• Qu’ils soient détenus par l’État bourgeois ou directement aux mains du capital, nos médias américano-formatés ont très majoritairement fait campagne contre Trump et pour Biden. Avec celui-ci à la Maison-Blanche, c’est, nous disait-on à longueur de colonnes, la “raison” qui allait reprendre les commandes à Washington. Pas de chance, à peine installé aux manettes, Biden ne trouve rien de mieux que de “sanctionner” la Chine – première économie et première population mondiales ! – et que de traiter le président russe en exercice de “tueur”. Immédiatement, Emmanuel Micron fait allégeance au maître yankee: il essaie – sans essuyer autre chose qu’un camouflet ! – de sermonner l’ambassadeur chinois à Paris et envoie même la marine française (que les USA ont laissée seule en Méditerranée face à la Turquie, soit dit en passant…) jouer les supplétives de l’US Marine en… Mer de Chine (que dirait “Jupiter” si les bateaux de guerre russes ou chinois croisaient entre Bastia et Nice?)…
    Bref, à l’irresponsabilité du camp dit “continentaliste” incarné par Trump, qui veut avant tout écraser la gauche latino-américaine (cubaine, vénézuélienne, bolivienne…), succède l’irresponsabilité mondialiste d’un Biden, qui proclame sa volonté de restaurer l'”hégémonie mondiale de l’impérialisme nord-américain. Mais si dangereuse que soit cette agitation antirusse et antichinoise dont les remugles de guerre froide et les relents racistes anti-slaves et anti-jaunes sont évidents, ni Biden ni Macron ne peuvent contrarier les tendances économiques lourdes au recul et à l’affaiblissement rapides de leurs mortifères impérialismes respectifs, que bien entendu, il ne faut nullement confondre avec les peuples américain et français. Ce changement planétaire du rapport des forces géopolitique s’est vu aux rudes ripostes diplomatiques et commerciales russes et chinoises, à la fois teintées d’ironie, et accompagnées de contre-sanctions ciblées. Les diplomates chinois ont eu beau jeu de rappeler notamment aux donneurs de leçons yanquis que c’est chez eux, dans une économie qui figure encore parmi les plus riches de la planète, que le coronavirus a fait, et de loin, le plus de victimes – de préférence pauvres et noires – par nombre d’habitants. Commentaire efficace de la diplomatie chinoise: “de quel droit de l’homme peut-il être question pour les centaines de milliers d’Américains qui sont morts, souvent faute de soins, de la covid 19… alors qu’en Chine, la pandémie est sous contrôle et que les gens vont et viennent normalement ? Pour jouir de droits, la première des conditions n’est-elle pas d’être en vie?”. 

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • Rafael López Aliaga a fait irruption dans la campagne avec un discours d'extrême-droite. Le patron millionnaire est l'objet d'une enquête pour blanchiment d'argent dans le cadre de l'affaire des Panamá Papers. Membre de l'Opus Dei, il a des chances d'arriver au second tour des élections présidentielles, le 11 avril. Il pourrait être à égalité avec la candidate de gauche Verónika Mendoza. 

    Une version locale du fasciste Jair Bolsonaro menace la démocratie péruvienne. Le patron millionnaire Rafael López Aliaga a fait irruption dans la campagne électorale avec un discours agressif d'extrême-droite étroitement lié au fanatisme religieux et a des chances d'arriver au second tour des élections présidentielles, le 11 avril 2021. Dans une campagne électorale qui se déroule au milieu de la grave crise sanitaire, sociale et économique provoquée par la pandémie de coronavirus, une classe politique discréditée par des dénonciations récurrentes de corruption, discrédit qui se reflète dans le faible soutien de tous les candidats à la présidence, ce personnage a fait son apparition pour se placer dangereusement entre les candidats.

    A 2 semaines des élections, un sondage de l'Institut d'Etudes Péruviennes (IEP) publié ce dimanche confirme la division des voix entre les 18 candidats et un fort pourcentage d'indécis qui frôle les 30%. Dans ce sondage, l'ex-congressiste Yonhy Lescano occupe la première place avec à peine 11,4%. Un candidat avec un discours de centre-gauche dans le domaine de l'économie mais des positions conservatrices dans le domaine social et des droits. A la seconde place se trouve le fasciste López Aliaga, con 9,7%, à égalité technique avec la candidate de gauche Verónika Mendoza, qui a 9,6%. Juste derrière dans le groupe des petits chefs de file se trouvent l'économiste de droite Hernando de Soto (8,5%), l'ancien footballer de centre-droite George Forsyth (8,2%) et Keiko Fujimori (7,9%). Dans cette situation, le candidat d'extrême-droite n'a pas eu besoin d'un soutien massif pour s'immiscer dans la bataille pour la présidence.

    Arrogant, avec des airs de patron tout-puissant, intolérant, contrariant, enclin aux insultes et à la diffamation contre ceux qui le critiquent, faisant constamment de fausses affirmations, avec un discours autoritaire et opposé aux droits, López Aliaga, 60 ans, membre de l'ultra-conservateur Opus Dei, a construit sa proposition politique sur le soutien des secteurs les plus conservateurs du catholicisme et de l'évangélisme. Sa principale force se trouve à Lima dans les secteurs les plus riches. Et parmi les hommes. Les femmes le soutiennent moins car ses propositions sont profondément machistes. Il est connu sous le nom de “Porky” à cause de sa ressemblance avec le personnage du dessin animé. Un surnom qu'il utilise lui-même, convaincu que cette ressemblance l'aide à promouvoir son image.

    Dans le cadre d'une classe politique discréditée, López Aliaga, candidat pour Rénovation Populaire, a gagné du soutien en se présentant comme éloigné de la politique. « Je ne suis pas un homme politique, je suis un gérant, » répète-t-il sans arrêt bien qu'il ne soit pas nouveau en politique. Auparavant, il a été conseiller à Lima et dans sa campagne, il se vante de ses succès économiques en tant que patron. Sans pouvoir sortir du discrédit à cause des accusations de corruption dont il est l'objet et à cause du fait que sa majorité parlementaire a fait obstruction, le radical “Porky”, a dépassé Keiko Fujimori à droite et lui a volé des électeurs. 

    Ce “Porky” est un fanatique religieux qui affirme que la gauche « est diabolique » et qu'il la combattra. Il voit partout des marxistes et des communistes au point qu'il a qualifié l'actuel Gouvernement du centriste Francisco Sagasti et le précédant de centre-droite de Martín Vizcarra de “communistes”. Dans une attitude putschiste, il s'est prononcé en faveur de la destitution du président Sagasti. Messianique, il dit que sa candidature à la présidence « est un rôle qu'il assume pour la Patrie et pour Dieu ! » Célibataire depuis ses 19 ans, il a avoué utiliser des cilices et pratiquer autoflagellation et penser à la Vierge Marie dont il est amoureux pour éloigner les tentations et rester célibataire.

    Il a annoncé que son Gouvernement en finirait avec l’éducation sexuelle au collège. Il rejette aussi l'éducation à l'égalité de genre et le respect de la diversité qu'il qualifie « d'idéologie de genre », s'alignant sur des positions ultra-conservatrices comme celles du collectif « Ne touche pas à mes enfants » et il dit qu'on « est entrain d'homosexualiser les enfants. » « Nous allons exterminer l'idéologie de genre, on ne peut pas importer un modèle marxiste d'éducation sexuelle. »

    Sa candidate à la première vice-présidence (au Pérou, il y a 2 vice-présidents) Neldy Mendoza, qui semble sortie du plus obscur Moyen-Age quand elle parle, a dit que la seule éducation sexuelle acceptable est l'abstinence. Elle affirme que prendre des contraceptifs, c'est une invitation au viol de la part des femmes et que celles qui sont frappées par leur conjoint sont coupables d'avoir provoqué cette violence chez les hommes. L'une des plus importantes candidates de Rénovation Populaire au Congrès, Milagros Aguayo, prêche que « dieu a créé l'homme pour être le roi. Aucune femme n'a le droit d'enlever l'homme de l'endroit où Dieu l'a mis. » Des postions délirantes comme il y en a beaucoup dans le parti du “Bolsonaro péruvien”.

    López Aliaga refuse le droit des femmes à l'avortement même en cas de viol. « Si elles en veulent pas de cet enfant, qu'elle sle fassent adopter, » dit-il sèchement. « Laissons faire la nature, » répond-t-il quand on lui pose des questiosn sur les risques pour la vie d'une fillette violée, un grave problème dans le pays, si elle poursuit sa grossesse. Il condamne avec la ferveur du fanatique la mariage égalitaire. Dans son groupe politique, ils parlent de l'homosexualité comme « d'un problème qu'il faut soigner. »

    En économie, le patron parie sur l'investissement privé auquel il offre de grandes facilités. Il parle contre les monopoles mais s'est fait une fortune grâce au contrôle du très rentable train qui relie la ville andine de Cusco et les ruines du Machu Picchu, principal site touristique du pays, un monopole qu'il a obtenu sous la dictature d'Alberto Fujimori. Il parle d'affronter l'évasion fiscale mais plusieurs de ses entreprises accumulent des dettes qui équivalent à environ 8 000 000 de $. Il est l'objet d'une enquête pour blanchiment d'argent dans l'affaire des Panamá Papers. Il annonce qu'il fermera des programmes sociaux comme la distribution d'aliments aux écoles pauvres et que cette tâche sera réalisée par des volontaires privés.

    Comme Bolsonaro, il rejette les restrictions de déplacement et l’utilisation de masques pour affronter la pandémie de coronavirus. Dans beaucoup de ses apparitions, il n'utilise pas de masque et quand il le porte, il dit qu'il le fait « pour que la presse ne [le] critique pas. » Il cherche à privatiser la vaccination pour que des patrons puissent acheter et vendre les vaccins en pleine pandémie : « Les Péruviens peuvent payer pour se faire vacciner, » a-t-il déclaré pour justifier sa proposition. En ignorant la réalité économique d'une bonne partie de la population et la discrimination que provoquerait la privatisation des vaccins.

    Ce “Porky” n'est pas un personnage sympathique et charmant comme l'original mais un danger agressif et sérieux pour la démocratie et les libertés.

     

    Source: Pagina12 - Traduction: Françoise Lopez pour Bolivar Infos

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  • Romain MIGUS analyse le contexte politique, les enjeux, les clivages et présente les principaux candidats qui s'affronteront pour la présidence du Pérou le 11 avril 2021.
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    Une vidéo indispensable pour tout saisir et comprendre l'importance de ce processus électoral!
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    Les 2 Rives sera présent pour couvrir les élections du 11 avril 2021 au Pérou. Nous comptons sur vous pour que ne s'éteigne pas cet autre son de cloche si nécessaire pour que vous puissiez vous forger votre propre opinion. Votre contribution financière nous est indispensable.
     
     
     

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  • À l’occasion du 150e anniversaire du début de la , le soulèvement de la rappelle, lorsque les ouvriers et les paysans ont instauré une république populaire dans la capitale du sud de la en 1927.

    Le 18 mars 2021 par Tings Chak – (Article initialement commandé et publié par The Funambulist 34 (mars-avril 2021))

    C’est au cours de l’automne russe de 1920 que Qu Qiubai entendit pour la première fois L’Internationale – l’hymne socialiste né de la Commune de Paris de 1871. Eugène Pottier, auteur des paroles de la chanson, était un Communard et membre élu de l’État ouvrier qui a duré 72 jours dans la capitale française. Bien qu’écrite près d’un demi-siècle plus tôt, cette chanson n’avait été adoptée que récemment comme hymne du parti bolchevique. Jusqu’à aujourd’hui, ce chant est l’un des hymnes des opprimés les plus traduits et les plus chantés au monde. Qu participait à la célébration du troisième anniversaire de la d’Octobre, après avoir traversé Harbin – la capitale provinciale la plus septentrionale de la Chine – pour rejoindre la Russie. Parlant couramment le français et le russe, il avait été envoyé comme correspondant à Moscou pour le Morning News de Pékin (晨报), et couvrait les premières années de la révolution bolchevique.

    En 1920, le mouvement communiste en Chine venait à peine de naître, mais la nation était avide de ses idées. Les pillages coloniaux des deux guerres de l’opium ont marqué le début du « siècle de l’humiliation », qui a vu la cession de Hong Kong aux Britanniques et le saccage de l’ancien Palais d’été par les forces anglo-françaises. La dynastie Qing est tombée en 1911 et un gouvernement républicain fantoche lui a succédé. Le pays était divisé, le féodalisme et les seigneurs de la guerre sévissaient. Le peuple chinois avait faim – physiquement et spirituellement – de la libération de son pays.

    Comme des milliers de jeunes radicaux de l’époque, Qu s’est politisé dans le cadre du mouvement du 4 Mai de 1919. La Conférence de paix de Paris, à la fin de la Première Guerre mondiale, a vu l’ultime trahison des intérêts de la Chine : au lieu d’obtenir la restitution de ses territoires, les Alliés occidentaux ont accepté de transférer la province du Shandong des mains coloniales du Japon à l’Allemagne. En réaction, un mouvement national emmené par les étudiants de Pékin a vu le jour, ancré dans une politique anti-impérialiste, antiféodale et anti-patriarcale. Ce réveil a donné naissance au mouvement de la nouvelle culture – avec son journal Nouvelle jeunesse – et a ouvert aux nouvelles idées afin de guider la transformation du pays. Parmi ses dirigeants, on trouve les professeurs de l’université de Pékin Chen Duxiu et Li Dazhao, qui ont joué un rôle essentiel dans l’introduction des idées marxistes en Chine. Ils ont tous deux contribué à la fondation du chinois (PCC) en 1921.

    La trahison des Alliés occidentaux a été d’autant plus ressentie que le peuple chinois avait beaucoup contribué à la Grande Guerre. Pour faire face à leur pénurie croissante de main-d’œuvre, les États français et britannique s’appuyaient fortement sur leurs colonies d’Afrique, d’Indochine et de Chine. Cent quarante mille Chinois – pour la plupart des paysans – ont rejoint les efforts de guerre français et britanniques, tandis que 200 000 autres ont combattu sur le front oriental avec l’Armée rouge russe. Le Corps de travail chinois a accompli toutes les tâches, sauf celle de porter les armes : il a creusé des tranchées, travaillé dans des usines de munitions, réparé les équipements sur les lignes de front et enterré les morts. Des milliers sont morts, mais cette partie de l’histoire est peu racontée en Occident. À peu près à la même époque, un autre groupe de jeunes Chinois se rendait en France. Initialement lancé par des anarchistes chinois en 1908, le programme a été officialisé en 1919 sous le nom de Diligent Work-Frugal Study program (Programme de travail assidu et d’études frugales), qui a amené 2 000 ouvriers et paysans chinois à Paris. Les mauvaises conditions de vie et de travail ont politisé nombre de ces étudiants – le 28 février 1921, 400 étudiants chinois en alternance ont manifesté contre de nouvelles réductions des bourses d’études. Des événements comme celui-ci rapprochent le mouvement des travailleurs de la génération de la Première Guerre mondiale, qui commencent à s’organiser ensemble dans les usines Renault, des banlieues industrielles de Boulogne-Billancourt à La Garenne-Colombes. C’est depuis les ateliers et dans les amphithéâtres d’université que le marxisme va pénétrer la pensée révolutionnaire chinoise. Parmi les étudiants se trouvaient Zhou Enlai et Deng Xiaoping, fondateurs de la branche européenne du PCC. Zhou Enlai a été Premier ministre pendant 26 ans et Deng Xiaoping est le dirigeant chinois qui a succédé à Mao Zedong lors de la fondation de la République populaire de Chine (RPC).

    Fleur éclatante, fruit heureux

    Bien que la Commune de Paris ait été largement inconnue du public chinois jusqu’alors, ces échanges entre ouvriers et intellectuels en France, et l’ouverture idéologique que le mouvement du 4-Mai a créée, ont contribué à faire connaître cette histoire. Plusieurs des premiers dirigeants communistes ont étudié, écrit et popularisé l’histoire de l’État ouvrier. En 1920, Li Da – l’un des douze membres fondateurs du PCC – a écrit sur la nécessité pour la révolution chinoise d’emprunter la voie de la lutte armée. En 1922, Zhou Enlai a écrit dans Nouvelle jeunesse (新靑年) sur la « fleur éphémère » de la Commune de Paris et sa continuation dans la Révolution d’octobre. L’année suivante, dans l’édition du 50e anniversaire de Shen Bao (申報) – l’un des premiers journaux modernes de Chine – Li Dazhao explique pour la première fois le concept de « commune » à un public chinois. D’abord transposé sous le nom de kangmiaoen (康妙恩), le concept révolutionnaire a acquis sa propre forme dans la langue chinoise, le gongshe (公社) – une république de travailleurs.

    Qu Qiubai faisait partie des communistes qui ont non seulement traduit des textes essentiels sur l’histoire de la Commune, mais qui ont également été les premiers à traduire en chinois L’Internationale – la chanson qu’il avait entendue pour la première fois en Russie trois ans auparavant. En s’accompagnant à l’orgue, il a revu minutieusement ses paroles pour trouver une traduction du mot « internationale » – qui n’a que deux syllabes en chinois (国际) – qui puisse convenir à la mélodie. Il s’est finalement contenté de la translittération ying te na xiong nai er (英特纳雄耐尔) pour rester fidèle à la cadence de la chanson, qui reste jusqu’à aujourd’hui dans la version officielle.

    À cette époque, Qu avait déjà rejoint le PCC à l’invitation de Zhang Tailei en 1922. Un an plus tôt, Qu avait également rencontré , le dirigeant bolchevique, qui avait étudié de près les leçons de la Commune de Paris. Quelques mois à peine avant de mener son propre pays à la révolution, Lénine y consacre un chapitre dans L’État et la révolution (1917) :

    La Commune est la première tentative d’une révolution prolétarienne pour briser la machine d’État bourgeoise ; elle est la forme politique « enfin trouvée » par quoi l’on peut et l’on doit remplacer ce qui a été brisé.

    Nous verrons plus loin que les révolutions russes de 1905 et de 1917, dans des circonstances et des conditions différentes, différent, dans d’autres conditions, continuent l’œuvre de la Commune et confirment la géniale analyse historique de Marx.

    Lénine – L’État et la révolution (1917)

    Quelques mois à peine après cette publication, la Révolution d’Octobre allait en effet poursuivre l’œuvre de la Commune et confirmer l’analyse de Marx. Dans cette tradition, les communistes chinois poursuivront également l’héritage de ces deux expériences révolutionnaires.

    Le 18 mars 1926 a eu lieu en Chine la première commémoration de masse du 55e anniversaire de la Commune de Paris. Dix mille personnes se sont rassemblées dans la capitale du sud, Guangzhou. Elles ont chanté L’Internationale et scandé « Vive la Commune de Paris ! » malgré la pluie. À cette occasion, Mao Zedong a écrit que si la Commune de Paris était une « fleur éclatante », alors la Révolution d’Octobre était le « fruit heureux » duquel d’autres fruits pouvaient naître. Mao pointe deux raisons à la défaite finale de la Commune : l’absence d’un parti unifié et centralisé pour diriger les travailleurs, et le compromis de montrer trop de miséricorde envers l’ennemi. Dans le discours qu’il a prononcé lors de la célébration, le dirigeant cantonais Zhang Tailei a souligné l’expérience concrète que la Commune de Paris avait donnée aux travailleurs chinois pour prendre le pouvoir – une préfiguration de ce qui allait arriver l’année suivante.

    De la ville à la campagne

    Les années 1920 ont vu une expansion rapide de la classe ouvrière urbaine – les syndicats se sont multipliés, les grèves étaient fréquentes et les rangs du PCC ont grandi avec l’organisation des masses. Dans le seul centre industriel de Shanghai, l’année 1926 a vu 169 grèves touchant 165 usines et impliquant plus de 200 000 travailleurs. Dans le Guangdong, la grève des marins de 1922 a été victorieuse et la grève générale de Guangzhou-Hong Kong de 1925 a duré seize mois et a recueilli un soutien de masse sans précédent de la part des employés domestiques, des dockers, des conducteurs de pousse-pousse et des « coolies ». Ces expériences ont montré comment la classe ouvrière organisée pouvait menacer la vie coloniale et l’ordre capitaliste.

    Malgré l’industrialisation, la Chine restait une société très majoritairement paysanne. Dans son Analyse des classes dans la société chinoise de 1926, Mao a étudié la composition des 450 millions d’habitants de la Chine. Le prolétariat urbain, même s’il se développait rapidement, ne comptait encore que deux millions de personnes – la grande majorité des Chinois étaient des paysans. Mao a estimé que 400 millions de personnes étaient des « semi-prolétaires » qui cultivaient leur propre lopin de terre, mais gagnaient également un salaire en tant que métayers ou ouvriers salariés – il les appelait « nos amis les plus proches » (Cf. Analyse des classes dans la société chinoise, 1926).

    Dans ce texte visionnaire, Mao avertissait également qu’il ne fallait pas faire confiance aux forces de la bourgeoisie nationale. À ce moment historique, le PCC était allié avec la bourgeoisie nationale dirigée par le parti nationaliste (Kuomintang – KMT) dans un « Front uni » contre les seigneurs de la guerre et l’impérialisme. Cette année charnière a vu la fin abrupte de cette alliance et la « Terreur blanche » qui a suivi, avec les massacres de communistes tombés aux mains des nationalistes et de leurs mercenaires. Les insurrections de masse de 1927 étaient des tentatives de transformer le symbole de la Commune de Paris en une pratique vivante en Chine, et ont nécessité un changement stratégique dans le processus révolutionnaire.

    La commémoration de la Commune de Paris en 1927 a pris de l’ampleur, attirant jusqu’à un million d’ouvriers et de paysans dans tout le pays. Lors de la célébration de Wuhan, le dirigeant ouvrier Liu Shaoqi a appelé les travailleurs à perpétuer l’esprit de la Commune de Paris tout en luttant contre l’impérialisme et les seigneurs de la guerre. Trois jours plus tard, 800 000 travailleurs dirigés par Zhou Enlai lancent une grève générale à Shanghai qui renverse le gouvernement contrôlé par les seigneurs de la guerre et établit un gouvernement municipal provisoire. Shanghai est devenue la première grande ville sous la direction du PCC. Mais le 12 avril, défiant la stratégie du Front uni, le KMT de Chiang Kai-shek organisait un coup d’État et ordonnait le massacre et la disparition de milliers de communistes avec l’aide de la police des zones occupées par les étrangers et des organisations criminelles. L’alliance entre le PCC et le KMT était terminée. Les soulèvements urbains dirigés par les communistes qui ont suivi, de Nanchang (1er août) à Hunan (7 septembre), et finalement à Guangzhou (11 décembre), ont tous été brutalement écrasés.

    Tout le pouvoir aux soviets des ouvriers, des paysans et des soldats

    Le 11 décembre, à 3h30 du matin, la première attaque a commencé dans les postes de police. Elle était dirigée par le commandant Zhang Tailei, qui a été tué dans une embuscade le jour suivant – il avait 29 ans. Une série d’actions coordonnées ont déferlé sur la ville. Leurs revendications étaient : du riz pour les ouvriers, des terres pour les paysans ! À bas les guerres militaristes ! Tout le pouvoir aux Soviets des ouvriers, des paysans et des soldats ! Derrière cette mobilisation se trouvait le Soviet de Guangzhou, qui couvrait une zone d’un demi-million de paysans travaillant en collaboration avec les syndicats de travailleurs urbains. Un conseil de guerre avec une proportion de 10 ouvriers pour 3 soldats et 3 paysans, respectivement, a dirigé le soulèvement qui a duré trois jours. Après avoir pris la ville, cet organisme a publié une série de huit décrets, imprimés et distribués en masse. Les trois premiers portaient sur l’établissement du pouvoir des soviets, l’armement du peuple et les représailles contre les contre-révolutionnaires. Le quatrième garantissait une journée de travail de huit heures et des droits pour les salariés et les chômeurs. Le cinquième portait sur l’économie et la nationalisation de l’industrie. La sixième revendication portait sur la propriété de la bourgeoisie. La septième sur l’armée : salaires et restructuration. La huitième et dernière exigeait la réorganisation des syndicats. À ce moment-là, cependant, l’organisation militaire de la bourgeoisie était encore trop forte. S’ils avaient tenu la ville assez longtemps pour les que les renforts paysans arrivent – ils étaient à six jours de marche – l’histoire aurait pu se dérouler différemment. Ralph Fox, journaliste et communiste britannique tué plus tard en combattant dans la guerre civile espagnole, a écrit sur l’importance de la « Commune de Guangzhou » :

    Pendant trois jours, une grande ville d’un pays de l’Est dominé par l’impérialisme a été prise et tenue par les classes opprimées qui gouvernent à travers leur Soviet. Il y a eu des erreurs techniques et militaires, mais, politiquement, aucune erreur n’a été commise. Le Parti communiste chinois, qui a dirigé et organisé la révolte, a des raisons d’être fier de son application des enseignements de Lénine dans les circonstances difficiles de la Chine. Le travail du Parti dans l’insurrection a montré non seulement qu’il avait les contacts les plus étroits avec les ouvriers, les paysans, la petite bourgeoisie et les soldats, mais qu’il comprenait comment rallier les plus larges masses de toutes ces classes au soutien de la révolution par des slogans corrects et une ligne politique sûre.

    (La Commune de Canton, 1928)

    L’année 1927 a marqué un tournant pour la révolution chinoise. Le fait que les soulèvements aient été brutalement réprimés a été déterminant pour le changement de stratégie du PCC, qui est passé des villes aux campagnes – vers la création d’une armée populaire et vers la paysannerie – « nos amis les plus proches ». Dans Leçons de la Commune (1908), Lénine écrit : « Bien que ces magnifiques soulèvements de la classe ouvrière aient été écrasés, il y aura un autre soulèvement, face auquel les forces des ennemis du prolétariat se révéleront inefficaces, et dont le prolétariat socialiste sortira complètement victorieux. » On pourrait dire quelque chose de similaire des soulèvements chinois. Après cette année de Terreur blanche, lors du sixième congrès du PCC en 1928, le 11 décembre a été officiellement défini comme l’anniversaire du soulèvement de Guangzhou, qui « non seulement a ouvert un nouveau chapitre pour la révolution chinoise, mais a également une grande importance dans l’histoire de la révolution mondiale, avec la même valeur que la grande Commune de Paris ». Fidèle à cette devise, la Commune de Guangzhou a été commémorée, étudiée et honorée depuis lors.

    L’année 2020 a marqué le 93e anniversaire du soulèvement de Guangzhou, qui a été surnommé la « Commune de Paris de l’Est ». À cette occasion, un nouveau « drame rouge » a été produit conjointement avec une exposition au Mémorial du soulèvement de Guangzhou.Ce bâtiment de la fin de la dynastie des Qing a servi d’académie de police avant d’être transformé en siège du Soviet de Guangzhou. En 1987, ce site a été transformé en mémorial officiel. Lors de la commémoration du 12 décembre 2020, des élèves de l’école de l’Armée populaire de libération ont récité l’histoire de Zhang Tailei, un spectacle de marionnettes a raconté l’histoire des dirigeantes du soulèvement, et l’arrière-petite-fille du héros Yang Yin a noué un ruban rouge autour du col d’un élève – marquant la transmission symbolique d’un héritage révolutionnaire d’une génération à l’autre.

    Jusqu’à l’anniversaire, cette dramaturgie immersive a été jouée quatre fois par semaine. Acteurs et spectateurs ont reconstitué ensemble le soulèvement, en revêtant les costumes et en prenant les armes de l’époque, tout en chantant L’Internationale. Lorsque Qu Qiubai a entendu cette chanson pour la première fois en Russie, il y a un siècle, il était probablement loin de se douter du rôle qu’il jouerait pour faire passer cet hymne de la « fleur éclatante » de la Commune de Paris à la Commune de Guangzhou. Il n’a pas vécu assez longtemps pour voir le « fruit heureux » de la création de la RPC en 1949, ni le centenaire de la fondation du PCC le 1er juillet de cette année. En 1935, il a été capturé, torturé et exécuté par les forces du KMT. On raconte qu’il a chanté L’Internationale jusqu’à son dernier souffle.

    Tings Chak est le principal concepteur et chercheur de Tricontinental: Institute for Social Research, il est le rédacteur en chef de Dongsheng News et collabore avec Globetrotter/People’s Dispatch.

     

    traduction depuis l’anglais DG pour www.initiative-communiste.fr

    source : https://peoplesdispatch.org/2021/03/18/guangzhou-1927-the-paris-commune-of-the-east/

    source en français: https://www.initiative-communiste.fr/articles/international/guangzhou-1927-la-commune-de-paris-de-lest/

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  • Andres Arauz face à et Perez

    Pour nos confrères de Mémoire des Luttes, le spécialiste de l’ livre une analyse détaillée de la situation politique en Equateur à quelques jours du second tour qui va opposé Arrauz le candidat de la gauche correiste arrivé très largement en tête du premier tour à Lasso banquier et candidat historique de la droite

    Le félon, le socialiste, le banquier et…

    Le 7 février 2021, un peu plus de 13 millions d’Equatoriens se sont rendus aux urnes pour choisir entre 16 candidats à la présidence de la République et élire 137 parlementaires et 5 députés andins. D’emblée, et sans contestation possible, l’économiste socialiste Andrés Arauz (Union pour l’espérance ; UNES), soutenu par l’ex-président et figure de la gauche latino-américaine , a été déclaré vainqueur du premier tour avec 32,72 % des voix.

    Annoncé prématurément de quatre manières différentes – un sondage « sortie des urnes », un comptage rapide, une conférence de presse, puis une annonce de résultats encore partiels –, sous l’égide du Conseil national électoral (CNE), le nom du candidat admis au second tour du 11 avril prochain a évolué au fil du temps, provoquant polémiques et confusion. Du fait d’un ballotage particulièrement serré, le banquier et ex-ministre néolibéral Guillermo Lasso (Créer des opportunités-Parti social chrétien ; CREO-PSC) a d’abord devancé le « candidat indigène écologiste de gauche » Yaku Pérez (Pachakutik ; PK), avant que celui-ci ne reprenne l’avantage, puis ne repasse en troisième position et se trouve ainsi éliminé. Quand, deux semaines plus tard, tomberont les résultats officiels (contestés par Pérez, mais définitivement confirmés quatre semaines plus tard), ils annonceront :

    • Andrés Arauz (UNES) : 32,72% (3 033 753 voix)
    • Guillermo Lasso (CREO-PSC) : 19,74% (1 830 045 voix)
    • Yaku Pérez (PK) : 19,39 % (1 797 445 voix)
    • Xavier Hervas (Gauche démocratique ; ID) : 15,98 %

    Si l’on devait en rester là, on pourrait se livrer à une première analyse. Particulièrement significative est la victoire d’Andrés Arauz, tant une guerre sale a tenté d’éradiquer le « correisme » (courant lié à l’ex-président Correa) depuis l’arrivée au pouvoir en 2017 de Lenín Moreno. Vice-président de Correa de fin 2006 à 2013, censément élu pour poursuivre la « révolution citoyenne » de son prédécesseur, Moreno l’a trahi, ainsi que les électeurs du parti Alianza País (AP) [1], en reniant tous ses engagements, en co-gouvernant avec la droite et en persécutant ses anciens « amis ». Il a déjà un pied dans les poubelles de l’Equateur – en témoigne le résultat de Ximena Peña, qui représentait (plus ou moins) son courant lors du scrutin présidentiel (1,54 % des voix), et le fait que les décombres d’Alianza País (parti fondé par Correa et dominant pendant sa présidence) n’a pu faire élire aucun député. Tandis que Moreno se dispute le titre de « politicard le plus méprisable » (et le plus méprisé) d’Amérique latine avec un autre transfuge de la gauche, le secrétaire général de l’Organisations des Etats américains (OEA) Luis Almagro, le « correisme », avec son noyau dur, contre vents et marées, demeure la principale force politique et électorale du pays [2].

    A un deuxième échelon, mais eux aussi au rang des gagnants, figurent Xavier Hervas et sa Gauche démocratique (GD) ainsi que, et surtout, Yaku Pérez et Pachakutik. Vieux parti social-démocrate (aujourd’hui centriste et furieusement anti-correiste), GD avait quasiment disparu de la circulation. Sa meilleure prestation remontait à 1988 quand il amena Rodrigo Borja au pouvoir. Sa renaissance remarquée doit beaucoup à son nouveau leader, Xavier Hervas, ingénieur, dirigeant d’entreprise, récemment entré en politique et particulièrement dynamique sur les réseaux sociaux.
    Bras politique de la Confédération des nationalités indigènes d’Equateur (Conaie), Pachakutik avait certes et déjà obtenu 20 % des suffrages en soutenant, en 1996, le journaliste Freddy Ehlers à la présidentielle (finalement gagnée par Abdalá Bucaram), mais c’était en coalition avec d’autres organisations sociales, partis traditionnels de gauche et syndicats. C’est cette fois en solo qu’il affiche un score jamais atteint auparavant.

    Outre Lenín Moreno, le scrutin fait deux grands vaincus : le néolibéralisme, représenté par Lasso, et… les instituts de sondage. En ne voyant surgir ni Hervas ni Yaku Pérez, très largement sous-estimés dans leurs enquêtes d’opinion, les instituts se sont une fois de plus ridiculisés. De leur côté, et bien qu’arrivant en seconde position, Lasso et sa coalition de droite CREO-Parti social chrétien font leur plus mauvais score des trente dernières années. Leur connivence avec la politique économique de Moreno (qui était en réalité la leur) et ses conséquences sociales – aggravées par la désastreuse gestion de la pandémie (plus de 15 000 morts pour une population de 17,4 millions d’habitants) – expliquent ce verdict. En tant qu’option, le néolibéralisme est très clairement rejeté par les Equatorien.
    A eux trois, l’UNES, PK et GD, considérés comme de gauche ou de centre-gauche, représentent 68 % des suffrages exprimés. Sur le papier, on pourrait donc imaginer une alliance interdisant tout retour au pouvoir du parti de la « longue nuit néolibérale ». Sauf qu’il y a « gauche » et « gauche ». Sauf que, avec ses convergences, mais aussi ses incompatibilités, ses jeux d’influence, ses rivalités voire ses haines, l’affaire n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Car ce scrutin s’est déroulé dans une configuration très particulière. Un seul mot d’ordre a animé la campagne qui l’a précédé : « N’importe qui, n’importe comment, mais tout sauf Arauz » (et, sous-entendu, son « mentor » Correa).

    Candidat de Pachakutik, Yaku Pérez s’est fait connaitre en tant que « défenseur du droit à l’eau, opposé à l’exploitation minière ». En ces temps de désordre climatique, un tel positionnement provoque légitimement intérêt et sympathie. A ce titre, Pérez s’est radicalement opposé à la politique « développementiste » de Correa. De cette confrontation, qui lui a valu quatre brèves incarcérations [3], Pérez a gardé une féroce détestation de l’ex-chef de l’Etat et de son courant politique. En 2017, alors que nul n’imaginait la trahison ultérieure de Lenín Moreno à l’égard de son prédécesseur, Pérez appellera à voter pour Lasso, déjà candidat, en déclarant : « Plutôt un banquier qu’un dictateur ! »

    Quatre années plus tard, sa frustration devant la différence infime qui lui barre l’accès au second tour – 32 000 voix, 0,35 % des suffrages – est parfaitement compréhensible. Pour autant, l’autorise-t-elle, comme il l’a fait dès l’annonce des résultats, à dénoncer une fraude massive organisée par un supposé « pacte oligarchique » passé entre Lasso, son allié du PSC Jaime Nebot et… leur ennemi de toujours Correa ? A inventer une « main invisible qui, depuis la Belgique [où réside actuellement Correa]  », interviendrait pour truquer le scrutin « car Yaku au second tour ne leur convient pas »  ?De là à appeler la « population indigène » à prendre la rue pour « défendre la démocratie », il n’y a eu qu’un pas. Une attitude pour le moins troublante. Si, ces dernières années, le « grand air de la fraude » a été régulièrement et illégitimement employé pour contester le résultat d’une élection, c’est par la droite réactionnaire voire putschiste, au Venezuela, au Nicaragua, plus récemment en Bolivie (et même aux Etats-Unis !) [4].

    Mus par la certitude qu’ils incarnent l’avant-garde éclairée de la démocratie, des défenseurs de la « diversité » et des protecteurs de l’environnement, d’aucuns ont pris partie pour un Pérez d’emblée « victimisé ». En témoigne l’appel de soutien publié sur Mediapart par quelques personnalités qui, bien souvent, après avoir porté l’aymara aux nues (quand il était à la mode), puis s’en être détournés (quand il était au sol), viennent de se trouver un nouveau « bon Indien à poncho » – à l’instar (pour la France) de Laurence Rossignol (Parti socialiste ; PS), David Cormand et Alain Lipietz (Europe Ecologie Les verts ; EELV), Sergio Coronado (EELV ou La France Insoumise, selon ses intérêts du moment), Pierre Salama (économiste) [5]…

    Moins enclins à surfer sur l’air du temps, d’autres se montrent plus circonspects sur le positionnement réel de l’« Indigène écolo de gauche ». Quinquagénaire, avocat, le métis Carlos Ranulfo Pérez Guartambel ne s’est rebaptisé « Yaku » (« eau de la montagne » en quechua) que le 9 août 2017. Tout romantisme mis à part, on appelle cela une opération de marketing politique. Tout comme le fait de mener sa campagne électorale en vélo (comme Anne Hidalgo !). Des pratiques purement symboliques qui, à l’occasion, laissent deviner leurs limites. Quand, au cours de sa campagne, Arauz a annoncé que, en cas d’arrivée au pouvoir, il octroiera une allocation de 1 000 dollars à un million de familles en difficulté du fait de la crise et de la pandémie, l’ « éco-socialiste » s’est contenté d’une réaction fleurant bon le mépris de classe : « N’ayant jamais eu autant d’argent entre les mains, le plus probable est que certains vont tout dépenser en bières le jour même, et qu’il ne restera plus rien [6]. » Curieuse manière d’incarner une « autre gauche » et un supposé « renouveau ».
    C’est donc dans un contexte plus global, et dans le temps long, qu’il convient, pour les comprendre, de replacer les événements qui amèneront au second tour du 11 avril prochain.

    Rafael Correa

    Après avoir assumé la présidence en 2007, l’économiste Rafael Correa va être réélu en 2013 avec 56 % des suffrages. Approuvée le 28 septembre 2008 par 64 % des électeurs, la Constitution dite de Montecristi introduit le concept autochtone à vocation universaliste du « Bien vivre » (« Buen vivir » en espagnol, « Sumak Kawsay » en quechua). Elle reconnaît la diversité culturelle et les différentes origines (traduites par le terme « plurinationalité »), le droit à une sécurité sociale universelle, l’interdiction des OGM, etc…
    L’ancien modèle tremble sur ses bases. La Banque centrale perd son indépendance. En mai 2009, les banques se voient obligées à détenir 45 % de leurs actifs liquides dans le pays ; ce ratio passe à 60 % en 2012 et même 80 % en 2015. Dès novembre 2008, Quito a annoncé la suspension du remboursement de dettes jugées « illégitimes » et arrivant à échéance en 2012 et 2030 pour un montant total de 3,2 milliards de dollars. En prenant en compte les intérêts, le Trésor public économisera environ 7 milliards de dollars en rachetant ses dettes à 35 % de leur prix.
    Le pouvoir investit massivement dans les infrastructures hydroélectriques et routières. Près de 10 000 kilomètres de routes ouvertes ou remises en état permettent d’accélérer les liaisons intérieures et de désenclaver certaines zones. Essentiellement axées sur l’éducation (4,3 % du PIB en 2016, contre 2,3 % en 2006) et la santé (2,4 % en 2016 contre 1,1 % en 2006), les dépenses sociales augmentent elles aussi fortement – de 4,3 % du PIB en 2006 à 8,6 % en 2016 [7]. Secrétaire générale de la Commission économique pour l’Amérique latine (Cepal) de l’Organisation des Nations unies, Alicia Bárcena cite régulièrement l’Equateur comme un exemple pour l’Amérique latine.
     
    Toute tentative de modifier les habitudes politiques et sociales soulève en général des résistances assez considérables. Les classes dominantes et l’élite économique n’accepteront jamais les changements structurels imposés par Correa. Exaspérés par cette « Internationale progressiste et révolutionnaire au niveau continental », comme la définit le vice-président bolivien Álvaro García Linera, les Etats-Unis font chorus. D’autant que le chef de l’Etat équatorien défraie régulièrement la chronique en raison de ses méthodes radicales et de ses opinions tranchées. A la meute des médias de droite qui l’étrillent, le combattent, diffusent une information et une propagande à sens unique, l’accusent de tout et n’importe quoi, il rend coup pour coup. En 2013, la nouvelle Loi organique de communication définit cette activité comme de « service public » ; vise à redistribuer l’espace médiatique (un tiers du spectre radioélectrique pour le secteur privé, un tiers pour le secteur public et un tiers pour le secteur à but non lucratif) ; interdit qu’un établissement financier détienne plus de 6 % du capital d’un organe de presse [8]… L’horreur absolue !

    De l’autre bord du spectre politique monte une contestation bruyante, à défaut d’être massive. Le pays profite d’un sous-sol extrêmement riche en pétrole, en minerais, en gaz – et donc en revenus pour financer les politiques sociales dont profite la majorité de la population. Au nom d’un « anti-extractivisme » du type « tout ou rien », Correa se voit systématiquement cloué au pilori. Rejoignant et confortant l’opposition de droite, ces secteurs au sein desquels se trouve la Conaie l’accusent « de trahison, d’autoritarisme et d’hyper-présidentialisme ; ils revendiquent être la gauche authentique et représenter les mouvements sociaux », rappelle l’historien Juan Paz y Miño Cepeda.
    Définie par l’ex-président comme « la tourmente parfaite, une brutale chute des cours du pétrole (de 100 à 22 dollars), l’appréciation du dollar (qui en 2000 a remplacé le « sucre », l’historique devise nationale), la dévaluation des monnaies de la Colombie et du Pérou voisins (rendant leurs produits plus attractifs), les fortes amendes infligées à l’Equateur par un arbitrage attribuant un milliard de dollars à la compagnie pétrolière américaine Oxy, plus, pour couronner le tout, le meurtrier tremblement de terre du 16 avril 2016 dans la région de Manabí (668 morts, 16 000 blessés, plus de 80 000 sinistrés, 3,5 milliards de dommages matériels), provoqueront, de 2015 à 2017, de très sérieuses difficultés économiques. Et pourtant…
     
    La partie ne se comprend que par rapport au tout. La victoire d’Arauz au premier tour de la présidentielle de 2021 a un fondement. Il a été vice-ministre de la Planification, ministre de la Connaissance et du Talent Humain et directeur de la Banque centrale sous le gouvernement de Correa (un profil assez similaire à celui de Luis Arce, récemment élu, en disciple d’Evo Morales, en Bolivie). Pendant les dix années de cette présidence, l’Equateur a connu une période inhabituelle de croissance et de stabilité macroéconomique. Dans un pays souvent considéré comme « ingouvernable » (sept présidents en dix ans avant Correa), cette embellie a permis une diminution significative des inégalités et d’une pauvreté qui, de 37,6 %, est passée à 22,5 %. Le salaire minimum a bondi de 170 dollars (2007) à 360 dollars (2015). Les Equatoriens ont de la mémoire – surtout les 1,9 millions d’entre eux sortis de la pauvreté grâce au « socialisme du XXIe siècle ». Avec ses qualités et ses défauts, Correa a profondément transformé le pays.

    La Conaie et Pachakutik

    Selon l’Institut équatorien de statistique et de recensement (INEC), et sur la base de l’« auto-déclaration », 7 % des Equatoriens se considéraient indigènes en 2001. L’Organisation des Nations Unies avance pour sa part un chiffre de 43 %. Des estimations plus raisonnables estiment la proportion des autochtones à environ 25 %. Au-delà des évaluations plus ou moins approximatives, ces populations historiquement marginalisées – Quechua, Awa, Shuar, Ashuar, etc. – constituent, sur la scène politique équatorienne, depuis la fin du XXe siècle, des acteurs de tout premier plan.
    Influence des courants marxistes, puis de la théologie de la libération, émergence d’élites ayant eu l’accès à l’éducation : la Confédération des nationalités indigènes d’Equateur (Conaie) apparaît en 1986. En juillet 1990, dans la perspective des célébrations prévues deux ans plus tard par l’Espagne pour commémorer le cinq-centième anniversaire de la funeste « découverte de l’Amérique », c’est à Quito que se tient la première rencontre continentale des peuples indigènes, dans le cadre de la campagne « Cinq cents ans de résistance indienne » (qui deviendra ultérieurement « Cinq cents ans de résistance indienne, noire et populaire »). « Nous voulons cohabiter, nous confie à l’époque un dirigeant autochtone équatorien, mais en nous faisant respecter. Et en ceci nous différons de quelques camarades indigènes qui proposent un regroupement entre seuls Indiens. Tous les secteurs populaires doivent faire une proposition commune sur la terre, les droits de l’homme, l’anti-impérialisme… Nous sommes Indiens, les autres sont métis, mais la lutte poursuit le même objectif. Aussi, nous devons unir nos efforts, tout en respectant nos spécificités [9]. »

    Cette même année 1990, puis en 1994 du fait d’une inique nouvelle loi agraire, c’est effectivement sur la base de revendications identitaires mais aussi de classe et anti-impérialistes que la Conaie prend la tête de deux gigantesques soulèvements, paralyse une grande partie du territoire national, isole les villes et commotionne le pays. Cette montée en puissance de la Conaie, devenue la plus importante force sociale du pays, débouche sur une très grande autonomie par rapport aux mouvements, qu’ils soient de gauche, d’Eglises, d’organisations non gouvernementales (ONG) ou de partis politiques. En 1995, dans la perspective de l’élection présidentielle de l’année suivante, la Conaie se dote d’un bras politique, le Mouvement de l’unité plurinational Pachakutik-Nouveau pays (MUPP-NP, communément connu sous le nom de Pachakutik). Malgré l’échec de Freddy Ehlers, soutenu à la présidentielle dans le cadre d’une coalition, Luis Macas, président de la Conaie depuis 1990, devient le premier député indigène élu au Parlement.

    Au cours des années suivantes la Conaie participe activement au renversement des présidents Abdalá Bucaram (1997) et Jamil Mahuad (2000), sauveteur des banques et fossoyeur du peuple lors d’une crise majeure qui poussera 2 millions d’Equatoriens à l’émigration. Crise dont, entre parenthèses, profitera largement à l’époque le banquier Guillermo Lasso. Le renversement de Mahuad s’est mené en alliance avec un secteur militaire emmené par le colonel Lucio Gutiérrez – ce qui en fait objectivement un coup d’Etat. Lorsque, en 2000, Gutiérrez est élu à la présidence avec l’appui de Pachakutik et des partis de gauche, quatre dirigeants indigènes entrent au gouvernement, dont Luis Macas à l’Agriculture et Nina Pacari aux Affaires étrangères. Une première dans l’Histoire équatorienne, une intrusion spectaculaire au plus haut sommet de l’Etat. Mais qui se termine mal. Elu sur un discours « de gauche », Gutiérrez fait du Moreno avant Moreno. Il trahit ses promesses, engage une politique néolibérale, se vend aux Etats-Unis de George W. Bush – leur accordant entre autres une base militaire à Manta.
    Les ministres indigènes démissionnent, la Conaie rompt les ponts, mais peut-être trop tardivement… Sa crédibilité s’en trouve sérieusement entamée. Qui plus est, elle n’a aucun rôle en 2005 dans le renversement de Gutiérrez par une révolte des secteurs populaires et de la classe moyenne autoconvoqués – les « forajidos » (« hors-la-loi »).
    Echaudés et meurtris par cet épisode, les dirigeants se replient sur une ligne « communautaire ». Lors de l’élection présidentielle de novembre 2006, Pachakutik choisit de se présenter contre l’économiste de gauche Correa plutôt que de forger une alliance avec lui. Et là a lieu un événement qui se reproduira et qu’on se gardera d’oublier dans la perspective du second tour de l’élection présidentielle d’avril prochain : la base indigène ne suit pas les directives de ses dirigeants. Alors que Correa est élu avec 54,92 % des suffrages, Luis Macas, pour Pachakutik, ne recueille que 2,10 % des voix.

    Dès lors, le bras politique de la Conaie n’a plus rien à voir avec le Pachakutik des origines. L’un de ses ex-dirigeants, Fausto Rangles, dénoncera son financement par des ONG, comme la Fondation Pacha Mama, elles-mêmes arrosées par la New Endowment for Democracy (NED) – le bras financier destiné à canaliser les fonds du Département d’Etat américain vers les oppositions, démocratiques ou non, aux forces et aux gouvernement de gauche [10]. PK apparaît également parmi les destinataires de fonds du National Democratic Institute for International Affairs, un « think tank » étatsunien idéologiquement lié au Parti démocrate et qui, dans le cadre de la NED, prétend promouvoir dans le monde la « démocratie made in Washington ».

    National Democratic Institute (NDI), 2007

    « Extractivisme », « autoritarisme » : Correa est devenu l’ennemi principal d’une mouvance apparentée à l’extrême gauche. Le 30 septembre 2010, pour d’autres raisons, des centaines de policiers se soulèvent dans les principales villes équatoriennes (comme en Bolivie, neuf ans plus tard, pour renverser Evo Morales !), prennent le contrôle de l’Assemblée nationale, tandis que des effectifs des Forces armées occupent les aéroports de Quito et de Guayaquil, le cœur économique du pays. Se rendant immédiatement dans la caserne du Régiment 1 de Quito pour parler aux insurgés, le chef de l’Etat doit se replier dans l’Hôpital militaire métropolitain, où il se retrouve séquestré par les policiers qui encerclent l’établissement. Par la voix de son président Marlon Santi, la Conaie publie un communiqué ambigu renvoyant dos à dos le chef de l’Etat et les factieux, et appelant « à l’unité pour une démocratie plurinationale des peuples ». Les leaders de Pachakutik se montrent pour leur part beaucoup plus clairs. Tandis que Lourdes Tibán applaudit les policiers et militaires séditieux en précisant « C’est l’heure ! », le chef du bloc Pachakutik à l’Assemblée nationale, Cléver Jiménez, convoque « le mouvement indigène et les mouvements sociaux à constituer un seul front national pour exiger le départ du président Correa ». Le coup d’Etat échoue, mais, cette fois, la guerre ouverte est déclarée. Et pourtant (bis)…
    Quand, en 2013, une supposée Unité plurinationale des gauches, rassemblée autour de Pachakutik et avec comme tête de liste Alberto Acosta se présente contre Correa, elle ne recueille, une fois encore, que 3,26 % des suffrages.

    Même scénario en 2017, dans des conditions que la « tourmente parfaite » a pourtant rendues plus difficiles pour le pouvoir. D’autant que Correa ne se représente pas et lance dans l’arène son ex-vice-président Lenín Moreno, moins populaire et charismatique que lui. Dans la perspective du scrutin, trois dirigeants de Pachakutik, féroces opposants à Correa, annoncent leur candidature à une primaire : Lourdes Tibán (députée de Cotopaxi), Salvador Quishpe (préfet de la province de Zamora Chinchipe) et Carlos Pérez Guartambel (pas encore liquéfié en Yaku), président de la Confédération des peuples de la nationalité Quechua (Ecuarunari). La proposition ne convainc guère et PK opte finalement pour un attelage embarquant à son bord la vieille gauche dite marxiste, une nébuleuse de « mouvements sociaux », des dirigeants indigènes, la Gauche démocratique, le tout emmené par l’ex-général puis maire de Quito Paco Moncayo. Fichant une paix royale à la droite et à l’extrême droite, cette « izquierdosidad » réserve ses coups au « correisme » et à Alianza País (AP). La stratégie ne se révèle guère payante. Alors que Moreno arrive en tête (39,36 %) et devance d’un million de voix Guillermo Lasso (28,11 %), la supposée « vaste, unique et authentique gauche » devra se contenter de 6,72 %.

    De l’entracte précédant le second tour de cette élection date la fameuse apostrophe de Carlos Pérez Guartambel : « Plutôt un banquier qu’un dictateur ! » Moins surprenante qu’il n’y paraît. Car, dans ce registre, l’« écolo-progressiste » s’est déjà fait remarquer. Après qu’en Argentine la droite soit revenue au pouvoir en la personne de Mauricio Macri, survient en 2016, au Brésil, le coup d’Etat juridico-parlementaire qui renverse Dilma Roussef. Enthousiaste, Pérez tweete : « La #Corruption a achevé le gouvernement de Dilma et Cristina [Kirchner]  ; il ne manque maintenant que tombent @MashiRafael [Correa] et [Nicolás] Maduro. C’est seulement une question de temps. »
    Ce virage à droite contre-nature d’un responsable politique ayant perdu tout sens commun ne fait pas l’unanimité à la base. Dans la perspective du duel Moreno – Lasso, le Conseil élargi d’Ecuarunari désavoue Pérez en déclarant par la bouche d’un de ses principaux dirigeants, Humberto Cholango  : « Il doit être clair pour tous qu’Ecuarunari n’appuie pas le banquier. »
    Moyennant quoi, Moreno gagne au second tour, le 2 avril, avec 51,1 % des voix. AP s’assure la majorité à l’Assemblée en y faisant élire soixante-quatorze députés sur cent trente-sept et parachève cette victoire en remportant le référendum voulu par Correa sur l’interdiction faite aux fonctionnaires et aux élus de détenir des avoirs dans un paradis fiscal (54,97 % de « oui »).

    La #Corrupción acabó al gob d Dilma y Cristina ; ahora falta q caigan @MashiRafael y Maduro. Solo es cuestión d tiempo https://t.co/6JPpgBicZM

    — Yaku Pérez Guartambel (@yakuperezg) November 15, 2016

    Lenín Boltaire Moreno Garcés

    Elu, Moreno s’est déclaré « président de tous », a remercié « de tout cœur » un Rafael Correa debout à ses côtés et visiblement ému. A la stupéfaction générale, le nouveau chef de l’Etat entre en guerre avec son prédécesseur dès sa prise de fonctions. En octobre 2017, Moreno effectue un voyage officiel au Pérou. Accusés de corruption et de blanchiment d’argent, deux anciens présidents de ce pays, Alejandro Toledo et Ollanta Humala sont inculpés. Humala a été placé en détention provisoire, Toledo est en cavale aux Etats-Unis. L’un de leurs prédécesseurs, Alberto Fujimori, purge une peine de 25 ans pour violations des droits humains.Au Brésil, Luis Inacio Lula da Silva vient d’être condamné à neuf ans d’incarcération par celui qui portera Jair Bolsonaro au pouvoir, le juge Sergio Moro. « En Equateur il n’y a pas d’ex-présidents en prison, mais nous ne perdons pas espoir », lâche un Moreno sibyllin, provoquant l’étonnement. En Espagne, fin juillet 2018, il traite publiquement Correa de « caïd de quartier » (« matón de barrio »).

    Dès le 25 août 2017, conscients de la dérive, les ministres et cadres de la « révolution citoyenne »Ricardo Patiño, Paola Pabón et Virgilio Hernández ont démissionné du gouvernement. Le 31 octobre, la direction nationale d’Alianza País décide à l’unanimité de la destitution de Moreno du poste de président du mouvement et indique que l’ancien ministre des Affaires étrangères Patiño assumera cette fonction. Une intervention de la justice confisque le parti et le place sous le contrôle des proches de Moreno. Des soixante-douze députés d’AP, quarante-deux ne sont pas des maniaques de la loyauté : reniant sans vergogne Correa et leurs « amis » d’hier, ils accompagnent le félon dans sa restauration conservatrice et sa Très Sainte Inquisition.
    Il n’a fallu que soixante-dix jours à Jorge Glas, vice-président élu sur le ticket de Moreno, pour prendre verbalement ses distances. Moreno le suspend de ses fonctions et l’accuse de corruption. Croyant en l’impartialité des juges, Glas demande à l’Assemblée de lever son immunité pour affronter la justice – ce qui sera fait. Au terme d’un procès plus que douteux, sans preuves irréfutables, il sera condamné à six, puis huit années de prison.

    Persécutés, les députés de la révolution citoyenne Gabriela Rivadeneira, Soledad Buendía, Carlos Viteri et Luis Fernando Molina doivent s’exiler au Mexique. Mais la cible « numéro un » demeure Correa. Depuis qu’il a quitté le pouvoir, il vit en Belgique (non parce qu’il a fui l’Equateur, mais parce que son épouse Anne Malherbe est originaire de ce pays). Bien lui en a pris. Moreno veut sa peau. Correa, c’est Al Capone et Ben Laden réunis, mais en plus dangereux ! Sous les prétextes les plus divers, le bureau du procureur va diligenter trente-huit enquêtes contre lui : dix pour détournement de fonds, huit pour trafic d’influence, trois pour fraude procédurale, deux pour trahison, une pour fraude fiscale, vol, tentative de meurtre, meurtre, falsification de preuves, incitation, corruption, crime organisé, falsification de documents publics… « Trente-huit procédures pénales, fermeture de comptes, suspension de la pension à vie, saisie des avoirs…. Vous souvenez-vous d’une persécution aussi brutale ? », ironisera l’ex-chef de l’Etat, sur Twitter, fin décembre 2020.

    Volière de perroquets pleins de morgue, les mercenaires médiatiques – El Universo, El Comercio, El Telégrafo, Teleamazonas, Ecuavisa, etc. – se régalent. Apportent leur pierre à l’édifice. Créent une réalité alternative. Puis, au nom sans doute du droit à la désinformation, deviennent curieusement silencieux quand émerge un scandale impliquant Moreno lui même, son épouse Rocío González, son frère Edwin Moreno Garcés, sa belle-sœur Guisella González, l’un de ses amis intimes, Xavier Macías Carmignani. Une sombre histoire de pots de vin faisant passer 18 millions de dollars d’un « compte 100-4-1071378 » ouvert à la Balboa Bank, au Panamá, vers une entreprise offshore enregistrée au Belize, l’INA Investment Corporation – INA étant l’acronyme des prénoms IrINA, KarINA, CristiINA, des trois filles de Moreno.
    Préalablement, les médias du service public – Ecuador TV, Radio Pública, Agencia Andes, El Tiempo, El Telégrafo – ont été fermés ou débarrassés de leurs cadres et journalistes dérangeants. Hernán Ramos s’est vu confier la direction de leur ligne éditoriale. C’est l’ex-directeur général de l’un des quotidiens équatoriens les plus à droite, El Comercio.
     
    Dans ce même secteur public, 160 000 travailleurs reçoivent leur lettre de licenciement. Le budget de l’éducation supérieure perd 145 millions d’euros en 2019. Le programme des bourses est rogné. Des hôpitaux ferment, le système de santé se dégrade – la crise du Covid-19 le confirmera amplement. Ministre de l’Intérieur, María Paula Romo ne cache même pas que le pouvoir gouverne avec la droite dans le cadre d’un Accord national impliquant vingt-et-une organisations politiques : « Ce n’est pas qu’il y ait un co-gouvernement, c’est très simple. Il y a un accord, le mouvement gouvernemental a ses alliés et, même avec les mouvements d’opposition comme CREO ou le Parti social chrétien, nous avons des points communs (…) quelques points minimums de consensus, la bonne foi et la volonté de travailler [11]. »
     
    Surfant sur la vague de propagande qui assimile sans nuances « correisme » et « corruption », le pouvoir a organisé en toute hâte, en février 2018, une consultation populaire. Qu’elle n’ait pas respecté l’obligation de consulter la Cour constitutionnelle et ait contourné les normes prévues (dans son article 104) par la Constitution, n’a pas empêché Ecuarunari et son leader Yaku Pérez d’appuyer avec enthousiasme son organisation. Parmi les sept questions posées à l’électorat, cinq concernent des projets de réforme constitutionnelle destinés, sans le dire, à « dé-Correiser » l’Etat, deux se présentent sous la forme d’une consultation populaire sur des thèmes chers aux « mouvements sociaux » [12]. La manœuvre réussit. Le « correisme » subit sa première défaite à une consultation électorale en onze années. A des degrés divers de pourcentage, un « oui » répond aux sept questions, avec deux conséquences majeures : l’interdiction de la « réélection indéfinie » (introduite dans la Constitution en 2015) ferme la porte à une potentielle candidature de Correa à la présidentielle de 2021 ; l’extinction des mandats des membres du Conseil de participation citoyenne et de contrôle social (CPCCS) démantèle l’organe indépendant chargé de la désignation des plus hautes autorités des entités publiques – défenseur du Peuple, procureur général, contrôleur général de l’Etat (à la tête de la Contraloría – sorte d’inspection des services), membres du Conseil national électoral (CNE) et du Tribunal de contentieux électoral (TCE), Conseil de la magistrature, etc.

    L’Assemblée ayant nommé d’autorité un affidé, Julio César Trujillo, ainsi que six conseillers, à la tête d’un Conseil de participation citoyenne et de contrôle social transitoire (CPCCS-T), c’est par cette entité, qui n’a plus rien d’indépendante, que sera nommée procureure générale de la République, le 1er avril 2019, une certaine Diana Salazar. Malgré un médiocre 10/20 à l’examen écrit, celle-ci est arrivée première avec une moyenne de 88,17/100 grâce à de tout à fait exceptionnels 30/30 octroyés par trois jurés sur six à l’épreuve orale. La performance lui vaudra le sobriquet de « Procureure 10/20 » (pour la note obtenue à l’écrit).
    Le 8 mai, le même CPCCS-T ratifie Pablo Céli au poste de Contrôleur général de l’Etat alors que celui-ci s’est emparé à la hussarde et dans l’illégalité la plus totale de l’institution. Le reste des décisions du Conseil est à l’avenant.
    Par définition, le transitoire ne peut durer. Un nouveau CPCCS devra être élu. Craignant que certains de ses nouveaux membres ne soient issus de l’abominable « correisme », aucun des candidats ne devra appartenir, militer ou être lié à… un parti politique. Absurde, antidémocratique, mais pas suffisant ! Il semblerait que « la bête » bouge encore. Lorsque les postulants au futur Conseil se dévoilent, d’aucuns ne correspondent pas au profil désiré. Certains, dans leurs propositions, envisagent même que l’institution à venir puisse revenir sur les décisions et les nominations douteuses effectuées par le Conseil transitoire aux ordres de Trujillo. La panique s’empare de Carondelet (le palais présidentiel). Au terme d’une réunion entre Moreno, le contrôleur illégitime Pablo Céli et Trujillo, ce dernier lance une bruyante campagne réclamant que le CCPCS disparaisse définitivement. Trop tard pour empêcher, malgré une demande d’ « inconstitutionnalité » présentée devant la Cour adhoc, l’élection de ses membres, qui aura lieu le 24 mars 2019. Jour où, comble de malheur, lors d’élections locales, le « correisme », bien que dépouillé de son parti Alianza País, remporte les préfectures de Manabí (Leonado Orlando) et Pichincha (Paola Pabón), deux des trois provinces les plus peuplées du pays [13].

    Une contre-révolution digne de ce nom doit complaire à 100 % à Washington. En ce sens, Donald Trump ne sera pas déçu. En août 2018, l’Equateur se retire de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA) [14] avant d’incorporer le mois suivant le Groupe de Lima, mortellement hostile au Venezuela de Nicolás Maduro [15]. « Nous sommes sur le point de sortir de l’abîme dans lequel ce socialisme mal nommé du XXIe siècle nous avait placés », déclare Moreno en mars 2019 en recevant le tout récent « président autoproclamé » vénézuélien Juan Guaido. Un mois plus tard, il déchoit Julian Assange de sa citoyenneté équatorienne. Elle lui avait été accordée en 2017 dans le but d’obtenir sa liberté sous couverture diplomatique. Moreno livre misérablement le journaliste à la police britannique, autorisée à investir les locaux de l’ambassade équatorienne à Londres.

    Le 17 septembre, rejoignant les gouvernements de la droite continentale – Argentine, Brésil, Colombie, Chili, Pérou et Paraguay –, l’Assemblée nationale équatorienne ratifie le retrait du pays de l’Union des Nations sud-américaines (Unasur), portant un coup mortel à une intégration qui eut été fort utile, quelques mois plus tard, pour coordonner la lutte contre la pandémie. Pour ajouter l’obscénité à la bêtise, Moreno ordonne le déboulonnage de la statue de l’ex-président argentin de centre gauche Nestor Kirchner, qui trône à l’entrée du siège de l’Organisation, dans les environs de Quito et, à la mi-novembre, ordonne le départ de quatre-cents médecins cubains, souvent détachés dans des zones géographiques défavorisées, en vertu d’un accord passé avec La Havane, du temps de la « révolution citoyenne ».
    Toutes les factions de l’anti-« correisme » frétillent de plaisir. Quel punch, mesdames et messieurs ! Elles se montreront moins exubérantes au mois d’avril suivant, quand, dans un chaos dantesque et faute d’une campagne de soins adaptée, les rues de Guayaquil, la deuxième ville du pays, se couvriront de dizaines de cadavres abandonnés sur les trottoirs, souvent emballés dans un film plastique pour éviter l’odeur de putréfaction.
    En juin 2019, les Equatoriens ont appris l’autorisation donnée aux forces armées étasuniennes d’utiliser les Iles Galápagos comme porte-avions en agrandissant leur aéroport. Il s’agit d’une zone à la biodiversité unique, très fragile, classée « Patrimoine naturel de l’Humanité » par l’Unesco. Le silence de Carlos « Yaku Pérez » est alors assourdissant. Manifestement, le thème de l’écologie n’a rien d’une priorité quand (26 juin 2019), récemment élu gouverneur de l’Azuay, il reçoit, tout sourire, Michael J. Fitzpatrick, l’ambassadeur des Etats-Unis. Pas plus de réaction en novembre : Moreno appuie alors le rapport de l’OEA qui récuse la victoire d’Evo Morales à la présidentielle bolivienne en l’accusant de fraude, situation qui débouche sur un coup d’Etat. Et pour cause… Le 27 mai 2017, le métis Pérez s’était fendu d’un Tweet méprisant à l’égard de l’aymara, chef de l’Etat avec succès depuis dix ans : « Encyclopédique son ignorance – Evo est biologiquement indigène, mais sur le plan identitaire il s’est blanchi colonisé, il ne sent pas ou ne comprend pas la cosmovision indienne ».
    https://www.facebook.com/plugins/post.php?href=https%3A%2F%2Fwww.facebook.com%2Fpermalink.php%3Fstory_fbid%3D2831639566975785%26id%3D2069422096530873&width=500&show_text=true&height=746&appId


    Pour ne pas être en reste, la franco-brésilienne Manuela Picq, compagne de Yaku – ou ex-compagne, ou future ex-compagne (consulter la presse « people » pour connaître l’évolution de la situation) – se fendra d’un Tweet crapuleux le 11 novembre 2019, en plein coup d’Etat contre Evo et le Mouvement vers le socialisme (MAS) : « Des sœurs des bases indigènes en #Bolivie dénoncent une violence massive des groupes du #MAS – non seulement des maisons d’opposition brûlées, il y a en plus un réseau et des violations dans la rue. On craint qu’Evo ne soit en train de déclencher une guerre civile avec ses milices. » La déclaration tombe à Picq pour appuyer la « suprématiste blanche » Janine Añez. Le même jour, en Bolivie, celle-ci exige que les forces armées sortent pour réprimer les « hordes criminelles qui détruisent La Paz », faisant allusion aux humbles Boliviens des milieux indigènes et populaires qui protestent dans les rues contre le coup d’Etat. Quelques jours plus tard, ce ne sont pas les « milices d’Evo » mais le gouvernement putschiste d’Añez qui réprimera dans le sang les manifestations populaires et indigènes, faisant de l’ordre de trente-cinq morts lors des massacres de Senkata, Sacaba et Yapacaní.

    Y a quienes se entregaron a la derecha oligarquica del banquero Lasso cómo lo llamaría ? Tiban, Quizhpe, Pérez y aliados ….

    — Manuel Buñay Yunga (@manuelitoby) May 27, 2017

    Hermanas de las bases indígenas en #Bolívia denuncian violencia masiva por grupos del #MAS – no solo casas de oposición quemadas, hay más red e violaciones en las calles. Se teme que Evo esté armando una guerra civil con sus milicias

    — Manuela Picq (@manuelapicq) November 11, 2019

    Le soulèvement d’octobre 2019

    Le 1er octobre 2019, le président Moreno annonce une série de mesures économiques qu’il entend appliquer dans le cadre d’un prêt de 4,2 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI). Entérinant la fin des subventions, le décret 883 fait passer le prix de l’essence de 1,85 dollars par gallon (3,8 litres environ) à 2,30 $, tandis que le diesel grimpe de 1,08 $ à 2,27 $ – une hausse de plus de 120 %. Avec autant de cœur qu’un tiroir-caisse, le pouvoir notifie que les fonctionnaires verront leurs congés passer de 30 jours à 15 jours par an ; que les travailleurs occasionnels seront réembauchés avec une baisse de 20 % de leur salaire ; que les fonctionnaires se verront dépouiller d’un jour de leur rémunération mensuelle. En revanche, l’Etat procédera à un remboursement des taxes aux exportateurs « pour revigorer l’économie »  ; à une réduction de moitié de la taxe sur les sorties de devises pour les matières premières, les intrants et les biens d’équipement ; à une simplification et réduction de l’impôt sur le revenu pour le secteur de la banane ; à une série de privatisations ; etc.

    Plus que le reste, l’augmentation des prix des carburants provoque un soulèvement populaire. Au secteur des transports se joignent rapidement le Front unitaire des travailleurs (FUT), les groupes liés au Mouvement révolution citoyenne (MRC) de Correa, le Front populaire, les syndicats enseignants, les fédérations étudiantes et, en tout premier lieu, apportant le plus gros des troupes, la Conaie. C’est elle qui – en coalition avec le Conseil des peuples et organisations indigènes évangéliques (Feine) et la Confédération nationale des organisations paysannes, indigènes et noires (Fenocín) – va jouer un rôle prépondérant.
     
    On se gardera d’ironiser ici sur un mouvement indigène présenté de façon caricaturale comme unanimement « anti-extractiviste », en particulier s’agissant du pétrole, mais se battant en première ligne contre une hausse du prix de l’essence et du diésel. Somme toute, pour les tenants d’un idéal pur, protégé des contradictions, une telle mesure irait plutôt dans le bon sens pour réduire l’extraction de l’or noir (bien que là n’ait pas été l’objectif de Moreno) ! Avec pour conséquence une augmentation de 123 % du jour au lendemain, la fin des subventions a dans un pays comme l’Equateur un effet dévastateur puisque touchant non seulement les automobiles individuelles, mais aussi les transports public et collectifs et donc les denrées alimentaires, qui subissent une hausse de prix généralisée. Le fonctionnement des sociétés déborde sans cesse les cadres dans lesquels les théories simplistes prétendent l’enfermer : l’« Indigène » idéal des ONG et des journalistes est peut-être « anti-extractiviste », mais il n’est pas étranger aux contingences de la vie réelle non plus.

     Les protestations ont débuté le 2 octobre. Une semaine plus tard, la Conaie appelle à la grève générale. Le gouvernement décrète l’état d’exception et lance dans la rue les forces de sécurité. Entretemps, il a réussi à acheter la Fédération des coopératives de transport public de passagers (Fenacotip). Celle-ci suspend le mouvement après avoir obtenu la libération de plusieurs dirigeants détenus pendant les manifestations et des mesures compensatoires – dont une hausse des tarifs, de manière à répercuter les coûts supplémentaires sur… les usagers.
    Tous ne se laissent pas acheter. Devant la montée en puissance de la rébellion, Moreno quitte la capitale Quito et installe son gouvernement à Guyaquil, ville côtière où les organisations autochtones sont peu présentes. Avec à leur tête Jaime Vargas et Leonidas Iza, les indigènes de la Conaie bousculent Quito, investie le 12 octobre quand des milliers d’habitants de la classe moyenne se joignent aux manifestations. Sous l’autorité de la ministre de l’Intérieur María Paula Romo, une « féministe » et opposante « de gauche » à Correa, la répression s’abat dans tout le pays. Elle laissera derrière elle onze morts, quelque 1 500 blessés et plus de 1 200 détenus.

    Comme toujours tout au long de son histoire, la Conaie n’a rien d’un bloc monolithique. Aux combattifs Vargas et Iza, qui réclament le retrait pur et simple du « paquetazo » avant un quelconque début de négociation, s’oppose un secteur plus conciliateur. C’est vers lui que se tourne Moreno. Ignorant les autres porte-paroles du mouvement indigène, il favorise l’ex-préfet de Morona (et « anti-correiste » absolu) Salvador Quishpe. Sur les réseaux sociaux, celui-ci absous le chef de l’Etat : la répression est due aux pressions de secteurs de la droite qui ne le laissent pas « se réconcilier avec le mouvement indigène ». Après avoir dénoncé la violence des… manifestants, Quishpe et son cercle rapproché, parmi lequel Lourdes Tibán, élaborent un document remis aux médiateurs des Nations unies dans le but d’ouvrir un dialogue. 

    Sous l’égide de l’ONU et de la Conférence épiscopale, les pourparlers débouchent le 13 octobre, après onze jours de confrontation, sur une dérogation du fameux décret 883 concernant le prix des carburants. Mais rien de plus. Les autres secteurs populaires ont été écartés. Dans quelques mois, Moreno remettra sur la table une réforme fiscale destinée à satisfaire le FMI.
    Une telle révolte n’est jamais exempte de faits de violences incontrôlés. Mises à sac, pillages, actes de vandalisme, dommages divers infligés aux biens meubles et immeubles, attaques et brutalités contre les personnes ont laissé une trace incandescente. Un chœur impressionnant s’élève. « Ceux qui agissent dans l’unique intention d’attaquer et de nuire sont des individus externes payés et organisés, a d’emblée accusé Moreno. Croyez-vous vraiment à une coïncidence lorsque Correa, Virgilio Hernández, Patiño, Pabón, ont voyagé au même moment, il y a quelques semaines, au Venezuela ? Le satrape Maduro et Correa ont activé leur plan de déstabilisation.  » Sur les écrans de Teleamazonas, Guillermo Lasso vole au secours de son allié : « Il y a un seul responsable, Rafael Correa, qui, avec l’appui du Venezuela, veut déstabiliser l’Equateur. Nous ne devons pas le permettre. Il faut serrer les rangs aux côtés du gouvernement. » Alors qu’elle les encense au Venezuela, l’OEA condamne les actes de vandalisme en Equateur. Etroitement impliqués, sous les ordres de Washington, dans la persécution de Caracas, les gouvernements de l’Argentine, du Brésil, de la Colombie, du Salvador, du Guatemala, du Pérou et du Paraguay manifestent leur rejet catégorique de… « toute tentative de déstabilisation des régimes démocratiques légitimement constitués ». Il faut oser. Mais le comble du ridicule n’est pas encore atteint. Pour montrer qu’il existe, l’ « autoproclamé » vénézuélien Juan Guaido, bien que dépourvu de tout pouvoir, ose un désopilant : « Nous sommes en train d’essayer de localiser Rafael Correa, au cas où il serait encore au Venezuela. »
    « Le “correisme” avait pris le contrôle des mobilisations », assure pour sa part (12 octobre) l’ex-président de la Conaie Salvador Quispe. A qui veut l’entendre, la réactionnaire députée de PK Lourdes Tibán raconte qu’elle a dû affronter Jaime Vargas, qui entendait radicaliser le mouvement, et dénonce qu’un secteur de la Conaie s’est laissé contaminer par le « correisme » : « Quand les indigènes ont-ils fait du vandalisme ? Jamais ! Le mouvement indigène est sorti pour faire tomber un décret, pas le gouvernement, car si nous renversions le gouvernement, ceux qui applaudiraient et célébreraient seraient les partisans de Correa, un gouvernement corrompu contre lequel je me suis battu [16] »
    La Conaie n’a ni attendu ni eu besoin de Correa pour déterminer ses méthodes parfois radicales d’opposition aux pouvoirs ! Dans l’ouvrage Estallido, publié après les événements d’octobre, les auteurs, parmi lesquels Leonidas Iza, consacrent un chapitre entier à l’utilisation de la violence dans la lutte populaire [17]. Ce qui, pas plus que les « correistes », ne fait d’eux les responsables ou les instigateurs des débordements d’octobre, dont les auteurs demeurent jusqu’à preuve du contraire inconnus…
    Dans ce débat fumeux, ne manque plus que… Yaku Pérez. Lequel précise lui aussi qu’il ne s’agit ni « de déstabiliser le régime » ni de laisser l’action être « récupérée par les correistes ». Malgré sa participation sporadique et sa modération, Pérez sera ultérieurement mis en cause par le député Fabricio Villamar (CREO) pour avoir occupé l‘Assemblée nationale, le 8 octobre, avec des manifestants. A la manière d’un Bill Clinton prétendant avoir certes fumé de la marijuana, « mais sans avaler la fumée », Pérez expliquera qu’il a seulement foulé « la cour du bâtiment » sans pénétrer dans l’Assemblée [18]. Ce qui lui permettra un peu plus tard, totalement dédouané, de considérer « irréfutable » la présence d’infiltrés « correistes » et de considérer que c’est à la justice de déterminer qui sont les responsables des violences. Si elle conclut, ajoutera-t-il, que ce sont ses « compañeros » Jaime Vargas et Leonidas Iza, « ils seront jugés selon ce que détermine le Code pénal [19 ». Le genre de déclaration solidaire que ses « frères indigènes » n’oublieront pas…
     
    Au terme du soulèvement, la répression s’abat. Très sélective. La justice poursuit Vargas et Iza (sans conséquences pénales jusqu’à présent). Fidèle à Correa, Paola Pabón, préfète de la province de Pichincha, sera arrêtée le 14 de octobre : « Ils sont entrés dans ma maison à l’aube et ont défoncé la porte alors que je dormais. » Dirigeants de la « révolution citoyenne », Virgilio Hernández et Christian González subissent le même sort, accusés de « rébellion ». Menacé de détention préventive, l’ex-ministre Ricardo Patiño choisit de s’exiler au Mexique. Haineux, les médias appuient et encouragent la chasse aux sorcières. « Le pays veut savoir, au terme du procès, si toute l’angoisse et les dommages causés en octobre dernier étaient dirigés [au sens d’organisés par…], fulmine le 29 août l’éditorial d’El Universo  ; et si oui, que cela soit puni avec la sanction adéquate. »
    Accointances et connivence sont les deux mamelles de la réaction. Le 18 septembre, Moreno rend hommage à l’un de ses alliés : « Aujourd’hui, j’ai visité les installations du journal @eluniversocom. Je félicite ses travailleurs, ses journalistes et ses dirigeants pour leurs 99 ans de vie institutionnelle » [20]. A charge pour El Universo et ses compadres médiatiques de renvoyer amplement l’ascenseur en torpillant Arauz lors de la campagne électorale qui va débuter.

    Parcours du combattant pour Arauz (et Correa)

    En 2018, avec l’aide du Conseil national électoral (CNE), Moreno a confisqué Alianza País aux partisans et représentants du « socialisme du XXIe siècle ». Dans le contexte de sa campagne pour le « non » au référendum de février 2018, Correa annonce la création d’une nouvelle formation politique, le Parti de la révolution citoyenne. Pour des « problèmes de procédure », le CNE refuse de l’enregistrer. Qu’à cela ne tienne, ce sera le Mouvement révolution alfariste (MRA) – du nom d’Eloy Alfaro, principal dirigeant de l’Equateur de 1895 à 1911, durant la Révolution libérale, sauvagement assassiné en 1912. Le CNE ne manque pas d’imagination : il refuse de légaliser le parti au prétexte qu’Alfaro était « libéral » et que le MRA est « anti-néolibéral » ! En décembre 2018, ce qui demeure la plus grande force politique d’Equateur réussit finalement à passer un accord avec un parti déjà existant, Fuerza Compromiso Social (FCS). C’est grâce à cette plateforme qu’il remporte le 24 mars 2019 les Préfectures de Pichincha et de Manabí.

    Les regards se tournent déjà vers la présidentielle de février 2021. Interdit de réélection à la présidence par le référendum de 2018, Correa envisage une formule similaire à celle qui a réussi en Argentine : pour assurer la victoire de son camp, Cristina Fernández de Kirchner a choisi de postuler à la vice-présidence sur le ticket d’Alberto Fernández – finalement avec succès. Un premier mur de contention est dressé immédiatement. Le 7 avril, pour « corruption de fonctionnaire » dans l’affaire dite des « pots-de-vin 2012-2016 », la Cour nationale de justice requiert une peine de huit années de prison contre Correa. Objectif non dissimulé : rendre la sentence effective avant le 17 septembre 2020 – date de l’inscription des candidatures aux élections de 2021.

    Eliminer l’homme va de pair avec la nécessité de détruire son mouvement : âme damnée de Moreno et de la ministre de l’Intérieur María Paula Romo, le contrôleur général Pablo Celi destitue la présidente du Conseil national électoral Diana Atamaint ainsi que deux de ses conseillers parce qu’ils refusent d’ôter son statut juridique à Fuerza Compromiso Social. Le 15 septembre, deux jours avant la période d’enregistrement des candidats, FCS se voit ainsi éliminé du registre des organisations politiques habilitées à se présenter [21]. Dans le sillage de Celi, le secrétaire général de la présidence, Juan Sebastián Roldán, pratique ouvertement l’intimidation en prévenant qu’être candidat à la députation en représentation d’une formation dirigée par Correa « entraîne un risque considérable »  : « La justice va poser ses yeux sur ceux qui ne se sont pas enfuis ou qui ne sont pas encore condamnés. »

    Commence (ou se poursuit) une bataille surréaliste (pour ne pas dire un mauvais feuilleton). Estimant que Celi a outrepassé ses fonctions, les juges du Tribunal contentieux électoral (TCE) réintègrent les trois fonctionnaires sanctionnés du CNE. Pour leur part, les militants de la « révolution citoyenne » obtiennent in extremis l’asile d’une organisation politique appelée Centre démocratique, qui va leur permettre d’enregistrer leurs candidats. Ironiquement surnommé par la presse « le parfait inconnu », Andrés Arauz officialise son aspiration à la présidence. Risquant d’être arrêté dès qu’il posera un pied sur le sol national, Correa postule à la vice-présidence depuis la Belgique, via Internet. Candidature rejetée par le CNE, car non effectuée « en personne et sur place » – malgré la présence de sa sœur Pierina Correa, dont il a fait sa représentante légale. Le 7 septembre, le suspens prend définitivement fin. Une cour de cassation de la Cour nationale de justice (CNJ) rejette le dernier appel déposé par Correa et confirme sa condamnation à huit ans de prison. S’y ajoutent 21 ans de proscription politique. Record battu pour la Justice équatorienne ! Le procès a été conclu et la sentence émise en moins de douze mois. D’autres procédures de cassation ont duré jusqu’à vingt ans (comme celle engagée contre l’ex-président Jamil Mahuad pour détournement de fonds).
    En catastrophe, et malgré les obstacles donnant lieu à des manifestations pacifiques devant le TCE, le journaliste Carlos Rabascall remplace Correa dans le rôle d’aspirant à la vice-présidence. Le Centre démocratique se fond dans une vaste coalition d’organisations sociales, paysannes et indigènes, l’Union pour l’espérance (UNES) [22].
     
    En novembre 2020, à Chimoré, lors du retour triomphal d’Evo Morales dans son pays, Arauz partage la tribune avec lui et l’ex-vice-président bolivien Álvaro García Linera. On le voit également aux côtés du nouveau chef de l’Etat Luis Arce. Il jouit de l’appui implicite et explicite de la gauche continentale.
    En Equateur, où il progresse dans les sondages, la peur engendre un redoublement de l’agressivité. Que ce soit dans ses spots télévisés ou lors de ses interventions de terrain, toute la campagne d’Arauz revendique l’héritage de Correa. Partout, dans les villes, les villages, le candidat exhibe une figurine en carton, à l’échelle, de son « mentor ». Les droites poussent des cris d’orfraie. Comment peut-on exhiber ainsi un criminel, condamné par la justice, en cavale à l’étranger ? Dans le cadre de la campagne officielle, le TSE interdit à Arauz l’utilisation de tout portrait de Correa.
    Dans la lutte avec ses confrères pour savoir qui gagnera le prix du plus putassier, El Universo se distingue particulièrement. « Notre Mugabe » titre l’un de ses éditorialistes, passablement paniqué, le 30 janvier 2021 : « Etonnamment, notre Mugabe continue d’avoir une grande acceptation populaire et il ne serait pas du tout étrange que son candidat gagne les prochaines élections. Les Européens et les Nord-Américains, qui ont créé les sciences, les plus belles œuvres d’art et les avancées technologiques les plus importantes, ont également créé la démocratie, comme mécanisme permettant de contrôler les dirigeants et de limiter leurs abus. Mais en Equateur, comme au Zimbabwe, nous utilisons la démocratie pour récompenser les corrompus et élire ceux qui sont assurés d’abuser de leur pouvoir et de nous appauvrir. C’est inexplicable. »

    Bonjour et « bienvenido »  : voici que vient à la rescousse le très droitier hebdomadaire colombien Semana. Juste avant le premier tour, dans son édition du 31 janvier au 7 février, celui-ci fait sa « une » sur une révélation explosive : Arauz et l’UNES ont reçu 80 000 dollars de l’Armée de libération nationale (ELN), une guérilla « terroriste » colombienne, pour financer leur campagne électorale. L’information vient d’une source particulièrement sûre : l’ordinateur trouvé près du corps d’un commandant guérillero, Andrés Vanegas, alias « Uriel », abattu en Colombie le 25 octobre 2020. « Nous souhaitons que le président Iván Duque et son gouvernement aient la gentillesse de nous fournir toutes les informations, réagit immédiatement Moreno ; selon les informations fournies par le magazine Semana, tous les dossiers ne sont pas encore ouverts. Cela ne manque pas de me faire frémir. » Il n’a pas osé employer le verbe « jouir », mais il y a sans doute pensé.
    Dans le registre de l’hypocrisie absolue, Moreno fait du « Moreno de top niveau ». Alors que lui-même occupait la vice-présidence, Correa a subi le même type de campagne en 2008, après que, le 1er mars, un commando de l’armée colombienne ait tué Raúl Reyes, le numéro deux et « ministre des affaires étrangères » des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Un scandale de dimension internationale éclata lorsque trois ordinateurs, deux disques durs et trois clés USB « récupérés près du corps du guérillero et lui appartenant » révélèrent leurs « secrets ». Comme le diffusera abondamment le gouvernement colombien d’Álvaro Uribe (« père spirituel » de l’actuel président Iván Duque), relayé par la quasi totalité des médias internationaux, les enquêteurs trouvèrent dans le matériel informatique « des milliers de courriers électroniques » révélant l’« alliance armée entre les FARC et le gouvernement vénézuélien de Hugo Chávez »,ainsi que les liens politiques et économiques (lors de sa campagne électorale) entre Correa et la guérilla [23].
    Le 18 mai 2011, mettant à mal la basse politique de Bogotá (et de Washington) contre Caracas et Quito, les neuf juges de la Cour suprême de justice (CSJ) de Colombie déclareront, par la voix de leur président Camilo Tarquino, que les informations obtenues à partir du matériel informatique de Reyes, dans lequel ne figurait aucun courrier électronique, étaient « nulles et illégales ».

    Fille illégitime du CPCCS-transitoire, la procureure générale Diana Salazar – la « Procureure 10/20 » ! – sollicite immédiatement de la Justice colombienne les dossiers et documents évoqués par Semana. En urgence absolue, le procureur général colombien Francisco Barbosa, ami personnel de Donald Trump et proche d’Uribe, fait le voyage à Quito. Son « rapport complet » est désormais entre de bonnes mains. Salazar a déjà fait tomber le vice-président Jorge Glas. Le 25 février, avec les félicitations du Secrétaire d’Etat Antony Blinken, elle va recevoir l’International Anticorruption Champions Award, distinction octroyée par le gouvernement des Etats-Unis [24]. Le lendemain – on est alors entre les deux tours –, Yaku Pérez, révèle, s’il en était besoin, sa véritable nature : « Ce que le procureur général colombien est venu livrer à son homologue équatorienne, ce ne sont pas des indices graves, ce sont des certitudes. Et cela signifie que si la candidature de M. Arauz ne tombe pas avant [le deuxième tour des] élections, avant avril, elle tombera plus tard pour avoir reçu de l’argent illicite de la narco-politique. [25 »

    Une candidature contestée

    « Iza, Iza, Iza ! Comienza la paliza ! » (« Iza, Iza, la raclée va commencer ! »). Quechua, président du Mouvement indigène et paysan de Cotopaxi (MICC), Leonidas Iza a été avec Jaime Vargas, achuar d’Amazonie et président de la Conaie, le leader le plus en pointe du soulèvement d’octobre 2019. Au terme de la crise dont elle sort renforcée, la Conaie annonce son intention de présenter un candidat à la présidentielle de 2021.
    Président d’Ecuarunari de 2013 à 2019, puis élu préfet d’azuay, fonction qu’il va « planter » rapidement pour postuler à la magistrature suprême, Yaku Pérez (de même que les autorités élues de Pachakutik) n’a eu qu’un rôle secondaire lors de la rébellion populaire. Ce relatif retrait, son appel à voter Lasso en 2017, son alignement sur Washington face aux événements régionaux (Nicaragua, Cuba, Venezuela), son soutien aux renversements de Dilma Rousseff puis d’Evo Morales ne lui valent pas, au sein même du mouvement indigène, que des regards amicaux.
    Dans la perspective de l’élection, la Conaie pousse Vargas et Iza. Lors d’une réunion virtuelle, sans leur présence ni celle des dirigeants de la Confédération, PK fait de Pérez son candidat « de consensus ». Devant ce coup de force, le mouvement indigène se fracture. La Conaie considère nulles et non avenues les résolutions de son bras politique, Pachakutik : « Le compañero Yaku doit terminer le mandat que lui ont donné la province, le peuple d’Amuay. Il y a une offre, un plan de gouvernement, s’il s’en va c’est un risque de perdre une préfecture de PK. » Un communiqué réclame que la désignation des candidats à la présidence et à l’Assemblée « se réalise en coordination et avec une participation active, avec voix et vote, de la structure d’organisation du mouvement indigène. »

    Le 12 août 2020, la Conaie convoque une réunion avec les pré-candidats. Le comité exécutif de PK et Yaku Pérez s’abstiennent d’y assister. Malgré sa popularité et son poids, PK refuse à Vargas la responsabilité de tête de liste pour les législatives. Tout comme Iza, Vargas retire sa candidature à quelque fonction que ce soit. La fracture ne fait s’amplifier quand tous deux, invités, assistent en Bolivie au retour d’Evo Morales et y croisent… Andrés Arauz, sans manifester à son égard une quelconque animosité.
    Autre problème épineux… Dans un premier temps, PK choisit Larissa Marangoni comme candidate à la vice-présidence pour accompagner Carlos « Yaku » Pérez. Le choix provoque des remous. Originaire de Guayaquil, Marangoni a, par le passé, prôné la privatisation de l’IESS (la sécurité sociale) et de l’entreprise publique d’électricité (CNEL), la cession des Galápagos à un autre pays et a estimé que les dirigeants indigènes ayant participé à la révolte d’octobre 2019 auraient dû être emprisonnés. Twitter, Facebook et les réseaux sociaux passent en surchauffe. Yaku Pérez se fend d’un tweet exprimant sa « tristesse » lorsque, sous la pression, Marangoni choisit de renoncer. La remplace une scientifique, propriétaire d’une entreprise spécialisée dans la biotechnologie de l’aquaculture (Concepto Azul), Virna Cedeño. Laquelle, simple Equatorienne, disparaît totalement pendant la campagne (et même après), totalement évincée du devant de la scène et même des coulisses par la compagne franco-brésilienne de Pérez, Manuela Picq. Ce qui en trouble plus d’un, qu’il soit adversaire, sympathisant ou militant…

    La campagne

    Renversé en 2005 par la «  Rebelión de los Forajidos » (rébellion des hors-la-loi), Lucio Gutiérrez promet Dieu (qu’il réintroduira dans la Constitution), du pain (pour l’économie) et le fouet (pour muscler la justice). La Gauche démocratique de Xavier Hervas affiche un programme centriste, pour le moins dans les intentions. Seule femme candidate, Ximena Peña se présente sous les couleurs d’Alianza País, devenu le parti de Lenín Moreno, et donc inaudible pour qui que ce soit. Possesseur de plusieurs comptes dans les paradis fiscaux, Lasso (CREO-PSC) ne surprend personne avec son agenda, néolibéral – Washington, FMI, marchands, flexibilité du travail, baisse des impôts pour les financiers et les banquiers.

    Yaku Pérez propose un programme « Minka por la vida » [26] destiné à capter le vote des jeunes et des communautés sensibles à la cause sociale et écologiste. Parmi les priorités se distinguent le financement de 500 000 petites et moyennes exploitations de production agricole ou la convocation d’une consultation populaire « pour déclarer l’Equateur libre de toute exploitation extractive dans les zones de recharge hydrique ». Un audit de la dette va de pair avec une renégociation des contrats miniers. Toutefois quelques aspects du logiciel attirent l’attention. On laissera de côté, pour le folklore, l’idée extravagante d’exporter de l’eau en barils plutôt que du pétrole. Comme Moreno, Pérez veut la disparition du CPCCS – mais également du Conseil de la magistrature et du Tribunal contentieux électoral (à qui il fera bientôt appel pour tenter d’inverser le résultat de l’élection !) – et, comme Lasso, il veut réduire l’Etat – en diminuant de moitié le nombre des députés et en supprimant un certain nombre d’institutions publiques (non précisées). Le développement du tourisme vert et de l’artisanat prennent plus de place dans ses interventions que l’industrie, les services, la science ou l’éducation.
    Trente milliards de dollars de la « crème équatorienne » dorment dans les paradis fiscaux : Pérez s’oppose à toute pression sur leurs propriétaires, mais demande gentiment à ces indélicats de rapatrier leur pactole en échange d’avantages fiscaux. Par la même occasion, l’impôt sur les sorties de capitaux sera éliminé (de sorte que ce qui éventuellement rentrera pourra ressortir sans difficultés). Rien de surprenant donc si, en début de campagne, Lasso en personne a pu déclarer : « Si Yaku Pérez passe au second tour, soyez en sûrs, je lui apporte dès aujourd’hui mon soutien. » Rien de surprenant non plus quand, depuis la Conaie, Leonidas Iza s’insurge : « J’ai été absolument clair sur les propositions avec lesquelles nous ne sommes pas d’accord, défendus par certains secteurs qui sont autour de Yaku Pérez. Il y a des gens proches de CREO et à droite qui sont sûrement dans le cercle de Yaku... [27].  »

    Porteur d’un projet d’« économie sociale » articulé autour du progrès technologique et d’un développement productif diversifié, le tout sous l’égide de l’Etat, Arauz entend « déclarer une urgence nationale pour l’irrigation et l’eau » et mettre en place un ministère de l’agriculture familiale, de la paysannerie et de la souveraineté alimentaire disposant d’un budget adéquat. Il n’esquive pas le débat sur les activités minières. « L’agenda anti-extractiviste doit être un peu plus sophistiqué et détaillé car de nombreuses questions doivent être prises en compte, notamment l’industrialisation des mines et le développement des communautés voisines, déclare-t-il, en visite à New York, à la mi-février 2021. Nous ne pouvons pas avoir un agenda extractiviste néocolonial, mais peut-être pouvons-nous chercher un agenda pétrolier, minier et agricole qui prenne en compte les besoins des communautés et en fasse les acteurs principaux. » Au FMI, qu’il rencontre à cette occasion, Arauz fait savoir qu’il compte revoir les conditions léonines imposées au pays (ce que prévoit également Pérez). En matière de politique extérieure, souveraineté, multilatéralisme, intégration latino-américaine reviennent à l’ordre du jour, avec en priorité une reconstruction de l’Union des nations sud-américaines (Unasur) et un renforcement de la Communauté des Etats latino-américains et caraïbes (Celac).

    On a beaucoup reproché à Correa, très influencé par la doctrine sociale de l’Eglise, ses positions rigides (et parfois même caricaturales) sur l’avortement. Celui-ci n’est autorisé en Equateur que lorsque la vie ou la santé de la mère est en danger ou si la grossesse est le résultat du viol d’une femme souffrant d’un handicap mental. Dans un pays conservateur, dont la population est à 80 % catholique, les candidats à la présidence, quelle que soit leur opinion personnelle, savent en la matière marcher sur des œufs.
    Deux postulants – Xavier Hervas (GD) et Ximena Peña (AP) ont avancé la proposition très modeste de dépénaliser l’interruption de grossesse en cas de viol. Sur son compte twitter, et à destination de son public connecté – « écologiste, féministe et anti-patriarcal » – Yaku Pérez s’est chaudement félicité de l’autorisation de l’IVG votée en Argentine fin décembre 2020. Face à de potentiels électeurs, lesquels n’ont rien à voir avec ses « followers », il a fait beaucoup moins d’étincelles ! Il se déclare partisan, mais « à titre exceptionnel », de la légalisation de l’avortement thérapeutique « en cas de viol, de danger pour la santé de la mère [ce qui existe déjà] ou de malformation du fœtus [28] ». On a connu féministe autoproclamé plus audacieux.
    Egalement interrogé, Arauz répond pragmatiquement, en ne fermant aucune porte : « J’ai ma position, qui répond à mon expérience de la vie, mais, en Equateur, ma position est de respecter la Constitution de la République. Je pense que dans certains cas, cela devrait être permis, mais le débat doit être promu par la société (…) par la mobilisation, notamment des femmes. Là-bas, en Argentine, nous avons eu des millions de femmes dans les rues, en Equateur, cela ne s’est pas encore produit [29]. »
    Proche de l’Opus Dei, Lasso, qu’Arauz (sauf coup de théâtre) affrontera au second tour, a toujours été un féroce opposant à toute proposition de dépénalisation de l’avortement – y compris en cas de viol.

    L’entre-deux tours

    7 février 2021 : Arauz l’emporte devant Lasso et/ou Yaku Pérez. Par son score (plus de 19 %), ce dernier fait l’événement. Un grand leader serait-il né ? « Les presque 20 points gagnés par Yaku au premier tour reposent sur le rejet des politiques économiques de la “triple alliance” (Lenín, FMI et grands groupes économiques), analyse fort justement Alfredo Serrano, directeur du Centre latino-américain de géopolitique (Celag), le 12 février. Un rejet dont le mouvement indigène était le principal protagoniste. Ce n’est pas pour Yaku que le peuple a voté. La majorité de l’électorat aurait voté pour Yaku, Iza, Vargas, ou tout autre représentant de cette résistance manifestée de manière épique dans les rues face à l’ajustement néolibéral. Cet esprit indigène rebelle s’est transcendé, devenant un véritable sujet politique et électoral (…) On pourrait dire que Yaku est un candidat non progressiste qui a réussi à capter une partie du vote progressiste et indigène. » Plus brièvement, Leonidas Iza ne dit pas autre chose : « Ce n’est pas un appui au candidat, c’est un appui au soulèvement d’octobre ! »
    Qui participera au second tour ? Dès le 8 février, où on l’annonce « éliminé de très peu, Yaku s’en prend à… tout le monde. « J’invite le candidat Pérez à rester calme, réagit Lasso, à ne pas se montrer si nerveux. » Dans n’importe quel pays, une si faible différence entre deux candidats rend parfaitement légitime la demande d’un recomptage en cas de doute ou d’anomalie avérée. Mais la réclamation prend une tournure étrange. On se croirait dans le camp de l’opposition, au… Venezuela (ou en 2019 en Bolivie). Quand le CNE confirme que Lasso le devance, Pérez hurle d’emblée à la fraude. Pourtant, Pachakutik ne conteste pas la victoire des 26 députés qu’il vient de faire élire, avec le même Conseil national électoral (CNE), devenant ainsi la deuxième force politique à l’Assemblée. Les « correistes » (Centre démocratique) sont arrivés en tête avec 51 représentants ; la Gauche démocratique en compte 17 ; le Parti social-chrétien (PSC), 18 ; CREO, 12.
    Mais justement, s’insurge Pérez… « Comment est-il possible que la cinquième force politique du pays veuille déplacer la deuxième force ? Nous avons 26 membres de Pachakutik à l’Assemblée contre 12 de CREO ! » N’importe quel être doué de raison hausse immédiatement les épaules. A la présidentielle, c’est en alliance que CREO et le PSC, représentés par Lasso, ont pris l’avantage sur Pachakutik. Aux législatives, chacun s’est présenté pour son compte. Qu’on additionne leurs résultats (18 + 12 = 30), rien de surprenant à ce qu’ils devancent PK (26).

    Lors de sa première conférence de presse, Pérez prétend que ses voix ont été détournées vers Hervas (GD). Puis il annonce que, en fait, il a gagné le premier tour. Dénonce le grand complot monté par Correa et Lasso. Accuse le Conseil national électoral (CNE) de complicité. Curieux, non ? La présidente de l’organisme s’appelle Diana Atamaint. Après avoir travaillé à la Banque mondiale, elle a été élue en 2006 députée de Morona Santiago en représentation de… Pachakutik. Pendant un mouvement de contestation de la communauté shuar, en 2009, elle a représenté les manifestants indigènes lors du dialogue, musclé, avec le gouvernement de Correa. Elle a enfin été nommée membre du CNE par le fameux CPCCS-Transitoire voulu par Moreno. On peut éventuellement l’accuser d’incompétence ou d’incurie, sûrement pas de connivence avec l’ancien chef de l’Etat.
    Peu importe. Yaku Pérez réclame l’ouverture des urnes dans sept provinces – Pichincha, Guayas, Manabí, Los Ríos, El Oro, Bolívar, Esmeraldas – où, prétend-il, des voix lui ont été volées. Il est reçu par le Contrôleur général Pablo Celi, à qui il dénonce la manipulation du système informatique du CNE. Il porte plainte en justice pour fraude électorale. Il remet à la Cour constitutionnelle (CC) une demande de mesures préventives pour qu’on suspende le scrutin…

    Effroi à bord du bateau de la Grande alliance « Moreno, partis de droite, organisations patronales, banques, médias et discrets acteurs internationaux » : seule une alliance de tous les opposants peut permettre de battre Arauz au second tour. Cette guerre « interne » risque de tout faire capoter. Depuis plusieurs jours déjà, Hervas (GD) invite Pérez et Lasso à laisser de côté leurs intérêts personnels et à passer un « Pacte pour l’Equateur », faute de quoi serait ouvert « un sentier pour le retour du “correisme” ». Les médias sont tétanisés, incapables de prendre position pour l’un ou pour l’autre. Lasso représente la droite classique, qui leur sied parfaitement, mais Pérez aurait davantage de chances de battre Arauz, du fait d’un positionnement lui permettant de capter le mouvement indigène, une partie de la « gauche » et de la jeunesse.
     
    Le 12 février a lieu à Quito, au siège du CNE, dans le Salon de la démocratie, une étonnante réunion. N’y sont présents que Lasso, Pérez, des membres du CNE, des observateurs internationaux et un représentant de l’OEA. Les quatorze autres partis ayant participé au scrutin ne sont pas conviés. Et surtout pas l’UNES, pourtant directement intéressée. Il s’agit d’évaluer toutes les options possibles et de se mettre d’accord, entre adversaires, mais aussi comparses, dans la plus stricte intimité. Lasso pourrait certes défendre mordicus sa seconde place, mais il se retrouve pris à son propre piège : en avril 2017, n’a-t-il pas lui même déclaré qu’il n’acceptait pas le résultat donnant la victoire à Moreno ? N’a-t-il pas déclaré à l’époque « dans le décompte des votes, il y a fraude », avant de demander le recomptage de 100 % des voix ? N’a-t-il pas convoqué ses partisans à manifester avant que la victoire de Moreno ne soit confirmée par le recomptage de 11,2 % des bulletins ? Effet boomerang. Yaku Pérez emprunte le chemin que Lasso lui même a balisé…
     D’entrée, le candidat de PK met la barre très haut. Présentant quatre cas de procès-verbaux comportant des irrégularités, il exige que les voix soient recomptées dans… les 24 provinces du pays ! Dans la vie, d’une manière générale, la conviction peut être rationnelle ou irrationnelle. Aux objections qu’on lui présente, Pérez extrapole sur les quatre cas ainsi que sur « 15 % de procès verbaux qui ont posé problème au début du scrutin » et en déduit qu’ils équivalent à 1 500 000 voix. Lasso admet le droit légal, pour Yaku, de présenter des cas avec les preuves nécessaires pour mettre en doute certains résultats, mais, « s’il y a neuf ou dix cas, ce n’est pas suffisant pour invalider un processus », se permet-il de noter.

    Six heures de conciliabules, ce 12 février ! Finalement, le CNE entérine l’accord qu’ont scellé entre eux les deux candidats : il procédera à un recomptage de 100 % des votes de la province de Guayas, qui comporte le plus d’électeurs, et de 50 % dans seize autres provinces – soit plus ou moins 6 millions de bulletins,45 % des suffrages exprimés. La présidente Atamaint précise que seuls les délégués des deux partis demandeurs participeront à ce processus de vérification, sans observateurs internationaux – à l’exception de l’OEA ! Laquelle se réjouit d’avance : membre de sa mission, Gerardo de Icaza exprime « sa reconnaissance » au CNE « pour avoir écouté les parties et les avoir reçues » dans le but de fournir « les garanties nécessaires et indispensables de certitude et de transparence ». Les commentaires émis à Washington expriment la même satisfaction.

    Une énormité ! En se laissant imposer ce marchandage par deux candidats, en dehors de toute procédure légale, en écartant les quatorze autres participants au scrutin (dont celui qui a obtenu le plus de voix), en ignorant le Conseil consultatif des organisations politiques pour traiter une telle question, comme le stipule la loi, en se soumettant finalement à la décision de Pérez et de Lasso, le CNE a, comme eux, franchi une ligne rouge. « Nous ne permettrons aucune action qui, dans le cadre de la démocratie et du recomptage des votes, prétende affecter l’immense volonté du vote obtenu par l’alliance qui nous a permis un large triomphe populaire », clame le porte-parole de l’Union pour l’espérance. Lasso prend-il conscience de ce que les articles 136 et 138 du Code de la Démocratie ont été violés et qu’il se met dans une position délicate ? Dès le lendemain, il se rétracte. Dans un courrier, il demande au CNE de promulguer les résultats du premier tour, « sans préjudice des contestations qui seraient présentées conformément à la loi ». S’il confirme être d’accord avec un recomptage de 100 % des votes dans la Guayas, il estime nécessaire l’assentiment des autres candidats pour un recomptage à 50 % dans les seize autres provinces. « Si le CNE procède autrement, ajoute-t-il, ce ne sera pas seulement injuste, mais illégal et même criminel, car il sera présumé qu’un ou plusieurs crimes ont été commis et cela entraînera également la nullité du processus électoral. » Qu’il représente la droite n’y change rien : ce qu’il dit est parfaitement vrai.
    Fin de l’histoire d’amour entre « anti-correistes ». Réuni en plénière, le CNE revient lui aussi sur sa décision, malgré le vote de sa présidente Atamaint. Se souvenant qu’il existe des règlements et des lois, l’un des membres ayant voté contre le recomptage déclare qu’il faut d’abord « proclamer les résultats du premier tour avant tout recours ».Pérez n’a que faire de la loi, Pérez s’emporte, Pérez insiste,Pérez accuse Lasso de trahison : « Nous demandons le respect des règles, parce que la parole ne peut pas être dévaluée, parce que les accords doivent être respectés, parce que la transparence est en jeu. » N’obtenant pas gain de cause, il annonce publiquement : « Ne rêvez pas qu’on soutiendra Lasso » au second tour, et ressasse à n’en plus finir sur « le pacte satanique » entre Correa, Lasso et Nebot(l’ex-maire de Guayaquil, leader du PSC).Il peut bientôt y rajouter la Cour constitutionnelle, qui rejette sa demande d’annulation des élections.
    A l’appel de Pérez, le président d’Ecuarunari Carlos Sucuzhañay déclare l’organisation « en résistance » et annonce une « Marche pour la transparence et la démocratie », partant de Loja (à la frontière du Pérou) le 18 février pour arriver le 23 à Quito. La Fédération unitaire des travailleurs (FUT) annonce sa participation. En renforts, surgissent simultanément… le contrôleur Pablo Celi et la procureure générale Diana Salazar. A quelques heures d’une réunion du CNE destinée à examiner les recours déposés par Pachakutik, le Parquet et la Controlaría, annoncent leur intention de procéder à une saisie et à un examen du système informatique, avant le second tour du 11 avril, PK ayant porté plainte pour de supposées anomalies. Contribuant à la confusion et alimentant les doutes qui entourent les résultats, la démarche amène Arauz à dénoncer « une tentative de retarder ou pire de suspendre les élections ». D’autant que, par le plus grand des hasards, le Gouvernement de Moreno a retiré les forces de police qui protégeaient l’immeuble et les autorités du CNE.
    Outre la réaction d’Arauz, la manœuvre provoque celles de Lasso et du CNE. Directeur juridique du Conseil, Enrique Vaca doit rappeler que, en vertu de l’article 16 du Code de la Démocratie, « aucune autorité extérieure à l’organisation électorale ne peut intervenir, directement ou indirectement, dans le cours des processus électoraux ». Dans un pays au bord de la crise institutionnelle, l’UNES annonce qu’elle porte plainte auprès du Tribunal contentieux électoral (TCE) contre Salazar et Celi pour « ingérence dans les élections ».

    Le 23 février, escorté par les participants de la marche indigène arrivés très pacifiquement à Quito, Yaku Pérez utilise cette fois (et enfin !) la voie des recours légaux en remettant au CNE 16 086 procès-verbaux présentant « des anomalies ». Lesquels deviennent 20 000 quelques jours plus tard. D’après Pérez, deux ou trois voix lui ayant été volées dans chacun de ces bureaux de vote, cela devrait lui permettre de récupérer 180 000 voix. Au terme de son audit, le CNE émet un rapport qui ne demande un recomptage que dans trente-et-un bureaux de vote – dix procès-verbaux présentant des incohérences numériques, vingt-et-un des signatures manquantes. Ce qui, l’opération effectuée, ajoutera 612 voix supplémentaires au bilan du candidat.
    Tandis qu’Ecuarunari menace de paralyser le pays et déclare « une grève générale », Pérez recourt au Tribunal contentieux électoral (TCE) à qui il demande un recomptage de 28 000 procès-verbaux – 8 000 de plus, tombés du ciel, que ceux présentés précédemment au CNE. « Si la TCE n’ouvre pas les urnes, lance-t-il, nous serons confrontés à une ratification de la fraude. Dans le Nouveau Testament, livre de Jean, chapitre 30, verset 5, il est dit : “La vérité vous rendra libres”. En ce moment, nous sommes les esclaves du CNE et la seule façon de nous libérer est de connaître la vérité [30].  » Une formulation messianique à souhait, mais quelque peu maladroite, voire imprudente, nous permettrons-nous de signaler (sans insinuation d’aucune sorte, juste par amusement). « Et vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libres »est certes tirée du Nouveau Testament, mais c’est aussi la phrase gravée sur le mur de gauche du vaste hall d’entrée du quartier général de la CIA, à Langley (Virginie) !
    Tout au long de sa campagne, Yaku Pérez s’est fait le chantre de la « transparence ». Il serait imprudent de prétendre qu’il en a lui-même abusé. Le 4 mars, photos à l’appui, le média électronique La Posta révèle une « réunion secrète » de Pérez et de Picq avec Ángel Torres, un juge du TCE. Le Tribunal doit rendre sa décision quelques jours plus tard sur le recours de PK. La rencontre a lieu tard le soir, dans un quartier aisé du nord de Quito, au domicile de Darwin Seraquive, ex-membre du CPCCS-transitoire cher à Moreno. Fort logiquement, l’article 12 du règlement intérieur du TCE stipule : « Les juges électoraux ne peuvent pas tenir de réunions avec les parties à la procédure, sauf dans le cas où ils y assistent conjointement et en justifiant à l’avance et par écrit la nécessité de la réunion. » La première réaction vient de l’organisme quand il informe qu’il « n’était pas au courant et qu’il n’a autorisé aucune réunion ». Pris en flagrant délit, Pérez et Torres se voient obligés de confirmer qu’ils se sont bel et bien croisés, « complètement par hasard », pendant une heure et demie précise Torres (ce qui est un peu long pour juste se serrer la main), au domicile de cette connaissance commune. La révélation fait scandale. L’image romantique de l’ « Indigène écolo » différent des politiciens traditionnels en sort passablement écornée.
    Le 14 mars, après avoir écarté Torres, la plénière du TCE a rejeté à l’unanimité le recours de Pachakutik pour manque de fondement juridique. Dans leur analyse, les juges observent que n’ont pas été énoncés clairement les « vices, incorrections, incohérences » imputés aux décisions du CNE. Ils disent n’avoir pas plus identifié avec précision quels procès-verbaux n’ont pas été correctement pris en considération par le Conseil électoral et considèrent par ailleurs que les plaignants se sont limités à exprimer leur désaccord sans avoir les bases légales pour l’étayer. Un recomptage des voix, précise le TCE doit se faire « dans des cas spécifiques et exceptionnels, en évitant la manipulation excessive des votes et du scrutin ». Le dernier obstacle à l’organisation du second tour entre Arauz et Lasso vient de tomber.

    Epilogue provisoire

    Dans un sinistre climat de fin de règne, les collaborateurs et ministres de Moreno l’abandonnent les uns après les autres. Croyant sans doute se dédouaner d’une compromission de quatre années, Alianza País l’a destitué le 3 mars de la tête du parti. AP venait de se rendre compte qu’il n’a pas respecté le « plan de gouvernement » sur lequel il avait été élu ! Pour ajouter au ridicule, Moreno, qui se savait sous le coup d’une procédure disciplinaire, avait démissionné et annoncé quitter le parti deux jours auparavant. Démission refusée par la direction nationale pour pouvoir… l’expulser.

    En prévision du premier tour, et pour rassembler son noyau dur, l’UNES s’est énormément appuyée sur l’image de Correa, dont Arauz a dit qu’il ferait l’un de ses conseillers. Dans la campagne qui s’annonce, l’ex-chef d’Etat sera quelque peu relégué au second plan : il s’agit désormais de rallier les anti-néolibéraux dont il n’est pas forcément la tasse de thé.

    Le vote indigène se trouve au cœur de tous les enjeux. Sachant que cette « indianité » n’a souvent de sens que dans les discours des acteurs qui s’en saisissent. Le choix de « Yaku » comme candidat a fractionné le mouvement. Lorsque, avec Ecuarunari, il a convoqué la « marche pour la transparence et la démocratie », Leonidas Iza, depuis sa province, s’est contenté du programme minimum : il a bien pris la tête de quelques manifestations, mais a estimé : « A ce moment de la pandémie, pour être responsables, nous ne pouvons pas mobiliser jusqu’à Quito les communautés de Cotopaxi ». Vargas et la Conaie observent une prudence de bon aloi. A tel point que, le 27 février, Ecuarunari se livre à un véritable coup d’Etat à l’intérieur du mouvement : après avoir menacé de paralyser le pays et décidé de déclarer une grève générale, l’un de ses dirigeants, Gustavo Tenesaca, annonce que « la direction de la Conaie n’a plus la légitimité, car ayant terminé son mandat, et qu’elle n’est plus la porte-parole du mouvement indigène équatorien ».Fonction désormais exercée par Ecuarunari, « la fédération autochtone la plus importante du pays. »
    Pour autant, la fameuse « marche pour la transparence et la démocratie » demeure limitée et n’atteint nullement l’ampleur espérée. Pas plus que la « grève générale » annoncée.

    Très attendue, la décision de Yaku Prez est tombée le 18 mars : il laisse à ses électeurs leur liberté de vote pour le second tour. La Conaie, elle, ménage la chèvre et le chou. Le 9 mars, lors d’un conseil élargi auquel ne participait pas Pérez, elle s’est prononcée pour un « vote nul idéologique ». Bien que son coordinateur Marlon Santi se soit prononcé dans le même sens à titre personnel, PK doit encore se réunir pour définir s’il soutient cette option, susceptible, dans les rêves de certains « anti-correistes », de faire annuler l’élection. En effet, dans son article 147, le code électoral prévoit la nullité d’un scrutin si le nombre des votes nuls est supérieur à celui recueilli par tous les candidats en lice. Un scénario très peu probable. D’après les données du CNE, le maximum de « votes nuls » observé l’a été lors du ballotage de 1996 (11,3 %) et du premier tour de 2006 (11,8 %) [31]. Dans les faits, le « vote nul » au second tour favorise le candidat arrivé en tête au premier. Ce qui est d’ailleurs, sans doute, la motivation de certains dirigeants de la Conaie qui, pour ne pas raviver les conflits qui déchirent le mouvement en appuyant le « dauphin de Correa », utilisent à dessein cette stratégie.

    Par ailleurs, et comme par le passé, rien ne dit que les consignes données par les leaders seront massivement écoutées. D’autant qu’elles sont passablement contradictoire. Au lendemain de la fumeuse négociation entre candidats du 12 février, Iza, réprobateur, avertissait : « Attention ! Une réunion pour compter les votes entre Yaku Pérez et Guillermo Lasso ne signifie pas un accord avec la droite. Ce serait illégitime et en dehors de toute décision organique de la Conaie et du Pachakutik. Notre combat est contre la droite, peu importe d’où elle vient. » Qui a oublié que, pendant les mobilisations d’octobre 2019, l’allié de Lasso, le leader du PSC Jaime Nebot, recommandait aux Amérindiens « de retourner dans leurs montagnes »  ? Et il faudrait prendre le risque de laisser « le banquier » s’installer à Carondelet ?
    A en croire (avec prudence) les premiers sondages, Arauz paraît le mieux placé pour l’emporter. Sauf manœuvre de dernière minute pour torpiller la démocratie…

    Durant toute la polémique sur le résultat de l’élection, Yaku Pérez a insisté sur le caractère « pacifique » des manifestations qu’il mobilisait. En ce sens, son influence a été positive, il a été suivi. Il a même provoqué l’ironie de Jaime Vargas, leader pour quelque temps encore de la Conaie, lors du conseil élargi du 9 mars dernier : « Ils [Carlos Sucuzhañay, d’Ecuarunari, et Javier Aguavil, de la Conaie,] nous appellent à nous battre. Je leur ai dit : comment va être la résistance ? Si le CNE nous vole vraiment… ce sont des voleurs. Alors prenons les CNE dans toutes les provinces. C’est ce que j’ai dit. Et ils ont dit : non… Le candidat dit que c’est pacifique, avec des petites fleurs, avec des colombes blanches, je ne sais pas quoi… Ce n’est pas efficace ! Si nous devons bloquer, nous allons bloquer, prenons tous les CNE et faisons le décompte, et réclamons, et si non, brûlons toutes les urnes ! » Le plus raisonnable des deux paraît incontestablement être Pérez. Sauf que…

    Dans son obsession de remettre en cause les décisions du CNE et du TCE, le candidat de PK s’est aussi tourné vers la Commission anti-corruption. Le 7 mars, dans un article intitulé « Pro País » (« Pour le pays ») publié par le quotidien de droite El Comercio, l’un des membres de cette Commission, l’ex-jésuite Simón Espinosa, qui apporte publiquement son appui à Lasso, a proprement dynamité les débats en faisant appel à l’armée. « Nous suggérons que la force publique protège nos droits d’élire et d’être élu sans tricherie. De cette façon, elle s’acquittera de son obligation de nous défendre sans demander la permission de quiconque, puisque nous sommes confrontés à une affaire grave. Elle peut le faire par le biais d’une déclaration constitutionnelle qui comprend les éléments suivants [32]… » Et de citer, entre autres demandes : une enquête immédiate sur le financement d’Arauz par des criminels ; le remplacement des membres du CNE par leurs suppléants ; l’annulation du premier tour des élections ; l’intervention du Bureau du Contrôleur Pablo Celi dans les systèmes informatiques du CNE ; l’intervention du ministère public dans les procédures et les faits qui ont provoqué une alarme sociale…
     
    Cette fois, le masque tombe (et pas celui de la pandémie). Ce n’est plus le représentant d’une « deuxième gauche écolo » qui s’exprime, mais une espèce de « Juan Guaido » équatorien. Sans prendre aucune distance avec ce qu’implique un tel appel, Carlos Yaku Pérez Guartambel tweete immédiatement : « Simón Espinoza, membre de la Commission anti-corruption, souligne que les militaires des Forces armées doivent intervenir dans les urnes pour rendre claires les élections et ainsi éviter le retour du correisme ; son article souligne ce qui suit. »
    Quelques jours plus tard, Bogotá s’invite à nouveau dans la campagne. Le 14 mars, la « doctora » Martha Mancera, vice-procureure générale de Colombie, débarque chez ses homologues de la « Fiscalía » équatorienne pour leur remettre un complément d’information permettant d’avancer dans l’enquête sur le financement de l’UNES par la guérilla colombienne. De son côté, Marlon Santi, pour Pachakutik, a annoncé que le mouvement ne reconnaîtra pas le président sorti des urnes.
    Au moins, Andrés Arauz sait à quoi s’attendre. Si le deuxième tour a lieu dans des circonstances normales et s’il le remporte, il devra être aussi vaillant et vigilant que Nicolás Maduro au Venezuela, Luis Arce en Bolivie, Daniel Ortega au Nicaragua. Mais s’il s’impose, c’est aussi parce qu’une majorité d’électeurs équatoriens se seront prononcés pour lui. Ce qu’on appelle la démocratie.

    1] Alianza Patria Altiva i Soberana (Patrie altière et souveraine) : l’acronyme País joue sur le mot « pays ».

    [2] Si un score de 32,72 % au premier tour (inférieur à ceux obtenus en leur temps par Correa et même Moreno) n’a rien d’un raz-de-marée, on rappellera qu’en France, en 2007, le futur président Nicolas Sarkozy fit moins bien en n’obtenant que 31,18 % des suffrages ; qu’en 2012, François Hollande ne recueillit que 28,63 % ; qu’en avril 2017 Emmanuel Macron ne fut crédité que de 24,01 %.

    [3] En particulier en 2009 quand il s’est opposé à la loi minière, qui autorise la présence de grandes entreprises, et en 2010 à la loi sur l’eau, qui consacre une gestion centralisée, sous l’autorité de l’Etat.

    [4https://www.medelu.org/Le-grand-air-de-la-fraude-ou-les-arroseurs-arroses

    [5] « Notre Soutien à Yaku Perez et Manuela Lavinas Picq » – https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/130221/notre-soutien-yaku-perez-et-manuela-lavinas-picq

    [6https://www.youtube.com/watch?v=8U8PFdP_v3I

    [7http://www.bsi-economics.org/767-equateur-bilaneconomique-10ans-revolution-citoyen#

    [8] Lire : Anne-Dominique Correa, « Le retour des pieuvres médiatiques », Le Monde diplomatique, juillet 2019.

    [9] Maurice Lemoine, « Résistance indienne, noire et populaire », Le Monde diplomatique, janvier 1992.

    [10http://www.pichinchacomunicaciones.com.ec/pachakutik-se-nutre-con-dineros-de-ong-financiadas-por-la-cia-fausto-rangles-ex-dirigente/

    [11http://ecuadorinmediato.com/index.php?module=Noticias&func=news_user_view&id=2818855019&umt=gobierno_lenin_moreno_tiene_acuerdo_o_puntos_comunes_con_creo_y_psc_admite_ministra_maria_p_romo

    [12] L’une propose de limiter le territoire d’exploitation pétrolière dans le parc Yasuni (ce qu’avait proposé Correa avant d’y renoncer faute de l’aide, qu’il avait sollicitée, de la communauté internationale) et l’autre d’interdire l’exploitation minière dans les zones urbaines.

    [13] Un projet de réforme de la Constitution pour éliminer définitivement le CPCCS a finalement été rejeté par l’Assemblée, entre les deux tours de la présidentielle, le 16 mars 2021.

    [14] Née en 2004 à La Havane à l’instigation de Hugo Chávez et Fidel Castro, l’ALBA, à ce moment, comptait dix membres : Cuba, le Venezuela, le Nicaragua, la Bolivie,l’Equateur, la Dominique, Antigua-et-Barbuda, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Saint-Christophe-et-Niévès, La Grenade.

    [15] Créé en 2017 alors que le Venezuela était secoué par une vague de violence insurrectionnelle, le Groupe de Lima comprend à l’origine l’Argentine, le Brésil, le Canada, le Chili, la Colombie, le Costa Rica, le Guatemala, le Honduras, le Mexique, le Panamá, le Paraguay, le Pérou, la Guyana et Sainte-Lucie. Bien qu’en étant en sous-main le chef de file, les Etats-Unis n’en font pas partie.

    [16https://www.eluniverso.com/noticias/2019/10/15/nota/7560500/lourdes-tiban-ecuador-indigenas-onu-dialogo-rafael-correa-lenin#cxrecs_s

    [17] Leonidas Iza, Andres Tapia, Andrés Madrid, Estallido La Rebelión de Octubre en Ecuador, Ediciones Red Kapari, 2020 Quito.

    [18https://www.eluniverso.com/noticias/2019/10/17/nota/7563101/yaku-perez-protestas-ecuador-denuncia-rebelion/

    [19https://notimundo.com.ec/yaku-perez-yo-no-quiero-que-los-ricos-se-empobrezcan/

    [20] En 2012, El Universo a été condamné à une très lourde amende (40 millions de dollars !) pour avoir diffamé le président Correa (accusé de « crime contre l’humanité »). Ayant obtenu gain de cause, et au terme de ce spectaculaire coup de semonce, Correa demanda à la justice de ne pas exécuter la sentence (dans le cadre légal de la « loi du pardon ») : « Nous avons démontré que l’on peut dénoncer et vaincre l’abus du pouvoir médiatique, déclara-t-il. Nous avons gagné parce que nous détenions la raison et la vérité. » 

    [21] Sont également exclues trois autres formations : Juntos Podemos ; Libertad es Pueblo ; Justicia Social (d’ Álvaro Noboa, le magnat de la banane, candidat pour la sixième fois).

    [22] Foro Permanente de Mujeres Ecuatorianas, Confederación de Pueblos y Organizaciones Indígenas Campesinas del Ecuador, Fuerza Rural y Productiva, Coalición Nacional por la Patria, Frente Patriótico Nacional, SurGente, etc.

    [23] Lire Maurice Lemoine, « La Colombie, Interpol et le cyberguérillero », Le Monde diplomatique, juillet 2008.

    [24https://www.state.gov/honoring-anticorruption-champions/

    [25https://www.vistazo.com/seccion/actualidad-nacional/yaku-perez-vaticina-caida-de-la-candidatura-de-andres-arauz

    [26] Référence à une tradition indigène de travail communautaire aux fins d’utilité sociale.

    [27https://bit.ly/3jxMRwH y https://bit.ly/2MEAHpN

    [28https://www.planv.com.ec/historias/entrevistas/yaku-perez-si-no-llegamos-primera-vuelta-fijo-estaremos-la-segunda-eso-lo-doy

    [29https://www.pagina12.com.ar/310186-andres-arauz-buscan-impedir-que-participemos-de-las-eleccion

    [30https://www.elcomercio.com/actualidad/yaku-perez-violencia-pachakutik-elecciones.html

    [31https://www.elcomercio.com/actualidad/elecciones-voto-nulo-provincias-costa.html

    [32https://www.elcomercio.com/opinion/columnista-elcomercio-opinion-pro-pais.html

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • La République Populaire de , suite à des sanctions de l’Union Européenne contre des responsables politiques chinois sur des questions de « droits de l’homme », vient en retour de sanctionner dix personnes et quatre entités européennes, dont le français et l’allemand . Les mesures de rétorsion chinoises vise le comité politique et de sécurité, une structure permanente du Conseil de l’UE, la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, l’Institut Mercator pour les études chinoises, basé à Berlin, et la fondation Alliance des démocraties, une organisation basée au Danemark.
    Les sanctions décidées par l’Union Européenne sont une première depuis 1989 et prennent prétexte de la campagne de propagande lancée à propos du Xinjiang.

     

    En France, l’euro député étiqueté PS Raphaël Gucksmann est bien connu : fils de l’un des principaux idéologues anticommuniste français André Glucksmann et compagnon de Léa Salamé présentatrice télé. Le fils Glucksmann est une voix active de la propagande néoconservatrice américaine en France avec sa revue Le Meilleur des Mondes, soutien de la guerre américaine contre l’Irak, sur la base notamment des mensonges sur les armes de destruction massive de Saddam Hussein. Il a été l’un des conseiller actif des coups de force euro-atlantique en Géorgie autour du belliqueux Saakajvili et de l’euro-Maidan en Ukraine. Adrian Zenz est lui moins connu en France. C’est pourtant la quasi unique “source” de la campagne de propagande au sujet du Xinjiang. 

    La source de la campagne de propagande occidentale : un missionnaire évangélique Adrian Zenz

    Une grosse partie de la propagande occidentale repose sur les « travaux » du missionnaire évangélique Adrian Zenz qui a passé ses dernières années à faire la navette entre le Congrès américain, le Parlement européen et le Parlement canadien (il n’a été qu’une seul fois en Chine), portant des accusations sans fondement contre la politique chinoise du Xinjiang pour inciter à des attaques et à faire pression sur la Chine en utilisant les soi-disant «problèmes des droits de l’homme des Ouïgours»[1]. Dans un article du Wall Street Journal Adrian Zenz dit « Je me sens très clairement conduit par Dieu à faire cela. »[2]

    Qui est Adrian Zenz ?

    • Superviseur des doctorants à l’Ecole européenne de culture et de théologie[3] de Korntal en Allemagne. Son but est de former des missionnaires. Le directeur de cette école, depuis juin 2019, est Peter Westphal qui a passé 30 ans à travailler avec des organisations asiatiques et est consultant pour la Wycliffe Global Alliance[4] Asie-Pacifique et Europe. La vision de WGA est « Des individus, des communautés et des nations transformés par l’amour de Dieu et la Parole exprimée dans leurs langues et cultures » ou encore « Vivant et servant à la gloire de Dieu afin que les gens de toutes les nations puissent le connaître et le glorifier ». ESCT ne figure pas dans le répertoire officiel des universités allemandes, c’est une organisation à but non lucratif fondée et financée par des associations et églises évangéliques dont l’association des missions évangélique (Arbeitsgemeinschaft Evangelikaler Missionen[5]), également établie à Korntal, à laquelle appartient aussi la « Communauté des missionnaires chinois »[6] ! Cette école fonctionne conjointement avec Columbia University (CIU). Lors des présentations des médias occidentaux sur Adrian Zenz, les médias font toujours croire, avec ambiguïté, au public ou aux lecteurs que cette école, située en Caroline du Sud est la célèbre Columbia University de New York. Il s’agit en l’occurrence d’une école biblique évangélique située à Columbia, en Caroline du Sud.
    • Conseiller pour l’Alliance interplanétaire sur la Chine [7] : L’Alliance interparlementaire sur la Chine est un groupe international multipartite de législateurs travaillant au changement de l’approche des pays « démocratiques » face à la Chine. Il est composé de législateurs mondiaux et dirigé par un groupe de coprésidents, qui sont de hauts responsables politiques issus d’un échantillon représentatif des principaux partis politiques du monde, dont :
      • Reinhard Bütikofer (qui fait partie des 10 personnes sanctionnées par la Chine), député européen du parti des verts « de gris » européen, ancien Mao, membre du Aspen Institute.
      • Miriam Lexmann, politicienne slovaque, député européen démocrate-chrétien (qui fait partie des 10 personnes sanctionnées par la chine). Son travail au Parlement se concentre principalement sur le soutien à la démocratie internationale
      • Dovilė Šakalienė (qui fait partie des 10 personnes sanctionnées par la chine) est membre du Parlement au Seimas, où elle représente le Parti social-démocrate lituanien. Elle est l’ancienne PDG de l’Institut de surveillance des droits de l’homme et ancienne directrice générale du programme des ONG en Lituanie.
      • Samuel Cogolat (qui fait partie des 10 personnes sanctionnées par la chine), homme politique belge et membre de la Chambre des représentants. Il est vice-président de la commission des affaires étrangères et représente le parti Ecolo. Titulaire d’un diplôme à Harvard qui fut financé par le programme Fulbright (subvention du département d’état des USA), le Rotary et la BAEF (Fondation belge pour l’éducation américaine)[8].
      • Marco Rubio, sénateur américain anticastriste connu.
      • André Gattolin, LREM.
      • Isabelle Florennes, MODEM.
      • François-Xavier Bellamy, les républicains.
      • Olivier Cadic, UDI
      • Constance Le Grip, les républicains.
      • Valérie Petit, LREM
      • André Vallini, PS
      • Anne Genetet, LREM
      • Frédérique Dumas, UDI
      • Bernard Jomier, PRG
      • Hélène Conway-Mouret, PS.

    En introduction du site de l’alliance contre la Chine on trouve ceci

    « Développer une réponse cohérente à la montée en puissance de la République populaire de Chine (RPC) sous la direction du Parti communiste chinois est un défi majeur pour les États démocratiques du monde. Ce défi durera plus longtemps que les gouvernements et administrations individuels ; sa portée transcende les partis politiques et les clivages traditionnels entre politique étrangère et politique intérieure.

    Les hypothèses qui sous-tendent autrefois notre engagement avec Pékin ne correspondent plus à la réalité. Le Parti communiste chinois déclare à plusieurs reprises et explicitement son intention d’étendre son influence mondiale. En conséquence directe, les valeurs et pratiques démocratiques sont soumises à une pression croissante.

    Lorsque les pays ont résisté à Pékin, ils l’ont fait seuls. Plutôt que de monter une défense commune de principes partagés, les pays ont plutôt été conscients de leurs propres intérêts nationaux, qui dépendent de plus en plus de la République populaire de Chine pour les minéraux, composants et produits essentiels.

    Aucun pays ne devrait avoir à supporter seul le fardeau de défendre les libertés fondamentales et l’intégrité de l’ordre international.

    L’Alliance interparlementaire pour la Chine a été créée pour promouvoir une réponse coordonnée entre les États démocratiques aux défis posés par la conduite actuelle et les ambitions futures de la République populaire de Chine. Nous pensons que le foyer naturel de ce partenariat se trouve dans les législatures nationales librement élues de nos peuples. La coordination à ce niveau nous permet de relever un défi qui persistera à travers les changements des gouvernements et des administrations. Nous croyons fermement qu’il y a une force dans l’unité et la continuité. En élaborant un ensemble commun de principes et de cadres qui transcendent les divisions nationales des partis et les frontières internationales, nos démocraties seront en mesure de maintenir les systèmes fondés sur des règles et les droits de l’homme fidèles à leurs objectifs fondateurs. »

    • Docteur en anthropologie sociale de l’université de Cambridge. Titre de la thèse « La tibétité menacée ? Sinisation, réforme de la carrière et du marché au Qinghai, en République populaire de Chine »
    Qui ne connaît pas le sérieux des “preuves” produites par les Etats-Unis et leurs officines. De Timisoara à l’Irak… en passant par le Xinjiang
    • Chercheur principal en études chinoises à la Fondation commémorative des victimes du communisme ( VOC )[9] (dont le slogan est « le communisme a tué plus de 100 millions de personnes » et au budget de plusieurs millions d’euros). Le but ce cette organisation américaine est « d’éduquer les générations futures sur l’idéologie, l’histoire et l’héritage du communisme… Les attitudes positives envers le communisme et le socialisme sont à un niveau record aux États-Unis, Nous avons l’obligation solennelle d’exposer les mensonges du marxisme pour les naïfs… Au XXIe siècle, nous avons l’occasion d’apprendre du XXe siècle et de consacrer à nouveau notre société libre basée sur la liberté individuelle, la libre entreprise, la primauté du droit, l’autonomie démocratique et les droits de l’homme. ». La VOC ne cache si peu ses liens avec les agences de propagande des Etats Unis qu’elle a décerné son prix annuel intitulé “Truman Reagan Medal of Freedom” à… la NED, la National Endowment for Democracy. C’est à dire l’agence qui subventionne les organisations à la solde des Etats-Unis pour diviser et miner les pouvoirs des pays qui ne lui sont pas inféodés. La VOC a été fondée en 1993 par Lev Dobriansky, Lee Ewards, et Zbignew Brzezinski. Lee Edwards était membre du Comité pour une Chine libre de Tchiang Kaï-chek et fondateur de la section américaine de la Ligue anticommuniste mondiale (WACL), une organisation internationale d’extrême droite – également initiée par Tchiang Kaï-chek – qui comprenait des personnalités « illustres » comme Otto Skorzeny (Waffen-SS, organisation des anciens membres SS), Ante Pavelić[10] (Oustachis de Croatie) et plusieurs chefs des escadrons latinoaméricains de la mort. Font parties du VOC :
      • John K. Singlaub, un ancien général de l’armée américaine qui a été l’un des fondateurs de la CIA et a dirigé les opérations de la CIA pendant la guerre civile chinoise. En 1977, Singlaub a dû démissionner après avoir critiqué publiquement le retrait annoncé par le président Carter des troupes américaines de Corée du Sud (il était commandant de toutes les troupes en Corée du Sud). Il a ensuite fondé la « Western Goals Foundation » un service secret privé qui a organisé la livraison d’armes aux Contras d’extrême droite au Nicaragua pendant l’affaire Iran-Contra. La « Western Goals Foundation » a été décrite par un ancien membre comme un « ramassis de nazis, de fascistes, d’antisémites, d’ignobles racistes et d’égoïstes corrompus ». M. Singlaub a également été président de la WACL.
      • Emil Constantinescu, ancien président de la Roumanie de 1996 à 2000.
      • Sali Berisha, ancien président de la République d’Albanie de 1992 à 1997 et 1er ministre de 2005 à 2013.
      • Mart Laar, Premier ministre d’Estonie de 1992 à 1994, puis de 1999 à 2002 et ministre de la Défense de 2011 à 2012, membre de la société du mont pèlerin
      • Vytautas Landsbergi, président lituanien de 1990 à 1992, député européen de 2004 à 2014, auteur de « un peuple sort de prison » [11] financé par la fondation Robert Schuman et comprenant de nombreuses lettres entre Mitterrand et V. Landsbergi.
      • Armando Valladares, terroriste d’origine cubaine[12], ancien policier de Batista.
      • Edwin J.Feulner, président actuel du VOC et ancien président de la société du mont pèlerin (voir livre baise ton prochain).

    La VOC est membre de la plateforme de l’Union Européenne pour la mémoire et la conscience européenne[13] : Cette plateforme européenne qui se veut contre le totalitarisme est exclusivement anti communiste …il n’y a « étrangement » quasiment rien sur le nazisme, est une émanation du groupe de Visegrad

    • Illuminé religieux. Zenz a prédit que la future chute du capitalisme amènera l’Antéchrist au pouvoir dans « quelques décennies ». Il a identifié la force qui « fera entrer l’Antéchrist au pouvoir » comme «la chute économique et financière de« Babylone », « Babylone » représentant symboliquement le système économique mondial (le capitalisme)».


    “Digne de s’échapper: pourquoi tous les croyants ne seront pas enlevés avant la tribulation”, par Adrian Zenz et Marlon L. Sias

    • Homophobe, misogyne, antiavortement. Zenz considère « le relativisme postmoderne et la pensée de tolérance » et leur promotion apparente de l’homosexualité, de l’égalité des sexes et de la parentalité non violente comme des menaces pour le christianisme.

    « Il est très probable que la persécution mondiale des vrais croyants se concentrera sur l’accusation de promouvoir des « opinions intolérantes »

    « en particulier en ce qui concerne la prédication contre l’homosexualité.»

    « [les] lois contre le crime et la lutte contre la discrimination joueront probablement un rôle majeur dans la répression du christianisme biblique»

    et faisaient partie d’une «campagne de tolérance» anti-chrétienne » parce qu’elles

    « interdisaient aux employeurs de discriminer sur la base de genre ou orientations sexuelles. »

    “Le résultat de ce processus est une rébellion ouverte contre Dieu et les structures d’autorité humaine données par Dieu”,

    «Grâce aux notions d’égalité des sexes […], l’ennemi mine les attributions de rôle uniques mais différentes de Dieu pour les hommes et les femmes.»

    • N’a visité la province du Xinjiang qu’une seule fois – en 2007 en tant que touriste. Pour ses études, il a fait des recherches sur des sources Internet librement accessibles, telles que des appels d’offres et des offres d’emploi du gouvernement chinois dans la province du Xinjiang, et sur cette base, il a soit disant estimé le nombre de détenus dans les camps de rééducation chinois[14].
    • Employé par la Fondation Jamestown[15], un groupe de réflexion néoconservateur à Washington DC fondé à la suite des efforts du directeur de la CIA de Ronald Reagan, William J. Casey, pour établir une chaîne extra-gouvernementale pour payer les dissidents soviétiques. Dans le passé, les dirigeants de Jamestown ont été le fer de lance des efforts de lobbying pour soutenir le séparatisme en Tchétchénie.

    [1] https://www.globaltimes.cn/content/1197187.shtml – traduction intégrale à lire ci-dessous

    [2] https://www.wsj.com/articles/the-german-data-diver-who-exposed-chinas-muslim-crackdown-11558431005

    [3] https://www.awm-korntal.eu/

    [4] https://www.wycliffe.net/

    [5] https://aem.de/

    [6] https://aem.de/mitglieder/ ; https://chinapartner.org/

    [7] https://ipac.global/about/

    [8] https://fr.wikipedia.org/wiki/Samuel_Cogolati

    [9] https://victimsofcommunism.org/

    [10] https://fr.wikipedia.org/wiki/Ante_Paveli%C4%87

    [11] https://www.europarl.europa.eu/100books/file/FR-H-BW-0051-Un-peuple-sort-de-prison.pdf

    [12] https://www.ecured.cu/Cubadebate

    [13] http://www.memoryandconscience.eu/

    [14] https://www.wsj.com/articles/the-german-data-diver-who-exposed-chinas-muslim-crackdown-11558431005

    [15] https://jamestown.org/analyst/adrian-zenz/

     


    L’enquête du Global Times : “Un groupe de réflexion du Xinjiang présente Adrian Zenz comme un escroc sous un déguisement d’universitaire.

    Lian Yuchun, Li Yuanbin and Li Dabiao – 2020/8/9 – Global Times

    Un “universitaire” allemand nommé Adrian Zenz s’est récemment distingué sur la scène anti-chinoise. Avec ses “rapports” accusant la Chine de “détenir” les Ouïgours et d’autres groupes minoritaires ou d’imposer la “stérilisation” aux minorités ethniques de sa région du Xinjiang, Zenz a été accueilli par les médias américains et occidentaux comme “un expert de premier plan” sur le Xinjiang. Cependant, des universitaires chinois d’un groupe de réflexion basé au Xinjiang, le Centre de recherche sur le développement du Xinjiang, ont découvert que ce soi-disant expert du Xinjiang est un chrétien d’extrême droite qui fabrique des rapports sans fondement pour calomnier les politiques chinoises au Xinjiang et répondre à l’objectif des États-Unis et de certains pays occidentaux d’attaquer la Chine. Les “rapports” de Zenz, qui ont été cités et mis en avant par certains médias occidentaux, sont remplis de mensonges, d’hypothèses farfelues et d’accusations sans fondement.

    Qui est Adrian Zenz ?

    Adrian Zenz, un “universitaire” évangélique, a récemment publié de prétendus rapports sur la région autonome ouïgoure du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine, afin de dénigrer la politique chinoise dans la région.

    Qui est Adrian Zenz ? Qu’a-t-il fait pour que les États-Unis et les pays occidentaux le présentent comme l’un des “principaux” experts étudiant la région autonome chinoise du Xinjiang et du Tibet ?

    Zenz, né en 1974, est allemand. Il se fait appeler Zheng Guoen en chinois. Il travaillait pour l’École européenne de culture et de théologie et s’est rendu au Xinjiang chinois en 2007 en tant que visiteur.

    À partir de 2016, Zenz a commencé à commenter le Xinjiang chinois, et à calomnier et déformer sans raison les politiques de la Chine dans la région. Il a inventé plus de 10 rapports relatifs au Xinjiang, dont un publié en février et intitulé The Karakax List : Dissecting the Anatomy of Beijing’s Internment Drive in Xinjiang et un autre, publié en juillet, intitulé Sterilizations, IUDs, and Coercive Birth Prevention : The CCP’s Campaign to Suppress Uyghur Birth Rates in Xinjiang.

    Il a également continué à lancer des accusations sensationnelles et infondées contre la Chine, notamment en affirmant qu’environ “1 million de Ouïgours sont détenus illégalement au Xinjiang”, que “le Xinjiang impose des mesures de contrôle des naissances aux Ouïgours et aux minorités” et que “le Xinjiang pratique un génocide culturel sur les minorités”.

    Sous le soutien véhément des médias occidentaux, dont le New York Times et le Washington Post, Zenz a gagné en infamie sur la scène anti-chinoise et a été accueilli comme “un expert du Xinjiang”. Il a reçu l’approbation enthousiaste de politiciens anti-chinois des États-Unis et est devenu un membre central d’un groupe de recherche sur le centre de formation professionnelle et d’éducation du Xinjiang, mis en place et contrôlé par une agence de renseignement américaine.

    Ces dernières années, Zenz a fait la navette entre le Congrès américain, le Parlement européen et le Parlement canadien, lançant des accusations sans fondement contre les politiques chinoises au Xinjiang afin de susciter des attaques et des pressions sur la Chine en utilisant les soi-disant “problèmes de droits de l’homme des Ouïgours”. En mars, en compagnie de nombreux politiciens américains et de membres des séparatistes du “Turkistan oriental”, Zenz a assisté à un événement intitulé “La persécution systématique des Ouïgours par la Chine” au Musée du Mémorial de l’Holocauste des États-Unis, attisant le discours anti-chinois de la communauté internationale afin de contenir la Chine en déformant les sujets relatifs au Xinjiang.

    En l’espace de deux ans seulement, Zenz, qui a commencé comme un spécialiste de la théologie, s’est transformé en un “expert faisant autorité” sur le Xinjiang. Dans une interview accordée au Wall Street Journal, Zenz a déclaré que son travail contre la Chine s’inspire de cette vision biblique du monde. “Je me sens très clairement conduit par Dieu à faire cela”, a-t-il déclaré.

    Un “universitaire” à la recherche de gains personnels grâce à des rapports falsifiés

    Un examen plus approfondi des soi-disant “rapports universitaires” de Zenz révèle qu’il utilise la recherche universitaire pour dissimuler des objectifs anti-chinois.

    Auparavant, lorsque Zenz voyait les États-Unis et les pays occidentaux utiliser les questions relatives au Tibet pour s’immiscer dans les affaires intérieures de la Chine, il inventait une série d’articles sur le Tibet et les offrait intentionnellement aux politiciens et aux médias pour qu’ils en fassent un battage médiatique. Et maintenant, lorsque les États-Unis et l’Occident se tournent vers le Xinjiang, Zenz saute sur l’occasion – sans aucune recherche ni étude universitaire, il publie des rapports de mauvaise qualité sur le Xinjiang – pour attirer l’attention du public et pêcher par intérêt personnel.

    Ces prétendus rapports sur le Xinjiang sont pleins de mensonges et de fabrications et n’ont aucune crédibilité. Par exemple, dans le rapport sur le “contrôle forcé des naissances au Xinjiang”, il a cité des menteurs avérés, dont Zumrat Dawut, Mihrigul Tursun et Tursunay Ziyawudun, pour étayer ses conclusions. Ces personnages sont apparus dans 80 % des reportages actuels sur le Xinjiang mis en avant par les médias occidentaux – ce sont des marionnettes manipulées par les forces anti-chinoises et qui fabriquent des mensonges en se conformant aux instructions des manipulateurs.

    Zumrat a été citée par Zenz comme ayant été forcée à se faire stériliser au retour d’un centre de formation. Selon les informations des autorités compétentes, Zumrat n’a jamais été dans un centre de formation au Xinjiang. Elle a demandé à subir une opération contraceptive après avoir donné naissance à son troisième enfant à l’hôpital de soins de santé maternelle et infantile d’Urumqi en mars 2013.

    Quant à Mihrigul, elle a été détenue par le bureau de la sécurité publique de Qiemo le 21 avril 2017 pour incitation à la haine et à la discrimination ethniques. On a découvert qu’elle avait la syphilis et d’autres maladies infectieuses et, par souci humanitaire, elle a été libérée le 10 mai 2017. Elle n’a jamais fréquenté de centre de formation et n’a jamais été contrainte de prendre des médicaments. Mihrigul a également affirmé que son frère avait été torturé à mort dans le centre d’entraînement du Xinjiang, mais cette affirmation a ensuite été démentie par son frère. Tursunay a divorcé pour cause de stérilité et n’a jamais subi de DIU ni d’opération contraceptive. La “fille” qu’elle a au Kazakhstan est en fait la fille de la nièce de son mari actuel.

    En plus de citer des menteurs, les rapports de Zenz sont pleins d’imagination et basés sur des préjugés. Il suppose que le recrutement régulier d’officiers de police au Xinjiang a pour but de préparer la “détention” des Ouïgours et d’autres groupes minoritaires, décrit les internats du Xinjiang comme une garantie de “détention” massive et dénigre l’emploi volontaire des résidents locaux en dehors du Xinjiang en le qualifiant de “travail forcé” organisé par le gouvernement local.

    Les rapports de Zenz sont également pleins d’hypothèses ; on y trouve généralement des mots comme “peut” ou “estimé”. Il présume également des conclusions et cherche des “preuves” pour les étayer. Il a d’abord affirmé que le Xinjiang exerçait un “contrôle des naissances” sur les Ouïgours en citant comme preuve le contrôle physique gratuit de tous les résidents du Xinjiang, affirmant que cette mesure visait à trouver les contrevenants aux mesures de “contrôle des naissances”. Il a affirmé que le Xinjiang “restreint” la liberté des groupes ethniques et a utilisé comme “preuve” les installations CCTV du Xinjiang qui servent à la gestion des transports et à la sécurité sociale.

    Collusion avec les forces anti-chinoises et les séparatistes

    Zenz n’a jamais été un soi-disant “expert du Xinjiang” mais peut être décrit de manière plus appropriée comme un escroc universitaire et un chien d’attaque des forces anti-chinoises.

    Dans sa “liste Karakax”, Zenz se décrit comme un chercheur principal en études chinoises à la Fondation commémorative des victimes du communisme, un organisme d’extrême droite.

    La Victims of Communism Memorial Foundation a été créée par le gouvernement américain en 1983. Elle a été décrite par le journaliste Joe Conason comme “le refuge organisationnel des néonazis, des fascistes et des extrémistes antisémites de deux douzaines de pays”, selon le média américain The Grayzone.

    Zenz a affirmé avoir fourni des statistiques à l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI). L’ASPI a été présenté comme un groupe de réflexion “de droite et militariste” financé par des gouvernements américains et occidentaux, des méga-corporations et des fabricants d’armes.

    En plus de travailler avec des forces anti-chinoises et des bellicistes d’outre-mer, Zenz a collaboré avec des séparatistes du Xinjiang et d’outre-mer. En septembre 2018, avec Dolkun Isa, un séparatiste du Xinjiang et également chef du Congrès mondial ouïghour, un réseau soutenu par les États-Unis qui cherche à faire tomber la Chine, Zenz a assisté au 39e Conseil des droits de l’homme des Nations unies. En 2019, en compagnie du responsable de l’Uyghur American Association, un projet affilié au WUC et de ses membres, Zenz a assisté à une audience organisée par la Victims of Communism Memorial Foundation et a prononcé un discours anti-chinois. En février, en collaboration avec les membres d’un autre projet du WUC, le Projet des droits de l’homme en Ouïghour (UHRP), Zenz a fait la “liste Karakax” et a fait de la publicité pour ce sujet via un reportage de CNN.

    “Nous mentons, nous trichons, nous volons”, les remarques du secrétaire d’État américain Mike Pompeo sont devenues la meilleure annotation des agissements de Zenz.

    Alors que le peuple du Xinjiang jouit de la stabilité sociale, du développement économique et de l’harmonie entre les groupes ethniques, les interventions misérables de Zenz devraient être méprisées par le peuple chinois et la communauté internationale.

     

    Lian Yuchun, Li Yuanbin et Li Dabiao, du Centre de recherche sur le développement du Xinjiang.

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • Hua Chunying, la porte-parole du Ministère des Affaires Etrangères de RPC 

    La République Populaire de , suite à des sanctions de l’ contre des responsables politiques chinois sur des questions de « droits de l’homme », vient en retour de sanctionner dix personnes et quatre entités européennes. Les mesures de rétorsion chinoises visent le comité politique et de sécurité, une structure permanente du Conseil de l’UE, la sous-commission des droits de l’homme du Parlement européen, l’Institut Mercator pour les études chinoises, basé à Berlin, et la fondation Alliance des démocraties, une organisation basée au Danemark.

    Les sanctions décidées par l’Union Européenne sont une première depuis 1989 et prennent prétexte de la campagne de propagande lancée à propos du mais également l’offensive pour détacher Hong Kong et de la Chine. 

    La voie empruntée par l’Union Européenne est celle décidée par Washington – à l’opposée de la propagande présentant souvent l’Union Européenne comme une manière de donner aux pays européens un plus grand poids indépendant internationalement. Une voie qui tourne le dos aux intérêts de coopération mutuel du peuple français et chinois, là aussi à l’opposée de la reconnaissance historique de la République Populaire de Chine en 1964 par De Gaulle, malgré les pressions américaines. Une voie de tension et de provocation, qui menace gravement la paix mondiale, et démontre une fois de plus que le capitalisme et ses impérialismes, c’est la confrontation, et une fois de plus le risque de la guerre. En matière de coopération internationale, c’est une nouvelle évidence qu’il y a urgence à sortir du joug de l’Union Européenne qui en est la négation et le verrou d’une géopolitique impérialiste.

    Éclats de voix diplomatiques entre la France et la Chine

    Convoquée par le ministre des affaires étrangères français le 23 mars 2021, l’ambassadeur de Chine en France, Lu Shaye, a mis les points sur les i sur la question de Taïwan et sur la dernière sanction de l’UE à l’encontre de la Chine au sujet du Xinjiang.

    Il a ainsi dénoncé le choix du gouvernement français d’empoisonner les relations bilatérales. Le représentant de la Chine a rappelé l’opposition de son pays aux déclarations des officiels, institutions et fonctionnaires français qui violent le principe d’une seule Chine, y compris le bureau de représentation de Taipei en France qui utilise à tort des “titres et véhicules diplomatiques”, et ce alors que Taiwan est une province chinoise. Parmi les provocations il est ainsi connu que Wu Chih-Chung du bureau de représentation de Taipei en France s’est ouvertement revendiqué “comme étant le pseudo-ambassadeur”, et a utilisé une plaque diplomatique sur sa voiture, accrochant “le drapeau de l’île”, entrainant une protestation officielle de la Chine non prise au sérieux par la France. Le diplomate chinois a également exprimé de sérieuses inquiétudes quant aux sanctions de l’UE contre la Chine, réaffirmant que la réaction de Pékin est raisonnable et justifiée. “Ce que Paris a fait, c’est de porter atteinte à l’environnement amical entre les deux pays, et ce que l’ambassade de Chine a fait, c’est de sauvegarder la base politique et l’environnement des liens”, a ainsi indiqué M. Lu. L’ambassadeur chinois à Paris est connu pour son franc parlé après s’être élevé contre les paroles et les actes radicaux de certains politiciens et des personnalités de cercles de recherche français proches des milieux de l’armement et de l’OTAN concernant les affaires intérieures de la Chine au Xinjiang. Il avait ainsi qualifié de “petite frappe” Antoine Bondaz, un membre de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), une organisation non universitaire financée à 60% par les ministère de la défense et des affaires étrangères française, et à 20% par l’Union Européenne, donc loin d’être “indépendante”, dont le but affiché est d’intervenir dans le débat public. C’est à dire de mener des actions d’influence et de propagande. Bondaz est le chef du programme “Taiwan” de cette organisation qui vise d’après les intentions publiquement affirmées sur son site à internet à la coopération directe de la France et de l’UE avec Taiwan, reconnue comme une puissance militaire et diplomatique. C’est à dire au séparatisme de Taiwan en violation de la reconnaissance de la RPC par la Chine, en violation également du droit international, Taiwan étant reconnu par les nations unies comme une région de la Chine.

     

    La Chine réplique à l’agression de l’Union Européenne contre sa souveraineté

    La porte parole du ministère chinois des affaires étrangère Hua Chunying a affiché ce 23 mars 2021 également la détermination de la RPC : “Les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et l’Union européenne ont imposé des sanctions au personnel et aux institutions concernés dans la région chinoise du Xinjiang. Ils ont prétendu que c’était pour les droits de l’homme, mais c’était basé sur des mensonges et de fausses informations. La Chine condamne fermement leurs actions.” . Mme Hua a indiqué que les gens de tous les groupes ethniques au Xinjiang, dont les , jouissent de tous les droits constitutionnels et légitimes, ainsi que de la stabilité, de la sécurité, du développement et des progrès, ce qui constitue “l’une des histoires des droits de l’homme les plus réussies”. Certains hommes politiques aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et de l’UE refusent évidemment de faire face à ce fait. Ils ne s’intéressent qu’aux soi-disant “preuves”, qui sont malicieusement fabriquées par des hommes politiques et des experts anti-Chine sur la base de fausses informations, voire de distorsion et d’interprétation erronée des données officielles publiées par la Chine, a indiqué Mme Hua. Une telle pratique prouve seulement qu’ils ne s’intéressent ni aux droits de l’homme ni à la vérité, a-t-elle affirmé. “Ces hommes politiques refusent de reconnaître la réussite et le développement de la Chine, donc ils s’ingèrent dans les affaires intérieures de la Chine sous le prétexte des droits de l’homme et utilisent diverses excuses pour contenir le développement de la Chine”, a indiqué Mme Hua.

    Ces “juges” autoproclamés des droits de l’homme sont vifs de sermonner les autres, mais leur bilan en matière des droits de l’homme est ignoble. Ils ne sont pas en mesure de critiquer la Chine, et encore moins de blâmer la Chine pour ce qu’ils ont commis, a noté Mme Hua.

    “Ces pays ne font preuve d’aucune repentance pour les troubles qu’ils ont créés dans d’autres pays, et vont même plus loin en imposant des sanctions unilatérales aux autres sous le prétexte des droits de l’homme, portant gravement atteinte aux droits à la vie, à la santé et au développement des gens dans les pays concernés”, a-t-elle déclaré.

    Face à la pandémie de COVID-19, les pays mentionnés ci-dessus, qui sont les pays les plus développés, ont fermé les yeux sur les droits à la vie et à la santé de leurs propres populations, entraînant la perte de dizaines de centaines de vies. Dans la poursuite du “nationalisme de vaccin”, ils ont amassé des vaccins dont le montant est bien plus élevé que les besoins de leur population, laissant les pays en voie de développement dans le malheur des vaccins insuffisants.

    “Nous ne pouvons nous empêcher de poser des questions : comment les gens peuvent-ils avoir des droits s’ils perdent la vie ? Les Etats-Unis et l’Occident ont prétendu protéger les droits de l’homme, mais qui et quel droit protègent-ils ? De quelle manière respectent-ils et protègent-ils les droits de l’homme ? Ne doivent-ils pas se sentir honteux ?”

    “Aujourd’hui n’est plus l’époque où les puissances étrangères peuvent forcer la Chine à ouvrir ses portes à coups de canons ; non plus le temps où des soi-disant experts et presses en collusion peuvent diffamer sans le moindre scrupule la Chine sans se faire sanctionner”, a déclaré Mme Hua.

    “Nous les exhortons à ne pas sous-estimer la ferme détermination du peuple chinois à défendre les intérêts nationaux et la dignité nationale. C’est une courtoisie de rendre la pareille à ce que l’on reçoit”, a-t-elle noté

     

    JBC pour www.initiative-communiste.fr

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • S’il est un événement de toute importance dans l’île de , c’est la préparation au VIIIeme congres du . Et c’est à Camagüey que se préparent les délégués. Participent les secrétaires de cellules, de comités, et de ville, issus de secteurs comme l’agriculture,la construction, le transport, l’industrie,la culture et l’Université, avec 53% de participation de femmes.

    Daniel Fuentes Milanes, secretaire du PCC dans la capitale de province, a fait référence a ce qui appartient a l’Histoire qui, comme chacun des congrès du parti communiste, a un rapport avec le déroulement en cette année 2021, a partir des thèmes abordés et du contexte.

    Ce dernier est marqué par le COVID-19, les difficultés et changements économiques, et la situation internationale complexe, aggravée pour Cuba à cause du blocus économique, commercial et financier imposé par les Etats-Unis : ce sont les lois d’embargo états-unien en particulier les lois Torricelli (1992), et Helms-Burton (1996) durcies par Trump et renouvelées par Biden.

    Les lignes du parti communiste exigent un lien direct avec la base, et la sensibilité humaine qui permettra d’apporter les réponses et les solutions appropriées à chaque situation, précise Julio César Toledo Martín, secrétaire du Comité de Ville de Vertientes, et délégué du Congrès.

    En outre, une attention particulière est portée sur la politique des cadres du Parti et la préparation à la carrière des jeunes communistes.

    Et Fuentes Milanes d´ajouter que, si depuis le Parti chaque militant applique les politiques et lignes débattues dans son travail quotidien, cela génèrera de meilleurs résultats économiques et une plus grande satisfaction du peuple eu égard avec les actions de l´État et le gouvernement dans chaque territoire :

    La conduite du pays que nous construisons tous ensemble est à charge de l´avant-garde politique cubaine qui se réunira le mois prochain, juste lors de l´anniversaire de la déclaration du caractère socialiste de la Révolution.

    Lien traduit: www.cadenagramonte.cu/articulos/ver/102719:dialogan-en-camaguey-delegados-al-viii-congreso-del-partido-comunista-de-cuba-video

    Antoine LUCI Pôle Hispanique-Commission Relations Internationales-PRCF-pour www.initiative-communiste.fr


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  • 3 mars 2019 à Ouagadougou, Burkina Faso 

    Des révélations publiées récemment dans un journal burkinabè tendent à prouver que des Français, probablement de la DGSE, sont venus au Burkina pour détruire des écoutes téléphoniques le lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara.

    Ces révélations rendent compte de la préparation du complot pour assassiner le Président Thomas Sankara, de l’implication de Blaise Compaoré et de ses hommes, et du déroulement précis des évènements. Mais nous nous intéresserons ici à l’implication de Français.

    Barril et des agents français présents le lendemain de l’assassinat de Thomas Sankara le 16 octobre 1987 à Ouagadougou ?

    « Dès le lendemain 16 octobre 1987. (.: :), Jean-Pierre Palm (NDLR : Officier de gendarmerie inculpé dans le dossier de l’assassinat du Président Sankara) est venu, accompagné d’un blanc qui serait un technicien, plus un autre qui serait un capitaine français dénommé Barril... ». Ce témoignage viendrait d’un agent des services de renseignements. Tel est en substance un des témoignages que cite le journaliste Hervé d’Afrik, du bimensuel Courrier Confidentiel N°226 du 15 février 2021. Mais ce n’est pas tout.

    Un autre ajoute : « Nous avons pris les archives d’écoute concernant Blaise Compaoré et Jean-Pierre Palm, que nous nous sommes partagées, et avons procédé à leur destruction. Palm en personne est venu dans notre service, accompagné de Français (...) à la recherche des preuves qu’il était sous écoute. Il a récupéré toutes les bandes d’enregistrement et toutes nos archives, y compris une table d’écoute (...) La table elle-même a été désactivée puisqu’elle ne pouvait pas être emportée, elle était bien fixée et scellée. Notre chef de service (...) a été par la suite mis aux arrêts et gardé à la salle C par Jean-Pierre Palm ».

    Suit un autre témoignage de Jean Pierre Palm lui-même confirmant la présence de Français ce jour-là, venus « faire le point des matériels des forces armées ».

    Le journaliste, auteur d’une série d’articles sur l’assassinat de Thomas Sankara contenant d’autres révélations, qui signe Hervé d’Afrik, est considéré comme l’un des meilleurs du Burkina. Le bimensuel où il travaille Courrier Confidentiel publie de nombreuses enquêtes documentées de toutes sortes. Contrairement à la plupart des autres journaux burkinabè, les dirigeants de ce journal ont créé un modèle original en faisant payer les articles sur leur site, le seul à le faire jusqu’ici à ma connaissance, tout en faisant vendre des exemplaires papiers qu’il ne faut pas tarder à payer faute de ne plus les retrouver. D’autres journaux, tout aussi sérieux, comme Mutations, Le Reporter n’ont pas adopté ce modèle, comme me l’ont confié des membres de la rédaction récemment. Les partages sur internet ont fortement fait baisser leur vente les mettant en danger. Les voilà aujourd’hui en crise par manque de ressources dû essentiellement aux partages des articles sur les réseaux sociaux. Sans doute est-ce le cas de l’Événement, tout aussi sérieux ?

    Selon Robert Bourgi, Foccart aurait alerté Thomas Sankara qu’on voulait le supprimer

    Dans le numéro N° 224 du 25 janvier 2021, Hervé d’Afrik publie un long témoignage de Robert Bourgi, qui se présente lui-même comme ayant été « appelé à fréquenter de manière assidue Mon­sieur Jacques Foccart ». Il affirme être devenu un « ami très proche » de Thomas Sankara.

    Et voilà ce que lui demande Foccart. « Robert, il serait bon que vous alliez à Ouaga afin de mettre en garde le président Sankara dont vous êtes l’ami. D’après ce que je sais, il pourrait lui arriver des désagré­ments ». Il ne m’en a pas dit plus » » ! Robert Bourgi raconte être alors allé voir Thomas Sankara qui paraît alors surpris. Il poursuit : « Les semaines passent et au mois d’octobre 1987, dans le cadre de mes fonctions, j’ef­fectue un déplacement à Dakar ». Et là, coup de fil surprise, dit-il. « Un matin, je reçois un coup de fil du Président San­kara qui me dit ceci : « Robert, j’ai vérifié et effectivement j’ai renforcé ma garde ». Et Robert Bourgi de préciser : « Si mon­sieur Foccart avait des informations, c’est qu’il les tirait des (services) de Rensei­gnements. À Matignon, on travaille sur les renseignements de la DGSE ». Il n’y aurait donc plus de réseaux Foccart ?

    Que penser de ce témoignage ? Conseil d’ami de Foccart ou avertissement ? Le passé sulfureux de ce créateur d’un des réseaux françafricains les plus actifs, la deuxième hypothèse nous semble de loin la plus probable.

    Curieusement les quelques documents des archives diplomatiques concernant les rapports de Foccart avec Thomas Sankara, notamment quelques comptes-rendus de leur rencontre font état de bons rapports entre les deux. Mais à part quelques lignes de Foccart écrites à la main, aucune note de Jacques Foccart n’y est disponible.

    Ces articles reprennent d’autres témoignages déjà connus à savoir celui du journaliste du Figaro, François que Guy Penne a mis en contact avec l’amiral Lacoste, qui lui propose de rencontrer le chef des opérations africaines à la Direction des renseignements généraux, où la lettre de Jacques Chirac à son ministre de la coopération Michel Aurillac en représailles du co-parrainage du Burkina Faso d’une résolution en faveur de l’indépendance de la Nouvelle Calédonie. (voir https://www.thomassankara.net/thomas-sankara-votait-pour-linscription-de-la-nouvelle-caledonie-sur-cette-liste-des-territoires-a-decoloniser-en-1986-les-consequences-seront-lourdes/)

    Nous reviendrons plus tard et plus en détail sur d’autres révélations d’autant plus que Courrier Confidentiel annonce au moins un nouvel article.

    La France n’a pas livré de documents déclassifiés ?

    C’est en tout cas ce qu’affirme Hervé d’Afrik dans le numéro 228 du 5 mars 2021 dans un encadré intitulé « le jeu trouble de la France ». À propos des documents reçus par la justice burkinabè : « Il ne s’agit pas de documents « ultra confidentiels » qui viennent d’être déclassifiés comme on tente de le faire croire. Ces documents font parties d’archives diplomatiques françaises... Il ne s’agit pas en réalité d’archives déclassifiées », précisant à un autre endroit qu’il s’agit de « simples archives diplomatiques ».

    Ainsi, ce que nous craignions semble se préciser. Les promesses du président Macron au Burkina en 2017 n’étaient-elles que du vent pour éviter des incidents lors de son séjour en novembre 2017 ? Bien sûr ces informations méritent confirmation. Cependant je peux affirmer que ce qu’écrit Hervé d’Afrik confirme des informations que j’ai pu recueillir par d’autres voies. Alors que le sentiment anti-gouvernement français ne cesse de s’amplifier dans le Sahel, notamment au Mali, Burkina et Niger, de tels comportements de la part de notre gouvernement ne peuvent que susciter de l’inquiétude si ce n’est de la colère.

    Bruno JAFFRÉ

    source: http://www.cadtm.org/Affaire-Sankara-nouvelles-revelations-en-provenance-du-Burkina

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