêtes ? Le gouvernement favorisera-t-il ses amis, l’entourage des ministres ?

    Alexis Tsipras. Je ne pense pas qu’il y ait de place pour un sentiment de revanche dans le projet de loi. Il exprime pour la première fois la volonté de mettre de l’ordre et d’imposer des règles dans ce secteur. Lorsque quelqu’un veut utiliser un bien public, il a le devoir de payer au secteur public le loyer équivalent à l’usage de ce bien public – et il a le devoir aussi de respecter certaines règles sur la manière de gérer ce bien public. Il ne s’agit pas seulement d’imprimer un journal et de le vendre à celui qui veut bien l’acheter. Il y a usage du domaine public, donc il faut respecter quelques règles ! Pour la première fois depuis l’entrée des investisseurs privés dans le secteur audiovisuel, il va y avoir une règlementation, le cadre va être réglementé. Tous ceux qui, jusqu’ici, ne respectent pas leurs engagements envers la loi seront obligés de les respecter…  Les consultations qui vont suivre le projet de loi nous permettrons d’entendre les positions des uns et des autres.

    Ces consultations seront-elles ouvertes à tous et sincères ?

    Alexis Tsipras. Nous entendrons toutes les parties, journalistes, propriétaires de médias et nous sommes prêts à entendre tous les points de vue. Ce qui compte c’est que nous puissions dire au peuple grec  - et s’il doit y avoir des améliorations, des modifications, nous sommes prêts à l’entendre, – que ce secteur va enfin être régulé et qu’il le sera dans la légalité. Aucun groupe de presse ne pourra plus dissimuler des pertes financières et en même temps bénéficier de facilités de la part du système bancaire privé en contrepartie d’un soutien à certains acteurs du système politique. Dans ce triangle de l’intrication, de la corruption, ce triangle du pêché, des entreprises de  presse en déficit se voyaient accorder des prêts bancaires de manière scandaleuse tandis que des entreprises saines, dans les autres secteurs d’activité, ne pouvaient obtenir de prêts. Ce triangle scandaleux est terminé. L’information des citoyens est un bien public, elle doit être objective, se plier à des règles et le fonctionnement des entreprises de presse et des mass media doit se faire dans la transparence selon les règles applicables à toutes les entreprises du pays.

    Des auditeurs nous interpellent sur les violences policières, puisque nous avons abordé le sujet des mines d’or de Skouriès. C’est un gouvernement de gauche qui réprime les manifestations. Il y a eu des membres cassés, parfois.

    Alexis Tsipras. Je n’en doute pas, mais la différence, c’est qu’il n’y a aucune volonté politique de couvrir, de cacher ces faits. Au contraire. Il faut faire toute la lumière sur ces violences et mettre à la disposition de la justice ceux qui provoquent ces incidents, laisser la loi faire son travail. Le rôle du policier n’est pas de tabasser ou de dissoudre la légitimité d’une manifestation publique, comme nous l’avons vécu ces dernières années. Tout de même sur ce point il y a eu des changements importants.

    Nous nous étions heureux du retrait des grilles autour du Parlement. Elles sont de retour aujourd’hui.

    Alexis Tsipras. Quand ça ?

    Je les ai revues.

    Alexis Tsipras. Vous parlez des incidents qui ont eu lieu. Des cocktails Molotov ont explosé devant les gens il a failli y avoir des blessés graves. Quinze personnes de nationalités étrangères ont été arrêtées pour cette raison. Est-ce que quelqu’un a relevé ce fait ? Entendons-nous bien : où étaient les grandes foules, les grandes passions ? Juste ces quinze étrangers !  Que voulaient-ils ? Attention ! Il ne s’agissait pas de migrants. Je ne sais pas s’il s’agissait de provocateurs liés à des services secrets étrangers. Je l’ignore, ce point reste à éclaircir. Peut-être s’agissait-il de militants solidaires. Cela ne m’intéresse pas. Mais je suis désolé : pourquoi ne relevez-cous pas aussi ces faits-là ? Certaines actions, certains mouvements, je parle objectivement, fonctionnent de façon provocatrice. Que doit faire la police, dans une démocratie, lorsqu’une pluie de cocktails Molotov s’abat aux abords d’une manifestation, menaçant de bruler vifs des manifestants ? Doit-elle laisser faire, jusqu’à ce qu’il y ait mort d’homme ?

    Pourquoi vous mettez vous en colère ?

    Alexis Tsipras. Parce que je suis dans un environnement familier et que j’aime me mettre en colère en terrain connu [rires].

    Venons-en aux questions relatives au parti. Comment avez-vous fait pour faire des problèmes internes à Syriza des problèmes de la Grèce ? Il n’y a que Syriza pour réussir un tour pareil.

    Alexis Tsipras. [Rires] Non, il n’est pas question d’en faire un problème du pays. Le pays avance dans le cadre de la Constitution, selon laquelle les décisions sont prises par les représentants du peuple au Parlement grec. Le gouvernement, le Conseil des ministres assume une responsabilité collective et le cadre dans lequel les décisions sont prises est clairement défini. À partir de là, Syriza  est le parti gouvernemental, il joue un rôle important sur la scène politique et se doit, en respectant sa propre « Constitution », c’est-à-dire ses statuts, dans un cadre démocratique, de prendre des décisions. Il y a un décalage lié à la « violente maturation » de Syriza, qui est passé très vite d’un parti à 4% à un parti dans lequel une grande majorité du peuple grec place ses espoirs et ses attentes. C’est un parti de 30 000, soutenu par 3 millions de citoyens. Malgré tout, les partis doivent fonctionner dans les cadres fixés par leurs statuts. Nous devons mener la discussion, pour savoir si Syriza doit s’ouvrir, être en phase avec les angoisses, les espoirs de sa base sociale. Nous ne l’avons pas fait plus tôt, c’est une faute de notre part. Ce débat est désormais ouvert et les 30 000 membres de Syriza devront prendre des décisions.

    Si Syriza s’ouvre il devra changer. Aujourd’hui, Syriza est perçu comme un parti de la gauche radicale. Doit-il le rester, devenir un grand parti progressiste ou un parti social-démocrate ?

    Alexis Tsipras. Cette pensée ne traverse l’esprit de personne à Syriza. Pourquoi la posez-vous donc ici ?

    Parce que c’est une crainte qui s’exprime.

    Alexis Tsipras. Une crainte ou un désir ?

    J’imagine que beaucoup souhaitent voir Syriza devenir un parti social-démocrate.

    Alexis Tsipras. La social-démocratie à deux expressions en Grèce [Le Pasok et le Mouvement des démocrates socialistes de Georges Papandréou, NDLR], trois en comptant Dimar [Parti pro-mémorandum issu d'une scission de Syriza, NDLR], peut-être plus si d’autres partis se créent. La social-démocratie se trouve dans une impasse stratégique, pourquoi Syriza voudrait-il s’engager dans cette impasse stratégique ? Personne au sein de Syriza ne souhaite cela. Nous ne devons pas nous cacher les problèmes mais y faire face avec honnêteté. Il y a deux ans, en juillet 2013, Syriza tenait son premier congrès. Notre principal but était de créer un parti uni, un parti du futur. Il faut reconnaître que Syriza n’est pas devenu un parti uni. L’effort pour transformer une coalition en parti unitaire était honnête mais nous ne sommes pas parvenus au résultat recherché.

    La responsabilité est partagée par tous…

    Alexis Tsipras. Bien sûr ! Je suis le premier à l’assumer.

    Syriza compte de nombreuses tendances, malgré la décision de former un parti uni.

    Alexis Tsipras. C’est  une réalité. Où se situent les responsabilités ? C’est une discussion. Mais regardons la réalité, demandons-nous comment résoudre ce problème. Un cadre ou un membre du parti qui n’appartient à aucune des tendances constituées n’a pas les mêmes droits que les autres. Tel que je le comprends, cette personne est exclue du processus de décision. Elle n’est même pas tenue informée. C’est dans ce sens que nous devons voir et juger les choses, calmement, à froid, en camarades. Le Secrétariat politique n’est pas le seul centre de décision, il en existe beaucoup d’autres, ces centres s’entrecroisent. Voilà la réalité que nous devons affronter. Pour certains, cette réalité peut être le modèle de fonctionnement moderne d’un parti déterminé. Je peux accepter cela aussi. Mais alors, mettons-y des conditions et des règles. Mon opinion est que cela peut fonctionner, être positif dans le cadre d’un parti pluraliste dans l’opposition. Mais quand un parti exerce le pouvoir, ce modèle n’est pas limité aux affaires internes, il est transposé au Parlement, cela ne peut pas fonctionner. Un parti ne peut pas, quand il est au gouvernement et qu’il s’appuie sur une majorité de 161 sièges, dans le cadre d’un gouvernement de coalition, fonctionner avec des centres de pouvoir parallèles. Qu’il y est une réunion du groupe parlementaire et des réunions dans des hôtels pour que certains députés décident de leur position, cela ne peut pas fonctionner. Je ne dis pas que c’est bien ou mal. Je dis simplement que ça ne peut pas être efficace. On ne peut pas avoir une majorité gouvernementale à la carte. Un coup avec ceux-là, un coup avec les autres. Je ne suis pas partisan du centralisme démocratique, et vous le savez. Je ne peux accepter que le pluralisme pour un parti…

    Là-dessus nous sommes en désaccord.

    Alexis Tsipras. Oui, vous vous êtes de l’ancienne école, je le sais. Je ne suis pas pour le centralisme démocratique ni même pour la fermeture de nos réunions. Je suis pour la transparence, pour que tous les points de vue puissent s’exprimer, être pris en compte et que nos décisions soient prises de façon démocratique. Mais lorsqu’on prend la décision de gouverner un pays, il faut le gouverner. Ce n’est pas une question d’ordre moral, ni de conscience, c’est une question d’efficacité élémentaire. Si la décision collective d’un parti est de gouverner, il faut que les décisions collectives soient respectées et soutenues par tous les députés sinon, comme le disent les statuts du groupe parlementaire, les députés qui s’y opposent doivent rendre leur siège pour le laisser au suivant. Ce n’est pas possible autrement.

    Avez-vous demandé à des députés de rendre leurs sièges ?

    Alexis Tsipras. Non, je ne l’ai pas fait. Ce sont des questions qui relèvent du groupe parlementaire. Mais  je ne veux pas sous-estimer le problème capital posé par un désaccord stratégique que je respecte.  Lorsqu’un parti n’est pas uni mais pluriel, des limites se posent quand ce parti se trouve en situation de gouverner. On ne peut pas transposer son multi-centrisme au sein du gouvernement et de la majorité parlementaire. Il y a des différences de stratégie, cela ne fait pas de doute. Je les respecte, je respecte l’opinion opposée, je ne fonctionne pas avec une culture du chef, une culture qui proclame que l’autre point de vue doit être noyé, c’est pour cela que je n’ai pas demandé, de sanctions, ce que prévoient les statuts du groupe parlementaire, concernant les votes négatifs. Ce que je demande c’est que nous allions vers un processus collectif où le parti prendra des décisions. Une fois qu’elles seront prises, que l’on s’entende, que l’on fonctionne et que l’on avance. On ne peut pas dire « Je vote contre les propositions du gouvernement mais je soutiens le gouvernement ». Pour moi c’est trop surréaliste. Comme je vous l’ai dit je respecte la différence d’opinion, je suis le premier à demander des procédures collectives. Mais je ne peux pas nier le fait que j’ai été  surpris, même à titre personnel, de la position de certains camarades. Certains disent qu’il ne faut pas montrer ses sentiments en politique, je ne fais pas partie de ces gens-là, je considère que les sentiments font partie de la politique et que personne ne peut les cacher. Avec beaucoup de ces camarades nous menions des combats et nous étions à la même table avec la même angoisse il y a quelques jours. Avec l’angoisse commune que l’effondrement du système bancaire signerait notre destruction politique et morale face au mouvement populaire, aux travailleurs et à l’histoire de la gauche. Nous ressentions la même angoisse dans le combat, dans la recherche de solutions. Nous nous sommes battus pour le référendum et nous connaissions l’alternative posée devant nous. Ces mêmes personnes, après le rude combat que j’ai mené pendant dix-sept heures, avec cette  alternative à ma disposition, ont considéré opportun de dire le lendemain : « Bien, maintenant que tu t’es assuré que les banques ne fermeront pas et que notre destruction ne viendra pas, nous te laissons la responsabilité de cet accord et nous gardons les lauriers de la pureté idéologique ». Je ne fais pas allusion à la position politique, je le répète, je respecte les différences de stratégie, l’avis selon lequel la gauche ne peut pas gouverner le pays sous de telles conditions. Cela, je le respecte.  Je ne parle ni d’opinion ni de stratégie mais des limites de nos valeurs collectives, du cadre moral dans lequel se définit la solidarité au sein d’un parti, au sein d’un gouvernement et au sein d’un groupe parlementaire. Ceux qui, la veille, partageaient mon angoisse m’ont dit, le lendemain : « Je te soutiens, mais prends seul la responsabilité du compromis, moi je garde le droit de voter contre ».  Je m’attendais à ce qu’ils me disent  : « Nous avons une estimation différente de notre capacité à continuer mais les valeurs élémentaires de solidarité nous imposent de soutenir le gouvernement et le Premier ministre jusqu’à ce que soit possible l’accord – parce qu’il n’existe pas encore, de voter pour tout en soulignant notre désaccord, y compris durant le vote et ensuite de demander la redéfinition de la stratégie du parti et donc du gouvernement à travers une procédure de débat collectif comme le prévoient nos statuts ». Voilà ce qu’aurait dû être une position de solidarité. Je ne comprends pas cette posture, ou plutôt je comprends qu’elle est liée à des décisions prises il y a déjà longtemps. Des décisions de rupture. Des décisions qui peuvent conduire à l’implosion. Je suis le garant de l’unité de Syriza, en tant que président du parti et j’irai jusqu’au bout de mon effort pour garantir cette unité. Mais l’unité forcée, ça n’existe nulle part.

    Rien n’indique que ces décisions étaient planifiées, les choses sont arrivées rapidement. Ceux qui, au Parlement, brandissaient le oui et ceux qui brandissaient le non partageaient la même douleur…

    Alexis Tsipras. La vie nous dira si mes peurs sont fondées ou injustifiées. Mais voilà quelles étaient mes attentes à l’endroit de camarades avec qui nous avons fait tant de chemin, avec nos désaccords mais toujours ensemble dans les moments difficiles. J’ai dû gérer une réalité terrible, impitoyable. Si  quelqu’un pense que Tsipras, en tant que Premier ministre, le 12 juillet, avait d’autres choix et qu’il a décidé de ne pas les suivre pour trahir ses principes et maintenir le pays dans l’asphyxie, qu’il l’explique publiquement, sans manipulations. Et qu’il nous dise quel était ce plan alternatif. Quel était donc ce plan que j’aurais choisi de ne pas suivre ? Posons ce débat en toute honnêteté. Pas en proférant des accusations d’apostasie. Discutons de la monnaie, de l’orientation européenne du pays ! Mais en des termes structurés, qui tiennent la route, pas seulement en théorie mais en pratique aussi. Dans le programme de Syriza, notre priorité absolue est d’empêcher la catastrophe humanitaire. Si notre plan théorique ne prend pas en compte cette priorité alors c’est un plan  sans fondement. Je n’ai pas demandé au peuple grec de voter « non » pour aller à la drachme. Et pour autant que je sache, la majorité du peuple grec n’a pas compris la question du référendum en ces termes. Dire que ce grand « non » était un grand « oui » à la drachme, c’est manipuler la vérité. Manipulation que nous n’avons pas le droit de faire face à notre histoire, à nos combats, à notre dialogue démocratique entre égaux. Nous n’avons pas le droit d’essayer de régler nos différences dans un tel cadre.

    Vous posez la question de vos rapports – non pas au niveau personnel, mais institutionnel, avec le Parlement et avec sa présidente, Zoé Konstantopoulou.

    Alexis Tsipras. J’ai exprimé ma préoccupation, tant à elle en personne que publiquement. Nos relations sont des relations d’estime, il n’y a aucun doute là-dessus. À partir de là, les choix de chacune et de chacun, notamment lorsqu’on occupe des responsabilités institutionnelles, produisent des résultats. De facto. Se trouver face à quelqu’un qui vous dit : « Je te dénonce pour te protéger », c’est surréaliste. Je ne suis pas un enfant, j’ai d’autres façons de me protéger [Rires]. Maintenant, si cela induit un mauvais fonctionnement institutionnel nous en jugerons dans la prochaine période. Si la volonté est de jouer la guérilla pour finir par voter, épuisés, à six heures du matin, en dormant sur les bancs de la Vouli, afin de montrer que de cette façon, on résiste à la Troïka, que dire ?  Ce sont des enfantillages.

    Quelles est la position du président de la République face à la crise ?

    Alexis Tsipras. Le président de la République, avec beaucoup d’angoisse, s’est positionné sur ces décisions difficiles et il respecte scrupuleusement le cadre institutionnel de ses prérogatives. Je me souviens que tout le monde lui était tombé dessus, lui demandant de ne pas accepter le référendum. Il a fait son devoir, comme le définissait la Constitution, mais au-delà du cadre constitutionnel, au-delà des clichés institutionnels et du protocole, je pense qu’il ressent une sincère angoisse pour le pays. Une angoisse qu’il me communique quotidiennement. Nous avons des opinions différentes mais c’est une collaboration exceptionnelle.

    Faut-il aller à des élections législatives anticipées ?

    Alexis Tsipras. J’aurais été le dernier à vouloir des élections, si nous avions une majorité parlementaire garantie, pour aller jusqu’à la fin du programme et à la sortie des memoranda, tout en menant le combat afin d’être jugés non pas sur des intentions, mais sur une politique de confrontation avec l’oligarchie, de respiration, de redistribution, de soutien aux plus faibles. Mais si nous n’avons pas la majorité parlementaire je serai obligé, nous serons obligés d’aller vers des élections. Cela tiendra en grande partie aux décisions prises au niveau du parti, étant données les dissensions exprimées au sein du comité central et du groupe parlementaire.

    Quelle est votre proposition au niveau du Comité Central ?

    Alexis Tsipras. Je pense que ma proposition est une proposition logique. Nous avons un parti, avec  des membres, il faut leur faire confiance, entendre leurs réponses, de façon ordonnée, démocratique.  Qu’il y ait une procédure structurée, pour un congrès extraordinaire, étant donné que ce sont des conditions d’urgences qui se profilent. Les procédures devraient être lancées juste après les vacances d’été, dès septembre il faut qu’il y ait un congrès, que soient élus des délégués appelés à trancher des désaccords stratégiques critiques, à définir la voie de la gauche à partir de maintenant, le nouveau plan stratégique, le nouveau programme. À partir de là, si des membres du Comité Central exigent que le parti se positionne immédiatement, avant la conclusion de l’accord… j’aurai  une bombe entre les mains [rires]. Mais enfin si telle est l’exigence, la moindre des choses serait que ce débat crucial pour le futur de la gauche et pour le futur du pays ne soit pas simplement posé  au niveau de la direction du parti. Que les adhérents s’expriment. Et comme en si peu de temps il n’existe pas d’autre moyen de leur demander leur avis que par un bulletin. Si telle est l’exigence, la démocratie étant toujours la solution, comme le peuple, le parti devrait voter et décider rapidement. Ce qui n’invalide pas pour autant la proposition d’un congrès extraordinaire par la suite, pour résoudre les problèmes de stratégie.

    Une dernière question. Durant tout ce parcours, depuis cinq mois, quelle a été votre erreur ?

    Alexis Tsipras. S’il n’y en avait qu’une je serais un homme heureux ! [Rires]

    La plus grande?

    Alexis Tsipras. Ce n’est que plus tard que quelqu’un pourra en juger. Disons que cette confrontation frontale avec les principaux pouvoirs en Europe, aurait dû avoir lieu plus tôt. Nous avons été emportés après le 20 février dans une négociation qui était une guerre d’usure. Je dois avouer cependant qu’il n’est pas facile de prendre la décision de dire : « Je ne paye pas, advienne que pourra. » C’est une décision très difficile. Cependant, rétrospectivement, il était certain que nous en arriverions là mais vous savez, l’espoir meurt en dernier. Il y avait toujours l’espoir que l’attachement aux principes démocratiques, que les manifestations des peuples nous offriraient une issue, un cadre pour une solution. Ça n’a pas été le cas.

    "C’est beau la naïveté quand même…

    Cependant, je le répète, je me sens fier de ce semestre, du combat mené. Il y a eu bien sûr des erreurs. Je crois que malgré les difficultés nous n’en sommes pas arrivés au point où ces erreurs ont mené à une catastrophe irréversible. Tout est réversible. Je pense que nous avons devant nous une voie très accidentée faite de combats constants et de revendications, afin de réussir le mieux possible pour les intérêts du peuple. Tel est notre but.

    Source : Kostas Arvanitis, retranscrit et traduit par Theodoros Koutsaftis, pour L’Humanité, le 31 juillet 2015.

    Source : https://youtu.be/oDkcN3kb310

    =============================================

    Dans le cadre de ce que j’appelle le syndrome d’Athènes, je rappelle qu’on est encore bien loin d’avoir 50 % de Grecs souhaitant sortir de l’euro (36 % actuellement, lire ce papier de Sapir)

    Et je répète, c’est très dur pour un pays faible de quitter une monnaie unique.

    Pour comprendre, je vous cite ce mail reçu d’une Française en Grèce à propos de la sortie de l’euro, répondant au fait de savoir si l’euro était juste un symbole pour les Grecs  :

    Ce n’est pas un symbole. Chacun voit midi a sa porte: ceux qui ont encore qques économies a la banque (en Grèce) tremblent de voir leur argent transforme en drachmes dévaluées le jour même; ceux qui possèdent des sociétés (PME) ont leur capital en Euros a la banque en Grèce et tremblent pour la même raison; si nos revenus –salaires, retraites ou autres- sont en drachmes, tout achat d’un produit étranger deviendra inaccessible (par ex je vais en France 2 fois/an voir ma mère, comment acheter un billet d’avion si mes revenus sont en drachmes? Ce sera absolument inabordable); la plupart des produits consommés en Grèce sont importés, comment les payer avec une monnaie qui ne vaut plus rien? Énergie, aliments pour le bétail, pâte a papier, tout est importé… rien n’a été fait ces dernières décennies pour rendre le pays autonome dans un quelconque domaine (développement de énergie solaire ou éolienne par ex. On importe du pétrole pour en faire du courant électrique, normal: les armateurs transportent, raffinent, revendent…).
    Ajoutez a cela qu’en cas de retour a une monnaie nationale, les Grecs qui ont mis des millions ou même seulement des centaines de milliers d’Euros dans des banques étrangères pourront acheter tout le pays, terrains, immobilier. Eux seraient les véritables gagnants. De même pour les autres Européens, les Allemands débarqueraient pour de bon, achetant en Euros le patrimoine immobilier grec… La colonisation serait totale.

    source:les-crises.fr

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  •  

     

    Soutien aux éleveurs en lutte !

    Les éleveurs en luttes se heurtent à trois forces réactionnaires qu’il est d’intérêt  général de démasquer et de vaincre:

     

    • Les magnas de la grande distribution: gros actionnaires d’Auchan, de Carrefour, de Leclercq (ce faux « ami » des pauvres),etc. Ceux-ci passent leur temps à écraser les petits et moyens agriculteurs, à les soumettre à la pression déloyale des industriels de l’agro-alimentaire qui surexploitent leur main d’oeuvre (notamment en Allemagne), à écraser les prix à la production. Il faudrait au contraire augmenter les salaires petits et moyens pour permettre aux ouvriers, aux employés, au retraités, etc de consommer des produits agricoles de qualités fabriqués en France près de chez eux.
    • L’Union Européenne, en passe d’être coiffée par l’Union Transatlantique (GMT-TAFTA) dont le le rôle est d’impulser l’ « économie de Marché ouverte sur le Monde » prescrite par Maastricht, c’est-à-dire d’organiser la casse du Produire en France, d’interdire les protections douanières contre la concurrence déloyale et le moins disant social fiscal et écologique, de prohiber les subventions nationales à l’agriculture paysanne. En clair, le rôle de l’U.E est de mettre en place la jungle des prix et l’hégémonie de la grande distribution sur le monde paysan (étranglé), sur les employés de commerce (précarisés) et sur les consommateurs (gavés de produits suspects).
    • Le gouvernement Hollande, se faux allié des travailleurs salariés et indépendants, qui ne sait que proposer des palliatifs couteux pour le contribuable là où il faudrait envoyer Bruxelles en imposant le juste prix aux grandes surfaces.

     

    Cela ne signifie nullement qu’il faille dédouaner la F.N.S.E.A, ce pseudo « syndicat » aux mans de la droite et des gros propriétaires agraires; cette organisation qui impulse des actions qui vaudraient la prison à des ouvriers ou à de petits fonctionnaires en lutte, cautionne depuis toujours la « construction européenne » grâce à laquelle les gros propriétaires terriens ont accaparé les terres, raflés les subventions et diminué drastiquement le nombre de paysans travailleurs (moins d’1% en France).

     

    Cela ne signifie pas non plus qu’il faille à tout jamais accepter l’actuel modèle de développement agricole qui est négatif pour tout le monde sauf pour le grand Capital. Oui il est malsain que des fermes-usines à l’allemande comme l’usine des Milles-vaches en Picardie monopolisent la production de lait et de viande aux dépends de l’emploi agricole, de la qualité de la santé humaine et du bien être animal. Rappelons qu’en ex-R.D.A de nombreux paysans vivaient dans des fermes collectives à taille humaine que la « réunification » capitaliste a transformées en usines à viande fructueuse pour les seuls capitalistes. Le débat, promus par les faux contestataires de Charlie-Hebdo sur l’extinction de la consommation de viande et de produits laitiers est une diversion étrangère à la problématique des luttes actuelles. Certes il faut ouvrir le débat philosophique et stratégique sur l’éventuelle reconversion concertée d’une production agro-pastorale assurant l’alimentation future de l’Humanité dans le cadre d’un socialisme-communisme écologiquement responsable; mais cette éventuelle reconversion à venir du secteur productif agricole ne doit pas servir de prétexte pour détruire ici et maintenant ce qui reste du Produire en France agricole, comme les pollutions industrielles ont servi de prétexte écologique pour liquider les mines et la sidérurgie françaises.

     

    Si l’actuel bras de fer était gagnée par l’U.E et par Auchan et consort, il y aurait encore plus de mal-bouffe de nuisances sanitaires et environnementales, de sous emploi agricole, encore moins de pouvoir d’achat pour les salariés qui, répétons-le, n’ont pas besoin de prix écrasés aux dépends des paysans mais d’une solide alliance ouvrière et paysanne pour diminuer le profit monopoliste et augmenter ainsi les salaires tout en rémunérant le travail agricole à son prix en faisant payer les actionnaires de la grande distribution. Charlie-Bobo et la Fausse Gauche, toujours avides de faux débats sociaux pour dévoyer les affrontements sociaux, peuvent toujours railler les éleveurs prix à la gorge en les traitants de « tueurs »: la réalité c’est que si les monopoles de la distribution et l’UE gagnaient l’affrontement en cours, c’est que les vaches et les moutons disparaitraient de nos prairies et que nous ne mangerions plus bientôt que du « minerai de viande » bardé d’OGM et « made in TAFTA ».

     

    Cela n’interdit aucunement d’exiger ici et maintenant que tout le bétail soit de nouveau abattu en France c’est-à-dire localement et sur la base de normes civilisées: plus un seul animal abattu sans étourdissement préalable et après de longues heures angoissante de route! Non seulement cette revendication ne s’oppose pas à la lutte actuelle des éleveurs, mais elle la renforce puisque ceux-ci dénoncent les capitalistes de l’abattage qui, tout à la fois imposent des marges scandaleuses aux paysans et aux consommateurs, délocalisent l’abattage des régions françaises vers la R.F.A en accroissant les temps de transports, en aggravant la souffrance animale et la pollution routière tout et en dévastant l’emploi ouvrier comme on l’a vu aux abattoir Doux.

     

    Plus que jamais une force communiste d’Avant-garde est nécessaire pour éclairer politiquement la juste lutte des éleveurs en les préservant des mauvais bergers de l’Etat-major européisme de la F.N.S.E.A. Non les malheureux ouvriers et paysans grecs essorés par Bruxelles ne sont pas coupables du malheurs des paysans français pas plus que ne le sont les salariés smicard du monde agricole, le code du travail ou les cotisations sociales indispensable à la Sécurités Sociale. Plus que jamais il faut revendiquer que la France sorte de l’euro et de l’U.E par la porte de Gauche: c’est indispensable pour permettre la cogestion des supermarchés par les consommateurs, les paysans, les travailleurs du commerce et l’Etat populaire à venir.

     

    Dans l’immédiat, avec le P.R.C.F qui brandit le drapeau tricolore du produire en France assorti du drapeau rouge de la faucille paysanne et du marteau ouvrier, luttons pour que les monopoles de l’agro-alimentaire rendent gorge et que tous ceux qui vivent de leur travail, salariés ou « indépendants », s’allient contre ceux qui exploitent ce travail tout en détruisant notre pays.

    source: initiative-communiste.fr

    à lire le tract du PRCF:

    Télécharger « 150805-Tous ensemble (tract agriculture).pdf »

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  • "Grave article de Noam Chomsky pour les 69 ans d’Hiroshima en 2014, avec introduction de Tom Dispatch. Sources : TomDispatch et The Guardian

    On peut dire qu’il s’agit du commencement de la fin. La semaine dernière s’est éteint à l’âge de 93 ans, Theodore Van Kirk dit le « Hollandais », le dernier des douze hommes qui composaient l’équipage de l’Enola Gay (ainsi nommé en l’honneur de la mère du pilote), l’avion qui largua la bombe atomique sur Hiroshima. Quand cette première bombe A a été larguée de la soute du bombardier à 8h15 le 6 août 1945 et a commençé sa descente vers son objectif, le pont Aioi (« Vivre Ensemble » en japonais), elle portait une série de messages adressés au Japon, dont certains étaient choquants : « Salutations à l’Empereur, de la part de l’équipage de l’Indianapolis ». (L’Indianapolis était le nom du navire qui avait convoyé jusqu’à l’île de Tinian, dans le Pacifique, les pièces détachées de la bombe qui allait transformer Hiroshima en enfer de fumée et de feu – « cet affreux nuage » selon les mots de Paul Tibbetts Jr., le pilote de l’Enola Gay – L’Indianapolis fut par la suite torpillé par un sous-marin japonais, entraînant la perte de plusieurs centaines de marins).

    La bombe, surnommée Little Boy, en gestation dans le ventre de l’Enola Gay, ne représentait pas seulement la fin d’une âpre guerre mondiale qui avait causé une destruction presque inimaginable, mais aussi la naissance de quelque chose de nouveau. Son utilisation s’était inscrite dans la lignée d’une évolution de la tactique militaire : prendre de plus en plus les populations civiles comme cible d’attaques aériennes (une chose qui peut être encore observée aujourd’hui avec le carnage à Gaza). L’histoire de cette sinistre évolution remonte aux bombardements aériens de Londres par l’Allemagne (1915), en passant par Guernica (1935), Shanghai (1937) et Coventry (1940), jusqu’aux bombardements incendiaires de Dresde (1945) et Tokyo (1945) dans la dernière année de la Seconde Guerre mondiale. Cette tendance a même eu une histoire évolutive dans l’imaginaire des hommes, puisque pendant des décennies, des écrivains (entre autres) avaient rêvé de la libération sans précédent de formes d’énergie inconnues à des fins militaires

    Le 7 août 1945, une époque s’achevait et une autre commençait. A l’ère du nucléaire, les armes capables de détruire des villes entières allaient proliférer et se propager depuis les superpuissances vers de nombreux autres pays, dont la Grande-Bretagne, la Chine, l’Inde, le Pakistan, la Corée du Nord et Israël. Parmi les cibles des plus grands arsenaux nucléaires de la planète allaient figurer non seulement les civils non pas d’une seule, mais de dizaines de villes, voire de la planète entière. Le 6 août, il y a 70 ans, la possibilité d’une apocalypse est passée des mains de Dieu ou des dieux à celles des hommes, ce qui voulait dire qu’une nouvelle page d’Histoire avait commencé, à l’issue imprévisible. Nous savons cependant qu’un conflit nucléaire même « limité » entre l’Inde et le Pakistan dévasterait non seulement l’Asie du Sud, mais sèmerait une famine étendue sur toute la planète, en raison du phénomène connu sous le nom d’hiver nucléaire.

    En d’autres termes, 70 ans après, l’apocalypse, c’est nous. Pourtant aux États-Unis, la seule bombe nucléaire dont vous entendrez jamais parler est celle de l’Iran (même si ce pays ne possède pas une telle arme). Pour une discussion sérieuse à propos de l’arsenal nucléaire américain, soit plus de 4 800 armes de moins en moins bien entretenues qui pourraient vitrifier plusieurs planètes de la taille de la Terre, il ne faut pas lire les principaux journaux du pays ou écouter les journaux télévisés, mais plutôt écouter le comique John Oliver ou encore lire le chroniqueur régulier du site Tom Dispatch, Noam Chomsky.

    Tom, 5 aout 2014

    Combien de minutes avant minuit ? Hiroshima Day 2014 par Noam Chomsky

    Alors que débute « Hiroshima Day » [la journée en mémoire des victimes de la première bombe atomique, ndt], pourquoi continuons-nous à jouer avec le feu nucléaire ?

    C’est un miracle que nous soyons sortis indemnes de toutes ces décennies, compte tenu de la politique américaine sur les armes nucléaires depuis Hiroshima.

    Si une espèce extraterrestre quelconque venait à écrire l’histoire de l’Homo sapiens, elle pourrait tout à fait séparer la chronologie en deux périodes : AEN (avant l’ère nucléaire) et EAN (ère des armes nucléaires). Cette dernière ère s’est ouverte, bien sûr, le 6 août 1945, le premier jour de ce qui pourrait bien être le compte à rebours avant la fin, peu glorieuse, de cette étrange espèce, qui a atteint une intelligence suffisante pour découvrir le moyen de s’autodétruire, mais pas – ainsi que le montrent les faits – la capacité intellectuelle de contrôler ses pires instincts.

    Le premier jour de l’ère des armes nucléaires a été marqué par le « succès » de « Little Boy », une bombe atomique de conception simple. Au quatrième jour, Nagasaki a connu le triomphe technologique de « Fat Man », une bombe de conception plus sophistiquée. Cinq jours plus tard eut lieu ce que l’histoire officielle de l’Air Force appelle « l’apothéose », un raid mené par 1 000 avions — une vraie réussite logistique — sur les villes japonaises, qui tua plusieurs milliers de personnes, et mêlait bombes et tracts de propagande porteurs de la mention « le Japon s’est rendu ». Truman annonça cette capitulation avant même que les derniers B-29 soient rentrés à leur base.

    Ce furent les premiers jours fastes de l’ère des armes nucléaires. Alors que nous célébrons son 70e anniversaire, nous devrions nous émerveiller d’avoir survécu. Mais quant à savoir combien d’années nous avons encore devant nous ….

    Le Général Lee Butler, ancien chef du Strategic Air Command (STRATCOM) qui contrôle l’arme et la stratégie nucléaire, a réfléchi à ces sinistres perspectives. Il y a 20 ans, il a écrit que jusqu’à présent, nous avions survécu à l’ère du nucléaire « par un mélange d’adresse, de chance, et d’intervention divine — surtout d’intervention divine selon moi, ».

    Tirant les leçons de sa longue carrière passée à développer des stratégies nucléaires et à organiser les forces pour les mettre en œuvre avec efficacité, il s’est lui-même décrit avec regret comme « l’un des plus fervents gardiens de la foi en l’arme nucléaire » ; mais, a-t-il continué, il en est arrivé à réaliser qu’à présent, il lui incombait « de déclarer, avec toute la conviction dont je peux faire preuve, que selon moi, elles nous ont causé un tort extrême ». Et il posait alors la question, « De quel droit les générations de dirigeants qui se succèdent dans les Etats dotés de l’arme nucléaire, usurpent-elles le pouvoir de décider des chances de voir la vie se perpétuer sur notre planète ? Et tout d’abord, comment une audace aussi stupéfiante peut-elle persister alors que nous devrions trembler devant notre propre folie, et nous rassembler dans la volonté d’en éradiquer les plus mortelles manifestations ? »

    Il a décrit le plan stratégique américain de 1960, qui recommandait une frappe automatique généralisée sur le monde communiste, comme « le document le plus absurde et le plus irresponsable de tous ceux que j’ai eu à évaluer dans ma vie ». Son équivalent soviétique était d’ailleurs probablement encore plus insensé. Mais il faut garder à l’esprit qu’en termes de folie, ils sont largement concurrencés, notamment par notre capacité à acquiescer sans sourciller à ce qui constitue une menace inouïe pour notre survie.

    Survivre aux débuts de la guerre froide.

    Selon la doctrine académique en vigueur et le discours intellectuel général, le but premier d’une politique d’État est « la sécurité nationale ». Il est amplement prouvé, cependant, que la doctrine de sécurité nationale n’englobe pas la sécurité des populations. Les archives révèlent, par exemple, que la menace d’une destruction immédiate via des armes nucléaires n’est pas la première cause d’inquiétude des planificateurs. Tout cela a été démontré dès le début, et reste vrai de nos jours.

    Aux tout débuts de l’EAN, les États-Unis étaient tout-puissants et jouissaient d’une sécurité remarquable : ils contrôlaient l’hémisphère, les océans Atlantique et Pacifique, ainsi que les bords opposés de ces océans. Bien avant la Seconde Guerre mondiale, ils étaient devenus, de loin, le pays le plus riche du monde et jouissaient d’avantages incomparables. L’économie américaine avait explosé pendant la guerre, alors que d’autres sociétés industrielles étaient dévastées ou sévèrement affaiblies. Au début de cette nouvelle ère, elle possédait environ la moitié de la richesse mondiale et un pourcentage encore plus grand de capacité de production industrielle.

    Mais il y avait une menace latente : les missiles balistiques intercontinentaux équipés de têtes nucléaires. Des débats sur cette menace faisaient régulièrement partie des travaux de recherche sur les politiques nucléaires, travaux qui bénéficiaient d’un accès à des sources dans les hautes sphères, telles que : « Danger and Survival : Choices About the Bomb in the First Fifty Years » (« Danger et survie : quels choix concernant la bombe pour les cinquante premières années ? ») par McGeorge Bundy, conseiller pour la sécurité nationale pendant les présidences de Kennedy et de Johnson.

    Bundy écrivait : « Le développement opportun des missiles balistiques pendant l’administration d’Eisenhower constitue l’une des meilleures réalisations de ces huit années. Bien qu’il soit bon de commencer par reconnaître que les États-Unis et l’Union Soviétique seraient sans doute en moins grand danger nucléaire aujourd’hui si ces missiles n’avaient jamais été développés ». Il ajoutait alors un commentaire instructif : « Il n’existe à ma connaissance aucune proposition sérieuse, interne ou externe à ces deux gouvernements, visant à interdire les missiles balistiques dans le cadre d’un accord ». En bref, apparemment personne n’a songé à se prémunir contre l’unique menace sérieuse contre les Etats-Unis, la menace d’une destruction totale dans un conflit nucléaire avec l’Union Soviétique.

    Cette menace aurait-elle pu être écartée ? Nous ne pouvons pas en être sûrs bien entendu, mais c’était loin d’être inimaginable. Les Russes, très en retard en termes de développement industriel et de sophistication technologique, étaient dans un environnement bien plus menaçant. De ce fait, ils étaient beaucoup plus vulnérables à de tels systèmes d’armement que les États-Unis. Il y aurait peut-être eu des occasions d’explorer ces possibilités, mais dans l’hystérie extraordinaire de l’époque, c’est à peine si celles-ci auraient pu même être perçues. Et de fait cette hystérie était vraiment extraordinaire. Un examen de la rhétorique des documents officiels centraux de l’époque, comme le rapport NSC-68 du National Security Council [Conseil National de Sécurité], reste assez choquant, même en ignorant l’injonction du Secrétaire d’État Dean Acheson sur la nécessité d’être « plus clair que la vérité ».

    Une des options possibles pour limiter la menace a été une remarquable proposition du dirigeant soviétique Joseph Staline en 1952, qui offrait d’autoriser l’Allemagne à se réunifier avec des élections libres, à la condition qu’elle ne rejoigne pas une alliance militaire hostile. Ce n’était pas vraiment une exigence extrême à la lumière des événements historiques de la première moitié du XXe siècle, où l’Allemagne, à elle seule, avait pratiquement détruit la Russie par deux fois, lui infligeant de terribles dégâts.

    La proposition de Staline a été prise au sérieux par le très respecté commentateur politique James Warburg, mais fut généralement ignorée ou ridiculisée à l’époque. Des études récentes commencent à développer un point de vue différent. Le professeur Adam Ulam, viscéralement anticommuniste, a considéré que la proposition de Staline était « un mystère non résolu ». Washington « ne s’est pas fatiguée. Elle a catégoriquement rejeté l’initiative de Moscou », a-t-il écrit, et pour des raisons « si peu convaincantes que c’en était embarrassant ». Ulam ajoutait : « L’échec de la politique scientifique et intellectuelle laisse en suspens « la question fondamentale ». Staline était-il réellement prêt à sacrifier la nouvelle République Démocratique d’Allemagne (RDA) sur l’autel de la démocratie », avec des conséquences sur la paix mondiale et la sécurité des Américains qui auraient pu être énormes ?

    Lors de recherches récentes dans les archives soviétiques, l’un des savants les plus respectés de la guerre froide, Melvyn Leffler, a noté que de nombreux chercheurs avaient été surpris de découvrir que « Lavrenti Beria, le sinistre et brutal chef de la police secrète russe, avait proposé au Kremlin de faire une offre à l’Occident pour l’unification et la neutralité de l’Allemagne », acceptant « de sacrifier le régime communiste est-allemand afin de réduire les tensions Est-Ouest » et d’améliorer les conditions politiques et économiques internes de la Russie – une opportunité gaspillée en faveur de l’intégration de l’Allemagne (RFA) à l’OTAN.

    Dans ces circonstances, il n’est pas impossible que des accords susceptibles de protéger la population américaine de la plus grave menace à l’horizon auraient pu être conclus alors. Mais cette possibilité n’a apparemment pas été prise en compte, un indice frappant du rôle minime joué par les considérations authentiques de sécurité dans la politique de l’État.

    La Crise des missiles de Cuba et au-delà

    Cette conclusion fut mise en évidence de façon répétée dans les années qui suivirent. Lorsque Nikita Khrouchtchev prit le contrôle de la Russie en 1953 après la mort de Staline, il reconnut que l’URSS ne pouvait pas se mesurer militairement aux USA, le pays le plus riche et le plus puissant de l’Histoire, détenteur d’avantages incomparables. Pour espérer échapper à son retard économique et aux effets dévastateurs de la dernière guerre mondiale, il lui fallait renverser la course aux armements.

    En conséquence, Khrouchtchev proposa des réductions mutuelles considérables de l’arsenal des armes offensives. La toute nouvelle administration Kennedy évalua l’offre et la rejeta, se tournant au contraire vers une expansion militaire rapide, même si elle était déjà largement en avance. Kenneth Waltz, décédé récemment, soutenu par d’autres analystes stratégiques en relation étroite avec le Renseignement US, écrivait à cette époque que l’administration Kennedy « entreprit, en temps de paix, l’édification de l’appareil militaire stratégique et conventionnel le plus important que le monde avait jamais vu… alors même que Khrouchtchev essayait de mener à bien une réduction majeure des forces conventionnelles et de suivre une stratégie de dissuasion minimale, et nous avons agi ainsi alors même que l’équilibre des armes stratégiques était largement en faveur des États-Unis ». A nouveau, ils ont mis en péril la sécurité intérieure tout en développant le pouvoir de l’État.

    Les services secrets américains ont vérifié que d’énormes réductions avaient bien été réalisées dans les forces militaires soviétiques actives, à la fois en termes de nombre d’avions et d’effectifs. En 1963, Khrouchtchev appela encore à de nouvelles réductions. Comme geste de bonne volonté, il retira ses troupes d’Allemagne de l’Est et appela Washington à faire de même. Cet appel, lui aussi, fut rejeté. William Kaufmann, un ancien conseiller du Pentagone, et un analyste éminent des questions de sécurité, a décrit l’échec des États-Unis à répondre aux initiatives de Khrouchtchev comme « mon seul regret » sur le plan professionnel.

    La réaction soviétique à la montée en puissance américaine de cette époque fut de placer des missiles nucléaires à Cuba en octobre 1962, dans une tentative au moins partielle de rééquilibrage. Cette action était également motivée, en partie, par la campagne terroriste de Kennedy contre Cuba de Fidel Castro, qui devait aboutir à une invasion au cours du même mois, comme la Russie et Cuba le savaient peut-être. La « crise des missiles » qui s’ensuivit fut « le moment le plus dangereux de l’Histoire », pour reprendre les mots de l’historien Arthur Schlesinger, conseiller et confident de Kennedy.

    Alors que la crise atteignait son paroxysme à la fin du mois d’octobre, Kennedy reçut une missive secrète de Khrouchtchev lui offrant d’y mettre un terme par un retrait public simultané des missiles russes de Cuba et des missiles américains Jupiter de Turquie. Ces derniers étaient des missiles obsolètes, dont l’administration Kennedy avait deja ordonné le retrait et le remplacement par des sous-marins Polaris, beaucoup plus destructeurs, qui devaient être stationnés en Méditerranée.

    L’estimation subjective de Kennedy à ce moment était qu’en cas de refus de l’offre du leader soviétique, il y avait entre 33 % et 50 % de chance d’une guerre nucléaire – une guerre qui, comme le président Eisenhower l’en avait averti, aurait détruit l’hémisphère Nord. Malgré cela, Kennedy refusa la proposition de Khrouchtchev d’un retrait public des missiles de Cuba et de Turquie ; seul le retrait de Cuba pouvait être public, afin de protéger le droit des États-Unis de placer des missiles aux frontières de la Russie ou à n’importe quel autre endroit de son choix.

    Il est difficile de songer à une décision plus horrible dans l’Histoire − et celle-ci lui vaut toujours des louanges pour son sang-froid et son comportement d’homme d’État.

    Dix ans plus tard, dans les derniers jours de la guerre israélo-arabe de 1973, Henry Kissinger, alors conseiller à la sécurité nationale du président Nixon, lançait une alerte nucléaire. L’objectif était de mettre en garde les Russes pour qu’ils n’interfèrent pas dans ses délicates manœuvres diplomatiques visant à assurer une victoire israélienne, mais une victoire limitée qui permettrait aux États-Unis de maintenir un contrôle unilatéral sur la région. Et ces manœuvres étaient en effet délicates. Les États-Unis et la Russie avaient conjointement imposé un cessez-le-feu, mais Kissinger avait secrètement informé les Israéliens qu’ils pouvaient passer outre. D’où la nécessité d’une alerte nucléaire pour faire peur aux Russes. Comme toujours, la sécurité des Américains n’était pas une priorité.

    Dix ans plus tard, l’administration Reagan lançait des opérations pour sonder les défenses aériennes russes, par la simulation d’attaques aériennes et navales, ainsi que par une alerte nucléaire de haut niveau que les Russes étaient censés détecter. Ces actes ont été entrepris à une époque très tendue. Washington était en train de mettre en place, en Europe, des rampes de missiles stratégiques Pershing II qui pouvaient atteindre Moscou en cinq minutes. Le président Reagan avait aussi annoncé le programme d’initiative de défense stratégique (“Guerre des Etoiles”) que les Russes interprétèrent comme une arme de première frappe, une interprétation banale de ce que l’on entendait, des deux côtés, par défense anti-missile. Et d’autres tensions montaient aussi.

    Évidemment, ces actes alarmèrent grandement la Russie qui, à la différence des USA, était assez vulnérable, et s’était vu plusieurs fois envahie et quasiment détruite. En 1983, cela a conduit à des craintes de guerre imminente. Des archives récemment publiées ont révélé que le danger a même été plus grave que les historiens ne le pensaient jusqu’à présent. Une étude de la CIA intitulée « La menace de guerre était bien réelle » a conclu que les services de renseignement américains pouvaient avoir sous-évalué les inquiétudes des Russes et la menace d’une frappe nucléaire préventive russe. Ces manœuvres ont « presque déclenché une attaque nucléaire préventive », selon un compte-rendu du Journal of Strategic Studies.

    C’était même encore plus dangereux que cela, comme nous l’avons appris en septembre dernier lorsque la BBC a révélé qu’en plein milieu de ces évènements qui menaçaient la sécurité mondiale, les systèmes d’alerte avancée russes détectèrent l’arrivée d’un missile américain, entraînant le niveau d’alerte maximal du système nucléaire. Le protocole de l’armée soviétique exigeait une réponse nucléaire. Heureusement, l’officier de service, Stanislav Petrov, décida de désobéir aux ordres et de ne pas en référer à ses supérieurs. Il fut officiellement réprimandé. Grâce au non-respect de ses obligations, nous sommes encore en vie pour en parler.

    La sécurité de la population n’était guère plus une priorité pour l’administration Reagan qu’elle ne l’avait été pour ses prédécesseurs. Et cela continue jusqu’à aujourd’hui, même en mettant de côté les nombreux accidents nucléaires quasi-catastrophiques survenus au cours des ans, dont nombre ont été passés en revue dans l’étude glaçante d’Eric Schlosser : Command and Control : Nuclear Weapons, the Damascus Accident, and the Illusion of Safety [Commandement et contrôle : armes nucléaires, l'accident de Damascus* et l'illusion de la sécurité]. En d’autres termes, les conclusions du général Butler sont difficilement contestables.

    [*NdT : Fait référence à l'accident survenu en septembre 1980 au centre de lancement 374-7 de missiles balistiques Titan II implanté au nord de Damascus, petit village américain, situé dans le comté de Van Buren et l'état d'Arkansas. Lors d'une opération de maintenance, une douille de clé à douille en tombant d'une hauteur de 24 mètres avait perforé le premier étage d'un missile balistique porteur de tête nucléaire, le carburant avait pris feu et s'ensuivit une explosion qui projeta à plus de trente mètres à l'extérieur du centre la tête nucléaire W53 (9 mégatonnes) heureusement restée intacte.]

    La survie à l’époque de l’Après Guerre froide

    L’historique des actions et des doctrines postérieures à la guerre froide n’est guère plus rassurant. Chaque président se doit d’avoir une doctrine. La doctrine Clinton était contenue dans ce slogan : « multilatéral quand nous le pouvons, unilatéral quand nous le devons ». Au cours d’un témoignage au Congrès, la phrase « quand nous le devons » fut expliquée plus en détail : les Etats-Unis se permettent de recourir à « une utilisation unilatérale de leur puissance militaire » pour s’assurer « un accès sans contraintes aux marchés essentiels, aux ressources énergétiques et stratégiques ». Pendant ce temps, Stratcom [United States Strategic Command - Etat major stratégique dédié au renseignement et à la force de frappe nucléaire] à l’époque Clinton a publié une étude volumineuse intitulée « Les axes essentiels de la dissuasion post guerre froide », publiée bien après l’effondrement soviétique, alors que Clinton prolongeait le programme du président George H. W. Bush d’expansion de l’Otan vers l’est en violation des promesses faites au chef du gouvernenment soviétique Mikhail Gorbatchev – dont les conséquences se font sentir jusqu’à maintenant.

    Cette étude du Stratcom s’inquiétait du « rôle des armes nucléaires dans la période post guerre froide ». Le point central de la conclusion est que les Etats-Unis doivent conserver le droit de lancer une attaque préventive, même contre un État non nucléaire. De plus, les armes nucléaires doivent toujours être prêtes car elles « projettent leur ombre sur toute crise ou conflit ». Elles étaient, pour ainsi dire, toujours utilisées comme une arme que l’on pointe mais avec laquelle on ne tire pas au cours d’un cambriolage (un point sur lequel Daniel Ellsberg a toujours insisté) Stratcom a même été jusqu’à conseiller que « les décideurs devraient s’abstenir d’être trop rationnels pour déterminer… ce que l’adversaire estime le plus ».

    Simplement, tout doit être dans la ligne de mire. « Il est désavantageux de se représenter comme trop rationnels et maîtres de soi… Que les Etats-Unis puissent devenir irrationnels et rancuniers si ses intérêts vitaux sont en jeu devrait faire partie de l’image nationale que nous projetons ». Il est « de notre intérêt [pour notre attitude stratégique] que quelques éléments puissent paraître potentiellement hors de contrôle », présentant ainsi une menace permanente d’attaque nucléaire – une grave violation de la charte des Nations Unies, si l’on y prête attention.

    Il est très peu question ici des nobles buts constamment proclamés, ni d’ailleurs de l’obligation imposée par le Traité de non-Prolifération de faire des efforts « de bonne foi » pour éliminer ce fléau de la Terre. Ce qui en ressort, c’est plutôt une adaptation du célèbre couplet d’Hilaire Belloc sur la mitrailleuse Maxim (pour citer le grand historien africain Chinweizu): « Quoi qu’il arrive, on a nous, la bombe atomique, et pas eux ».

    Après Clinton, bien sûr, vint George W. Bush, dont la conception revendiquée de la guerre préventive était si large qu’elle comprenait l’attaque par le Japon en décembre 1941 de bases militaires américaines dans deux territoires outre-mer, à une époque où les militaristes japonais savaient pertinemment que les Forteresses Volantes B-17 sortaient à toute vitesse des chaînes de montage pour être déployées dans ces bases avec l’objectif de « détruire par le feu le cœur industriel de l’empire avec des attaques à la bombe incendiaire sur les grouillantes fourmilières de bambou qu’étaient Honshu et Kyushu. » C’était ainsi qu’étaient décrits les plans d’avant-guerre par leur architecte, le général de l’Air Force Claire Chennault, avec l’approbation enthousiaste du président Franklin Roosevelt, du secrétaire d’Etat Cordell Hull, et du chef d’état-major des armées le Général George Marshall.

    Puis arrive Barack Obama, avec de belles paroles sur le projet d’abandonner des armes nucléaires – en même temps que des plans de dépenses de mille milliards de dollars pour l’arsenal nucléaire des États-Unis dans les trente années à venir, un pourcentage du budget militaire « comparable aux dépenses pour l’acquisition de nouveaux systèmes stratégiques dans les années 80 sous la présidence de Ronald Reagan », selon une étude du centre d’études James Martin pour la non-prolifération (Center for Nonproliferation Studies) à l’Institut d’études internationales de Monterey (Monterey Institute of International Studies). Obama n’a pas hésité non plus à jouer avec le feu pour obtenir un gain politique. Prenez par exemple la capture et l’assassinat d’Osama ben Laden par les Navy SEALs. Obama en parla avec fierté dans un important discours sur la sécurité nationale en mai 2013. Cela fut largement rapporté, mais en passant sous silence un paragraphe crucial.

    Obama avait salué l’opération mais précisé que cela ne pouvait pas devenir la norme, car « Les risques furent énormes », avait-t-il déclaré. Les SEALs auraient pu être « piégés dans une fusillade prolongée. » Même si, par chance, cela n’arriva pas, « le coût pour nos relations avec le Pakistan et l’hostilité en retour parmi le public pakistanais pour avoir empiété sur leur territoire furent… majeurs. »

    Ajoutons maintenant quelques détails. Les SEALs avaient pour ordre de se battre pour s’échapper s’ils étaient appréhendés. S’ils s’étaient retrouvés « piégés dans une fusillade prolongée», ils n’auraient pas été abandonnés à leur sort. Toute la puissance militaire américaine aurait été utilisée pour les dégager. Le Pakistan dispose d’une armée puissante et bien entraînée, très soucieuse de la souveraineté de l’Etat. Il possède aussi l’arme nucléaire et les spécialistes pakistanais sont inquiets de la possibilité d’infiltration de leur système de sécurité nucléaire par des éléments jihadistes. Ce n’est pas non plus un secret que la population a été désabusée et radicalisée par la campagne de terreur à base d’attaques de drones menée par Washington ainsi que par ses autres procédés.

    Tandis que les SEALs étaient encore dans l’enceinte de la résidence de Ben Laden, le chef d’état-major pakistanais Ashfaq Parvez Kayani fut informé du raid et il ordonna à l’armée d’« intercepter tout avion non identifié, » en supposant qu’il devait venir d’Inde. Pendant ce temps, à Kaboul, le chef des armées américain, le général David Petraeus, avait ordonné aux « avions de répondre » si les Pakistanais « lancaient leurs avions de combat. » Comme l’a dit Obama, par chance le pire n’arriva pas, alors que cela aurait pu être assez vilain. Mais les risques avaient été pris sans inquiétude décelable. Ni commentaire ultérieur.

    Comme le fit remarquer le général Butler, c’est presque un miracle que nous ayons pu échapper à la destruction jusqu’à maintenant, et plus nous tenterons le destin, moins il est probable que nous puissions espérer une intervention divine pour perpétuer ce miracle.

    Noam Chomsky est professeur émérite au département de linguistique et de philosophie de l’Institut Technologique du Massachusetts [MIT : Massachusetts Institute of Technology]. Parmi ses livres publiés récemment figurent Hegemony or Survival (Dominer le monde ou sauver la planète), Failed States (Les états manqués : Abus de puissance et déficit démocratique), Power Systems (Comprendre le pouvoir), Occupy (Occupy) et Hopes and Prospects (De l’espoir en l’avenir). Son dernier livre, Masters of Mankind, sera prochainement publié chez Haymarket Books, qui rééditera aussi dans les années à venir douze de ses classiques dans de nouvelles éditions. Son site web est www.chomsky.info. Une version française est disponible ici : www.noam-chomsky.fr

    Source : TomDispatch, traduction collective par les lecteurs du blog www.les-crises.fr

    P.S. aide bienvenue si des personnes ont du temps pour coordonner un travail de suivi et de traduction des articles de Chomsky dans les mois qui viennent… Me contacter

     

     

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    Vidéo : Hiroshima, la véritable histoire

    Soixante-dix ans après la déflagration d’Hiroshima, une enquête de grande ampleur replace la vérité historique aux avant-postes et révèle d’étonnants témoignages. Un regard neuf sur un événement qui a provoqué tant d’aveuglement.

    Les noms sont entrés dans la mémoire collective, et ils résonnent encore de manière macabre. Le projet atomique américain s’appelait “Manhattan Project”, la bombe “Little Boy”, et l’avion qui a ouvert sa soute “Enola Gay”. Le 6 août 1945, sur ordre du président Truman, un bombardier B-29 largue sur Hiroshima la première arme nucléaire jamais utilisée lors d’une guerre. “Il y eut un anneau de feu rouge et aveuglant. Je ne devrais pas le dire, mais c’était magnifique”, dit aujourd’hui un des survivants. “L’aube d’une ère nouvelle”, assurent certains scientifiques. 80 000 Japonais paient sur le champ ce basculement de l’histoire de l’humanité. Si, bien entendu, les suites immédiates et dantesques de l’explosion sont l’épicentre du documentaire, elles n’en constituent pas l’unique objet. Grâce à la révélation d’étonnants secrets, Hiroshima, la véritable histoire dissipe les écrans de fumée qui ont détourné le monde de la réalité des faits.

    Cette investigation ambitieuse éclaire aussi bien les motivations réelles des Américains que les conséquences sociales, sanitaires et environnementales du désastre. Little Boy était-elle un “mal nécessaire” pour forcer les Japonais à capituler ? Hiroshima démontre que le pays de l’empereur Hirohito avait de toute façon déjà perdu la guerre et s’apprêtait à négocier. Les objectifs de Truman étaient autres : tester in vivo l’efficacité de la bombe et devancer les Russes dans la course à l’armement. Même duplicité après la seconde explosion atomique (Nagasaki, le 9 août) : les Américains font des études scientifiques mais ne soignent personne. Le quotidien des irradiés est occulté : considérés comme des pestiférés, ils doivent subir l’emprise rapace des mafias japonaises et la désagrégation des rapports humains. Dans le même temps, aux États-Unis, une propagande gouvernementale massive tente de rendre populaire le recours au nucléaire. Bénéficiant d’images d’archives inédites et de documents confidentiels, le film de Lucy van Beek met en avant de nombreux témoignages, notamment japonais (experts, agents secrets, survivants). Les souvenirs et les histoires individuelles qu’ils esquissent aboutissent tous au même constat : les ondes de choc d’Hiroshima n’ont pas encore disparu.

    Un remarquable documentaire, riche en témoignages poignants, d’où ressort une scène bouleversante…

    La scène est surréaliste. Choquante, franchissant allègrement les limites de l’indécence. Nous sommes en 1954. Dans une Amérique pro-nucléaire qui organise même le concours de “Miss bombe atomique”, Kiyoshi Tanimoto, un survivant d’Hiroshima de 36 ans venu lever des fonds au pays de l’Oncle Sam, en compagnie de femme et enfants, est exhibé star d’un soir dans This is your life (C’est votre vie), une émission de divertissement, présentée par Ralph Edwards, qui fait les beaux jours de NBC entre 1951 et 1962.

    Les producteurs lui organisent une rencontre surprise, à la “Sacré soirée“, avec un invité mystérieux. Lorsque la porte s’ouvre le Japonais découvre Robert Lewis, co-pilote de l’Enola Gay, l’avion B-29 qui a largué la bombe nucléaire, à qui il n’a d’autre choix que de serrer la main. Interdit mais contraint de faire bonne figure, Kiyoshi porte un regard hébété, empli d’une profonde tristesse qui soulève le coeur. La caméra américaine ne s’y attarde d’ailleurs pas…

    Et même soixante-dix ans après, l’image s’inscrit comme une blessure supplémentaire infligée au nom de la société du spectacle. Un documentaire qui remplit parfaitement un devoir de mémoire, primordial, à ne surtout pas rater.

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    Vidéo : La face cachée d’Hiroshima

    La catastrophe de Fukushima éclaire d’un jour nouveau l’histoire du nucléaire : le Japon a été deux fois victime de l’atome, à 66 ans d’intervalle. Le 6 août 1945 : la première bombe atomique de l’Histoire détruit une ville entière en quelques secondes. Avec la bombe au plutonium lâchée sur Nagasaki 3 jours plus tard, l’humanité entre dans l’ère nucléaire. L’histoire officielle, écrite après-guerre par les autorités américaines, est celle du “Mal nécessaire” : il fallait utiliser la bombe pour terminer la guerre. Mais derrière la version des manuels scolaires et des films de propagande se cache une autre histoire.

    “La Face cachée de Hiroshima” revient sous un angle inédit sur les premières explosions atomiques de l’Histoire de l’humanité, Hiroshima et Nagasaki. Il propose une immersion historique saisissante depuis les coulisses du Projet Manhattan jusqu’aux recherches secrètes menées au Japon, pendant plusieurs décennies, sur les effets de l’irradiation.

    Le fil conducteur est l’histoire fascinante des scientifiques qui ont conçu la bombe nucléaire dans le plus grand secret, en concluant un pacte avec les militaires et les industriels, une relation qui va mener le monde au feu atomique. Ce film d’investigation raconte l’entrée du monde dans l’ère nucléaire en se basant sur une collection unique d’archives américaines et japonaises.

     

    source: les-crises.fr

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  • Marche pour la Paix-RdV Dimanche 9 août 2015-10 heures30-Mémorial de la Résistance de Sainte-Marie du Menez Hom (Plomodiern)

    Marche pour la Paix-RdV Dimanche 9 août 2015-10 heures30-Mémorial de la Résistance de Sainte-Marie du Menez Hom (Plomodiern)

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  • Juste avant la victoire de Syriza aux élections, Alexis Tsipras avait demandé à son futur ministre des Finances de plancher sur une alternative à l'euro. Rocambolesque.

    Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances grec, le 10 juillet 2015 à Athènes. (LOUISA GOULIAMAKI/AFP)Yanis Varoufakis, ancien ministre des Finances grec, le 10 juillet 2015 à Athènes. (LOUISA GOULIAMAKI/AFP)

     

    Il y avait bien un plan B à Athènes. Et pas n'importe lequel. Alors qu'il était ministre des Finances du gouvernement Tsipras, en plein bras de fer avec les Européens, Yanis Varoufakis a créé un cabinet secret, qui avait notamment pour mission de réfléchir aux alternatives, au cas où il faudrait passer de l'euro à la drachme. Varoufakis voulait aussi développer un système bancaire alternatif. Et cela supposait de… pirater sa propre administration fiscale !

    L'affaire, pour le moins explosive à Athènes, a été révélée dimanche 26 juillet par "Ekathimerini". Ce journal grec a retranscrit une conférence téléphonique entre Yanis Varoufakis, l'ancien ministre des Finances britannique Norman Lamont, et des financiers. Elle a eu lieu le 16 juillet, soit une semaine après le départ de Varoufakis du gouvernement.

    Depuis, le contenu de cette conversation a été confirmé par Varoufakis et par deux responsables de fonds spéculatifs qui y ont participé, révèle le "Télégraph" (en anglais). A Athènes, les principaux partis d'opposition (Nouvelle Démocratie, To Potami et le Pasok) se sont réunis en urgence pour évoquer l'affaire. "Ils veulent me faire passer pour un escroc, répond Varoufakis, et me faire tomber pour trahison."

    Un système bancaire parallèle

    L'histoire racontée par l'ancien ministre aux financiers dépasse la fiction.

    "Le Premier ministre, avant qu'il ne devienne Premier ministre, avant que nous ne gagnions l'élection en janvier, m'avait donné son feu vert pour mettre au point un plan B, débute Varoufakis. J'ai réuni une équipe très compétente, restreinte vu qu'il fallait garder ce projet secret pour des raisons évidentes. Nous avions travaillé depuis décembre ou début janvier."

    L'économiste affirme que le plan était "presque achevé", mais que pour le mener à bien, il avait besoin d'agrandir son équipe de 5 à 1.000 personnes. Là n'est pas la seule difficulté :

    "Notre plan se déroulait sur plusieurs fronts, poursuit l'ex-ministre, je ne vous en présenterai qu'un seul. Prenez le cas des premiers instants où les banques sont fermées. Les distributeurs de billet ne fonctionnent plus et il faut mettre en œuvre un système de paiement parallèle pour continuer à faire tourner l'économie pendant un temps, et donner le sentiment à la population que l'Etat a le contrôle, qu'il y a un plan. Nous avions prévu cela."

    Le plan de Varoufakis consistait à créer des comptes bancaires de réserve pour chaque contribuable, en fonction de son numéro fiscal. Il suffirait d'envoyer à chaque contribuable un mot de passe pour qu'il se connecte sur le site des impôts et passe des virements.

    "Cela aurait créé un système bancaire parallèle lors de la fermeture des banques résultant de l'action agressive de la BCE de nous priver d'oxygène. C'était très avancé et je pense que cela aurait fait la différence, parce que rapidement, nous aurions pu l'étendre, utiliser des applications sur smartphone, et cela aurait pu devenir un système parallèle qui fonctionne, bien sûr avec une dénomination en euro, mais qui pourrait être converti en drachme en un clin d'œil."

    Un obstacle : la troïka

    Seulement, pour faire cela, le gouvernement grec aurait dû surmonter de sérieux obstacles institutionnels.

    "C'est assez fascinant, poursuit Varoufakis aux financiers. La direction générale des finances publiques, au sein de mon ministère, était contrôlée entièrement et directement par la troïka. Elle n'était pas contrôlée par mon ministère, par moi, ministre, elle était contrôlée par Bruxelles. Le directeur général est désigné via une procédure sous le contrôle de la troïka. Imaginez, c'est comme si les finances étaient contrôlées par Bruxelles au Royaume-Uni. Je suis sûr que ca vous hérisse le poil d'entendre cela."

    Le ministre fait alors appel à un "ami d'enfance", professeur d'informatique à l'Université de Columbia, qu'il nomme directeur général des systèmes d'information.

    "Au bout d'une semaine, il m'appelle et me dit : 'Tu sais quoi ? Je contrôle les machines, le matériel, mais je ne contrôle pas les logiciels. Ils appartiennent à la Troïka. Qu'est-ce que je fais ?'"

    Les deux amis se voient discrètement. Pas question de demander officiellement à la direction des finances publiques l'autorisation d'accéder au système, cela pourrait susciter des soupçons.

    Nous avons décidé de pirater le programme informatique de mon propre ministère afin de pouvoir copier, juste copier, le code du site internet des impôts sur un gros ordinateur de son bureau, pour pouvoir travailler sur la conception et le développement d'un système parallèle de paiement. Et nous étions prêts à obtenir le feu vert du Premier ministre, lorsque les banques fermeraient, pour nous rendre à la direction générale des finances publiques qui est contrôlée par Bruxelles et à y brancher son ordinateur portable pour activer le système."

    Voilà qui en dit long sur l'ampleur des enjeux auxquels doivent faire face le gouvernement grec et sur la complexité de la relation entre Athènes et Bruxelles.

    "Ce que j'essaie de vous décrire, c'est le genre de problèmes institutionnels que nous avons rencontré, les obstacles institutionnels qui nous empêchaient de mener une politique indépendante pour contrer effets de la fermeture de nos banques par la BCE."

    Varoufakis savait que la conversation était enregistrée. "Il y a surement d'autres personnes qui écoutent, mais ils ne diront rien à leurs amis", avait mis en garde Normal Lamont alors que Varoufakis commençait à entrer dans les détails. "Je sais. Même s'ils le faisaient, je nierais avoir dit cela", avait répondu le grec sur le coup. Depuis la publication de la conversation, il se défend :

    "C'est une tentative d'annuler les cinq premiers mois de ce gouvernement et de les mettre dans la poubelle de l'Histoire", a-t-il déclaré au 'Télégraph'. J'ai toujours été totalement contre un démantèlement de l'euro, car on ne sait jamais quelles forces maléfiques peuvent se réveiller en Europe."

    L'ancien ministre a aussi publié un communiqué officiel. Il s'en prend au journal grec :

    "L'article fait référence au projet du ministre comme l'a décrit le ministre le 6 juillet dans son discours de départ pendant la passation des pouvoirs. Dans ce discours, Varoufakis déclare clairement : 'Le secrétariat général à l'informatique a commencé à étudier les moyens de faire de Taxisnet quelque chose de plus important, un système de paiement pour tiers, un système qui augmente l'efficacité et minimise les arriérés de l'Etat aux citoyens et vice-versa.' Ce projet ne faisait pas partie du programme du groupe de travail, a été présenté entièrement par le ministre Varoufakis au cabinet et devrait, selon le ministre Varoufakis, être mis à exécution indépendamment des négociations avec les créanciers de la Grèce, car cela contribuera à améliorer considérablement l'efficacité des transactions entre l'Etat et les contribuables et entre les contribuables."

    Le projet de Schaüble

    Le journal "Ekathimerini" cite aussi un extrait où Varoufakis évoque le ministre des Finances allemand :

    "Schaüble a un plan. Ce qu'il m'en a décrit est très simple. Il croît que l'eurozone n'est pas viable. Il pense qu'il faut des transferts budgétaires, et un certain degré d'union politique. Il croit que pour que cette union politique fonctionne sans fédération, sans la légitimité qu'un parlement fédéral, élu en bonne et due forme, peut assurer, notamment face à un exécutif, la seule solution est la discipline. Et il m'a dit explicitement qu'un Grexit sera l'élément qui lui permettra de négocier, qui lui donnera suffisamment de puissance, de quoi faire peur, afin d'imposer aux Français ce contre quoi Paris a résisté. Et de quoi s'agit-il ? Un degré de transfert budgétaire qui fait passer le pouvoir de Paris à Bruxelles."

    Dans le "Telegraph", Varoufakis va plus loin, affirmant que Schaüble a fini par penser que la Grèce devait être expulsée de l'euro, qu'elle ne faisait qu'attendre son heure, sachant que le dernier plan de renflouement était voué à l'échec.

    "Tout le monde sait que le Fonds monétaire international ne veut pas participer au nouveau programme mais Schaüble insiste pour en faire la condition de nouveaux prêts. J'ai le fort pressentiment qu'il n'y aura pas d'accord de financement le 20 août."

    Selon Varoufakis, les indicateurs économiques se révéleront mauvais à la fin de l'année en Grèce.

    "Schaüble dira alors qu'il s'agit d'un nouvel échec. Il nous enfume. Il n'a pas renoncé à pousser la Grèce hors de l'euro."

    "Des enjeux opérationnels"

    James K. Galbraith, économiste britannique de renom et proche de Varoufakis, a révélé lundi qu'il faisait partie de son équipe secrète. Et il précise son rôle, sous la forme de six déclarations :  

    1. "A aucun moment le groupe de travail ne s'est engagé pour un Grexit ou tout autre choix de politique. Le travail était uniquement d'étudier les enjeux opérationnels qui se poseraient si la Grèce était forcée d'émettre de nouveaux papiers ou si elle était forcée à quitter l'euro.
    2. Le groupe a opéré en supposant que le gouvernement était entièrement décidé à négocier dans le cadre de l'euro, et a pris des précautions extrêmes pour ne pas mettre en jeu cette engagement en laissant filtrer au monde extérieur des indices de notre travail. Il n'y a eu aucune fuite, jusqu'à la révélation de l'existence du groupe, révélée par l'ancien ministre lui-même, en réponse aux critiques selon lesquelles son ministère n'avait pas préparé de plan de sortie alors qu'il savait que la sortie forcée de l'euro était une option.
    3. L'existence de plans n'auraient pas pu jouer de rôle dans la position grecque dans les négociations, puisque leur circulation (avant qu'il n'y ait eu besoin de les mettre en exécution) aurait destabilisé la politique du gouvernement.
    4. En dehors d'une conversation téléphonique tardive et non-concluante entre le député Costas Lapavitsas et moi, il n'y a eu aucune coordination avec la "plateforme de gauche" et les idées de notre groupe de travail avaient très peu en commun avec les leurs.
    5. Notre travail s'est terminé pour des raisons pratiques début mai, par un long memo exposant les questions principales et les scénarios que nous avons étudiés.
    6. Mon travail n'a été ni rémunéré ni officiel, fondé sur mon amitié pour Yanis Varoufakis et mon respect pour la cause du peuple grec."

    Donald Hébert

    source: tempsreel.nouvelobs.com

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  • Loi Macron : le plafonnement des indemnités de licenciement est contraire à la Constitution (CGT- 29/07/2015)

    au passage en force par l’utilisation du 49.3 de la loi Macron « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » le 10 juillet dernier, il devient plus qu’urgent d’utiliser tous les outils à notre disposition afin de se battre contre les mesures régressives qu’elle prévoit : accords de maintien de l’emploi élargis, assouplissement des règles sur le travail du dimanche et les licenciements économiques, attaques contre les Conseils de prud’hommes... mais aussi plafonnement des indemnités pour licenciement.

    Le Conseil constitutionnel (saisi le 15 juillet dernier au sujet de la loi Macron par les députés de l’opposition) aura à se prononcer dans le mois qui vient notamment sur l’article 87D de la loi. Cet article prévoit le plafonnement des indemnités obtenues en justice pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La CGT a souhaité apporter ses propres arguments au débat initié sur ce sujet devant le Conseil constitutionnel par le Syndicat de la Magistrature et le Syndicat des avocats de France (SAF). Aussi, la CGT a présenté des observations pour mettre en évidence que l’instauration d’un plafonnement d’indemnités ne respecte pas certains principes constitutionnels français.

    Pour rappel, en cas de licenciement jugé illicite, l‘article 87D contraint les juges des Conseils de prud’hommes à appliquer un barème d’indemnisation fixé par la loi. Ainsi, ce n’est plus le juge qui décide lui-même du montant de la réparation au regard de l’étendue du préjudice subi par le salarié. Désormais, il devra se référer aveuglément à un tableau lui indiquant le montant à octroyer au salarié en fonction de son ancienneté et de la taille de son entreprise. Ainsi, un salarié de 50 ans, avec des charges de famille encore importantes et peu de chance de retrouver un emploi, mais qui travaille dans une entreprise de moins de 299 salariés et ayant moins de 2 ans d’ancienneté, pourra se voir attribuer une indemnité maximum de 4 mois de salaire.


    On le constate donc : la loi ne permet pas de garantir une adéquation entre le préjudice subi et la réparation !
    Cette mesure est une aberration, elle porte atteinte à plusieurs droits et principes constitutionnels : droit à l’emploi, droit à un recours effectif en justice, droit à la réparation intégrale du préjudice subi.
    En effet, les plafonds d’indemnités prévus par la loi Macron sont dans certains cas tellement faibles que les frais d’avocat occasionnés par le procès ne seront même pas couverts par les indemnités que le salarié peut espérer obtenir du juge. Cela revient à priver le salarié d’un recours effectif en justice.
    D’autant plus qu’aujourd’hui de nombreuses « petites » entreprises sont en réalité des filiales de très grands groupes, qui disposent de moyens considérables. Il n’y a donc aucune raison de leur permettre de licencier à moindre frais.

    Au final, les patrons pourront, grâce à cette nouvelle loi, « provisionner » les indemnités dues en cas de licenciement mis en œuvre sans aucun motif valable. Cela rend les salariés d’autant plus tributaires de l’arbitraire patronal.
    Il est donc essentiel que le Conseil constitutionnel censure cette disposition manifestement contraire à des principes fondamentaux.

    Communiqué CGT, le 29 juillet 2015, Montreuil

    source: cgt.fr

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