• Daniel Jadue

    Une augmentation de 4 pesos (30 centimes d’euro) du prix du ticket de métro ! Telle est, en version simplifiée, ce qui provoque l’explosion sociale, à Santiago du Chili, le 18 octobre 2019. Si l’on élargit l’analyse, on déduit que la révolte est due à la politique néolibérale du président Sebastián Piñera ainsi qu’à la déconnexion des « élites » et de la classe politique face à un quotidien insupportable pour de très larges pans de la population.
    En une semaine, le Chili s’embrase (au sens figuré du mot). Le 25 octobre, dans la capitale Santiago, 1,2 millions de personnes battent le pavé de l’emblématique Plaza Italia, rebaptisée place de la Dignité. Mélange d’aveuglement obtus et d’obstination dans l’erreur, le pouvoir ne prend pas le mouvement au sérieux. La grève générale du 4 novembre lui remet les yeux en face des trous. Cette fois, le Chili flambe (au sens propre du mot). Menée par les carabiniers, la répression s’abat. Féroce, disproportionnée. A la mi-janvier 2020 on dénombrera (au moins) 27 morts, 3 650 blessés (dont 405 victimes de lésions oculaires), 22 000 détentions.

    Il s’agit de la plus importante rébellion sociale depuis les « protestas » de 1983-1985 contre la dictature du général Augusto Pinochet [1]. Entre deux manifestations, et plus qu’ailleurs dans les conseils communaux autoconvoqués, on discute beaucoup de la nécessité de transformer le modèle politique et économique. Une revendication émerge : le remplacement de la Constitution votée en 1980, en pleine dictature (1973-1990), sous état de siège et sous l’emprise des Chicago Boys [2]. Ce carcan limite fortement l’action de l’Etat en matière de santé, d’éducation, de retraites, de sécurité sociale, de gestion de l’eau (pour ne citer que ces secteurs), livrées à l’activité privée.
    Mis en difficulté par l’ampleur d’une rébellion qu’il ne parvient pas à contrôler, le pouvoir, à contrecœur, doit lâcher du lest. Le 15 novembre 2019, une session marathon du Congrès se termine par l’annonce d’un « Accord pour la paix sociale et la nouvelle Constitution  ». Un processus référendaire se déroulera le 25 octobre 2020. Deux questions seront posées aux Chiliens :
    1) souhaitez-vous une nouvelle Constitution ?
    2) si oui, souhaitez-vous que cette Constitution soit rédigée par une Convention mixte (composée à 50 % de parlementaires et à 50 % de citoyens) ou par une Convention constitutionnelle (composée uniquement de citoyens) ?

    Le 25 octobre inflige un camouflet à Piñera et à la droite qui appuyaient le « rechazo » (« je rejette ») à l’élaboration d’une nouvelle Constitution. Le « apruebo » (« j’approuve ») recueille 78,27 % des voix. Pour le plus grand déplaisir des parlementaires, toutes tendances confondues, qui en avaient fait leur option privilégiée, une Convention mixte (qui les aurait inclus d’office pour moitié) est vigoureusement rejetée (21 % des suffrages) au profit d’une Convention constitutionnelle (79 %) [3]. Sur une base paritaire – autant d’hommes que de femmes –, et avec dix-sept sièges réservés aux peuples indigènes (Mapuche, Aymara, Rapanui, Quechua, etc.), l’élection des 155 constituants aura lieu le 11 avril 2021, en appliquant le système utilisé pour l’élection des députés (à la proportionnelle, dans 28 circonscriptions bénéficiant de trois à huit représentants) [4]. Une fois rédigé, le nouveau texte fondamental sera soumis à un plébiscite de ratification, avec vote obligatoire, en 2022.
    « Adios, general ! », chante la foule en liesse, le soir de la déroute des conservateurs, reprenant l’un des hymnes de l’opposition à Pinochet…

    « Un tournant historique ! » « Le scrutin le plus important depuis la fin de la dictature ! » « Le Chili aura une Constitution rédigée par les citoyens ! »…
    Il s’est agi, de fait, d’une incontestable victoire. Mais… A bien y regarder, le panorama n’est pas aussi enthousiasmant qu’il y paraît. Lors de l’accord du 15 novembre, tant Chile Vamos, la coalition de droite pro-Piñera, que la supposée opposition – centristes de l’ex-Concertation (Parti socialiste, Démocratie chrétienne) et coalition de centre-gauche baptisée Front élargi – ont bétonné le processus de manière à ce qu’il ne leur échappe pas. Seuls le Parti communiste et le Parti humaniste ne se sont pas prêtés au jeu.
    Après avoir défendu (droite) ou s’être accommodée (centre gauche) du système ultralibéral lorsqu’elle gouvernait, cette classe politique, dans le dos des citoyens, a en effet imposé une camisole de force empêchant tout changement radical de la loi fondamentale. D’abord, en écartant le concept d’Assemblée constituante (par définition souveraine et susceptible d’élaborer son propre règlement) au profit d’une Convention constitutionnelle (qui ne peut s’attribuer des fonctions non prévues par l’actuelle Constitution). Cette limitation a permis d’emblée d’écarter toute remise en cause d’enjeux aussi fondamentaux que les traités internationaux, par définition néolibéraux, ratifiés par le Chili. D’autre part, un quorum des deux tiers de la Convention (plutôt qu’une majorité simple) sera nécessaire à l’approbation des articles composant le nouveau texte constitutionnel. Un droit de veto assuré pour la droite conservatrice, qui, depuis 1990, a toujours obtenu un nombre de siège supérieur à ce seuil, dans tous les scrutins.

    Pour l’élection des constituants, ces partis politiques hégémoniques depuis la fin de la dictature sont autorisés à soumettre leurs listes, individuellement ou en alliance avec d’autres formations. De son côté, la société politisée, qui s’en défie et les rejette, va au combat sans structures, sans financements, en ordre dispersé. D’après le site d’analyse politique et de pronostics électoraux Tresquintos [5], en comptant les blocs traditionnels et les indépendants du mouvement social, soixante-dix neuf listes se présentent dans tout le pays (sans parler des plus de 2 200 personnes qui le font à titre individuel). De là à supputer que la Convention tant espérée sera majoritairement composée de membres issus des partis traditionnels, par définition mieux organisés, il n’y a qu’un pas [6].
    Indépendamment du fait qu’un tel blocage de la volonté populaire risque de provoquer, à court ou moyen terme, de nouvelles et violentes réactions d’acteurs sociaux frustrés, la droite, sur ce terrain, marque le point.

    Entre le 11 avril prochain (élection des constituants) et une date encore non définie de 2022 (référendum destiné à approuver la nouvelle Constitution), aura lieu, le 21 novembre 2021, une autre consultation majeure : l’élection présidentielle. Conséquence de la gigantesque vague de contestation et du discrédit de l’appareil politique, un nouveau venu taille des croupières, dans les sondages, à Joaquín Lavín (UDI ; ministre lors du premier mandat de Piñera) et aux autres candidats présumés : le communiste Daniel Jadue.

    Daniel Jadue (Photo : RedDigital)

    Membre du comité central du PC, Jadue est, depuis le 6 décembre 2012, maire de Recoleta (150 000 habitants), l’une des trente-sept municipalités qui composent le Grand Santiago. C’est dans cette ville que, le 15 octobre 2015, il a créé la première pharmacie populaire du pays. Dans ce Chili du capitalisme roi, trois grandes chaînes contrôlent 90 % du marché : Cruz Verde, associée à la mexicaine Femsa ; Farmacias Ahumada, filiales de l’américaine Walgreens ; et la chilienne Salcobrand. Conséquence de cette concentration, le prix des médicaments est supérieur à ceux pratiqués en Europe, aux Etats-Unis et dans les autres pays de la région (en 1995 et 2008, les trois pieuvres en question ont été condamnées pour collusion).
    En achetant à un organisme d’Etat fournisseur du système public de santé – la Centrale nationale d’approvisionnement (Cenabast) –, en négociant directement avec les laboratoires et en important des médicaments de l’étranger, la Pharmacie populaire Ricardo Silva Soto de Recoleta réduit immédiatement les prix de 30 % à 50 %.

    Fort de cette réussite, bientôt imitée par plus de cent cinquante « municipios » (y compris de droite), Jadue élargit l’initiative en créant une « Optique populaire » (avril 2016), une « Immobilière populaire » (janvier 2018), une « Librairie populaire » (janvier 2019), un « magasin de disques populaire » (RecoMúsica ; avril 2019) ainsi qu’une « Université ouverte » (novembre 2018). Plébiscité par la population de Recoleta, ce laboratoire de politiques publiques ne passe pas inaperçu. Bien au-delà de la modeste influence du PC, la notoriété de Jadue s’accroît. Jusqu’à le placer en tête des sondages. Déclenchant des moues incrédules : un « rouge » à La Moneda (le palais présidentiel) ? Dans un pays où l’armée a renversé le socialiste Salvador Allende et où l’anticommunisme demeure extrêmement prégnant ?
    Interrogé sur les effets possibles d’une campagne menée sur ce thème pour casser ses possibilités de succès, Jadue répond : « Tout ce qui vient aujourd’hui du pouvoir sera rejeté. Toute campagne venant du pouvoir et de la domination, de l’extrême droite, de la droite et même des secteurs de la Concertation pour essayer de convaincre les gens de ce qui est bon... eh bien… les gens ne font plus confiance à aucun d’entre eux. L’autre jour, José Miguel Insulza [PS] a déclaré qu’il ne m’aimait pas comme candidat : plusieurs personnes ont répondu que, s’il me trouvait à son goût, je ne jouirais de la confiance de personne au sein de la population [7] ! »

    Ancien ministre (de 1994 à 2005) du démocrate-chrétien Eduardo Frei puis du centriste (souvent catalogué « socialiste ») Ricardo Lagos, secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA) de 2005 à 2015, sénateur depuis 2018, Insulza n’est pas le seul à s’inquiéter. La classe dominante passe à l’action. Avec en déclencheur un article du quotidien de droite La Tercera, Jadue se voit impliqué dans un scandale connu sous le nom de « Luminarias Led ». Lors d’appels d’offres, une société, Itelecom, a commis des irrégularités dans une vingtaine de municipalités du pays. Or il se trouve qu’elle a rénové l’éclairage public de Recoleta. Dès lors, le Ministère public lance une procédure au prétexte « que tous les prix d’Itelecom ont une origine irrégulière et que, dans le cas de Recoleta, un fonctionnaire peut avoir été impliqué dans le stratagème que la société a organisé pour remporter légalement les enchères (…).  » Le « peut avoir » étant quelque peu léger, une autre accusation complète la première : Itelcom a fait un don de 50 millions de pesos (56 000 euros) à la Corporation culturelle de Recoleta pour l’organisation d’une manifestation musicale de trois jours, le Festival World of Music, Arts & Dance (Womad). Pot de vin, corruption, rétro-commission ? « Je trouve absolument raisonnable qu’une entreprise qui fait des bénéfices dans une commune comme Recoleta, une commune aux ressources limitées, veuille rendre la pareille avec un don tout à fait légal », réagit publiquement Jadue le 10 janvier dernier.

    La presse s’empare tout de même avec un enthousiasme certain de son cas. L’affaire n’avançant pas assez vite à leur goût, trois députés de Chile Vamos se sont adressés le 25 janvier au 3e Tribunal de garantie de Santiago pour déposer une plainte contre le maire de Recoleta, en insistant sur sa complicité dans l’affaire Luminarias et en demandant au ministère public de faire la lumière sur son implication.
    Le but de l’offensive est clair et porte un nom : «  lawfare » [8]. Cette stratégie juridique et médiatique visant à instrumentaliser politiquement la justice pour détruire l’image d’un adversaire politique a déjà été expérimentée sur Luis Inacio Lula da Silva au Brésil, Cristina Fernández de Kirchner en Argentine et Rafael Correa en Equateur – pour ne citer qu’eux.

    Vaste domaine des coïncidences : au même moment explose une bombe qui fait encore plus de bruit et dont les ondes se propagent à l’étranger. Le 29 décembre 2020, depuis Los Angeles (Californie), le célèbre Centre Simon Wiesenthal (CSW) annonce avoir placé Jadue dans le « Top10 des pires antisémites de l’année 2020 ». « Jadue, membre du parti communiste, est une personnalité nationale et est mentionné comme un futur président potentiel. En utilisant les fonds municipaux pour financer des activités pro-BDS [boycott, désinvestissement, sanctions] et anti-Israël, le maire Jadue cible la communauté juive avec des calomnies pernicieuses qui rappellent les Protocoles des Sages de Sion », précise, sans trop faire dans la dentelle, le dossier d’accusation.

    Né en 1977, basée à Los Angeles et disposant de Bureaux à New York, Chicago, Miami, Toronto, Paris, Buenos Aires et Jérusalem, le CSW s’est, par le passé, gagné le respect pour sa traque des criminels de guerre nazis, en fuite ou exilés. Toutefois, ces dernières années, ses cibles naturelles ayant tendance à disparaître, rattrapées par leur âge chaque jour un peu plus canonique, le Centre, sous prétexte de « lutter contre la haine et le racisme », semble s’être donné un nouvel objectif : jeter le discrédit sur les personnes ou organisations critiques du gouvernement israélien, sommairement présentés comme antisémites.

    Quelque temps auparavant en effet, suite à des déclarations très partisanes de dirigeants de la communauté juive chilienne concernant le conflit israélo-palestinien, Jadue avait réagi : « C’est une insulte que l’Etat d’Israël, par ses agents, ici, au Chili, veuille importer le conflit (…) Les dirigeants de la communauté juive du Chili agissent au nom de l’Etat d’Israël (…) Ils doivent définir s’ils sont citoyens chiliens. » La polémique enflant, Jadue, interrogé par le quotidien El Mercurio (8 novembre 2020), « aggravera » son cas : « Je m’entends très bien avec les juifs ; avec les sionistes, j’ai certains problèmes. »
    Un grand classique, somme toute, dont a témoigné, en France, en décembre 2019, un appel de 127 intellectuels juifs aux députés français : « Ne soutenez pas la proposition de résolution assimilant l’antisionisme à l’antisémitisme » [9]. Mais qui prend une résonnance toute particulière dans le contexte chilien.

    S’il compte entre 15 000 et 20 000 Juifs au sein de sa population, le Chili abrite également la plus forte communauté d’origine palestinienne en dehors du monde arabe, avec plus de 350 000 membres. Appartenant à des minorités chrétiennes de Beit Jala, Bethléem, Beit Sahour, Beit Safafa, ceux-ci ont commencé à arriver durant la brutale domination de l’Empire ottoman, au début du XXe siècle. D’autres ont suivi bien plus tard, après l’annexion de Jérusalem en 1967 ou les Intifada des années 1980 et 1990. D’une extrémité à l’autre de l’échelle sociale, tous ont fait leur trou. Les Hirmas, Said, Yarur, Sumar dominent une puissante industrie textile ; la famille Said se trouve également aux manettes des centres commerciaux Parque Arauco ; la Banque de crédit et d’investissement, l’une des plus importantes du pays, est née en 1937 à l’initiative de Juan Yarur Lolas ; etc…
    Côté classes populaires, le club de football Deportivo Palestino a été fondé en 1920. Professionnel depuis 1951, il a gagné le championnat du Chili en 1955 et 1978, la Coupe en 1975 et 1977. C’est la seule équipe au monde à porter un maillot aux couleurs – blanc, vert et rouge – du drapeau palestinien. En janvier 2014, sa nouvelle tenue a déclenché un gros émoi : au dos des maillots, les chiffres « 1 » avaient été remplacés par la carte de la Palestine d’avant 1948 (et la création de l’Etat d’Israël) [10] !

    Deportivo Palestino, 2014

    Au gré des événements, dans un sens ou bien dans l’autre, le Proche-Orient refait régulièrement irruption au Chili. Début août 2014, alors que l’opération « Bordure protectrice » martyrise Gaza, dix mille manifestants portant le « keffieh » au cou et à l’épaule, brandissant des centaines de drapeaux palestiniens, manifestent à Santiago pour demander à la présidente Michelle Bachelet de rompre les relations diplomatiques avec Israël. Ménageant la chèvre et le chou, le gouvernement annoncera l‘envoi de 150 000 dollars et de médicaments aux organismes de l’ONU s’occupant des réfugiés palestiniens.
    En décembre 2018, sous Piñera, inversion de la tendance. Suite à des plaintes de Shai Agosin Weisz, président de la communauté juive chilienne (et de la communauté chilienne en Israël), au sujet de la décision de la municipalité de Valdivia d’interdire à ses services la signature de contrats avec toute société liée à Israël, le Contrôleur national chilien rend illégal le boycott de ce pays par les municipalités.

    Jadue est lui-même un petit fils d’immigrants palestiniens arrivés à Recoleta au milieu du XXe siècle. Très engagé, il a été président de l’Union générale des étudiants palestiniens et coordinateur de l’Organisation de la jeunesse palestinienne d’Amérique latine et des Caraïbes. Ce n’est qu’en 1993, un jour après la signature des Accords d’Oslo, qu’il a officiellement rejoint le Parti communiste du Chili.
    « Je m’entends très bien avec les juifs ; avec les sionistes j’ai certains problèmes », a-t-il donc eu le malheur de déclarerDès le lendemain, l’actuel président de la Communauté juive, Gerardo Gorodicher, réagissait vigoureusement : « Une fois de plus, M. Daniel Jadue fait des déclarations offensantes contre la communauté juive du Chili, camouflant son antisémitisme sous le couvert de l’antisionisme. Dans d’autres pays, un candidat qui aurait tenu ces propos ne serait même pas dans les sondages, il serait éliminé par les partis politiques eux-mêmes. »
    C’est surtout la présence de Jadue en tête des enquêtes d’opinion qui lui a valu l’intérêt du CSW, admet sans gêne aucune le rabbin chilien Abraham Cooper : « La raison pour laquelle cet individu est dans le “Top 10” est qu’il pourrait être le prochain président. Quelqu’un qui se présente sur une plateforme en disant que la communauté juive est une force subversive, qui pourrait poignarder son propre pays dans le dos en servant un autre Etat... Nous savons déjà ce que les nazis ont fait avec ces choses [11]... » Et au cas où la campagne de discrédit menée localement ne suffirait pas pour « tuer symboliquement » ce candidat de gauche, Cooper ajoute : « Cela devrait déclencher l’alarme non seulement au Chili, mais aussi dans l’administration de Joe Biden, chez l’ambassadeur qu’elle devrait envoyer, la personne chargée de l’OEA, le secrétaire d’Etat (...) Le Chili est un pays important pour les Américains, pour les Etats-Unis, nous espérons que la remise de ce rapport suscitera l’inquiétude de la communauté internationale. »
    Cooper ne précise toutefois pas s’il faudra bombarder La Moneda, comme en 1973, si d’aventure Jadue était élu chef de l’Etat.

    Ainsi donc le communiste chilien rejoint-il d’illustres prédécesseurs, à commencer par le vénézuélien Hugo Chávez. Qu’on se souvienne… Le 6 janvier 2009, par solidarité avec les Palestiniens, celui-ci expulse l’ambassadeur de Tel Aviv, Shlomo Cohen. Depuis le 27 décembre, l’opération « plomb durci » lancée par l’armée israélienne contre Gaza a fait (à ce moment) 1 038 morts et plus de 4 850 blessés, parmi lesquels de nombreux enfants, femmes et personnes âgées. Chávez s’emporte, parle de politique « génocidaire », estime que le massacre relève de la Cour pénale internationale (CPI).
    « C’est une décision brutale, qui n’est pas à l’honneur du Venezuela et de son peuple, et qui traduit les alliances conclues par les dirigeants vénézuéliens avec les islamistes et les terroristes », réagit le lendemain le porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères en annonçant, en représailles, l’expulsion du chargé d’affaires vénézuélien à Tel Aviv. 

    Dès lors, l’offensive globale menée contre le chavisme s’orne d’un nouveau versant. En juillet, en tournée dans quelques pays d’Amérique latine, le ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman dénonce l’existence de cellules terroristes dans la Guajira – une péninsule sèche et aride partagée entre le Venezuela et la Colombie. Ancien videur de boîte de nuit, dirigeant ultranationaliste d’extrême droite, ce barbu à la voix rauque s’est fait particulièrement connaître pour sa modération. Genre  : « Les Arabes israéliens qui sont contre nous méritent de se faire décapiter à la hache. » Ou encore : « Je propose de transporter les prisonniers palestiniens en autocars jusqu’à la Mer Morte pour les noyer. » Avec un pedigree aussi respectable, difficile de ne pas le relayer dans sa lapidation du dirigeant vénézuélien.

    En décembre 2010, le Centre Simon Wiesenthal fait donc une irruption très remarquée en demandant à l’OEA d’enquêter sur un « accord secret » entre l’Iran et le Venezuela pour installer dans ce pays « une infrastructure nucléaire de Téhéran ».

    Le 24 décembre 2005, le CSW avait déjà sciemment tronqué et manipulé un discours de Noël de Chávez pour accoler la souillure de l’ « antisémitisme » à son nom. Le Centre avait profité de l’occasion pour inviter les gouvernements d’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay, ainsi que la présidence du Mercosur (le Marché commun du Sud) à « geler le processus d’incorporation du Venezuela à ce bloc jusqu’à ce que Chávez présente des excuses publiques pour ses déclarations antisémites. »
    Depuis Caracas, le président de la Confédération des associations juives du Venezuela, Fred Pressner, protesta énergiquement en expliquant que Chávez n’avait rien d’un antisémite. «  Vous avez interféré avec notre statut politique, notre sécurité et notre bien-être en tant que communauté, fit-il publiquement savoir au CSW. Vous avez agi unilatéralement, sans nous consulter, sur des thèmes que vous ne connaissez pas et ne comprenez pas. » Tant le Global Jewish Advocacy (Plaidoyer pour les Juifs du monde) de New York que le Congrès juif américain appuyèrent ce point de vue.
    Malgré ces récusations, l’accusation du CSW permit au sous-journaliste français Jean Hebert Armengaud de publier l’un des chefs d’œuvre de sa désastreuse carrière, sous le titre « Le credo antisémite de Hugo Chávez », le 9 janvier 2006, dans le quotidien Libération. Un tel professionnalisme méritant récompense, Armengaud deviendra ultérieurement rédacteur en chef d’un des fleurons du groupe Le Monde, Courrier international [12].

    Dans son courrier de décembre 2010 à l’OEA, basé sur une enquête particulièrement fouillée – un article du quotidien allemand Die Welt  ! –, le directeur des relations internationales du CSW, Shimon Samuels, tire la « sornette » d’alarme : « Le fait que l’Iran ait un programme nucléaire, le mariage entre la richesse en uranium du Venezuela et l’installation dans ce pays de fusées parmi les plus sophistiquées, d’une portée de 1 500 kilomètres, donne sur ce continent un pouvoir à l’Iran contre ceux qui ne sont pas d’accord avec son programme de développement des armes nucléaires. Beaucoup sont d’accord sur le fait qu’il faut prendre des mesures, sous peine d’affronter une situation similaire à la crise des missiles cubains de 1962 (…) au cours de laquelle le monde a quasiment frôlé une guerre thermonucléaire. »

    Même son de cloche, forcément, chez les amis de Washington. Au mois d’avril, le Département d’Etat a déjà rendu public un rapport du Pentagone qui donne « des détails » sur les activités des Iraniens au Venezuela (et en Amérique latine). Tout en précisant que, jusqu’à ce moment, « les terroristes appuyés par l’Iran ont mené peu d’attaques dans la région » (ce qui signifie aucune !), les services de renseignement américains affirment que les opérations de ces criminels dans la zone « pourraient éventuellement menacer des intérêts états-uniens au cas où surviendrait un conflit causé par le nucléaire iranien ».

    Peu importe le caractère grotesque d’affirmations jamais étayées et relevant de la théorie du complot. L’important est de modeler l’opinion internationale. De la formater. Elle n’a pas besoin de savoir que le Venezuela, malgré son partenariat économique avec Téhéran, a été l’un des premiers pays à désavouer Mahmoud Ahmadinejad lorsque celui-ci a déclaré vouloir « rayer Israël de la carte ».

    Arrivés de Hollande via l’île caribéenne de Curaçao, les grands-parents de Nicolás Maduro Moros étaient Juifs séfarades, tant du côté des Maduro que de celui des Moros. Ils se sont convertis au catholicisme sur le continent américain. Voilà ce que Maduro, devenu président après le décès de Chávez, devra rappeler le 5 mai 2013 au directeur du Congrès juif latino-américain, Claudio Epelman, qui l’accuse d’antisémitisme pour avoir refusé d’encenser la politique criminelle du premier ministre israélien Benyamin Netanyahou.
    Fort heureusement pour Washington et le CSW, il reste, pour torpiller la révolution bolivarienne, une cible toute trouvée : Tarek El Aissami. Bien que né au Venezuela en 1974, ce député, plusieurs fois vice-ministre et ministre, actuel ministre du pétrole, a pour père Zaidan El Amin El Aissami, un immigrant druze [13] d’idéologie baasiste venu du Djebel Druze en Syrie. Qui plus est, c’est une bête noire de l’opposition vénézuélienne. Pain béni ! Lorsque, le 4 janvier 2017, Maduro nomme Tarek vice-président de la République bolivarienne, le CSW, en la personne de Shimon Samuels, se manifeste immédiatement : bien qu’Aissami soit « présenté comme un druze », il est « étroitement associé à l’Iran chiite, à l’organisation terroriste du Hezbollah et à la famille du président syrien Bashar el-Assad, qu’il a apparemment hébergé à Caracas. » La mention du président syrien se réfère à une visite que celui-ci effectua fin juin 2010 au Venezuela lors d’une tournée qui le mena également à Cuba, au Brésil et en Argentine (à un moment où Washington et Paris, pour l’inciter à prendre ses distances avec l’Iran, avaient décidé de le sortir de son statut de paria). Quant au « apparemment », on n’en saura pas plus...

    Voici donc, sept ans plus tard, El Aissami vice-président. « Sa nomination assure à l’Iran un accès continu pour le chaos terroriste dans toute l’Amérique latine », déclare Shimon Samuels. Représentant du CSW en Amérique latine, Ariel Gelblung reprend le propos au bond : « Non seulement il est impliqué dans le trafic de drogues et a des relations avec le mouvement colombien terroriste des FARC [allégations émanant de Washington], mais Aissami a également hérité de la haine de Chávez pour Israël et les juifs, et peut à présent mettre en place l’antisémitisme de Maduro, menaçant encore les vies juives au Venezuela [14]  ». Ne reste plus, pour le CSW, qu’à finaliser l’agression : « Son nom apparaît parmi les intermédiaires des négociations entre l’Iran et l’Argentine dans la stratégie de Téhéran visant à camoufler la responsabilité iranienne dans l’attentat contre le Centre juif de Buenos Aires en 1994. » Voilà Tarek El Aissami définitivement habillé pour la décennie. Dans quelques temps (26 mars 2020), pour faire bonne mesure, l’administration de Donald Trump offrira 10 millions de dollars à qui permettra de le capturer (et 15 millions de dollars pour la tête de Maduro) [15].

    Cristina Fernández de Kirchner n’était pas au pouvoir (pas plus que son époux Néstor Kirchner) lorsque l’Argentine, à la fin de la seconde guerre mondiale, servit de refuge à des centaines de criminels nazis. Elle ne présidait pas non plus le pays quand, le 18 juillet 1994, à Buenos Aires, un attentat à la bombe contre l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA), de caractère clairement antisémite, fit 84 morts et 230 blessés. En revanche, elle occupait bien la Casa Rosada (siège du pouvoir exécutif) lorsque, seize ans plus tard, le 6 décembre 2010, l’Argentine notifia qu’elle reconnaissait la Palestine. Les discussions israélo-palestiniennes se trouvaient alors (et comme toujours) dans l’impasse et Tel Aviv avait annoncé une reprise de la colonisation en Cisjordanie.
    Dans un pays où, avec quelque 300 000 personnes, vit la deuxième communauté juive des Amériques, après celle des Etats-Unis, la tragédie de l’AMIA, jamais revendiquée, jamais élucidée, demeure une plaie ouverte. Depuis l’origine, une piste proche-orientale a été suspectée. Chargé de ce dossier empoisonné en 2004 par le président de centre gauche Néstor Kirchner, le procureur Alberto Nisman, accuse formellement, en 2006, « les plus hautes autorités de la République islamique d’Iran, qui ont chargé le Hezbollah de réaliser l’attaque ».

    Cristina Kirchner accède au pouvoir en 2007. Appartenant comme feu son époux (décédé en octobre 2010) à la vague « rose-rouge », qui transforme l’Amérique latine et rend Washington hystérique, elle le conservera jusqu’en 2015, année au cours de laquelle elle se retrouve dans… le très infâmant « Top 10 de l’antisémitisme » élaboré par le CSW. L’annonce en est faite au Centre juif Turnberry d’Aventura (Floride) par le rabbin Abraham Cooper, en présence de la cubano-américaine Ileana Ros-Lehtinen. Elue du Parti républicain à la Chambre des représentants des Etats-Unis, cette dernière a bâti toute sa carrière sur la haine de la gauche en général et de Cuba (des Castro) et du Venezuela (de Chávez-Maduro) en particulier [16].

    Cristina Kirchner, antisémite ? C’est elle qui, le 13 août 2008, lors d’une visite de Chávez à Buenos Aires, a organisé une rencontre entre celui-ci et Ronald Lauder, président du Congrès juif mondial (CJM), et Jack Terpins, président du Congrès juif latino-américain. Egalement présent à la réunion, l’ambassadeur d’Argentine aux Etats-Unis, Héctor Timerman, de confession juive, avait rendu compte de la rencontre : « Chávez a déclaré qu’il souhaite joindre ses efforts à ceux du président Lula du Brésil et de la présidente Cristina Kirchner afin de parvenir à l’éradication totale de l’antisémitisme en Amérique latine (…) C’est un geste qui témoigne du leadership et des opinions du président Chávez concernant la nécessité de mettre fin à tous les types de discrimination dans notre région [17] »

    En 2015, les mêmes Kirchner et Timerman, devenu ministre des Affaires étrangères, se retrouvent cloués au pilori par le Centre Wiesenthal. Le procureur Nisman les accuse de collusion avec l’Iran pour avoir signé en 2013, avec Téhéran, un pacte levant les accusations contre les suspects iraniens, en échange de pétrole à un prix avantageux. Déclarant que les deux pays enquêteraient conjointement, le mémorandum ne prévoyait-il pas l’audition en Iran des suspects en question, alors que l’Argentine réclamait leur extradition depuis 2007 pour les juger à Buenos Aires ? Qui plus est, dénonce Nisman, le pouvoir a levé les mandats d’arrêt internationaux lancés contre les criminels par Interpol. Le CSW se déchaîne contre Timerman : « Il s’est irrévocablement auto-banni de l’AMIA (…) Par cet acte personnel, il a rejeté son éducation, ses valeurs et son destin juif – dont l’enterrement dans un cimetière juif – et a, apparemment, abandonné les victimes argentines de cette agression commanditée par Téhéran [18]. »

    Le retour d’une droite revancharde au pouvoir en la personne de Mauricio Macri coïncide avec de multiples accusations de type « lawfare » contre Cristina Kirchner. Hautement médiatisée, celles concernant l’AMIA et la « collusion avec l’Iran » prend une tournure de roman noir quand, le 18 janvier 2015, quelques heures avant de présenter son accusation contre Kirchner au Congrès, Nisman est retrouvé mort à son domicile, une balle dans la tête, avec à ses côtés un pistolet calibre 22 que lui avait procuré, à sa demande, l’un de ses proches collaborateurs.
    Suicide ou assassinat ? Encore non résolu à ce jour, le drame donne lieu à toutes les supputations. Les yeux « intéressés » se tournent vers « celle à qui profite le crime ». Doigt tendu, les deux principales institutions juives – l’AMIA et les Amitiés Argentine-Israël (DAIA) – ont depuis longtemps et bruyamment pris parti. Sauf que… Elles ne sont guère représentatives. Des 300 000 argentins d’origine juive, 80 % n’ont strictement aucun lien avec les institutions dites communautaires qui prétendent s’exprimer en leur nom. La vingtaine de dirigeants de la DAIA ne sont élus que par un collège de 150 personnes, au sein duquel ne figure aucune personnalité de premier plan. C’est contre toute évidence que l’organisation se présente comme la voix politique (et particulièrement conservatrice) de la « communauté », dans un pays qu’ont illuminé, tout au long de son histoire, les figures de juifs engagés dans les luttes politiques et sociales – les Marcos Osatinsky, Juan Gelman, Bernardo Verbitsky, Raúl Kossoy, Moisés Lebensohn, Elías Seman, Horacio Verbitsky et tant d’autres, que connait parfaitement la gauche du Río de la Plata…

    Dans une ambiance délétère, la plainte du procureur disparu contre Kirchner a suivi son cours. Début décembre 2017, le juge fédéral Claudio Bonadio demande la levée de l’immunité de l’ex-présidente, devenue entre temps sénatrice, et ordonne son arrestation, pour « trahison », ainsi que celle de Timerman et de plusieurs autres hauts responsables. Le Centre Wiesenthal félicite la justice argentine : « Cette annonce, considère Shimon Samuels, rachète la réputation du procureur Nisman, qui a été assassiné le matin où il devait exposer cette dissimulation devant le Congrès… un assassinat désigné par Kirchner comme un ‘‘suicide’’ ! »…

    De quoi parle-t-on au juste ? D’un pacte « Kirchner-Timerman » visant à couvrir de hauts dirigeants iraniens ? Contre l’avis de l’opposition, certes, ce mémorandum a été approuvé à l’époque par les deux chambres du Parlement argentin. Selon l’ex-présidente, il visait seulement à faire avancer l’enquête, l’Iran refusant d’extrader ses ressortissants. Pour autant, le Parlement iranien ne l’a jamais ratifié et il n’est jamais entré en vigueur. L’accord, prétendit-on par ailleurs, avait été signé pour favoriser un échange commercial – céréales argentines contre pétrole iranien. Cette transaction n’a jamais eu lieu – sachant, en outre, que, par excès de souffre, le pétrole iranien ne peut être traité en Argentine [19]. Il a également été allégué que le pacte avait entraîné la levée des mandats d’arrêt « alerte rouge » d’Interpol concernant les Iraniens. Rien de tel ne s’est produit. « Ni Héctor Timerman ni aucune personne du gouvernement argentin n’a jamais demandé le retrait ou la suspension des notices rouges d’Interpol, a déclaré le secrétaire général de cette organisation policière, l’américain Ronald Noble. J’ai tweeté à maintes reprises pour réfuter les conclusions erronées et biaisées données par le juge Bonadio dans son rapport d’accusation et pour critiquer les rapports faux et trompeurs [du quotidien de droite] Clarín sur les notices rouges (…) Hector Timerman, un fonctionnaire dévoué et innocent, est mort [d’un cancer, le 30 décembre 2018] sans avoir eu la possibilité de laver son nom [20] »

    Fin avril 2019, reconnaissant l’instrumentalisation de l’affaire, les dirigeants de l’AMIA ont demandé à la DAIA de cesser ses poursuites judiciaires contre Kirchner : « En renonçant à ce procès contre l’ancienne présidente, outre qu’elle réparera une grave erreur de l’administration précédente, la DAIA commencera à prendre ses distances par rapport à une affaire qui divise la majorité des Argentins, une division qui ne nous représente certainement pas (…) En d’autres termes, la question n’est pas de savoir si le mémorandum est un crime ou non, mais que l’affaire concerne un clivage politique dans lequel l’accusation joue en faveur de Cambiemos [coalition de droite soutenant Macri] [21] » Cause toujours… Quand, une vingtaine de jours plus tard, Kirchner annonça qu’elle se portait candidate à la vice-présidence du pays lors des prochaines élections générales, le Centre Wisenthal réagit vivement dans un communiqué en l’accusant d’être « un soutien avéré de l’Iran et du Hezbollah en Amérique du Sud ».

    D’après les dernières hypothèses, le procureur Nisman aurait été manipulé pour l’amener à ses conclusions par l’un de ses principaux informateurs, homme fort des services de renseignement argentins pendant plus de quatre décennies, Antonio Jaime Stiuso. Limogé par Cristina Kirchner en 2014, en même temps qu’elle dissolvait cet organisme, le sulfureux personnage en aurait tiré un fort ressentiment. Tel est en tout cas ce que laisse entendre un documentaire du britannique Justin Webster, diffusé début janvier 2020 sur Netflix, en exclusivité pour l’Argentine et titré Le procureur, la présidente et l’espion. Pour boucler les six épisodes d’une heure de ce document, l’auteur a rencontré des dizaines de témoins, parmi lesquels l’actuel président Alberto Fernández – dont Cristina Kirchner est la vice-présidente –, des enquêteurs, des membres des services secrets argentins, des agents de la CIA et du FBI américains. L’un de ces fonctionnaires du FBI, qui a participé à l’enquête, estime que tout a été fait pour arriver à « une conclusion décidée à l’avance », qui arrangeait de plus Israël et les Etats-Unis [22].

    En août 2014, sans jamais avoir évoqué ou prononcé les équivalents espagnols (ou aymaras !) des horreurs antisémites – « youpins », « youtres », « juiverie », « cosmopolitisme », etc. –, ni avoir menacé ou injurié les membres de cette communauté, le président bolivien Evo Morales s’est lui aussi retrouvé au ban des accusés. Quel crime avait-il commis ? Le même que les autres victimes du CSW. En pleine opération « Bordure protectrice – 1 500 civils palestiniens tués à Gaza –, il avait qualifié Israël d’ « Etat terroriste » et – mesure abominable – annoncé qu’un visa serait nécessaire aux ressortissants de ce pays désireux de se rendre en Bolivie. « La rhétorique agressive de Morales contre Israël n’est pas nouvelle, et cette escalade n’est pas une surprise, réagit alors Shimon Samuels. Il se sent à l’aise avec les violeurs en série des droits de l’homme et les tyrans comme le Hamas, le dictateur syrien Bachar Al Assad ou l’ancien président iranien Mahmoud Ahmadinejad. »

    Les desseins réels du CSW ne sont nullement impénétrables. Quand, son directeur pour l’Amérique latine, Ariel Gelblung, revient sur le cas du chilien Jadue, il déclare : « Le fait qu’il soit parmi les dix est dû à des raisons presque similaires à celles qui nous ont amenés l’année dernière à considérer Jeremy Corbyn comme la personne la plus antisémite du monde [23] »
    On ne s’étendra pas ici outre mesure sur le cas du britannique, mieux connu des Européens. On peut le louer ou le blâmer sur certains points de sa politique – par exemple son ambiguïté et ses louvoiements sur la question du Brexit –, mais, chef du Parti travailliste (et donc de l’opposition) depuis 2015, Corbyn a mené le Labour à un niveau jamais atteint depuis les débuts du blairisme à l’occasion des élections générales de 2017.

    Très à gauche, et malgré la dynamique ascendante qu’il impulsait, il était férocement contesté par les factions les plus conservatrices de son parti. Sans résultat auprès de la base. C’est donc sur un autre terrain que l’attaque principale s’est portée.

    Son soutien affirmé à la cause palestinienne et les dérives supposées de certains militants de son parti valurent à Corbyn la désormais traditionnelle accusation d’antisémitisme [24]. Le présupposé fut accepté implicitement par les médias qui, sans forcément le déclarer coupable, mais sans l’innocenter non plus, répercutèrent largement l’information. Arguments polémiques et féroces allusions ternirent la campagne précédant les élections générales de 2019. A moins de trois semaines de celles-ci, le grand rabbin du Royaume-Uni, Ephraim Mirvis, s’occupa personnellement, dans le Times, du cas Corbyn : « La manière dont la direction [du Labour] a traité le racisme anti-juif est incompatible avec les valeurs britanniques dont nous sommes si fiers – celles de dignité et de respect pour tous (…) Quand le 12 décembre arrivera, je demande à tout le monde de voter en conscience. N’en doutez pas, l’âme même de notre nation est en jeu. » Les dommages causés par cette campagne ont très largement contribué à l’effondrement du Labour lors du scrutin de 2019, le premier ministre conservateur Boris Johnson l’emportant avec une large majorité…

    De gauche, internationaliste, altermondialiste, solidaire de la Palestine… Daniel Jadue a toute sa place au centre de la cible du CSW. Il a même osé mettre en cause l’ancienne présidente chilienne Michelle Bachelet en juillet 2019 quand, depuis le Haut-commissariat des droits de l’homme des Nations Unies, qu’elle préside, elle a rendu public un rapport dévastateur et totalement dénué d’objectivité sur le Venezuela [25]. Et si Jadue allait faire de son pays un « Chilezuela » ? Insupportable pour le CSW, la droite chilienne et Washington (qui voit chaque jour s’effriter un peu plus le Groupe de Lima) [26].

    En 2018, à Santiago, les armées israélienne et chilienne ont signé, via le général de division Yaacov Barak et le général chilien Ricardo Martinez, de nouveaux accords de coopération en matière de formation militaire et d’entraînement, de commandement et de méthodes d’entraînement [27]. Il s’agit là d’une très ancienne relation… Entre 1975 et 1988, Israël vendait déjà au Chili, sans états d’âme, en pleine dictature de Pinochet, des systèmes radars, des missiles air-air, du matériel naval et des systèmes aéronautiques et antimissiles. Condamner une telle attitude, comme nous le faisons ici, relève-t-il de l’antisémitisme ?

    Comme toutes les formes de racisme, l’antisémitisme, quelle que soit sa forme ou son origine, doit être combattu avec la plus extrême énergie. Toutefois, le pire qu’il puisse arriver à cette lutte est d’être instrumentalisée au profit d’objectifs infiniment moins nobles, au risque de lui porter atteinte, de l’affaiblir et de la délégitimer. Or c’est exactement ce que fait le Centre Simon Wiesenthal. Camouflé derrière le paravent « Organisation non gouvernementale » (ONG), il s’agit dans les faits d’une Organisation paragouvernementale dénigrant et diffamant quiconque s’oppose à la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens et à l’accélération de la colonisation de la Cisjordanie, sous l’impulsion de Benyamin Nétanyahou.
    Cette politique est condamnée par le droit international – pas uniquement par la gauche latino-américaine (ou même d’ailleurs). Dans un rapport rendu public le 12 janvier 2021, l’une des plus anciennes organisations de défense des droits humains juive israélienne, B’Tselem, affirme qu’« Israël maintient un régime d’apartheid entre le Jourdain et la Méditerranée ». En juillet 2020, l’un des plus célèbres juristes israéliens, l’avocat Michael Sfard, avait, pour l’ONG de défense des droits de l’homme Yesh Din, publié un avis juridique détaillé dans laquelle lui aussi concluait à la réalité d’une situation d’apartheid dans les territoires de Cisjordanie.
    Comme le très respectable chilien Daniel Jadue en 2020, les juifs israéliens Michel Sfard et Hagaï El-Ad, le directeur exécutif de B’Tselem, figureront-ils dans le « Top 10 des pires antisémites » 2021 ?

    Maurice LEMOINE

    source:  https://medelu.org/

     


    Notes

    [1Le 6 novembre 1984, Pinochet devra décréter l’état de siège sur tout le territoire chilien.

    [2Groupe d’économistes chiliens formés dans les années 1970 à l’Université de Chicago par l’ultra-libéral Milton Friedman (prix Nobel d’économie en 1976).

    [3Malgré le contexte lié à la pandémie de Covid-19, la participation a été supérieure à 50 %.

    [4Les élections régionales et municipales auront lieu le même jour.

    [6On notera toutefois que le Parti Communiste et certains secteurs du Front élargi se rapprochent pour présenter des listes communes. Lire : https://www.les2rives.info/alliance_entre_le_parti_communiste_chilien

    [8Contraction de law (droit, loi) et warfare (guerre, combat).

    [9 Le Monde, Paris, 2 décembre 2019.

    [10Le maillot ne sera finalement exhibé que trois fois, la Dédération chilienne de football l’interdisant en raison de son « caractère discriminatoire ».

    [12Lire Henri Maler, Renaud Lambert, « Le journalisme d’imputation : Chávez accusé d’antisémitisme », Acrimed, Paris, 11 janvier 2006 – https://www.acrimed.org/Le-journalisme-d-imputation-Chavez-accuse-d-antisemitisme

    [13Egalement présents au sud Liban et en Israël (en Galilée), les Druzes professent une religion musulmane hétérodoxe proche de l’ismaélisme.

    [16 « J’approuve la possibilité de voir quelqu’un assassiner Fidel Castro », n’a pas hésité à déclarer la politicienne républicaine, en mars 2006, lors d’une interview pour le documentaire britannique 638 Ways to Kill Castro.

    [19Raúl Kollmann, « Renuncia a la denuncia », Pagina12, Buenos Aires, 1er février 2019.

    [21Raúl Kollmann, « Renuncia a la denuncia », op cit.

    [24Aaron Bastani, « Le Parti travailliste est-il vraiment un repère d’antisémites ? », Le Monde diplomatique, Paris, juin 2019.

    [26Organisme informel constitué des pays continentaux (Brésil, Colombie, Chili, Canada, etc.) qui, sous les ordres de Washington, cherchent à renverser le gouvernement vénézuélien.

     

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  •  

    L’Équateur a tenu des élections générales le dimanche 7 février dont l’enjeu était la présidence et l’Assemblée Nationale du pays.

    La journée, qui s’est déroulée au milieu de la pandémie du coronavirus, a connu quelques complications: retards dans l’ouverture des bureaux de vote et lenteur du processus, raison pour laquelle de longues files d’attente et des attroupements ont pu être observés tout au long de la journée.

    En outre, à 17 heures, les bureaux de vote ont été fermés, laissant les gens dans l’impossibilité de voter, ce qui a suscité la peur parmi les citoyens, car dans le pays, le vote est obligatoire pour les personnes entre 18 et 65 ans. Malgrès cela, le taux de participation était de 81%.

    Le candidat de l’Unión por la Esperanza (UNES), une coalition regroupant le Corréisme, Andrés Arauz, a été le candidat qui a recueilli le plus de voix avec 32,20% mais il devra se présenter à un second tour le 11 avril. L’UNES est également le parti qui détient le plus de sièges au parlement, mais sans avoir atteint la majorité.

    Arauz a célébré sa victoire «dans toutes les régions» du pays, et son résultat a été salué par différentes forces de gauche sur le continent. L’ancien président équatorien Rafael Correa, qui a fait face à une campagne qui l’a empêché d’être candidat, était optimiste pour le second tour en raison de la « grande différence » entre le candidat de l’UNES et ses rivaux.

    Si l’avantage d’Arauz était clair, la définition de son adversaire pour la course électorale du 11 avril l’est beaucoup moins. Yaku Pérez, candidat du parti indigène Pachakutik, et Guillermo Lasso, du mouvement Creando Oportunidades (CREO), sont sortis quasiment à égalité suite aux premiers résultats, se situant tous deux autour de 20%.

    Pérez s’est présenté comme le candidat du mouvement indigène, qui a augmenté sa belligérance ces dernières années, bien que beaucoup le désignent comme un candidat utile à la droite et aux intérêts des États-Unis, derrière la façade de la défense des peuples autochtones.

    Le candidat de Pachakutik semblait avoir le dessus, mais les résultats se sont inversés en faveur de Lasso dans les jours qui ont suivi l’élection. A ce jour (12 février), tout indique que ce sera le banquier qui affrontera Arauz. Pérez et ses partisans ont accusé les autorités électorales d’avoir commis une fraude, et la question est de savoir s’ils vont faire appel des résultats ou simplement offrir leur soutien au candidat CREO.

    Guillermo Lasso est le principal représentant de l’oligarchie équatorienne, un fervent néolibéral qui renforcerait encore les politiques d’ajustement promues par le FMI. Vaincu lors des deux dernières élections présidentielles, il bénéficiera du plein soutien de l’appareil médiatique et même des organisations internationales fidèles à Washington comme l’OEA.

    Bien que le vainqueur ne soit pas connu, ces élections ont déjà un perdant clair: Lenín Moreno. La candidate soutenue par l’actuel président, Ximena Peña, a obtenu un résultat désastreux avec moins de 2% des voix, ce qui reflète un rejet absolu de la politique du gouvernement limogé.

    Élu avec la promesse de continuer dans la direction des gouvernements de la Révolution citoyenne, Moreno a opté pour un virage à 180 degrés vers la droite, faisant de Correa son ennemi juré et mettant le pays au service de l’agenda des États-Unis. En un mot, il a réussi à pratiquement éteindre le parti Alianza País et à remettre le pays à la merci du Fonds monétaire International, sans parler du fait qu’il ait «trahi» Julian Assange.

    Arauz n’aura pas une mission facile en disputant un second tour où toutes les autres forces s’uniront pour empêcher le retour du «corréisme». Le candidat UNES aura besoin du soutien de certains secteurs avec lesquels la relation était tendue sous les gouvernements Correa. Et, une éventuelle victoire supposera également de sérieux défis pour gouverner.

    Le deuxième tour en Equateur représente un moment important sur le continent, alors qu’il est déjà clair que les vents ont changé. La vague progressiste s’est épuisée avec les virages à droite dans des pays comme l’Argentine, le Brésil, l’Équateur et même la Bolivie (bien que seulement pour un an). Cependant, le néolibéralisme qui est revenu au pouvoir n’a fait qu’aggraver les difficultés économiques et les inégalités, et son cycle s’épuise en un peu plus d’une demi-décennie.

    Une victoire d’Arauz contribuerait à confirmer cette tendance. Le progressisme 2.0 doit tirer les leçons d’un passé assez récent, être plus audacieux et faire plus confiance à la force du peuple.

    /

     

    (*) Le 13ème février, Lasso et Pérez ont convenu de recompter partiellement les voix.

     

    source:  https://www.investigaction.net/fr/

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  • Manu nous fait découvrir le mode de fabrication d’une grande campagne visant l’opinion. Faut-il croire ou faut-il vérifier? Et est-ce possible? Dans ce nouveau numéro de Michel Midi, exercice de debunkage d’une campagne médiatique qui bat son plein. 

     

    source: https://www.investigaction.net/fr/

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  • S’il y a bien un sujet occulté des informations internationales des journaux télévisés depuis de long mois, c’est bien l’occupation sanglante de la  par l’Etat d’Israel. Par exemple il n’aura pas été dit mots dans les nombreux reportages sur la campagne de vaccination contre le covid-19 menée en , du cynisme de Tel Aviv qui a été jusqu’à refuser l’accès aux vaccins des palestiniens travaillant en Israël alors que la campagne de vaccination a concerné les colons installés illégalement en Palestine. Pourtant la mobilisation pour la paix et la justice se poursuit, une mobilisation qui a plus que jamais besoin de la solidarité internationale. Avec des avancées symboliques importantes, telle que l’enquête ouverte par la  contre les crimes israéliens.

    Olivia Zemor présidente de l’association de solidarité CAPJO Europalestine a accordé une  exclusive à Initiative Communiste pour faire le point sur la situation


     

    Initiative Communiste : Après les Emirats et l’Arabie saoudite (même si les choses s’y font moins franchement), le Maroc rétablit ses relations avec l’Etat colonialiste israélien. La lutte du peuple palestinien paraît de plus en plus isolée et l’armée israélienne se croit tout permis en matière de répression. Comment réagissent les organisations de la Résistance?

    Olivia Zemor : Les Palestiniens ne sont pas les Indiens d’Amérique. Ils sont toujours là. Ils sont même plus de 5 millions dans les territoires palestiniens occupés, ce qui ne résout pas le problème démographique d’Israël, qui s’était juré de se débarrasser de tous les Palestiniens. Ils reconstruisent leurs maisons démolies, replantent leurs arbres arrachés et se révoltent lors des raids de l’armée d’occupations dans leurs villes et villages. Et même si les médias dominants se taisent et occultent l’occupation, la colonisation et le camp de concentration de Gaza, le temps n’est plus où l’on pouvait cacher ces atrocités. Les vidéos circulent sur les réseaux sociaux, et les crimes israéliens ont amené :

    • un nombre croissant de gens dans le monde, y compris des juifs, à s’opposer à la politique du régime d’apartheid israélien. Aux USA où pour la première fois des voix s’élèvent au sein du congrès pour réclamer la fin de l’aide militaire américaine à Israël
    • Les opposants israéliens juifs montent également au créneau confirmant, comme B’Tselem, qu’Israel est bien un Etat d’apartheid, posant comme l’avocat israélien Michael Sfard la question : « Comment dit-on Klu Klus Khan en hébreu ? », ou encore Avraham Burg, ancien président du parlement israélien qui demande à renoncer à sa « nationalité juive », tant il a honte de la politique de son pays, sans parler de la lettre ouverte des 60 lycéens israéliens qui déclarent refuser de servir dans leur armée d’occupation.
    • La CPI ne peut faire autrement, malgré toutes les pressions contraires, qu’annoncer l’ouverture d’une enquête sur les crimes israéliens, ce qui fait hurler les dirigeants israéliens.Donc la partie est loin d’être pliée.

    Initiative Communiste: Macron a prétendu criminaliser les appels au boycott des produits israéliens, ce qui prouve que ce mode d’action n’est pas sans efficacité. Où en est-on de ce côté-là?

    Olivia Zemor – Oui une énergie folle, beaucoup de gens et de ressources sont engagés pour combattre la campagne BDS, ce qui prouve à quel point elle fait peur à Israël.Une grande victoire a été remportée avec l’arrêt de la CEDH du 11 juin 2020, qui a condamné la France à verser plus de 100.000 euros de dommages et intérêts à des militants condamnés pour leurs actions de boycott des produits israéliens.

    Mais le lobby israélien ne baisse pas les bras en France. Il a obtenu de Dupond-Moretti, une nouvelle circulaire, diffusée en douce récemment, qui demande aux procureurs et aux présidents des tribunaux de continuer à condamner les boycotteurs (seulement ceux qui appellent au boycott d’Israël) pour « provocation à la discrimination à l’égard d’une nation ».

    Mais nous n’allons pas en rester là et nous sommes en train d’organiser la contre-attaque !

    Initiative Communiste : Y a-t-il du nouveau à espérer, ou à craindre, en raison de l’élection de Biden à la présidence des Etats-Unis?

    Olivia Zemor – Pas grand chose à espérer, et on peut le voir aux menaces à peine voilées à l’encontre de la procureure,Fatou Bensouda, et des juges de la CPI, à l’annonce d’une ouverture d’enquête contre les crimes de l’Etatd’israel ce vendredi 5 février.

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • Ce Samedi 13 février 2021 à 16h, le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) est intervenu, aux côtés du Rassemblement communiste (RC), du Parti communiste révolutionnaire de France (Pcrf) et de l’Association nationale des communistes (ANC), lors une visioconférence portant sur le retrait du  et des troupes françaises au Sahel. (https://us02web.zoom.us/j/86125806399?pwd=WTRzeGwzT1VaVkpMTVpjNUdPdElXdz09)

    Voici l’intervention prononcée par le PRCF.

    L’intervention du PRCF au meeting du 13 février 2021

    Chers amis et camarades qui prenez part à ce meeting,

    Je m’adresse à vous au nom de la commission  du Pôle de Renaissance Communiste en France.

    Depuis sa fondation, le PRCF condamne les interventions néocoloniales à répétition de l’impérialisme français en , en entendant par là, non le peuple français, qui est très majoritairement désinformé à propos de ce qui se fait en son nom en Afrique, mais de l’oligarchie capitaliste “””française””” dans toutes ses composantes financières, politiques et militaires. Pour ne prendre que deux exemples, le PRCF a d’emblée condamné les sanglantes manigances anti-libyennes fomentées par Sarkozy et soutenue par Hollande en alertant sur le fait que la déstabilisation impérialiste de la Libye ne pourrait que conduire au désastre l’Afrique occidentale subsaharienne avec de graves retombées ultérieures, en termes d’attentats, pour le peuple français. Le PRCF a également condamné d’emblée l’envoi de troupes françaises au  à la demande du régime comprador de Bamako et avec, non seulement le soutien des LR et du PS français, mais aussi la complaisance de certaines forces françaises soi-disant anti-impérialistes. 

    Le PRCF et les JRCF mobilisés pour la Paix et la solidarité internationale contre l’impérialisme

    Militant nous-mêmes pour que la France retrouve sa pleine souveraineté politique, monétaire, économique, culturelle, militaire et diplomatique mortellement amputées par la prétendue “construction” euro-atlantique, avec son énorme casse industrielle, sociale et même linguistique au titre de la politique du tout-anglais, de l’intégration à l’OTAN et de la marche aux funestes traités dits “transatlantiques”, nous ne pouvons qu’approuver la revendication des camarades africains d’en finir avec le franc CFA arrimé à l’euro, avec les interventions militaires et autres ingérences politiques françaises, avec tout ce qui, d’une manière ou d’une autre, renforce le pillage des peuples africains par les transnationales à base française et européenne tout en sapant l’amitié entre les peuples d’Afrique et le peuple de l’ancienne métropole. 

    En un mot, nous faisons nôtre le mot d’ordre d’Engels disant, à propos des rapports entre la classe ouvrière anglaise et le peuple irlandais, qu’ “un peuple qui en opprime d’autres ne saurait être libre“. En conséquence, notre engagement contre les menées impérialistes de l’oligarchie “française” est à la fois internationaliste, puisqu’il tend la main aux victimes africaines de l’impérialisme française, et patriotique, puisque c’est la même force réactionnaire qui opprime les peuples d’Afrique et qui détruit méthodiquement la nation française, privatisant et délocalisant nos industries, asphyxiant nos services publics et notre protection sociale, détruisant même notre langue commune dont Kateb Yacine parlait en termes de “prise de guerre”. Si bien que le pendant nordique de la “” sont ces “Franceurope”, “Françallemagne” et autre “Françamérique,” qui n’en finissent pas de dissoudre le pays des Sans Culottes, des Communards et des Francs-Tireurs et Partisans de la Main-d’Oeuvre Immigrée dans l’acide de l’UE, de l’euro et de l’OTAN, dont le PRCF appelle à sortir par la porte à gauche pour marcher au socialisme. Ni Franceurope, ni Françallemagne, ni Françamérique ni Françafrique ou Françarabie, mais, à la suite de Lénine, “droit de toutes les nations du nord et du sud, de l’est et de l’ouest, à disposer d’elles-mêmes souverainement sous la conduite du monde du travail et pour coopérer égalitairement les unes avec les autres comme s’y emploient en Amérique latine, Cuba socialiste et les autres pays de l’ALBA. 

    En ce sens, nous appuyons totalement les communistes béninois qui exigent la mise en place d’une monnaie nationale béninoise dans le cadre de coopérations monétaires interafricaines. 

    Concernant le Mali, nous sommes pour le rapatriement de la force Barkane ou, comme nous l’avons suggéré avec le parti Sadi et son président, le Dr Oumar Mariko, pour que les troupes françaises soient placées sous le commandement de l’ONU avec pour seul objectif de combattre les graves menées islamistes et terroristes dans le Nord du Mali, à l’exclusion de toutes menées contre le mouvement populaire malien en ébullition, et tout cela dans le cadre de la souveraineté malienne sur l’ensemble du territoire. Car la menace djihadiste, réelle et croissante pas uniquement au Sahel, ravage également, au même titre que l’impérialisme français et les autres impérialismes, les populations locales et les mouvements populaires du monde entier, en témoignent l’Afghanistan avec les talibans et l’Algérie avec le FIS.

    En effet, combattre l’impérialisme français et exiger le rapatriement des troupes françaises ne doit pas combattre les impérialismes de substitution qui manœuvrent au Proche-Orient, dans tout le pourtour méditerranéen et en Afrique, sous la discrète supervision des USA et de l’UE et avec l’apport logistique, financier et militaire des fauteurs de guerre de la Turquie néo-ottomane d’Erdogan et des monarchies arabes félonnes. En se rapprochant d’Israël, ces monarchies et autres pétromonarchies drapées dans le manteau de l’intégrisme religieux tentent de succéder à l’impérialisme français en difficultés ; elles cherchent à imiter ce qu’ont fait jadis les USA au Vietnam quand les impérialistes français ont été battus à Dien Bien Phû avant que nos camarades, conduits par Ho Chi Minh et par Pham Van Dong, n’infligent coup sur coup la défaite aux troupes coloniales françaises, puis au corps expéditionnaire US et au régime fantoche de Thieu. Aujourd’hui, nul ne doit prendre à la légère les tentatives d’implanter un Daech de substitution en Afrique de l’Ouest avec toutes les conséquences terribles à la fois pour les peuples de la région et, à terme, pour le peuple français déjà victime de tant d’attentats fanatiques atroces sur son propre sol.

    Nous pensons à cet égard qu’en tant que communistes, notre rôle idéologique est de faire connaître aux jeunes générations les combats menés jadis en Afrique par les tenants d’un panarabisme et d’un panafricanisme socialisants qui, malgré leurs limites de classe et leurs hésitations politiques, cherchaient souvent à s’allier avec les pays socialistes, à nationaliser les richesses locales, à cultiver la laïcité, la mixité et l’égalité hommes/femmes tout en écartant les tenants d’un islam politique salafiste et ultra-réactionnaire emmené notamment par le régime semi-esclavagiste de Riyad. C’est pourquoi nous sommes heureux de constater que très souvent, en Afrique, les communistes, ceux du SADI au Mali, ceux du Bénin à Cotonou, ceux de Tunisie et d’Algérie dans leurs pays respectifs, sont à la tête des luttes du peuple et de la jeunesse. Ils peuvent d’avance compter sur l’appui modeste, mais chaleureux du PRCF et des Jeunes pour la Renaissance Communiste en France sur la base du marxisme-léninisme, de la fraternité communiste sans frontières et de l’internationalisme prolétarien. 

    En un mot, sans fléchir en rien sur le mot d’ordre de retrait des troupes françaises d’Afrique et sur le droit plénier des peuples africains à battre leur propre monnaie nationale dans le cadre des accords internationaux de leur choix, nous devons aussi condamner sans la moindre faiblesse, et sans jamais bien sûr le confondre avec la masse des travailleurs musulmans épris de paix, l’entreprise impérialiste globale persistante qui consiste à replâtrer le colonialisme sur des bases pseudo-religieuses. 

    C’est pourquoi il est important que se développent les relations amicales entre les communistes des deux rives de la Méditerranée: ils sont les garants que les luttes patriotiques légitimes ne vireront jamais au nationalisme,, aux absurdes guerres de religions, aux affrontements dits ethniques et à la haine entre peuples, que seront toujours défendues les Lumières, bien commun de toute l’humanité, et que la juste bataille contre l’impérialisme ne servira jamais d’alibi à l’installation de régimes grossièrement cléricaux, vulgairement phallocratiques et culturellement réactionnaires alimentés en sous-main par Washington. 

    En cette année anniversaire de la mort de Lumumba, et en mémoire de tous les dirigeants socialistes panafricains assassinés (Félix-Roland Moumié, Thomas Sankara, Samora Machel, Dulcie September, et même Mouammar Kadhafi), nous terminons notre propos par l’appel à lutter de concert contre l’impérialisme français, ennemi des peuples d’Afrique et de France, contre tous les impérialismes, pour la paix, l’unité territoriale et la souveraineté des peuples d’Afrique, solidaires de tous les peuples libres d’Europe et du monde.

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  • Samedi 13 février 2021 à 16h, le Pôle de Renaissance communiste en France (PRCF) interviendra, aux côtés du Rassemblement communiste (RC), du Parti communiste révolutionnaire de France (Pcrf) et de l’Association nationale des communistes (ANC), à une visioconférence portant sur le retrait du franc CFA et des troupes françaises au Sahel. Vous pourrez suivre la visioconférence en vous connectant au lien suivant :

    https://us02web.zoom.us/j/86125806399?pwd=WTRzeGwzT1VaVkpMTVpjNUdPdElXdz09

     

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  • En attendant les résultats définitifs des élections présidentielles, et qui permettront de savoir qui affrontera Andrés Arauz au second tour, voici les résultats des élections législatives en Equateur.

    Article et traduction Nico Maury

     
     
    L'Union pour l'espérance (UNES) de Andrés Arauz arrive en tête des élections législatives équatoriennes
     
    L'Union pour l'espérance (UNES) de Andrés Arauz est arrivé en tête du scrutin avec 31,66% des voix et le mouvement Pachakutik a remporté 17,39% des suffrages.

    Le Parti Communiste d'Equateur (PCE) fait son retour à l'Assemblée législative. Il participait aux listes de UNES et sera représenté par le dirigeant paysan et indigène José Agualsaca Guamán (Président de la Confederación de Pueblos y Organizaciones Indígenas y Campesinas del Ecuador - FEI). Avec son engagement, les communistes veulent mener un réforme agraire en Equateur.
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  • Avec près de 98 % des procès-verbaux compilés, lundi matin, Andrés Arauz se plaçait en tête du scrutin, avec 32,2 % des suffrages, suivi de Yaku Pérez (19,8 %), au coude à coude avec Guillermo Lasso (19,6 %). © Santiago Arcos/ReuteursAvec près de 98 % des procès-verbaux compilés, lundi matin, Andrés Arauz se plaçait en tête du scrutin, avec 32,2 % des suffrages, suivi de Yaku Pérez (19,8 %), au coude à coude avec Guillermo Lasso (19,6 %). 

    Le second tour de la présidentielle opposera, le 11 avril, l’économiste Andrés Arauz, soutenu par l’ex-président socialiste Rafael Correa, à l’écologiste Yaku Pérez, appuyé par une partie du mouvement indigène. Le banquier Guillermo Lasso, représentant d’une droite ultralibérale et conservatrice, est disqualifié.

    Jusqu’à la clôture des urnes, tous les sondages prédisaient, pour le second tour de l’élection présidentielle, un duel classique opposant le jeune économiste Andrés Arauz, soutenu par l’ex-président socialiste Rafael Correa, au banquier Guillermo Lasso, représentant d’une droite ultralibérale et conservatrice, membre de l’Opus Dei. L’Équateur a finalement connu, dimanche soir, un séisme politique, avec la qualification de justesse du candidat écologiste Yaku Pérez, appuyé par une bonne partie des troupes de l’influente Confédération des nationalités indigènes d’Équateur (Conaie), fer de lance du soulèvement d’octobre 2019 contre le pacte d’austérité conclu entre le FMI et le président Lenin Moreno.

    Guillermo Lasso faisait déjà ses calculs

    Avec près de 98 % des procès-verbaux compilés, lundi matin, Andrés Arauz se plaçait en tête du scrutin, avec 32,2 % des suffrages, suivi de Yaku Pérez (19,8 %), au coude à coude avec Guillermo Lasso (19,6 %). Fait inattendu, le social-démocrate Xavier Hervas, candidat de la Gauche démocratique, réalise une nette percée, avec 16,02 % des voix. Drôle d’équation électorale, qui pourrait bien donner lieu à des contestations et des recours comme à des marchandages interlopes : dès dimanche soir, en jurant, depuis Guayaquil, la capitale économique, de ne reconnaître les résultats que sur la base de 100 % des bulletins comptabilisés, Guillermo Lasso, candidat pour la troisième fois, faisait déjà ses calculs : « Je félicite les 65 % des électeurs équatoriens opposés au retour du modèle totalitaire et populiste qui a échoué partout où il s’est appliqué, à commencer par le Venezuela », a-t-il lancé, dans un appel clair à constituer, au second tour, un large front « anticorréiste ». Il avait déjà promis, à la veille du scrutin, d’appeler à voter pour Yaku Pérez, « une personne précieuse », si celui-ci devait accéder au second tour.

    En dépit des conflits et rivalités traversant la Conaie et malgré la pauvreté programmatique de sa campagne, le candidat écologiste est parvenu à fédérer son camp, tout en séduisant un électorat jeune, urbain, sensible aux questions environnementales et aux défis posés par le changement climatique, qui fait déjà sentir ses désastreux effets dans les Andes – fonte des glaciers tropicaux, assèchement de sources et de lacs d’altitude. Avec des mots durs pour les choix extractivistes de l’ère Correa, qui entretenait des relations très conflictuelles avec les communautés indigènes opposées aux projets pétroliers et miniers, il promet, sans revenir sur les concessions existantes, de geler la frontière de l’exploitation minière et pétrolière.

    « Ce n’est pas un hasard s’il réalise ses meilleurs scores dans la sierra équatorienne et en Amazonie, remarque Cecilia Velasquez, la coordinatrice de son parti, Pachakutik. Notre lutte, notre projet politique, le cheminement du mouvement indigène consistent à défendre notre grande maison, la mère nature, la Pachamama. C’est pourquoi nous nous opposons à l’exploitation minière et pétrolière là où elle menace de polluer les eaux, les zones humides. La Constitution nous offre un point d’appui : elle prévoit la consultation des populations sur tout projet d’exploitation minière. Les contrats qui ne respectent pas de strictes conditions quant à la protection de l’environnement doivent être révisés. »

    Dans les quartiers populaires du sud de Quito, dimanche, c’est plutôt la question sociale qui préoccupait les électeurs, dans les files d’attente chaotiques formées aux abords des bureaux de vote. À Quitumbe, entre un échangeur de béton survolé, à basse altitude, par un hélicoptère militaire et des bus bleus filant à toute allure sans égard pour la foule débordant sur le béton, Alexander Villa, 22 ans, soulagé de s’être extirpé de cette cohue, se félicitait de son vote pour Xavier Hervas, sûr de sa détermination à remédier aux « déficiences du système éducatif ». Luis Quilumbaqin, 35 ans, témoignait des pressions endurées au travail : « Le patron nous a demandé de voter pour Lasso et de lui envoyer la photo du bulletin de vote, sous peine d’être licencié. J’ai coché le mien au crayon papier, envoyé la photo, puis gommé ce vote. Les gens d’argent veulent manipuler le scrutin, en profitant de la peur du chômage. Les riches ont peur du retour des corréistes, qui les obligeaient à payer leurs impôts. »

    Aux confins méridionaux de la capitale, dans la cour d’une école de Nueva Aurora aux entrées gardées par des policiers et des soldats, Carmen, 26 ans, piétinait sous un soleil de plomb à l’entrée de son bureau de vote, en espérant « que ces élections apportent le changement ». « Ce gouvernement n’a rien fait pour le peuple. Nous n’avons plus un sou en poche. Rafael Correa, lui, se préoccupait de nous. Il a beaucoup fait pour les pauvres, pour leur accès au travail, à la santé, à l’éducation. Arauz défend le même projet politique. Mais ils feront tout pour l’empêcher de gagner, quitte à faire voter les morts », nous expliquait-elle, la voix couverte par un haut-parleur exhortant les électeurs à se tenir éloignés les uns des autres.

    À l’autre bout de la ville et du spectre politique, David Cando, un habitant de la vieille ville coloniale, électeur de Lasso, redoute la victoire d’Andrés Arauz, « une marionnette de Correa, qui a divisé le pays, démoli ses institutions, couvert la corruption ». Il juge les options écologistes de Yaku Pérez « trop extrémistes » – « De quoi vivra un pays comme le nôtre, si on ferme les mines et les champs pétroliers ? » –, mais n’hésitera pas à se rallier à lui au second tour, pour barrer la route au candidat socialiste.

    Alors que les études d’opinion laissaient présager, dans la dernière semaine de campagne, une possible victoire au premier tour, Arauz a certainement pâti des féroces attaques de ses adversaires, qui l’accusent, pêle-mêle, d’avoir bénéficié des financements d’une guérilla colombienne, d’avoir reçu à Buenos Aires le vaccin contre le Covid-19 – alors qu’il a contracté la maladie après son séjour en Argentine –, d’avoir eu recours à des tests PCR pour son équipe de campagne.

    Lire aussi : Entretien avec Rafael Correa, ancien président équatorien : « On ne peut pas tromper longtemps un peuple qui a goûté à la dignité et au bien-vivre »

    À double tranchant, l’omniprésence de Rafael Correa dans la campagne, depuis son exil en Belgique, a mobilisé la popularité de l’ex-président dans les classes populaires, tout en semant le doute sur l’autonomie et les promesses de renouveau générationnel du candidat progressiste. À la veille du scrutin, la sortie de Correa, très catholique, sur les femmes souhaitant avorter « par hédonisme » en raison de leur « activité sexuelle frénétique » a choqué l’électorat de gauche – même si ni Arauz ni Pérez n’osent s’afficher publiquement en faveur de la légalisation de l’IVG, devant une opinion très conservatrice sur le sujet.

    Mais, dans l’entourage du candidat, on veut croire que le bilan du corréisme garantira, dans un pays clivé, la victoire au second tour. « Cette gauche aujourd’hui incarnée par Andrés Arauz a conduit pendant dix ans un pays habitué à voir valser les gouvernements. Elle est synonyme de stabilité politique, de compétence, de progrès, expose l’ancien chef de la diplomatie, Guillaume Long. Nous avons réduit la pauvreté et les inégalités comme jamais auparavant, nous avons doublé le PIB en dix ans. Dans ce contexte de pandémie, de crise économique et sociale terrible, cette expérience est notre atout majeur. »

    Rosa MOUSSAOUI, envoyée spéciale

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  • Quito, envoyée spéciale 

    Quelle sera votre priorité la plus urgente, si vous êtes élu ?

    Andrés Arauz La priorité sera de répondre aux besoins économiques les plus urgents des familles équatoriennes. Pour cela, nous verserons dès la première semaine de l’entrée en fonction de notre gouvernement une allocation de 1 000 dollars à un million de familles. Nous allons nous concentrer sur cela. Nous allons également travailler en urgence sur la fourniture du vaccin à la majorité de la population, en commençant par les professionnels de la santé.

    Vous voulez rompre avec l’austérité dictée par le Fonds monétaire international (FMI). Mais quelles seraient vos marges de manœuvre, dans un contexte de crise globale, où les cours du pétrole sont au plus bas ?

    Andrés Arauz Nous refusons d’accepter les conditions actuelles du FMI telles qu’elles ont été négociées avec le président sortant, Lenin Moreno, parce qu’elles affectent directement les poches des familles. Nous allons proposer notre propre programme économique, et si le FMI veut nous soutenir il est le bienvenu. Mais à nos conditions. Nous avons des marges de manœuvre importantes. Nous voulons par exemple rapatrier rapidement les fonds déposés par des Équatoriens à l’étranger pour financer notre développement.

    Qu’est-ce qui vous distingue de Rafael Correa ? Vous dites vouloir en faire votre conseiller, mais c’est un animal politique. Quelle serait votre marge d’autonomie ?

    Andrés Arauz Comme je l’ai dit, je souhaite qu’il devienne mon principal conseiller. Mais il a manifesté son intention de rester en Belgique, où il vit, de ne plus s’impliquer de façon aussi active dans le processus politique en Équateur. Évidemment, nous tiendrons compte de ces critères. La différence principale, c’est que nous allons proposer une rénovation générationnelle, impliquer la jeunesse et les femmes en politique, et travailler à un approfondissement du pouvoir populaire. C’est-à-dire nous engager dans une gestion gouvernementale associant les organisations sociales, le mouvement indigène, les syndicats, les étudiants, pour construire un projet politique plus durable.

    Que feriez-vous pour combattre la corruption ?

    Andrés Arauz Nous allons balayer la corruption de bas en haut et faire passer des réformes critiques. D’abord avec la création d’une banque de données publiques ouverte, accessible, avec des informations concernant l’État facilement disponibles et analysables par les chercheurs et les journalistes. Ensuite en mettant en place un système garantissant véritablement l’indépendance de la justice. Pour éviter que les accusations de corruption ne servent de prétexte à la persécution politique au détriment des aspects économiques : marchés publics, évasion fiscale, sorties de capitaux, gestion obscure de sociétés offshore établies dans les paradis fiscaux.

    Maints conflits ont opposé Rafael Correa et la Confédération des nationalités indigènes d’Équateur (Conaie). Quelle relation souhaitez-vous construire avec le mouvement indigène ?

    Andrés Arauz La meilleure possible ! En fait, nous avons déjà de très bonnes relations, sur la base du respect mutuel et d’un programme à long terme. La Constitution de la République stipule elle-même, dans son premier article, que l’Équateur est un État plurinational et pluriculturel. Avancer dans cette direction est donc un mandat constitutionnel. Notre relation sera bonne, axée sur l’intérêt de la grande majorité et l’approfondissement de l’État plurinational.

    La dollarisation prive l’Équateur de sa souveraineté monétaire et d’un instrument de politique économique. Comment sortir de cette situation ?

    Andrés Arauz Il n’est pas recommandable, pour l’Équateur, de sortir de la dollarisation. Parce que le dollar est aussi un ancrage monétaire international, c’est-à-dire que la force du dollar au niveau mondial ne peut être comparée à celle d’une monnaie nationale. S’il est clair que cela génère des problèmes de compétitivité pour l’Équateur, il est également vrai que cela nous donne plus de stabilité, de certitude, avec la possibilité d’une planification à long terme et la réduction des risques pour les familles comme pour les entreprises. Nous devrons donc travailler avec le dollar, en recherchant des flexibilités au sein de ce régime : vitesse de circulation de la monnaie, accès au crédit, nouveaux moyens de paiement rendus possibles par la technologie du XXI e siècle.

    Quelles seraient vos relations avec l’administration Biden, si vous gagnez ?

    Andrés Arauz Elles seront bonnes. Le changement de rapport de force politique aux États-Unis a permis aux progressistes de gagner du terrain au sein du Parti démocrate, et cela se reflétera dans l’administration Biden. Beaucoup d’entre eux sont des amis, avec qui nous collaborons depuis longtemps. Cela nous ouvre des opportunités. Maintenant, cela ne signifie pas que nous allons renoncer à défendre nos principes de souveraineté et de dignité, à rechercher, dans le monde, des relations diversifiées.

    Que feriez-vous pour relancer le processus d’intégration régionale ?

    Andrés Arauz Ce sera l’un des piliers de notre gestion : renforcer l’intégration latino-américaine dans les différents espaces de construction collective dont dispose la région. Mais, contrairement à ce qui a prévalu dans le passé, nous ne recherchons pas seulement une intégration entre gouvernements, entre responsables politiques. Nous voulons une intégration des peuples, impliquant les travailleurs, les étudiants, les femmes, les peuples originaires. On peut imaginer des programmes de recherches, des échanges universitaires, des initiatives culturelles et sportives, des coopérations aux prises avec le quotidien de nos peuples.

    Entretien réalisé par Rosa MOUSSAOUI, envoyée spéciale de l'Humanité

    source: https://www.humanite.fr/

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  • M. Biden a annoncé le 4 février 2021 que Washington, exigeant la fin de la  contre le nord du  unilatéralement engagée par Riyad en mars 2015, allait suspendre toute assistance et toutes ventes d’armes pouvant contribuer à la poursuite d’un conflit meurtrier, à la fois directement, du fait en particulier de bombardements qui ont tué ou blessé d’innombrables civils, et indirectement, en conséquence d’une crise alimentaire et sanitaire depuis longtemps toujours plus dévastatrice ; il a confirmé la nomination d’un émissaire pour le Yémen, M. Timothy Lenderking, diplomate assurément compétent et doté d’une large expérience orientale ; la diplomatie du royaume wahhabite a répondu immédiatement, en termes évidemment diplomatiques, que l’initiative du nouveau président étatsunien allait tout à fait dans le sens de ses propres vœux de trouver une issue politique et non point militaire à la guerre.

    Une « solution politique globale » ?

    Termes diplomatiques, certainement convenus à l’avance entre Washington et Riyad, mais pas forcément tout à fait insincères puisqu’il y a longtemps que les forces « houties » d’Ansarallah, non seulement progressent au sol, mais se montrent capables de frapper l’ennemi sur son propre territoire, parfois avec une particulière sévérité (l’on se souvient certainement de l’exploit technique des terribles frappes missilières – quelques missiles de croisière mais aussi en partie, probablement, des missiles embarqués par des drones – sur Abqaïq et Khurais, dans l’est séoudien, le 14 septembre 2019, dont l’effet fut de réduire pendant un certain temps la production du royaume de plus de moitié, avec un retentissement mondial – moment magnifique où le misérable martyrisé, sans causer un seul mort, giflait à la volée devant les spectateurs du monde entier les plus scandaleux et cruels despotes patrimoniaux de la planète). Incapable de gagner la guerre contre des va-nu-pieds héroïques (le colonel Nasser avait déjà confié en 1967 que sa guerre du Yémen était son Vietnam…), les dominants ne sauraient ne pas placer désormais leur espoir – comme en Syrie au fond – dans une « solution politique globale », selon l’expression employée immédiatement par Riyad ; chacun doit comprendre ce que cela veut dire : discuter d’une transaction inéquitable, sous l’arbitrage au fond de tiers partiaux, entre des criminels de guerre avérés, parfaitement indignes de confiance, et leurs victimes.

    L’  « oubli » finalement corrigé – en apparence – du retrait de la récente décision de l’Administration Trump de porter Ansarallah sur la liste des organisations « terroristes globales »

    Certains ont pu juger étrange que la mesure la plus immédiatement efficace n’ait pas été d’emblée annoncée par M. Biden – celle qui eût consisté à revenir sur la décision de l’Administration Trump de porter Ansarallah [« les  »] sur la liste des organisations terroristes ; seul un tel retrait pourrait en effet emporter des conséquences immédiates sur le chapitre, mis en avant par le nouveau président, de la « catastrophe humanitaire » ; puisque toutes relations avec de supposées ou prétendues organisations terroristes exposent les organisations humanitaires à des sanctions, la décision prise par la précédente équipe étatsunienne – avec effet au 19 janvier, veille de l’Inauguration Day de M. Biden ! – ne saurait ne pas paralyser une aide vitale ; de plus, il est difficile d’envisager des négociations sérieuses avec les représentants d’un mouvement terroriste, exposés d’ailleurs à se trouver arrêtés et jugés eux-mêmes comme terroristes ; enfin, le propos bidénien étant tout autant de détruire le gros du travail de M. Trump que celui de ce dernier avait été de ne rien laisser subsister de celui de M. Obama, l’on pouvait être surpris de voir « oubliée » une décision tardive, prise dans les derniers temps de la présidence sortante.

    Il me semble, pour comprendre la portée de ce qui se déroule à Washington sur le chapitre qui nous occupe, qu’il est commode de procéder en deux temps – et ce dernier terme est adapté – : s’interroger [1] d’abord sur ce qu’il était possible de penser après avoir entendu le silence, si l’on peut dire, de M. Biden, dans son discours du 4 février, sur le point du « terrorisme » d’Ansarallah, et [2] ensuite seulement sur la signification de la forme et du contenu de la correction de ce silence par « le Département d’État » [mais qui donc au Département d’État ?] le 5 février vers la fin de la journée.

    [1] Ici, pour conjecturer avec une certaine plausibilité – ce en quoi consiste une bonne part de la réflexion sur des relations internationales dans lesquelles la discrétion, le secret, la dissimulation et le mensonge tiennent une grande place, ne serait-ce, à l’âge contemporain, que parce que l’ n’a ordinairement aucun intérêt à la sincérité, mais doit travestir ses intentions véritables, toujours tortueuses et souvent monstrueuses, pour les rendre plus acceptables –, il faut se poser simplement la question « sous quelle condition puis-je comprendre une parole ou un silence, une [absence de] décision ou une situation qui ne vont pas tout à fait d’eux-mêmes au regard de l’observateur raisonnablement attentif ? » – ici l’improbable « oubli » d’une décision de M. Trump, effectivement catastrophique d’un point de vue humanitaire.

    M. Biden n’a pas seulement parlé dans son discours du 4 février de la catastrophe humanitaire ; la guerre du Yémen, a-t-il dit, « has created a humanitarian and strategic catastrophe », a fait naître une catastrophe humanitaire et stratégique ; de quelle catastrophe stratégique parle donc M. Biden ? il ne s’intéresse bien sûr pas au point de vue des « Houthis », lesquels peuvent d’ailleurs s’enorgueillir de l’immensité de leurs succès au regard de la modestie de leurs moyens ; la catastrophe ne saurait être autre que celle qui tient à la faiblesse démontrée, malgré un surarmement délirant dont les industries de guerre étatsuniennes se sont considérablement enrichies, de la riche protégée de Washington, aux menaces nouvelles pesant sur les intérêts capitalistes internationaux, secoués par l’affaire à tous égards explosive d’Abqaïq et Khurais, et bien entendu au renforcement objectif, dans la durée, malgré l’énormité et le cynisme des moyens mis en œuvre pour l’affaiblir, de l’Axe de la Résistance Téhéran-Sanaa-Damas-Beyrouth (versant Hezbollah bien entendu – car à Beyrouth il y a de tout).

    Le propos du chef principal (nominal du moins) de l’impérialisme n’est donc certainement pas de mettre fin à la souffrance de millions d’hommes ; il est de solder l’affaire engagée avec cruauté mais aussi une certaine bêtise ou inculture historique par le prince héritier Mohammed ben Salmane, alors qu’elle menace toujours davantage de devenir vraiment désastreuse pour le royaume des « deux Saintes Mosquées » ; en maintenant le handicap « terroriste », Washington pouvait penser le 4 février accroître la pression en vue de la négociation sur les chefs « houthis », selon une démarche inhumaine dont il est douteux qu’elle eût pu porter les moindres fruits.

    [2] Il est possible désormais d’apprécier la portée de la correction apparente du silence de M. Biden. On lit ici et là que cette correction – ce complément du moins – eût été apporté par le secrétaire d’État Blinken lui-même, oralement, tard dans la journée du 5 ; mais il semble que les choses se soient passées différemment ; il est frappant en particulier que, recevant la presse dans l’après-midi du 5, M. Ned Price, porte-parole du Département d’État, se soit montré assez flou sur ce chapitre particulier, tout en rappelant les préoccupations humanitaires supposées de la nouvelle Administration (dont on pourra mesurer la sincérité au Venezuela ou en  par exemple…) ; les mieux informés attribuent l’expression des sentiments et projets du Secrétaire Blinken à un « officiel » anonyme de sa propre administration, ce qui est formellement un peu léger, pour le moins ; l’on comprend toutefois que se trouve 1/ engagée une démarche tendant à rapporter l’inscription des « Houthis » sur la liste des organisations terroristes, sans qu’en soient précisées les étapes ; 2/ démarche justifiée exclusivement par l’urgence humanitaire ; 3/ et n’impliquant aucunement une infirmation au fond des vues de l’Administration Trump, jugées finalement non pas inappropriées politiquement ou moralement mais inopportunes humanitairement ; selon les mots (absurdes) prêtés à cet « officiel », il n’est évidemment pas question de renoncer au fond à la caractérisation qu’appelle « their [les « Houthis »] reprehensible conduct, including attacks against civilians and the kidnapping of American citizens » (!!!) – je ne traduis pas ces inepties, c’est inutile. Que dire ? qu’à l’évidence le propos n’est aucunement de reconnaître, au fond si l’on veut, le caractère – certes – non terroriste, et aucunement « global » bien entendu, d’Ansarallah ; mais simplement de retirer, formellement, une inscription sur une liste d’organisations terroristes afin, à l’abri d’un alibi humanitaire de la sorte dont raffole l’impérialisme tardif, de tourner une page désastreuse pour le camp atlantique large (incluant bien sûr monarchies réactionnaires et sionisme halluciné, désormais pleinement unis aux yeux du monde comme on le sait – mais il n’y a vraiment rien de nouveau si ce n’est la publicité donnée aux épousailles) ; ainsi, dans le temps même où l’on amorce un processus que l’on peut dire de déqualification, une manière de sous-fifre explique qu’il est purement instrumental et ne signifie nullement que le mouvement « Houthi » ne soit pas, au fond, « terroriste » (ce qui n’est assurément pas le cas si les mots peuvent avoir un sens et une signification distincts de celui que le rapport de forces leur injecte).

    Ce qui est inacceptable pour Ansarallah

    Il est inacceptable pour Ansarallah, 1/ d’accepter d’être délégitimée en voyant sa juste résistance absurdement caractérisée comme « terroriste » – et même « terroriste globale » –, et de participer ainsi à une négociation comme dans le sac du pénitent, 2/ de devoir, par la négociation même, reconnaître la légitimité d’un gouvernant illégitime qui a appelé et prétendu justifier l’agression séoudienne contre le Yémen ; l’inacceptabilité morale se double bien sûr ici de l’impossibilité à peu près technique qu’une négociation engagée dans le cadre d’une complète inversion accusatoire débouche sur quelque résultat satisfaisant que ce soit.

    [1] Les Houthis ne sont pas plus terroristes que ne l’étaient les résistants français : ils s’opposent légitimement à un agresseur étranger qui bien entendu, dans la lutte pour les noms – ce que les juristes appellent processus de « qualification » –, souhaite que leur courageuse résistance soit qualifiée d’une façon infamante et propre à porter les effets de droit les plus dommageables pour eux.

    Il est en effet, comme toujours, plusieurs guerres pour la qualification en cette affaire ; la première a affecté liminairement la question du fondement « légal » de l’action séoudienne ; j’y reviendrai en [2] ; la seconde guerre pour la qualification – résistance ou terrorisme – est celle que j’ai évoquée un peu plus haut, liée dans une certaine mesure à la première. Or, si les « Houthis » sont des soldats héroïques, capables de conduire le combat dans les conditions les plus ingrates, ils ne sont animés d’aucune vue takfiriste permettant de les assimiler aux miliciens sunnites les plus radicaux (tels ceux de l’État islamique) ; ils appartiennent d’ailleurs à un rameau du chiisme, le zaïdisme, qui n’est nullement le plus incompatible avec les vues du gros des sunnites [sunnites avec lesquels, au Yémen même, ils ont longtemps vécu sans difficultés véritables] ; leur assimilation pure et simple au chiisme duodécimain d’une bonne partie des Iraniens ou du gros des chiites libanais, aucunement porteur lui-même d’ailleurs, sauf en de très rares circonstances passées, de terrorisme en dépit des vues promues en Occident afin de nuire à Téhéran et au Hezbollah, est d’ailleurs très abusive, de même que l’allégation tendant à les évoquer comme des supplétifs de la révolution islamique iranienne dont on comprend en regardant une carte que son assistance à leur combat, répétitivement dénoncée, n’a guère la possibilité d’être quantitativement importante, si elle a pu être qualitativement, techniquement, décisive [en particulier en matière de missiles et de drones].

    L’on serait bien en peine d’ailleurs de citer, venant de cette mouvance, des cas d’attentats de la sorte que l’on considère immédiatement comme « terroriste » ; ses membres ont plutôt été victimes eux-mêmes des attentats des cellules de Daech et d’al-Qaïda dans la péninsule arabique (AQPA) contre lesquelles il arrive aux monarchies patrimoniales du Golfe de lutter mais qu’elles utilisent bien entendu aussi de la même façon que le protecteur étatsunien et certains de ses alliés (que l’on songe à Londres et à ses White Helmets !)

    La désignation d’Ansarallah comme mouvement terroriste a simplement manifesté le degré de dérèglement dans l’allocation des noms auquel était parvenue l’Administration Trump, tout particulièrement dans les derniers temps.

    [2] Les « Houthis » ne peuvent reconnaître la légitimité d’Abd Rabbo Mansour Hadi, contre lequel ils se sont intelligiblement rebellés, et par suite celle de l’intervention de la coalition séoudienne ; ici, rudimentairement, quelques « faits » et un peu de « droit ».

    1/ De M. Abd-Rabbo Mansour Hadi, la notice Wikipédia (et tous les journalistes à sa suite) porte qu’il est « Président de la République du Yémen. En fonction depuis le 25 février 2012 » ; si les juristes ne manquaient pas en général de courage et, absorbés par la bienpensance sociétale et les aspects « économiques » du droit, ne se fichaient pas éperdument désormais des petits peuples opprimés (ce n’était pas le cas il y a cinquante ans), ils objecteraient ; en effet, candidat unique, ARMH a été élu en février 2012 au suffrage universel pour un mandat transitoire de deux ans ; en janvier 2014, son mandat a été prorogé, selon une procédure dont la constitutionnalité était plus que douteuse, jusqu’en février 2015 (il ne s’agissait plus de suffrage universel mais d’accord entre « political factions », hors de tout cadre institutionnel formel) ; si bien que, lorsqu’il est supposé avoir lancé un appel à l’intervention des Séoud et de leurs amis, alliés et mercenaires, quelques jours avant leur offensive du 26 mars 2015, il n’était plus rien, il ne disposait d’aucun titre à agir comme chef de l’État.

    2/ Or le principe de l’interdiction du recours à la force (Charte des Nations Unies, ch. 1er, art. 2 § 4) ne comprend que trois exceptions, la légitime défense, l’action militaire autorisée par le Conseil de Sécurité, ou l’ « intervention sur invitation » ; Riyad ne peut se revendiquer d’aucun des deux premiers titres ; quant au troisième, il implique que la personne habilitée à lancer l’invitation jouisse elle-même d’un titre incontestable, ce qui n’est donc pas le cas ici.

    Il est bien sûr difficile de savoir ce que feront exactement les chefs de la rébellion ; mais il est fort improbable, de quelque façon qu’ils jouent la partie, qu’ils acceptent de se lancer vraiment dans un jeu aussi profondément faussé par leurs ennemis, dans lequel ils ne pourraient guère ne pas perdre à la longue après tant d’efforts magnifiques.

    Stéphane Rials   [8 février 2021]


    Situation au 9 février 2020 d’après Liveuamap

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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