• Le 22 juin dernier, à la date de l’agression allemande de 1941 contre l’Union soviétique, le biélorusse Alexandre Loukachenko a prononcé un discours devant le complexe commémoratif rappelant la résistance héroïque de Brest, ville héroïque, dont les habitants ont tout fait pour freiner la marche meurtrière des armées nazies. En effet, la République socialiste soviétique de Biélorussie était, littéralement, aux avant-postes de la de l’URSS et la citadelle de Brest a résisté trois semaines. Mais Alexandre Loukachenko ne s’est pas contenté d’honorer la mémoire des héros résistants. Il a également pointé la décision du gouvernement allemand actuel de prononcer des sanctions élargies contre la Biélorussie, à la date précise, 80 ans plus tard, de l’agression nazie : le 22 juin 2021, dans la nuit. Difficile de faire davantage dans le cynisme et la provocation. À se demander si le ministre allemand des Affaires étrangère, M. Maas, qui se prétend probablement démocrate, ne regrette pas l’époque où le gouvernement nazi envahissait l’URSS, pour la détruire, la coloniser et l’asservir.

    Allocution du Président de la République de Biélorussie , Alexandre Loukachenko, lors de la cérémonie de dépôt de gerbes à la Flamme éternelle-22 juin 2021

     

    Chers Biélorusses, chers compatriotes !

    Chers vétérans, invités du Belarus !

    Le 22 juin 1941 est le jour du souvenir et du deuil pour tous les Bélarussiens, une date qui a divisé la vie des gens en un ‘avant’ et un ‘après’. Ce dimanche matin d’été a été une barrière terrifiante entre la paix et la guerre, entre la lumière et les ténèbres, entre la vie et la mort. Une armada impitoyable, apportant la mort et l’esclavage, a fondu sur nos terres. Les fascistes n’ont épargné ni les personnes âgées ni les enfants en bas âge. Plus tard, après le 1945, les Allemands qualifieront ce jour de juin de fatal pour leur nation. Mais il y a 80 ans, les assassins hitlériens avaient l’intention de traverser la Biélorussie en une marche victorieuse. Ils voulaient traverser notre pays aussi facilement et rapidement qu’ils l’avaient fait en République tchèque, en Belgique, aux Pays-Bas, au Danemark, en Norvège, en France, en Grèce, en Pologne –sur tout le territoire de l’Union européenne actuelle –où ils avaient défilé triomphalement.

    Début juillet, amis et ennemis de l’Union soviétique se demandaient combien de temps le pays pourrait tenir – deux semaines, trois, peut-être un mois ? Et les stratèges de Berlin prévoyaient déjà une parade fasciste sur la Place Rouge à Moscou. Mais ici, sur les murs de la citadelle biélorusse de Brest, littéralement dès les premières heures de la guerre, le blitzkrieg nazi a été contrecarré. Rappelez-vous le mot “blitzkrieg”, juste au cas où. Il a échoué lorsque, dans les dernières minutes de sa courte vie, un a griffonné sur le mur : “Je meurs, mais je ne me rends pas”. Adieu, Patrie”.

    Malheureusement, nous ne savons pas qui il était. Nous ne connaissons pas les noms des nombreux défenseurs de la forteresse de Brest, nous ne savons pas comment ils sont morts ni où ils sont enterrés. Souvenez-vous en, c’est un signal pour vous.

    Il y a quelques semaines, Peter Kotelnikov, le dernier témoin de ces événements, nous a quittés. Mais dans la mémoire des gens, son nom vivra toujours, ainsi que ceux de ses compagnons d’armes, le lieutenant Kizhevatov, le capitaine Zubachev, le major Gavrilov et des milliers d’autres héros soviétiques. Ils ont empêché les fascistes de prendre une place forte sur la rivière Bug en huit heures. Trois semaines plus tard, alors que les combats commençaient dans les lointaines banlieues de Smolensk, la forteresse de Brest continuait de se battre.

    Chers amis, c’était une époque terrible. Nous avons enterré un grand nombre d’entre eux, et beaucoup d’autres ont disparu. Observons donc une minute de silence à la mémoire des héros qui ont sauvé le monde, la liberté et l’indépendance en se sacrifiant.

    Les envahisseurs (et c’est presque toute l’Europe qui se battait contre l’Union soviétique) ne comprenaient pas alors pourquoi, même dans les situations les plus désespérées, le soldat soviétique ne se rendait pas, comment il pouvait tenir bon et finalement gagner. De même, les descendants de ceux qui, dans les années 40, ont marché sur le sol bélarussien jusqu’à Moscou, brûlant des maisons et détruisant des personnes, ne nous comprennent pas aujourd’hui. Ils sont perplexes quant à la raison pour laquelle nous existons encore sur cette terre en tant qu’État. Apparemment, ils ne peuvent pas le comprendre.

    D’énormes ressources financières ont été consacrées à la mise en œuvre de la “guerre éclair de couleur”. Depuis un an, nous subissons les effets des technologies de guerre hybride les plus avancées. Les Biélorusses demandent de plus en plus souvent : allons-nous nous battre ? Allez, les Biélorusses. Nous sommes en guerre depuis longtemps déjà. La guerre a juste pris d’autres formes. Il n’y aura plus ces guerres, ils ne se précipiteront pas dans cette porte (la forteresse de Brest. – Ndlr) avec des milliers de soldats. La guerre commencera et commence toujours dans les conditions modernes à partir de l’intérieur de l’État.

    Prenez toutes les révolutions, comme on dit, colorées, qui ont été commises au cours des dernières décennies : tout a été fait pour faire exploser la société de l’intérieur. Et ils (l’Occident – note de la rédaction) viendront ensuite nous “sauver”. Les scénarios ont été rédigés, les rôles ont été attribués. Nous sommes juste devenus plus forts et plus sages. Je me risquerai à dire que nous sommes encore plus forts que nos prédécesseurs en 41, car nous décidons de notre propre destin. Nous sommes ici pour décider si nous devons les provoquer ou non, si nous devons attendre qu’ils nous agressent et nous déchirent ou non. Nous sommes un État souverain et indépendant, et il en sera ainsi à partir de maintenant.

    En même temps, ces allumés là-bas, à côté, attendent notre aide. Ils demandent l’arrêt de l’immigration clandestine : des milliers de personnes venant de ces pays en ruine, qu’ils ont essayé de mettre à genoux et qu’ils ont commencé à détruire une fois sur place, se sont précipitées vers l’Occident tolérant en passant par l’Asie centrale et la Russie. Ils les ont invités, et aujourd’hui ils hurlent : “Oh, les Biélorusses ne nous défendent pas. Des milliers et des milliers de migrants illégaux se sont précipités en Lituanie, en Lettonie et en Pologne.

    Ils nous demandent de les protéger de la contrebande, des drogues. Un signal se fait entendre d’outre-Atlantique : aidez-nous, comme avant, à retenir les matériaux nucléaires pour qu’ils n’arrivent pas en Europe. Je veux leur demander : êtes-vous devenus fous ? Vous avez déclenché une guerre hybride contre nous et exigez de nous que nous vous défendions, comme avant ? Vous nous étouffez, méthodiquement et collectivement, vous nous ruinez, vous essayez de tuer notre économie et vous attendez de nous que nous dépensions des centaines de millions de dollars, comme avant, pour défendre vos intérêts géopolitiques ? Seuls des fous peuvent penser cela et s’attendre à ce que nous les soutenions.

    Nous luttons contre ce mal du mieux que nous pouvons. Si vous voulez que nous nous battions comme avant, faites des pas dans notre direction et n’essayez pas de nous étrangler. C’est futile. Il est trop tard, messieurs.

    Mais qui ne devait vraiment pas participer à cette conspiration collective, c’était l’Allemagne. Les descendants de ceux qui ont massacré dans la Grande Guerre patriotique non seulement un Biélorusse sur trois, mais aussi des millions d’enfants à naître.

    Il y a 80 ans, je crois, c’était comme ça : le temps était chaud, ensoleillé, un beau dimanche après-midi. Les gens se délassaient, les jeunes voulaient vivre. Quelqu’un allait se marier, quelqu’un allait accoucher, quelqu’un se préparait à avoir des bébés. Soudain, à quatre heures du matin, des milliers de tonnes de métal ont été déversées sur la tête des citoyens de Brest et de toute la Biélorussie, de manière barbare et sournoise. Comment qualifier cela ?

    Quatre-vingts ans ont passé, et que voyons-nous ? Une nouvelle guerre chaude. Regardez un peu : est-ce un symbole délibéré ? Hier, ils ont imposé des sanctions économiques contre notre peuple et nos entreprises. Le 22 juin, dans la nuit. Vraiment, l’histoire ne leur a rien appris.

    Or pendant les 80 ans qui ont suivi l’année 45 du siècle dernier, les Allemands ont arpenté le monde entier, en Europe, dans l’ancienne Union soviétique avec leur repentir. Ils se repentaient, pleuraient, s’ agenouillaient, nous demandaient d’édifier des monuments, d’enterrer les fascistes allemands non enterrés qui sont venus sur notre terre. Et nous étions gentils et tolérants. Bien sûr, nous. Nous qui avions gagné cette guerre. Nous qui avons souffert, avons ouvert notre cœur et notre âme et les avons traités avec humanité. Et maintenant ?

    Citation d’hier : « Les sanctions devraient être étendues à des secteurs entiers de l’économie biélorusse ». Autrement dit, qu’ils crèvent. C’est-à-dire nous. On a envie de demander à l’auteur de ces lignes, un certain Maas, ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne : M. Maas, qui êtes-vous ? L’Allemand qui s’est repenti hier ou le successeur des nazis ? Qui êtes-vous, répondez publiquement. Au moins devant votre propre peuple.

    C’est pourquoi il est inutile de vous repentir en public des péchés de vos prédécesseurs. Des repentances sans valeur, que nous avons récemment entendues de la part des présidents autrichien et allemand. Aucun mot ne peut cacher les véritables intentions.

    Vous ne devriez pas que vous repentir. Vous devriez vous tenir à genoux devant le peuple biélorusse pendant encore 100 ans et remercier le ciel d’avoir pu naître après cette guerre. Vous devriez faire de votre mieux pour guérir les blessures de cette guerre dans nos cœurs et nos âmes. Vous ne devriez pas nous étrangler. Les Allemands, les Polonais et la soi-disant Union européenne devraient nous porter dans leurs bras. Parce que nous vous avons sauvé de la peste brune. Et vous auriez été réduits en esclavage avec nous, avec tous les Soviétiques, s’ils avaient eu le dessus.

    Et ne nous bercez pas d’histoires sur les exercices défensifs et le caractère pacifique de l’OTAN. Nous en avons eu notre lot depuis 41, lorsque nous vous avons fait confiance et n’avons tiré aucune leçon de l’histoire, vous donnant l’Europe de l’Est (les pays du Pacte de Varsovie) après la victoire en échange de vos promesses que vous n’avanceriez pas d’un pas dans notre direction et que vous n’étendriez pas, comme il est de bon ton de le dire maintenant, l’OTAN vers l’Est. Au minimum, vous êtes des menteurs, au maximum, vous êtes des crapules. Vous avez menti tout le temps, vous nous avez trompés, mais aujourd’hui c’est fini.

    Nous ferons tout pour protéger nos terres. Et nos fils, qui se tiennent ici sous les drapeaux des vainqueurs, feront tout pour que vous viviez une vie paisible sur votre terre. Vous êtes Ukrainiens, Biélorusses et Russes, Polonais, Juifs, Tatars. Vous tous qui vivez ici, sur cette terre. C’est votre terre. Vous n’êtes les bienvenus nulle part ailleurs, et ne croyez pas ces promesses que vous y serez accueillis, par exemple, avec un passeport polonais, les bras ouverts. Certains ont tenté l’expérience et sont vite rentrés chez eux. C’est votre terre, les Biélorusses, prenez-en soin, appréciez-la. Parce qu’elle n’appartient pas seulement à nous. Elle appartient à nos enfants et petits-enfants. Ils devraient avoir ce petit morceau de terre, sur lequel ils vivront et élèveront leurs enfants.

    Et nous voyons parfaitement que l’Occident collectif continue de rêver d’une nouvelle “ruée vers l’Est”, de la domination mondiale et de l’appropriation des riches ressources à l’est du Belarus. À cette époque, après la guerre, il n’y avait personne pour restaurer l’économie en ruine. Aujourd’hui encore, nous ne nous sommes pas remis de cette catastrophe démographique.

    Le harcèlement informationnel n’a pas donné les résultats escomptés. Maintenant, nous subissons un choc économique. J’aimerais savoir ce qu’il y aura après ? Une intervention ? Oubliez ça, calmez-vous. Cela vous coûtera cher. Des politiciens suffisants depuis les hautes tribunes de l’autre côté de la frontière mentent malhonnêtement sur le fait que le peuple bélarussien supplie lui-même qu’on lui impose des sanctions. Apparemment, les Bélarussiens sont prêts à souffrir au nom d’un éphémère “avenir radieux”, qui leur sera apporté par ces gentils messieurs à la pointe de leurs baïonnettes. Réveillez-vous enfin, pauvres insensés que vous êtes!

    Combien de cas de ce genre se sont produits dans notre histoire, alors qu’on nous promettait monts et merveilles : la liberté, l’indépendance, et un État qu’on promettait de créer pour les Biélorusses à la pointe des baïonnettes. Et quel a été le résultat ? En conséquence, lors de la dernière guerre, une personne sur trois a été enterrée. Combien ont été mutilés ? Non seulement physiquement, mais combien de personnes, combien de destins et de cœurs ont été estropiés ?

    Sanctions, provocations… Cela me donne envie de demander : le faites-vous exprès ? Voulez-vous tester la frontière et une nouvelle génération de Biélorusses pour leur patriotisme ? Allez-y.

    Écoutez, l’histoire ne vous a-t-elle rien appris ? Regardez : tout comme il y a 80 ans, la région est au bord d’un conflit mondial. Avant tout, je m’adresse, une fois de plus, aux habitants de nos pays voisins – Polonais, Lituaniens, Lettons et Ukrainiens. Réveillez-vous avant qu’il ne soit trop tard. Débarrassez-vous de ces politiciens qui sont devenus fous et ont perdu la réalité. Regardez, quel beau monde, et dans ce monde nous avons toujours vécu normalement, en voisins, en partageant un morceau de pain, en allant les uns vers les autres. Arrêtons-nous à cette dernière ligne : demain il sera trop tard.

    Y a-t-il vraiment des Ukrainiens, des Lituaniens, des Lettons, des Polonais, que les Bélarussiens ont toujours traités avec amitié, qui sont prêts à sacrifier cette vie paisible au nom de la folie et des ambitions de certains dirigeants de ces États, des politiciens qui ne se soucient pas vraiment de notre peuple bélarussien, de leurs peuples, de leurs destins et de leur statut d’État, de notre statut d’État bélarussien ?

    Je le dis encore une fois à ceux qui ne l’ont pas encore compris. Que ce soit clair une fois pour toutes : nous ne céderons notre terre natale, notre indépendance et notre souveraineté à personne. Nous tiendrons bon dans tous les cas ! Je souhaite simplement que nous puissions le faire de manière humaine, comme toujours, de manière slave.

    Le monde d’aujourd’hui ne se limite pas à l’Union européenne. Il y a suffisamment de pays et de régions responsables sur la planète, avec lesquels nous continuerons à coopérer étroitement. Nous sommes les héritiers de la grande génération qui nous a donné la vie, la liberté et l’indépendance. Rappelez-vous, Biélorusses, non seulement ce que nous disons, mais même ce que nous pensons, ils le voient là-haut dans le ciel et l’entendent. Souvenez-vous de ça. Je vous le dis aujourd’hui, en comprenant qu’ils nous entendent. Ils doivent comprendre qu’ils ne sont pas morts en vain.

    Cette armée sainte nous aide aujourd’hui encore à préserver notre Biélorussie natale. Elle nous aide tout d’abord par un exemple de résistance indomptable, de courage et d’abnégation démontré pendant la Grande Guerre Patriotique.

    Aujourd’hui, nous célébrons les faits d’armes de notre peuple, nous honorons les anciens combattants et nous pleurons les victimes, en nous inclinant devant les héros et les victimes innocentes de la guerre. Rappelez-vous que la mémoire est sacrée et immuable, et que tant que nous l’aurons, nous vivrons toujours avec dignité, et non à genoux. Il en est ainsi, il doit en être ainsi et il en sera toujours ainsi !

    traduction en français de Marianne Dunlop

    https://president.gov.by/ru/events/ceremoniya-vozlozheniya-venkov-v-memorialnom-komplekse-brestskaya-krepost-geroy

     

    BREST, 22 JUIN 2021, Cérémonie et commémoration:

     

     

    22 Juin 2021, Loukachenko au Fort de Brest: Appel à la Résistance populaire antifascisteUn précédent rassemblement de Résistance antifasciste à Brest, en Août 2020

     

    sources:

    https://histoireetsociete.com/2021/07/01/loukachenko-lheroisme-bielorusse-face-aux-armees-nazies/

    https://www.initiative-communiste.fr/articles/europe-capital/quatre-vingts-ans-ont-passe-et-que-voyons-nous-une-nouvelle-guerre-chaude-lappel-de-loukachenko-depuis-la-citadelle-resistante-antifasciste-de-brest/

    http://belarusolidarite.eklablog.com/22-juin-2021-loukachenko-au-fort-de-brest-appel-a-la-resistance-popula-a208678362

     

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    Au Nicaragua, la spirale répressive “décapite” l’opposition », titre Le Monde (17 juin 2021) en évoquant l’arrestation de treize dirigeants « à quatre mois de la présidentielle ». Le nom du support est purement anecdotique : qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou même qu’ils professent le « tout en même temps », la quasi totalité des médias, à la manière d’un « parti unique », publient quasiment la même chose pour dénoncer la « criminelle dérive du régime de Daniel Ortega ». Une telle unanimité devrait mettre la puce à l’oreille. Soit le Nicaragua est effectivement devenu « le Goulag centraméricain » du quotidien espagnol El País (27 juin), soit ce surprenant consensus relève d’une abstraction perversement (ou paresseusement) plaquée sur la réalité.

    Héritier de la lutte de libération contre la dictature d’Anastasio Somoza (1979) puis de la résistance à la guerre de basse intensité qui lui fut imposée par Ronald Reagan (1981-1989) et George H.W. Bush (1989-1993), le Front sandiniste de libération nationale (FSLN) est revenu au pouvoir, par les urnes, depuis 2007, en la personne d’Ortega. Sans faire de miracles, et dans le cadre d’une politique pragmatique, avec ses bons et ses moins bons côtés, celui-ci a sorti les Nicaraguayens les plus modestes du long cauchemar dans lequel la droite néolibérale les avait plongés depuis l’arrivée à la présidence, en 1990, de la carte de Washington, Violeta Chamorro. Raison pour laquelle, à deux reprises, Ortega a été réélu avec, de plus, une majorité sandiniste confortable à l’Assemblée.

    Même s’il ne l’a pas encore officiellement annoncé, tout un chacun présume qu’il se présentera en novembre prochain à sa propre succession (à l’image d’un Helmut Kohl ou d’une Angela Merkel demeurés durant seize années au pouvoir outre-Rhin). Toutefois, pour ne pas déroger à ce qui devient une sale manie au sein de la droite continentale, l’opposition « nica » dénonce par avance une « farce électorale ». Ce bien que tous les sondages donnent l’actuel chef de l’Etat vainqueur (quelle que soit l’orientation politique de l’institut, parmi lesquels CID Gallup, qui les a menés à bien). D’où la poursuite d’une obsession : comment, et par quels moyens, se débarrasser du sandinisme et d’Ortega ?

    L’opposition a tenté de le faire en 2018 par la violence. Sans résultat concret, sauf un très lourd bilan : 220 morts, dont 22 policiers et 48 sandinistes, d’après la Commission de la vérité gouvernementale. Contrairement à ce que prétend le pouvoir sandiniste, il ne s’est pas agi d’une tentative de « coup d’Etat ». Pour qu’il y ait « golpe », il faut qu’une ou plusieurs institutions de l’Etat – Forces armées, Police, Justice, Parlement – participent au renversement du président – comme au Venezuela d’Hugo Chávez en 2002 (factions militaires), au Honduras de Manuel Zelaya en 2009 (Parlement, Cour suprême de justice, Armée), au Paraguay de Fernando Lugo en 2012 et au Brésil de Dilma Rousseff en 2016 (Parlements), dans la Bolivie d’Evo Morales en 2019 (Police, Armée) – avec une contribution plus ou moins discrète de l’USG (US Government)...

    Pour en revenir à 2018, toutes les institutions sont demeurées loyales au pouvoir légitime, preuve, s’il en était besoin, de la solidité du système démocratique au Nicaragua. En revanche, il y a bien eu tentative de renversement extraconstitutionnelle du président élu. Ce que l’on a généralement dépeint sous le vocable de « manifestations pacifiques » avait toutes les caractéristiques d’une rébellion anti-démocratique menée par le biais d’une violence de caractère insurrectionnel. A laquelle se sont opposés, de façon tout aussi rugueuse, le pouvoir et sa base sociale sandiniste – mouvement de masse organisé, endurci par une longue habitude des agressions, et largement sous-estimé tant par l’opposition que par le cartel d’« observateurs » qui lui sont inféodés [1].

    Depuis (et même auparavant), si elle peine à affronter « à la loyale » le couple Ortega-Murillo » (Daniel, président ; Rosario Murillo, son épouse et vice-présidente), la droite ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Nostalgique de l’époque au cours de laquelle les « gueux » ont été laminés par ses politiques, elle n’a pas cru devoir élaborer et proposer un quelconque programme ou projet de pays susceptible de faire oublier à ses compatriotes le désastre social qu’elle leur a imposé dans le passé. Rien – à part la haine d’Ortega ! Et les ambitions personnelles. Voire familiales, s’agissant du clan Chamorro – Cristiana, Carlos Fernando, Juan Sebastián, Pedro Joaquín –, lesquels, héritiers d’une dynastie de présidents conservateurs [2], se considèrent légitimes propriétaires du Nicaragua. De sorte que, au-delà des grands discours essentiellement destinés à l’étranger, la confrérie des personnalités censées combattre ensemble le sandinisme passe son temps à se déchirer.

    De la crise de 2018, ont surgi et survécu deux courants. L’un, l’Alliance civique pour la justice et la démocratie (ACJD), a été créé de toutes pièces par les évêques conservateurs pour un supposé « dialogue national » tenu en mai et juin 2018. Dès l’origine, l’ACJD a pu compter sur une présence importante en son sein du secteur des affaires et du patronat. De son côté, l’Union nationale bleu et blanc (UNAB) [3] représente plus ou moins la « société civile », une nébuleuse d’ « autoconvoqués », d’organisations non gouvernementales (ONG) allant du « féminisme » à la supposée « défense des droits humains » en passant par une poignée de partis politiques non représentés au Parlement – dont le Mouvement de la rénovation sandiniste (MRS). Les « dissidents » du FSLN qui y cohabitent sont devenus les plus féroces ennemis de leur ancien « compañero » Ortega depuis qu’ils ont été mis en minorité, en 1994, lors d’un Congrès extraordinaire du parti.

    Censé représenter l’opposition « de gauche », le MRS n’a pas hésité à appuyer la droite la plus droitière lors des scrutins tenus en 2008, 2011, 2012 et 2016. Mettant fin à une ambiguïté entretenue depuis 1995 autour de l’adjectif « sandiniste », le parti a finalement renié son origine en devenant l’Union démocratique rénovatrice (Unamos) en janvier 2021. Le 3 mars suivant, sa présidente Suyen Barahona ainsi que Tamara Dávila, membre de sa commission exécutive, mais aussi du Conseil politique de l’UNAB, confirmeront clairement la couleur en participant à une réunion virtuelle avec le président autoproclamé Juan Guaido pour évoquer « la lutte pour la démocratie » tant au Nicaragua qu’au Venezuela.

    En octobre 2018, l’ACJD et l’UNAB ont annoncé en grandes pompes leur mariage. Sans être d’accord sur rien. L’UNAB souhaitait une paralysie générale du pays (« paro nacional ») [4] pour « faire tomber Daniel ». L’ACJD – directeur exécutif : Juan Sebastián Chamorro – n’y tenait pas, lui préférant une pression diplomatique internationale destinée, avec le moins de casse possible pour les secteurs économiques, à imposer des réformes au chef de l’Etat. Commence alors un interminable (et parfois ubuesque) feuilleton. C’est ainsi que, début janvier 2020, l’ACJD annonce qu’elle se sépare « amicalement » de l’UNAB pour former… « une grande coalition nationale ». D’après José Pallais, son directeur exécutif (ex-ministre des Affaires étrangères de Violeta Chamorro), l’ACJD « dépasse une étape d’unité » pour passer à « un stade supérieur d’intégration »  ! Pour sa part, Medardo Mairena, dirigeant d’une faction de paysans antisandinistes, revendique son autonomie. Devant tant de cohérence, même le très conservateur britannique The Economist pronostique que, compte tenu du retour au calme et de la récupération graduelle de l’économie, Ortega remportera le scrutin de 2021.

    Le 25 février 2020, avec les mêmes et quelques autres, nait, sans vraiment naître, tout en naissant, une Coalition nationale. Ses statuts comportent un « article transitoire » qui établit que les « désaccords et les doutes en suspens » pourront être discutés ultérieurement et que les divergences fondamentales devront être résolues par consensus. Scission du vieux Parti libéral constitutionnaliste (PLC) des ex-présidents conservateurs Arnoldo Alemán (1997-2002) et Enrique Bolaños (2002-2007), Citoyens pour la liberté (CxL), peu ou prou sous la coupe du patronat, refuse d’intégrer le bloc et invite tous les opposants à se regrouper dans un… « mouvement unitaire » – qu’il dirigera ! La Coalition nationale n’en prend pas moins son envol définitif le 25 juin, forte de l’UNAB, de l’ACJD, du Mouvement paysan, d’une faction du Front démocratique nicaraguayen (FDN ; ex-« contras » [5])et de trois partis politiques, le PLC, Restauration démocratique (PRD ; évangélique) et Yátama (Indigènes de la côte atlantique). Le projet politique hautement démocratique de cet attelage saute immédiatement aux yeux : « La fin ultime de la Coalition, déclare la membre du conseil politique de l’UNAB Alexa Zamora, n’est pas les élections [de 2021], notre objectif est de sortir Ortega, notre ennemi commun. » Pour qui n’aurait pas tout à fait saisi, Medardo Mairena précise, au nom de son Mouvement paysan : « Ceci est une nouvelle étape pour nous unir et renverser ce régime dictatorial qui a provoqué tant de souffrance [6]. »

    Parmi tout ce beau monde, on devine déjà une dizaine d’aspirants à la présidence pour l’« après Ortega ». Coups et crocs en jambe se multiplient. Le 26 octobre 2020, l’ACJD formalise sa sortie de la Coalition pour (comme il se doit) « promouvoir une plateforme politique et électorale unie et inclusive ». « Ce n’est pas une rupture, clarifie le plus sérieusement du monde Juan Sebastián Chamorro, nous voulons avoir une relation respectueuse avec tous les opposants, mais notre option est de revenir à la question de l’unité, et l’unité ce n’est pas seulement la Coalition nationale. » En désaccord avec cette conception assez particulière de l’unité, des dirigeants des villes de León, Estelí, Madriz, Chontales et autres abandonnent l’ACJD et demeurent au sein de la Coalition. Dont, en juillet, le dirigeant paysan Medardo Mairena avait fait sécession : lors d’une réunion virtuelle avec le secrétaire général de l’Organisation des Etats américains (OEA), expliquera-t-il, « ils [les dirigeants de la Coalition] se sont connectés sur Zoom avec Luis Almagro, mais ils n’ont même pas pris la peine de nous demander “si vous étiez en face d’Almagro, que lui diriez-vous ?” et encore moins de nous inviter à participer [7]. » Pour ne pas être en reste, la dite Coalition expulse le PLC le 30 novembre en l’accusant d’être « sous le contrôle et l’influence » de l’ « orteguisme »… Sachant qu’au sein de ce même PLC, un président de facto, Miguel Rosales, s’oppose à María Fernanda Flores de Alemán (épouse de l’ex-président), qui a aussi des ambitions.

    Première étape de toute réflexion un tant soit peu raisonnable sur le Nicaragua : tous les stratèges le savent, il ne faut pas lutter en ordre dispersé. Face à un tel bazar, un bloc soudé, discipliné, porteur d’une forte identité et dirigé par un « leader » reconnu a toutes les chances de l’emporter. Pour sortir éventuellement vainqueurs d’élections démocratiques en novembre 2021, Ortega et le FSLN n’ont nullement besoin de « décapiter » l’opposition. Elle coupe parfaitement, et toute seule, ses propres têtes. A l’étranger (sauf peut-être aux Etats-Unis), on l’ignore. Au Nicaragua, même les dirigeants de la droite le savent parfaitement. En octobre 2020 encore, lorsque le Mouvement vers le socialisme (MAS) bolivien mit en échec le coup d’Etat et porta à la présidence Luis Arce, le dauphin d’Evo Morales [8], l’ex-député Eliseo Núñez Morales, membre de l’ACJD, s’alarma publiquement : « L’opposition nicaraguayenne doit en tirer une leçon, nous devons arrêter les guerres intestines, arrêter ces attaques permanentes qui existent entre tous les groupes d’opposition et générer une alternative à Ortega. »

    En 2001 et 2006, pendant les campagnes électorales, Washington, à travers ses ambassadeurs, avait clairement averti les Nicaraguayens qu’il fallait à tout prix barrer la route à un retour des Sandinistes. Qu’une victoire d’Ortega entraînerait une suspension des aides et de la coopération. La menace fut d’autant plus entendue que, en 2001 par exemple, sur 6,5 millions de Nicaraguayens, 10 % vivaient aux Etats-Unis d’où ils envoyaient des dizaines de millions de dollars en « remesas » (transferts d’argent). Puis l’exaspération finit par faire son œuvre, le chantage n’opéra plus. En novembre 2006, en la personne de l’ancien banquier millionnaire Eduardo Montealegre, la droite est battue. Dès lors, Washington remet en ordre de marche sa « diplomatie parallèle » (et musclée).

    L’univers médiatique français – Le Monde, Médiapart, Radio France, etc. – se gargarise à n’en plus finir de sa supposée pratique du « journalisme d’investigation ». S’agissant de la couverture de l’Amérique latine, ces supposées « Forces spéciales » de l’information se caractérisent surtout par un usage particulièrement paresseux du conformisme et du « copier-coller ». Sans se croire obligés de jouer les matamores de rédaction, ce sont un certain nombre de professionnels… américains – Max Blumenthal, Ben Norton, etc. –, dans des médias alternatifs – The GrayZone [9], Behind Back Doors [10], The Intercept –, qui sauvent l’honneur de la profession. En se livrant à un travail d’enquête rigoureux. Donc… ignoré de leurs chers confrères des médias dits « dominants ». A qui cela arracherait la plume, le clavier, le micro ou la caméra de relayer (ou simplement mentionner) l’information, quand bien même ils n’en seraient pas la source, sur les méthodes employées par Washington et son « soft power » pour déstabiliser le Nicaragua (comme bien d’autres pays de la région, à commencer par Cuba et le Venezuela).

    Principaux acteurs de cette guerre non conventionnelle « made in USA »  : l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) ; la Nouvelle fondation pour la démocratie (NED), créée en 1983 par Reagan pour se substituer à la CIA dans l’organisation des actions « non armées » [11] ; l’Institut national démocrate (NDI) et l’Institut républicain international (IRI), dépendants du Congrès américain ; Freedom House, l’Open Society de George Soros ; quelques comparses de moindre rang. Objectif recherché : infiltrer (si nécessaire), créer, financer, former, contrôler et instrumentaliser les institutions de la mythique « société civile » – syndicats, partis politiques, institutions académiques ou professionnelles et surtout presse et ONG.

    Entre 2010 et 2020, l’USAID avait prévu de transférer à la droite nicaraguayenne la somme faramineuse de 68,4 millions de dollars pour l’aider à discréditer le gouvernement (en interne et à l’étranger) tout en formant de nouveaux « leaders » et en créant une masse critique d’opposants. Deux ans avant le soulèvement « spontané » de 2018, elle y rajouta 8 millions de dollars, portant le total de sa contribution à 76,4 millions.

    Au cœur du dispositif, la Fondation Violeta Barrios de Chamorro pour la réconciliation et la démocratie (FVBCH ou, en abrégé, Fondation Chamorro) a servi de plaque tournante pour la redistribution d’une partie consistante du pactole (14,6 millions de dollars). Fille du très respectable Pedro Joaquín Chamorro, assassiné par la dictature de Somoza quelques mois avant le triomphe de la révolution sandiniste, et de son épouse Violeta, ultérieurement présidente (1990-1997), Cristiana Chamorro (67 ans) se trouve à la tête de la Fondation. Durant la présidence de sa mère, elle a dirigé la communication et les relations publiques de l’Exécutif, de même que le quotidien « de la famille » depuis 1926, La Prensa.

    Du cœur de cette FVBCH « promouvant la liberté de la presse », des flux de dollars fournis par l’USAID, la NED et l’IRI ont d’abord été injectés, charité bien ordonnée commençant par soi-même, dans les comptes des membres de la famille : Carlos Fernando Chamorro, son frère, propriétaire de l’hebdomadaire Confidencial et du Centre de recherche et de communication (CINCO), proche de l’ex-MRS ; Jaime Chamorro Cardenal, son oncle, rédacteur en chef de La Prensa (dont Cristiana est la vice-présidente), à la ligne éditoriale clairement assumée : « Les grandes victoires de la Contra sur l’Armée populaire sandiniste », claironne ainsi le quotidien, le 16 décembre 2020, glorifiant les sombres heures de l’agression étatsunienne [12].

    Parallèlement, la Fondation arrose les chaînes télévisées 10,11 et 12, Vos TV, Radio Corporación, Radio Show Café con Voz, ainsi que les plateformes digitales 100 % Noticias, Artículo 66, Nicaragua Investiga, Nicaragua Actual, BacanalNica y Despacho 505... On omettra de mentionner (sauf en note) [13], pour ne pas lasser le lecteur, la foultitude de journalistes « indépendants » royalement rétribués pour diffuser ouvertement ou de façon subliminale un message qui a le mérite de la simplicité : « Ortega doit tomber ! » Avec, en point d’orgue, la campagne portée à incandescence en 2018 pour exacerber les esprits en instrumentalisant (au nom de l’écologie) un grave incendie survenu dans la Réserve de biosphère Indio Maíz, puis (en défense de la justice sociale) une réforme de la Sécurité sociale (très rapidement retirée devant la contestation). Ce qui, dans un premier temps, fit descendre dans la rue des foules de jeunes, sincères, certains de combattre pour la liberté, sans savoir quels intérêts ils servaient en réalité. L’affrontement changea d’âme et de nature quand cette même « Camorra médiatique » encouragea, appuya et couvrit, sans distance aucune, les actions irresponsables de criminels hyper-violents et meurtriers.

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  • Déclaration du Comité central du Parti Communiste de Biélorussie en réaction aux nouvelles sanctions prises par l'Union européenne contre la République  Biélorusse.

     

    Après l'effondrement de l'Union soviétique, les régimes politiques occidentaux dirigés par les États-Unis continuent de démanteler les acquis du système socialiste, y compris dans leurs propres États.

    Pour démontrer la soi-disant absence d'alternative du développement néolibéral, tous les régimes de gauche, socialistes, qui défendent leur propre voie de développement, qui rejettent un contrôle externe, sont soumis à des blocus et renversés. Aujourd'hui, un nouveau système colonial fonctionne sous cette forme, où le contrôle militaire direct a cédé la place à des instruments de dépendance économiques, diplomatiques, technologiques, informationnels et autres.

    Si les États font preuve de fermeté et ne font pas des concessions politiques des sanctions économiques leurs sont imposés et s'accompagnent d'une intervention militaire. On se souvient bien comment la partition de la Yougoslavie et le bombardement de Belgrade par l'OTAN ont été précédés d'un long embargo économique dont le but était de formater l'opinion publique, de provoquer une crise humanitaire et des émeutes dans le pays. Au sein des États, avec des fonds venus de l'extérieurs, une « cinquième colonne » est formée et soutenue, elle agit sous couvert d'une opposition démocratique, étant en fait des agents de l'Occident.

    Nous voyons les résultats de nombreuses années d'intervention et de blocus économique en Syrie, au Venezuela, à Cuba, en Irak, en Libye, etc. Le but ultime d'une telle politique est de contrôler les richesses et les matières premières, avoir de la main-d'œuvre gratuite, pour créer des "zones de contrôle", où les lois internationales ne fonctionnent pas et ne s'appliquent pas, les canaux pour le trafic de drogue et où les groupes terroristes sont artificiellement soutenus.

    Nous ne voulons pas d'un tel sort pour notre pays. Et nous ne nous faisons aucune illusion sur les objectifs des États occidentaux et les initiateurs des sanctions sectorielles contre la Biélorussie. Il s'agit d'une nouvelle étape d'une guerre hybride qui est menée contre notre État depuis plus d'un an maintenant.

    Les raisons de telles actions sont évidentes pour les communistes. Dans les conditions d'une crise financière et économique prolongée, le capital cherche d'une manière ou d'une autre à redistribuer les marchés, y compris en Europe de l'Est. Comme le montre l'histoire du monde, les moyens de capitalisation les plus simples et les plus efficaces sont la guerre, un conflit local contrôlé, une crise humanitaire de longue durée détruisant les moyens de production et détruisent la structure industrielle de l'économie. Cela s'est déjà produit sur le territoire de l'Ukraine, de la Géorgie, de la Moldavie, ce qui nous a servi de leçon.

    Dans le même temps, en ce qui concerne la Biélorussie, nous constatons que des sanctions sectorielles sont imposées exclusivement aux positions où il y a de la concurrence sur les marchés de l'Union européenne - de l'industrie automobile à la pétrochimie. Dans le même temps, ces sanctions ont pour tâche politique principale le démantèlement des entreprises publiques biélorusses génératrices de revenus bruts, et donc de l'État social, des garanties sociales pour la population, qui dépendent de ces entreprises.

    Cependant, l'objectif déclaré par les organisateurs des sanctions sectorielles, à savoir influencer d'une manière ou d'une autre le régime politique du pays, n'est qu'un prétexte formel pour protéger leur marché intérieur et rompre les liens de coopération établis avec nos entreprises. C'est à peu près le même schéma qui a été utilisé auparavant dans la guerre commerciale initiée par les États-Unis contre la République populaire de Chine, où la politique n'était qu'une excuse formelle pour résoudre leurs propres problèmes économiques.

    Le paquet de sanctions de l'Union Européenne a été adopté avec cynisme à l'occasion du 80ème anniversaire de l'attaque de l'Allemagne nazie et de ses satellites contre l'Union soviétique. Apparemment, les leçons politiques de la Seconde Guerre mondiale n'ont pas été tirées et le capital international, utilisant les régimes nationalistes d'Europe de l'Est, vise à nouveau les territoires de la Fédération de Russie riches en matières premières et en ressources. Pour cela, au stade initial de l'agression, des foyers d'instabilité sont créés le long de la Russie, pour transformer ses frontières en "zones grises" incontrôlées et dangereuses. La Biélorussie dans ce schéma est préparée exclusivement pour le rôle d'un État tampon, une source potentielle de menace pour la Fédération de Russie et un tremplin pour les formations militaires de l'OTAN.

    Nous appelons les citoyen.ne.s de notre pays à se rassembler autour du président légalement élu du Bélarus Alexandre Loukachenko afin de contrer les pressions extérieures et les sanctions économiques et à renforcer l'unité du peuple biélorusse.

    Nous appelons les citoyen.ne.s d'autres États, les représentant.e.s des organisations internationales et toutes les forces progressistes à soutenir la République du Bélarus dans sa lutte contre les sanctions, pour le droit de déterminer indépendamment et souverainement le cours de son développement.

    Ceux qui ont déclenché cette guerre économique, informationnelle, diplomatique et politique doivent le savoir : la forteresse de Brest sera sûrement attaquée perfidement comme en juin 1941, elle deviendra le symbole de la volonté indomptable, de la lutte désintéressée de notre peuple à l'arrière et au front, et alors viendra le tournant inévitable, un "nouveau Stalingrad".

    Aujourd'hui, pour nous, descendants du peuple soviétique victorieux, les mots résonnent prophétiquement : « Notre cause est juste ! L'ennemi sera vaincu ! La victoire sera à nous !"

     

    Traduction de Nico MAURY

    source: https://www.editoweb.eu/nicolas_maury/

     

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  • Lima, 26 juin, (RHC)- Le procureur anti-corruption du Pérou, José Perez, a demandé ce vendredi, une fois de plus, la détention préventive à l’intention de Keiko Fujimori, candidate à la présidence, pour violation des règles de sa probation.

    Accusée d’association de malfaiteurs et de corruption, Keiko Fujimori a bénéficié l’année dernière d’une libération conditionnelle en évoquant le risque de contagion de Covid-19 en prison.

    Maître Pérez fait valoir que la liberté limitée obtenue par la défense lui a interdit de rencontrer des témoins et des accusés dans des affaires la concernant et que Keiko Fujimori s’est montrée publiquement avec son collègue de parti Miguel Torres et son alliée Lourdes Flores.

    Le juge n'a pas nié le fait et a seulement rejeté la demande de Fujimori de retourner en prison au motif que l'exigence d'un avertissement préalable n'avait pas été remplie.

    Les détracteurs juridiques et politiques de Fujimori affirment que si sa défaite dans les urnes est confirmée, il y a de fortes chances qu'elle soit condamnée à la prison.

     

    Francisco Rodríguez Aranega

    source : https://www.radiohc.cu/fr/noticias/internacionales/261984-le-procureur-anti-corruption-du-perou-insiste-sur-lemprisonnement-de-keiko-fujimori

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  • La Fiscalía dispondrá de 30 días para llevar adelante la investigación contra los exmilitares peruanos.

    Le Ministère Public du Pérou a ordonné samedi l'ouverture d'une enquête contre d'anciens hauts gradés des Forces Armées pour les délits présumés de sédition, rébellion et conspiration après qu'ils aient émis un communiqué dans lequel ils parlaient d'une soi-disant « fraude » aux élections.

    Dans un communiqué, le Ministère Public signale qu'un délai de 30 jours a été fixé pour l'enquête. 

    Dans leur lettre destinée aux commandants des Forces Armées, ils suggèrent d'agir contre la Constitution et affirment que l'actuel Gouvernement aurait favorisé un certain candidat et par conséquent, que les résultats des élections ne doivent pas être respectés.

    Ils accusent également le Bureau National des Elections (ONPE) et le Jury National des Elections (JNE) d'avoir conspiré pour en pas prendre en considération les dénonciations d'irrégularités déposées par Force Populaire. 

    Après avoir eu connaissance de cette lettre signée par au moins 23 généraux à la retraite de l'Armée, 22 vice-amiraux à la retraite de la Marine et 18 lieutenants généraux à la retraite de l'Armée de l'Air, le président par intérim, Francisco Sagasti, a demandé au Ministère Public d'enquêter sur cette affaire, considérant que cette lettre est « une action inacceptable pour les citoyens et les Forces Armées de la Nation. »

     

    Source en espagnol : https://www.telesurtv.net/news/peru-fiscalia-investigacion-exmilitares-sedicion--20210627-0002.html

    Source en français (traduction de Françoise Lopez) : http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/06/perou-d-anciens-militaires-accuses-de-sedition.html

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  • Siete exmandatarios de América Latina y de España alertaron que la demora en la proclamación de los resultados de las elecciones presidenciales en Perú.

     

    2 recours destinés à renverser le processus électoral ont été rejetés par les autorités compétentes alors que des vois s'élèvent dans lepays pour demander que le Jury National des Elections (JNE) proclame Pedro Castillo vainqueur.

    Dans le premier cas, le second tribunal constitutionnel de la cour supérieure de justice de Lima a déclaré irrecevable le recours en nullité du second tour des élections qui avait été fait par Javier Villa Stein contre le Jury National des Elections et le Bureau National des Elections (ONPE).

    Villa Stein alléguait que les droits fondamentaux avaient été violés ainsi que le droit de choisir ses autorités et la tutelle judiciaire qui sont compris dans la Constitution.

    D'autre part, le 11 ème tribunal constitutionnel de Lima a déclaré irrecevable le recours en habeas data interposé par Force Populaire contre l'ONPE dans lequel elle demandait la liste des électeurs par bureau de vote utilisée au second tour des élections.

    Selon la résolution, Milagros Takayama n'a pas prouvé formellement qu'elle était la représentante légale de Force Populaire car elle n'a présenté aucun document qui l'accrédite.

    On lui a accordé 3 jours pour résoudre le problème sous peine de clore le dossier.

    L'Association Internationale des Spécialistes du Pérou (AIP) composée d'enseignants de différents pays qui étudient la culture du Pérou a demandé aux autorités électorales de proclamer Pedro Castillo président.

    Les intellectuels, qui travaillent dans des universités étrangères, ont pris position dans un communiqué dans lequel ils affirment leur profond respect des institutions démocratiques.

    « Le décompte des voix du 6 juin 2021 et le contrôle des procès-verbaux contestés étant terminés, avec un résultat en faveur du candidat Pedro Castillo, le Pouvoir Electoral doit proclamer le vainqueur légitime du ballotage aux élections présidentielles pour le bien et la tranquillité du Pérou. »

    La proclamation du prochain président a été retardée par la suspension de l'un des 4 membres du jury électoral qui ne peut achever de traiter les recours en nullité déposés par Keiko Fujimori.

     

     

    Source en espagnol :https://www.telesurtv.net/news/peru-elecciones-resultado-polemica-castillo-20210626-0012.html

    Source en français (traduction de Françoise Lopez):http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/06/perou-2-recours-pour-annuler-les-elections-rejetes.html

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  • Lima, 20 juin (RHC) L’enseignant rural Pedro Castillo, pour beaucoup le président élu du Pérou, a appelé aujourd’hui à forger un pays libre d’inégalités et d’injustices, après deux semaines d’attente de la proclamation du nouveau chef d’état.

    Dans un message pour la Fête des Pères, il a dit que de nouveaux temps viendraient 'et ensemble, nous obtiendrons un Pérou libre d’inégalités et d’injustices, un Pérou vraiment', a-t-il dit en faisant allusion au nom du parti qu’il représente, le parti Pérou Libre.

    'Mon salut et ma reconnaissance à tous les Pères du Pérou et du monde pour avoir été un guide et un exemple. À tous les pères qui luttent et travaillent dur pour leur famille et le pays', a-t-il ajouté sur Facebook.

    Il a également exprimé son admiration pour les pères qui quittent leur foyer pour défendre le vote du peuple en participant à des manifestations citoyennes, dans une lutte qui a commencé le 6 juin dernier, journée du second tour des présidentielles.

    D’autre part, Castillo a souligné que des centaines de milliers de compatriotes de tout le pays, lors de marches et de rassemblements de masse, ont manifesté contre des manœuvres et des approches visant à contrecarrer ou à retarder à des fins déstabilisatrices ou à des fins de coup d’État sa proclamation en tant que nouveau président.

    'Ils ont démontré que quand le peuple s’unit pour défendre sa dignité, avec joie et fermeté, il n’y a pas de mafia ni de menace de coup d’État qui puisse l’arrêter, aucune manœuvre ne va faire fléchir sa volonté de changement', a-t-il ajouté.

    Entre-temps, le Jury National des Élections (JNE) a consacré une journée à analyser les appels des avocats de la néolibérale Fujimori afin de faire annuler les résultats de  nombreux bureaux de vote des zones rurales andines, où Castillo a obtenu une forte majorité.

    Ces recours ont été rejetés dans leur intégralité par les jurys électoraux provinciaux, au motif qu’ils étaient tardifs ou infondés, c’est-à-dire qu’ils n’étaient pas fondés sur les motifs de nullité prévus par la loi et n’étaient pas étayés par des éléments de preuve.

    La candidate Fujimori cherche avec les demandes de nullité inverser le résultat de l’ONPE qui place en premier lieu Castillo avec une marge d’avance de plus de 44 mille voix.

    Le Jury électoral spécial de Lima Centre 1 a admis avoir été saisi de 11 recours en nullité tardifs 'face aux contestations et aux attentes des citoyens concernant des allégations de fraude aux bureaux de vote', mais les a déclarés sans fondement légal.

     

    Reynaldo HENQUEN 

    source: https://www.radiohc.cu/fr/

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  • Si un peuple sort pour manifester au milieu d’une pandémie, c’est parce que le gouvernement est plus dangereux que le virus. » Sous cette forme ou sous une autre, ce slogan figurait sur d’innombrables pancartes, panneaux et banderoles quand, le 28 avril, dans les rues de Bogotá, Cali, Medellín, Pereira, Manizales, Neiva ou Pasto, des flots de manifestants ont commencé à se déverser. Une indignation majuscule portait les participants : trois jours auparavant, le gouvernement avait annoncé sa nouvelle… « Loi de solidarité durable » (ou « soutenable », selon les traductions). C’était la meilleure, celle-là ! Préparée par le ministre des Finances, un néolibéral orthodoxe, Alberto Carrasquilla, cette réforme fiscale entendait recouvrer 6,3 milliards de dollars afin de réduire un déficit fiscal que la catastrophe sanitaire a considérablement aggravé. Soit. Mais en tapant essentiellement sur les classes moyennes et les milieux populaires. Coup pas trop élégant, on en conviendra. Surtout quand, au milieu des cris d’alarme des hôpitaux débordés, le pays subissait la troisième vague de la pandémie.

    « Solidaire », une loi faisant passer la TVA (IVA en espagnol) de 5 % à 19 % sur des produits comme l’essence ou, depuis les aliments jusqu’aux vêtements, les biens de première nécessité ? « Soutenable » l’augmentation de la taxe sur les services publics, dont l’eau, le gaz ou l’électricité ? Acceptable un impôt sur les retraites ou l’élargissement de la base imposable en direction des moins fortunés ? Très difficile à avaler quand, au même moment, la Direction nationale des statistiques (DANE) publie ses derniers chiffres : de 35,7 % en 2019, le taux de pauvreté est passé à 46,1 % en 2020 [1]. A peine moins – 42 % – si l’on intègre dans les calculs les maigres – et provisoires – programmes d’assistance mis en place pour atténuer les effets du Covid-19 [2].
    Trois millions six cent mille nouveaux pauvres (pour arriver à un total de 21 millions, dont 7,5 millions en extrême pauvreté) … Et il faudrait subir encore plus ? La Colombie se révolte.
    La fièvre est le symptôme, pas la cause de la maladie.

    Le Comité national de grève (Comité de Paro  ; CNP) rassemble les principales centrales syndicales et divers mouvements sociaux [3]. Il appelle à la mobilisation. Malgré les ravages de la pandémie (plus de 80 000 morts), l’appel est massivement suivi. Aux travailleurs et salariés, syndiqués ou non, se joignent les étudiants, des pans entiers de la classe moyenne, les organisations paysannes, la « minga » [4] indigène et, surtout, les jeunes précarisés des quartiers populaires, nouvelle génération « sans futur », qui se réveille comme un volcan. D’impressionnantes colonnes de protestataires s’ébranlent pacifiquement.
    Vingt-quatre heures ne se sont pas écoulées que le procureur général de la Nation Francisco Barbosa donne le ton de ce que va être la réaction gouvernementale en annonçant l’arrestation de plusieurs membres de « cellules subversives » dédiées au « terrorisme urbain ». Le lendemain, alors que la rue bouillonne de colère, l’ex-président Álvaro Uribe se manifeste une première fois, dans le registre qu’on lui connaît : « Soutenons le droit des soldats et des policiers à utiliser leurs armes pour défendre leur intégrité et pour défendre les personnes et les biens contre l’action criminelle du terrorisme et du vandalisme », ordonne-t-il sur les réseaux asociaux. Petit doigt sur la couture du pantalon, Iván Duque, celui que nombre de Colombiens ont surnommé « le sous-président », obéit à son mentor. Dès le 1er mai, il annonce le déploiement l’armée dans les rues « pour protéger la population ».

    Alvaro Uribe : « Renforcer les Forces armées, affaiblies car comparées aux terroristes par La Havane et la JEP » ; « Reconnaître » : terrorisme plus grand que ce qu’on imaginait » ; « Accélérer le social » ; Résister à la Révolution Moléculaire Dissipée ».

    Les premières victimes tombent, bien mal protégées. Portés par la rage et l’indignation, plus spontanés, plus émotionnels, les jeunes débordent le Comité de grève et se projettent en « première ligne » du mouvement. Si les manifestations demeurent pacifiques, conjuguant les marches, rassemblements, carnavals, sit-in et orchestres de rue, se greffent sur elles, très classiquement, des groupes de « casseurs » – irresponsables et/ou infiltrés. Bien que marginaux par rapport à l’ampleur du soulèvement, destruction de biens publics et privés, de bus, de gares, attaques et incendies de postes de police – les Centres d’attention immédiate – font le lait des médias. Dans un formidable déploiement, policiers et membres du très redouté Escadron mobile antiémeutes (ESAMD) jouent de la matraque, de la « lacrymo », de la munitions paralysante, du gaz irritant, du canon à eau et… de l’arme à feu. Commandant en chef de l’armée, le général Eduardo Zapateiro déploie ses troupes et se rend à Cali, troisième ville du pays, devenue l’épicentre de la rébellion, pour y diriger personnellement les opérations.

    Zapateiro ? Un chef militaire bien « à la colombienne ». En février, des mères de victimes des « faux positifs » – ces pauvres hères assassinés par des militaires, puis, pour « faire du chiffre » et obtenir des récompenses, affublés d’uniformes de guérilleros – se sont insurgées. Elles exigeaient de la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) que ne soient pas uniquement jugés les soldats, mais aussi leurs officiers supérieurs ainsi que les responsables gouvernementaux. En guise de réponse, le général Zapateiro a décoché un Tweet venimeux : « Nous sommes des soldats de l’armée et nous ne nous laisserons pas vaincre par les vipères et pervers qui veulent nous attaquer, nous montrer du doigt et nous affaiblir. Officiers, sous-officiers et soldats, nous ne nous rendrons pas, nous ne faiblirons pas, toujours forts, la tête haute. Dieu est avec nous [5]. »

    Dieu ? On l’ignore. Mais l’ex-président Uribe, oui, assurément. Réapparaissant le 3 mai, celui-ci a fait l’événement en évoquant une mystérieuse « révolution moléculaire dissipée » (RMD) pour stigmatiser les manifestants. Cette théorie fumeuse a été importée en Colombie par un certain Alexis López, chilien néonazi et nostalgique d’Augusto Pinochet. Officiellement invité à plusieurs reprises par l’Université militaire Nouvelle Grenade (UMNG), établissement public d’éducation supérieure chargé à Bogotá de la formation des sous-officiers, officiers et policiers, il y a donné plusieurs conférences, dont une intervention intitulée « Violence dans la protestation sociale : loi et ordre entre l’épée et la légitimité », le 23 juillet 2020. D’après López, les grandes organisations dirigeant la révolution ayant disparu, tout comme « le communisme », ce sont désormais des forces occultes qui, à travers des entités autonomes, mènent « une guerre civile permanente » contre l’Etat – à l’image des soulèvements de 2019 en Colombie, en Equateur et au Chili (ou le pouvoir s’est vu « tragiquement imposer par le terrorisme » l’organisation d’une Convention constituante), ou même à travers « Black Lives Matter » aux Etats-Unis. Par conséquent, les manifestants et membres des mouvements populaires, c’est-à-dire les civils – rebaptisés « molécules » – doivent être considérés comme des « cibles militaires » [6].

    Alexis Lopez : « Aujourd’hui j’ai eu l’honneur de recevoir la médaille du groupe des Ingénieurs militaires de Colombie, des mains du général (en retraite) et ex-chef d’état-major conjoint, Juan Carlos Salazar Salazar ».

    Un retour assumé à l’ « ennemi interne » cher à la Doctrine de sécurité nationale imposée dans toute l’Amérique latine, via les dictatures, pendant les années de Guerre froide, par les Etats-Unis. Un concept appliqué au pied de la lettre par les forces de sécurité colombiennes. Deux semaines après le début de la contestation, on déplorait déjà 963 détentions arbitraires, 800 blessés (dont 28 éborgnés) et 47 morts (dont un capitaine de police).

    Pourtant, malmené par la pression sociale, le président Duque a retiré la réforme des finances contestée dès le 2 mai (version officielle : en réalité, c’est le Congrès qui a traîné des pieds au moment de l’examiner). Géniteur du projet, le ministre Carasquilla a démissionné. La contestation ne s’en est pas moins poursuivie. Elle s’est même amplifiée. Indignation devant les violences policières. Exaspération portée à son paroxysme. Car, en fait, la fameuse réforme n’a été que le détonateur d’une situation qui ne demandait qu’à exploser. Et qui n’a rien d’une nouveauté.

    A partir du 21 novembre 2019 – au moment où se révoltaient d’autres victimes du néolibéralisme, du Chili à l’Equateur en passant par Haïti – des protestations massives ont déjà secoué la Colombie. Convoquées à l‘origine par les centrales ouvrières (CUT, CGT, CTC), elles contestaient la politique économique, la privatisation des caisses de retraite, les réformes affectant le monde du travail, le sabotage des Accords de paix signés en 2016 par l’Etat avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), les assassinats de dirigeants sociaux. Elles reçurent le renfort d’un mouvement étudiant qui réclamait davantage de ressources pour l’éducation supérieure. Et qui, en l’absence d’une direction politique claire et définie, le mouvement ayant pris de l’ampleur de façon très spontanée, devint le fer de lance des affrontements avec l’ESMAD et les policiers. Les jeunes, déjà, symboles d’un changement générationnel.
    Alors que plus d’un million de personnes se mobilisaient dans les principales villes du pays, le pouvoir, comme à son habitude, choisit la confrontation. Il décréta un couvre-feu à Bogotá, militarisa le pays et octroya des facultés extraordinaires aux autorités locales pour « rétablir l’ordre ». On eut à déplorer trois morts, 250 blessés et des centaines d’arrestation.
    Conséquence de ce mouvement considéré comme « historique », le Comité de Paro s’organisa. Fin 2019, il remit au pouvoir une série de revendications. Qui demeurèrent lettre morte. Plus que les vacances de fin d’année, la propagation du Covid-19 interrompit les mobilisations – le pays entamant un confinement général de cinq mois à partir du 25 mars 2020.

    La trêve fut on ne peut plus brève. Malgré la pandémie, quinze organisations indigènes, paysannes et afro-colombiennes relancèrent la contestation sociale au mois d’octobre 2020. Surgies des entrailles du Département du Cauca, région du sud-ouest du pays très affectée par les près de 60 ans de conflit armé, huit mille membres de la « Minga » entassés dans des cars et « chivas » multicolores [7], parcoururent les 450 kilomètres les séparant de Bogotá. Ils souhaitaient rencontrer le président Duque pour lui présenter leur demande d’un pays « plus démocratique, pacifique et égalitaire ». C’était beaucoup attendre d’un chef d’Etat élu sous les couleurs du Centre démocratique, le parti d’Uribe, féroce allié des « terratenientes » (les grands propriétaires terriens) et du secteur privé. Duque refusa de les recevoir. Ils ne purent donc lui rappeler que, dans les populations indigènes, le taux de pauvreté atteint 63 %.
    En revanche, partout où ils passèrent, puis sur la symbolique place Bolivar, à Bogotá, les étudiants, les jeunes et le mouvement social réservèrent un accueil triomphal aux consignes et au courage de la « Minga ». Et, sous la cendre, le feu continua à couver.

    Ce sont ces braises qui embrasent à nouveau la Colombie, la réforme des finances (et les projets gouvernementaux touchant aux retraites et à la santé) ne faisant que s’ajouter aux raisons de l’exaspération exprimées en 2019.

    Entre 2012 et 2016, tandis que les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), la plus ancienne et importante guérilla du pays, négociait avec le gouvernement du président Juan Manuel Santos, les Colombiens ont « fait un rêve merveilleux ». Le retour de la paix. D’une « paix avec justice sociale » ajoutaient même les pans situés sur le flanc gauche de la société. Le 26 septembre 2016, à Cartagena, Santos et Rodrigo Londoño Echeverri (alias Timoleón Jiménez ou « Timochenko »), numéro un des FARC, ont signé l’Accord tant attendu. Pas une simple démobilisation des rebelles. En 297 pages, l’accord contenait six points principaux : réforme rurale intégrale ; participation politique ; fin du conflit ; solution au problème des drogues illicites ; réparations aux victimes ; mise en œuvre, vérification et approbation. Sur cette cet engagement solennel de l’Etat, 13 511 guérilleros ont déposé les armes, ôté leurs bottes noires et quitté leur treillis.
    Depuis, cinq années ont passé. Le constat est implacable, la frustration terrible : emmenée par Uribe et son Centre démocratique, l’extrême droite a exercé une énorme pression pour torpiller les accords. Un travail de sape que Duque a parachevé. Il n’existe toujours ni paix ni justice sociale en Colombie.

    A la place de la paix, un massacre quotidien, au compte-gouttes, passant inaperçu au niveau international, mais sanglant : 904 dirigeants sociaux et 276 ex-combattants des FARC revenus à la vie civile ont été assassinés depuis le 1er novembre 2016, d’après la Juridiction spéciale pour la paix (JEP).
    Créée dans le cadre des Accords, cette même JEP a subi les assauts de ceux qui ne veulent en aucun cas qu’éclate la vérité historique. Les guérilleros, paramilitaires et membres des forces de sécurité ne sont pas les seuls à avoir exercé la violence au cours de la guerre. Censée entendre tous les acteurs impliqués dans le confit – combattants de tous ordres, hommes d’affaires liés au financement du paramilitarisme, acteurs engagés de la société dite « civile », fonctionnaires, cols blancs donneurs d’ordres, etc. – pour établir leurs responsabilités et éventuellement les juger, la JEP a vu ses prérogatives rognées par la Cour constitutionnelle, le 13 juillet 2018, après un long passage par le Congrès. Alors que les ex-guérilleros respectent leurs engagements, comparaissent et assument leurs responsabilités, la JEP n’a plus la possibilité de convoquer des civils, seule une comparution « volontaire » de ces derniers étant désormais autorisée. Une loi du silence encore trop limitée ! Fin 2020, le Centre démocratique a présenté des propositions visant à abroger définitivement la juridiction et à transférer ses fonctions à la justice ordinaire – qu’il contrôle beaucoup mieux.

    Réforme rurale intégrale ? Trois millions d’hectares de terre devaient être attribués à près de 14 millions de paysans qui en sont dépourvus. Dans le même temps, 7 millions d’hectares de petites et moyennes propriétés devaient se voir régularisés. Farce absolue. Fin 2020, le premier hectare remis gratuitement aux paysans sans terre n’avait pas encore été enregistré [8]. Selon l’Agence nationale des terres (ANT), seuls 10 554 hectares avaient été régularisés à la fin février 2020 sur l’objectif de 7 millions d’hectares annoncé [9]. Une poignée de « terratenientes » continuent à posséder plus de 40 millions d’hectares sur lesquels ils pratiquent l’élevage extensif du bétail ou exploitent le palmier à huile, la canne à sucre et autres cultures industrielles.

    Pendant des décennies (pour ne pas dire des siècles), les élites rurales, « terratenientes » et « gamonales » [10] ont contrôlé de manière hégémonique les pouvoirs locaux et nationaux. En 2011, un rapport du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) indiquait à cet égard : « La surreprésentation des propriétaires fonciers (notamment dans les départements les plus arriérés) et la sous-représentation des groupes sociaux non propriétaires de biens (classes subordonnées) empêchent les demandes et les aspirations des habitants ruraux les plus vulnérables d’être canalisées par le système politique et d’être prises en compte par ceux qui ont le pouvoir de décider des dépenses et des politiques publiques. »
    Partant de ce constat, seize Circonscriptions spéciales pour la paix ont été créées (point 2.3.6 de l’Accord de 2016) pour réparer ce déséquilibre dans la représentation des communautés agraires. L’Etat s’engage alors à garantir une meilleure intégration des 167 « municipios » présents dans ces territoires du Chocó, du Cauca, de Nariño, du Catatumbo, du Guaviare et de l’Urabá, les plus affectés par la violence et l’abandon de l’Etat, en leur octroyant d’office, pour une période de deux législatures, seize sièges au Congrès.
     Intolérable pour toutes sortes de gens importants ! Il leur suffit de demander une chose pour l’obtenir. En 2017, leurs représentants au Congrès trucident la loi qui devait donner vie aux seize Circonscriptions. Le 8 avril 2021 encore, vingt jours avant le début de l’explosion sociale, la procureure générale Margarita Cabello Blanco demandait à la Cour constitutionnelle – devant qui un recours a été déposé – de ne pas relancer les « sièges de la paix » – représentation politique octroyés fort justement aux victimes du conflit armé.

    Depuis les années 1990 et l’ouverture du marché national à la production agricole de pays comme le Brésil, le Chili, la Chine ou le Canada, les ananas, le café, le yucca, le maïs, les haricots, les pommes de terre produits en Colombie ont commencé à être payés en dessous de leurs coûts de production et de commercialisation. Pour survivre, des dizaines de milliers de familles, accrochées à leurs maigres parcelles, cultivent la coca. L’activité attire aussi des journaliers qui, auparavant, cueillaient le café, le coton et vendaient leur force de travail dans l’agriculture traditionnelle.
    Coca = cocaïne. Dieu sait combien la « coke » a permis de financer de condominiums à Cali, Medellin ou Bogotá. Mais le mafieux, c’est le paysan. A l’initiative des négociateurs des FARC, l’Accord de 2016 a promu un traitement prioritaire et bienveillant à l’égard du maillon le plus faible de la chaîne du narcotrafic en établissant un Programme national intégral de substitution des cultures d’usage illicite (PNIS). Les « campesinos », est-il alors prévu, doivent y participer sur une base volontaire et définir les cultures qu’ils envisagent de développer en fonction des sols et du climat. Ils recevront la première année un million de pesos par mois (environ 340 dollars) pour préparer la terre à accueillir des plantations légales ou travailler à des œuvres communautaires. Ils pourront également percevoir une prime unique de 800 000 à 9 millions de pesos (entre 272 et 3 000 dollars) pour financer des projets autonomes de sécurité alimentaire.

    Le « campesino » colombien n’a rien d’un gangster. S’il peut sortir de l’illégalité, qui lui fait courir des risques insensés, il le fait. Dans son Rapport de gestion du PNIS du 31 décembre 2020, le Bureau consultatif pour la stabilisation et la consolidation (dépendant de la Présidence de la République et chargé de suivre la mise en œuvre des Accords de paix) a indiqué que 215 244 familles vivant dans 99 « municipios » de 14 Départements du pays ont signé des accords collectifs de substitution volontaire de cultures illicites. Seulement, il y a un hic… De ce total, seules 99 907 familles (de 56 municipalités), soit moins de la moitié, ont été intégrées au PNIS par la signature définitive d’accords de substitution individuels. Les autres – 116 147 familles – sont demeurées sur le bord du chemin [11]. Peu armées pour créer des « start-up » dans leurs précaireshabitations de « barenque » (mélange de boue et de bouse de vache pressé entre des bambous), elles n’ont eu d’autre choix que de continuer à dépendre de la feuille de coca et de la « pasta » [12] (ou de la marijuana, ou du pavot).
    Comme toujours (et sous la pression de Donald Trump lorsque celui-ci occupait la Maison Blanche), Duque entend tuer le malade plutôt que la maladie. A la substitution volontaire, il préfère l’éradication forcée mise en œuvre manuellement par le biais de groupes mobiles d’éradication (GME) accompagnés de militaires ou de policiers. Le mode opératoire étrangle les communautés rurales, qui crèvent la bouche ouverte ou se révoltent et sont réprimées. Il expose aussi les « éradicateurs », des journaliers aussi pauvres que ceux dont ils détruisent les plantations, aux attaques et assassinats commis par les « sicarios », quand ils ne perdent pas une jambe après avoir sauté sur une mine posée par les « narcos » [13].

    Dans leur espoir absurde de réduire la production de drogue sans procéder à des réformes sociales, les gouvernements colombiens successifs ont utilisé toute une gamme de produits chimiques comme le Paraquat et le Triclopyr, ou d’autres, infiniment plus nocifs, et dans ce cas illégalement : l’Imazapyr, l’Hexaxinona, le Tebuthiron. Déversé depuis le ciel à partir de 1986, le glyphosate a pris le relais. C’est le fameux RoundUp de la firme Monsanto. En 2015, le gouvernement de Juan Manuel Santos en a suspendu les épandages. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) venait de déterminer que le glyphosate est « probablement cancérigène pour les êtres humains ». Le 12 avril dernier, le ministre de la Défense Diego Molano a signé un décret en vue de reprendre les pulvérisations aériennes. Outre les effets sanitaires directs sur les humains, on en connaît les conséquences : le glyphosate tue toutes les plantes qu’il contamine... Il suffit d’une petite brise pour qu’il soit dispersé bien au-delà des champs de coca, sur les cultures vivrières des environs [14].
    Poussés par la misère, les paysans continueront à abattre des pans de forêt pour replanter la coca un peu plus loin.

    Spectaculaires résultats : de 48 000 hectares en 2013, les cultures de coca sont passées à 169 000 ha en 2018 (et même à 212 000 ha fin 2019 si l’on en croit le Bureau de la politique nationale pour le contrôle des drogues [ONDCP] [15] américain) ! Et ce, alors que les FARC longtemps accusées d’être les principales responsables de ce fléau, ont déposé les armes en 2016.

    Les « narcos », eux, se portent bien. Le pouvoir et ses médias ne les nomment plus « paramilitaires ». Après la supposée démobilisation en 2006 de treize mille hommes des Autodéfenses unies de Colombie (AUC), responsables, avec d’autres organisations supplétives de l’armée, de près 80 % des crimes commis contre les civils depuis le début des années 1980, la création de concepts tels que Bandes criminelles émergentes (BACRIM) et Groupes armés organisés (GAO) a permis de les transformer en acteurs censément dépourvus de liens avec les forces obscures du pouvoir [16].
    Autodéfenses gaitanistes de Colombie (AGC, également connues sous le nom de Clan del Golfo, Los Urabeños, Clan Úsuga), Los Caparrapos, Los Rastrojos (grands amis du président autoproclamé vénézuélien Juan Guaido) [17], Los Paisas, La Empresa se sont abattus sur les territoires autrefois occupés par les FARC, contrées dont l’Etat n’a fait aucun effort véritable pour reprendre le contrôle. Quand on parle de carence de l’Etat, on ne se réfère pas uniquement à l’absence de la Force publique, mais de l’Etat dans son intégralité : éducation, système judiciaire et de santé, voierie, communications, crédits pour l’agriculture, etc.
     
    Toutes ces structures criminelles – auxquelles il convient d’ajouter quelques groupes résiduels des FARC, qui ne se sont pas démobilisés – sont directement impliquées dans la production et le transport de la cocaïne. Mais pas uniquement. Elles agissent dans le champ politique. En octobre 2017, les AGC publiaient un pamphlet intitulé « Plan pistolet contre l’Union patriotique » dans lequel elles menaçaient de mort Jahel Quiroga et Pablo Arenales, respectivement directrice et membre de l’ONG progressiste de droits humains Reiniciar [18]. Depuis, et pour ne citer qu’elles, les AGC ont été l’une des principales responsables de l’augmentation des assassinats sélectifs de dirigeants communautaires et sociaux, de militants politiques de gauche et de déplacements forcés de population. En 2020, d’après le très officiel Défenseur du peuple, 28 509 personnes ont été victimes de ces déplacements forcés dans les Départements du Cauca, de Putumayo, du Choco, de Cordoba, du Bolivar et du Nord Santander ; 15 000 autres ont subi le même sort, précise l’Institut d’Etudes pour la paix (Indepaz), pendant les trois premiers mois de 2021.
     
    S’ajoute à ce désastre la putréfaction à la tête du pouvoir. Álvaro Uribe (le chef à peine caché derrière le trône) : assigné à résidence, accusé (entre autres affaires) de fraude procédurale et corruption – pour avoir soudoyé des témoins afin de faire condamner son ennemi juré, le sénateur de gauche Iván Cepeda –, il démissionne de son poste de sénateur en août 2020. Il évite ainsi la Cour suprême de justice, seule habilitée à juger les élus et, libéré, voit son affaire passer entre les mains de la justice ordinaire, aux ordres du Procureur général Francisco Barbosa, ami proche et ex-collaborateur… d’Iván Duque. Bonne pioche ! Le parquet a annoncé le 5 mars 2021 son intention de demander au juge de prononcer un non-lieu. «  Merci à Dieu pour cette avancée positive. Merci à tous pour vos prières et solidarité  », a réagi Uribe sur Twitter.

    Duque (le Président) : embourbé dans le scandale dit de la « Ñeñepolítique ». L’écoute téléphonique d’un narcotrafiquant suspecté d’homicide, José Guillermo Hernández, dit « el Ñeñe Hernández », débouche sur une découverte inattendue : « sur ordre d’Álvaro Uribe », il a « acheté des votes » et aidé à organiser une fraude électorale, sur la côte caraïbe et dans la Guajira, pour favoriser en 2018 l’élection de l’actuel chef de l’Etat. Informé de ces révélations, le Procureur général de l’époque, Néstor Humberto Martínez, un autre « grand ami » du Centre démocratique, s’empressa de les enterrer et de n’en rien révéler [19].

    Marta Lucía Ramírez (la vice-présidente) : obligée d’avouer en juin 2020 qu’elle a payé 150 000 dollars de caution en juillet 1997 pour faire sortir de prison son frère Bernardo, accusé de narcotrafic aux Etats-Unis. Finalement condamné à quatre ans et six mois, Bernardo Ramírez Blanco a purgé sa peine et payé sa dette à la société. Toutefois, jamais les électeurs n’ont été informés de ce détail de la vie d’une femme politique qui, ministre de la défense d’Uribe entre 2002 et 2003, puis « numéro deux » de la République actuellement, s’acharne sur les paysans producteurs de coca ou traite le président vénézuélien Nicolás Maduro de « narcotrafiquant ». Lorsque la « minga » indigène a planté ses modestes tentes de plastique noir à Cali pour appuyer l’actuel soulèvement, Ramírez n’a pas hésité a insinuer : « On me dit que le maintien de la minga coûte environ 1 milliard de pesos [225 000 euros] par jour. Qui est derrière ce financement ? Quelle activité est aussi lucrative pour être aussi dépensière ? »

    Le pilote Samuel David Niño Cataño et Álvaro Uribe.

     

    Samuel David Niño Cataño : pilote, il se tue le 3 décembre 2019 en s’écrasant dans la région du Petén, au nord du Guatemala, à proximité de la frontière mexicaine, au manche de son bimoteur chargé de 500 kilos de cocaïne destinés au cartel de Sinaloa. Cataño avait été en 2018 le pilote des célèbres duettistes Uribe (lors de sa campagne pour le Sénat) et Duque (candidat à la présidence). « On a dit qu’il était le pilote officiel et qu’il travaille pour moi, réagira ce dernier, après son élection et la mort de Cataño. Non, il n’était pas le pilote officiel et ne travaillait pas pour moi [20]. » Dont acte. Mais, tout de même… Par le plus grand des hasards, lors de la très officielle et huppée cérémonie d’investiture de Duque comme chef de l’Etat, le 7 août 2018, Niño Cataño figurait parmi les invités – de même que José Guillermo Hernández, « el Ñeñe » (assassiné au Brésil depuis).

    Dernier haut le cœur (avant les prochains ?) : pendant longtemps, les organisations de défense des droits humains ont estimé que le phénomène dit des « faux positifs » avait provoqué la mort d’environ 3 000 personnes. Le 18 février 2021, la JEP a rendu public l’état de ses dernières investigations : entre 2002 et 2008, sous la présidence d’Uribe (et avec comme ministre de la Défense le futur prix Nobel de la paix Juan Manuel Santos), ce sont 6 402 Colombiens qui ont été assassinés de sang froid par l’armée, dans 29 des 32 Départements du pays.

    Un écœurement massif. Une indignation énorme, depuis trop longtemps contenue. Les Colombiens décents crèvent l’abcès. Avant 2016, quiconque manifestait se voyait accusé de sympathie pour la lutte armée. Depuis la démobilisation des FARC – et même si l’Armée de libération nationale (ELN) poursuit le combat dans la clandestinité –, les revendications explosent plus librement, dans toutes leurs diversités. A tel point que, si c’est le Comité de Paro qui lance les consignes, ce n’est pas forcément à lui que répond la rue. Les jeunes s’émancipent, s’autogèrent et souvent mènent la danse.

    José Guillermo Hernández, dit « el Ñeñe Hernández », avec Iván Duque.

    Aux mobilisations massives, hétérogènes et souvent spontanées, répondent les anathèmes jetés par des illuminés médiévaux : il s’agit « d’un plan macabre de la gauche radicale et criminelle financée par le narcotrafic pour déstabiliser la démocratie », ose le Centre démocratique. A Bogotá, les forces de l’ordre vont jusqu’à agresser la veillée d’une foule rassemblée en hommage à des victimes. A Cali, le 5 mai, les policiers agressent et tirent à balles réelles sur un groupe de défenseurs des droits humains accompagnés de fonctionnaires de l’ONU. « Historiquement, témoigne depuis Medellin l’universitaire Luis Ramírez, la répression s’exerçait sur les groupes les plus marginaux : les populations paysannes, indigènes et rurales éloignées. Le reste de la société colombienne n’était pas directement concerné et ne voyait pas trop ce qui se passait. Maintenant, cette répression se généralise dans tout le pays. Alors qu’on prétend habituellement qu’elle s’exerce sur tout ce qui respire “la gauche”, c’est sur les multiples secteurs d’exercice de la citoyenneté libre et active qu’elle s’abat [21]. »

    Très vite, le 5 mai, on parle de 87 « disparus ». Réelle inquiétude. Quatre jours plus tard, le nombre des personnes dont les proches se déclarent sans nouvelles s’élève à 548. Frayeur justifiée dans un pays où l’on estime à au moins 80 582 (d’après le Centre national de la mémoire historique) ou même 84 330 (selon le Parquet général) le nombre des disparitions forcées durant les quarante dernières années de conflit. Comparaison n’est pas raison. Les absences inexpliquées des derniers jours se rattachent – tout du moins doit-on l’espérer – au phénomène des détentions arbitraires (666, des jeunes en majorité, au 12 mai). En cause, la Loi de transfert pour protection. Datant de 2016, celle-ci permet l’interpellation par la police de toute personne dépourvue « de défense ou [victime] d’altération grave de l’état de conscience due à des problèmes mentaux, ou sous l’influence de boissons alcoolisées ou de substances psychoactives ou toxiques », le transfert étant le seul moyen disponible pour protéger son intégrité ou celle des tiers, mais, surtout, et infiniment plus fréquemment, lorsque un individu « est impliqué dans une querelle ou fait preuve d’un comportement agressif ou imprudent, effectue des activités dangereuses ou à risque qui mettent en danger sa vie ou son intégrité ou celles de tiers (…)  ». La police expédie alors le détenu dans un Centre de transfert pour protection – façon poétique de ne pas employer l’appellation centre de détention.

    José Guillermo Hernández, dit « el Ñeñe Hernández », avec son « grand ami » le général Adolfo Hernández (accusé par des organisations sociales d’être responsable d’au moins 39 cas de faux positifs).

    « Or, dénonce depuis Medellin Vanessa Vasco, de la Corporation Juridique Liberté, la police, de façon délibérée, injustifiée, capture des gens qui sont en train de manifester ou même simplement de marcher ; elle enregistre leur nom de façon erronée, ce qui empêche les organismes de défense des droits humains de savoir qui est là, d’informer les familles. Les détenus sont frappés et maintenus pour un temps indéterminé, de trois ou quatre jours, hors de toute protection de la loi [22]. » Le 16 mai, alors que se multipliaient les cris d’alarme et les dénonciations, les Bureaux du Procureur et du Défenseur du peuple ont fait savoir que 227 personnes ont été retrouvées et qu’ils en recherchaient 168 autres. En ce qui les concerne, le jeune Brahian Gabriel Rojas López, qu’on avait aperçu le 28 avril dans le « municipio » La Virginia (Risaralda), pendant une intervention de l’ESMAD, et un autre homme non encore identifié, ont été retrouvés, morts, flottant dans le courant du fleuve Cauca.
    Au terme de la grève nationale de 2019, diverses organisations sociales ont entrepris une procédure destinée à protéger les droits des manifestants. Dans sa sentence STC-7641-2020 du 22 septembre 2020, la Cour suprême de justice a satisfait à leur demande en ordonnant au président de la République de convoquer une Table de travail destinée à revoir les directives sur l’usage de la force par les 140 000 intégrants des forces de l’ordre. Le pouvoir a fait la sourde oreille. Expédier les auteurs de « bavures », sévices ou assassinats devant les tribunaux ordinaires plutôt que devant les Cours militaires ne l’intéresse pas. Oter au ministère de la Défense son contrôle sur la Police nationale pour placer celle-ci sous l’autorité du ministère de l’Intérieur, comme dans tous les pays civilisés, ne lui traverse pas plus l’esprit. « La situation du narcotrafic et des groupes hors-la-loi ne le permet pas en ce moment », s’est contenté de réagir récemment le chef de la Police nationale, le général Jorge Luis Vargas [23]. C’est donc avec la férocité habituelle que le gouvernement lance ses forces de répression à la rencontre des protestataires. Elles ont même perfectionné leurs méthodes – en mode plus dangereux. Inconnu ailleurs en Amérique latine, est apparu un blindé léger équipé de lanceurs – Venom – projetant en même temps, à la manière d’un Katioucha (dit « orgue de Staline ») [24], jusqu’à 150 mètres de distance, une volée de projectiles générant un flash lumineux et sonore, paralysant, et des cartouches génératrices de nuages de gaz lacrymogènes et de fumée. Des tirs qui, illégalement effectués à l’horizontale, se révèlent particulièrement redoutables pour les manifestants.

    Blindé léger « Venom », équipé de lanceurs, des forces de répression colombiennes

    Troisième ville de Colombie avec 2,2 millions d’habitants, Cali est devenue la capitale de la rébellion. Stratégiquement située à proximité des Départements du Chocó, du Cauca et de Nariño, à moins de trois heures de route de la côte Pacifique et de son important port de Buenaventura, toutes zones particulièrement affectées par le conflit armé, Cali a servi de réceptacle à des dizaines de milliers de réfugiés internes, paysans misérables déplacés par la violence. Sans parler d’une faune interlope d’aventuriers, « paracos », « narcos » etmembres de « pandillas » [25].
    Dès le deuxième jour des manifestations, le maire « écolo » Iván Ospina (Parti Alliance Verte) a livré la ville en demandant au gouvernement une assistance militaire. Ce renoncement à une gestion locale de la situation a provoqué un très fort rejet de la population et interrompu les possibilités de dialogue avec les manifestants.
    Défiant le pouvoir et les 3 500 militaires envoyés en renfort, ouvriers, travailleurs informels, femmes et étudiants défilent à n’en plus finir. Ils ont aussi organisé vingt-et-un « points de résistance ». « Des jeunes, y compris des adolescents, certains plus organisés que d’autres, très hétérogènes, sont présents en permanence sur ces points de “bloqueo” »,décrit Irene Velez-Torres, anthropologue de l’Université d’El Valle, le 12 mai [26]. Le plus fameux de ces points, la rotonde Puerto Rellena, rebaptisée Port Résistance, à l’est de la ville, jouxte la périphérie d’Aguablanca, agglomération populeuse à mauvaise réputation car occupée, depuis les années 1980, par les flots de déplacés. Pas de quoi rendre les forces de l’ordre particulièrement bienveillantes…

    « Affrontement hier [11 mai] entre police et jeunes dans les secteurs Siloé et Pont du Commerce, commente John J, artiste de rap (Fondation HipHop Peña) et enseignant. La police a répondu par des tirs [27]. » Sur la cinquantaine de morts déplorés dans l’ensemble du pays (à l’heure de boucler cet article), trente-cinq ont été tués à Cali. Que le pouvoir tente d’étouffer et réduire au silence. « La nuit, sur les “points de résistance”, les coupures d’électricité laissent des quartiers entiers dans l’obscurité et sans Internet, raconte Irene Velez-Torres. Dans certaines zones, pour certaines personnes, les communications en direct à travers Facebook sont limitées ; des courriers électroniques, que nous avons envoyés, ne sont jamais arrivés. Il semble qu’à partir de certains mots clés, ils sont interceptés et éliminés. »
     
    Accourue en renfort le 5 mai avec sa « garde indigène », une sorte de police communautaire non armée, les trois mille hommes et femmes de la « minga » sont restés une semaine en ville avant de devoir se replier sur leurs territoires ancestraux du Cauca. Précairement installés sur le campus de l’Université del Valle, ils exerçaient une présence permanente sur les « points de résistance » pour y protéger « les jeunes » – souvent attaqués la nuit.
     Le 5 mai, néanmoins, ce sont des membres de la « minga » qui ont subi une agression particulièrement violente. Au sud de Cali, dans le quartier chic de Cañasgordas, des civils vêtus de blanc, protégés par des policiers, ont ouvert le feu sur plusieurs « chivas » qui se rendaient à l’Université del Valle pour y participer à une réunion avec des porte-paroles du Comité de grève afin d’établir un agenda de négociation avec le gouvernement. L’attaque a fait douze blessés, dont quatre dans un état grave. Explicitement et plus ou moins élégamment, les autorités locales, départementales et nationales ont demandé aux Indigènes de « retourner dans leurs montagnes ». Le 12 mai, au terme d’une Assemblée permanente et après avoir pris congés des « points de résistance », ceux-ci sont de fait repartis en caravane vers le Cauca, non sans avoir précisé : « Nous continuerons à participer à la grève nationale depuis nos territoires ancestraux. » Archevêque de Cali, Mgr Darío Monsalve leur a demandé pardon au nom de la ville pour ce qu’ils ont subi. D’autres s’inquiètent ouvertement : « Leur départ laisse les jeunes très vulnérables sur les points de concentration. »

    Que ce soit à Cali ou ailleurs, les barrages sur les routes, les barricades citadines, l’entrave aux déplacements, la paralysie des transports, des services et de l’activité économique, les difficultés d’approvisionnement provoquent le mécontentement de secteurs de la société, qui s’estiment lésés. Et qui, parfois, réagissent avec véhémence. Toutefois, ces réactions émotionnelles et spontanées ne peuvent occulter le développement de pratiques infiniment plus inquiétantes.
    La première alerte a émané précisément de Cali, le 6 mai. Surgis d’un camion banalisé, un groupe de policiers en civil pourchasse des manifestants et tirent à balle réelle. Au vu de vidéos filmées par les protestataires, la Police devra admettre que le véhicule lui appartient effectivement (tout en trouvant une explication des plus « vaseuse » sur les agissements de ses fonctionnaires).
    Dans toute la Colombie, se déplaçant souvent dans des véhicules haut de gamme, des civils menacent ou répriment les protestataires. Et parfois ouvrent le feu. Et parfois tuent. Ce qui arrive à Pereira, dans l’ouest du pays, où deux jeunes hommes qui organisent un sit-in pacifique sont gravement blessés par un groupe d’hommes non identifiés, tandis qu’un troisième, Lucas Villa, ne survit pas. Fait divers malheureux dû à une poignée d’irresponsables ? Quelques jours auparavant, le 2 mai, le maire Carlos Maya, s’était fendu d’une déclaration très remarquée : « Nous allons convoquer toutes les corporations de la ville ainsi que les membres de la sécurité privée pour faire un front commun avec la police et l’armée afin de rétablir l’ordre dans la sécurité publique. La ville de Pereira ne s’arrête pas et ne s’arrêtera pas et nous ne la laisserons pas entre les mains des violents. » Des pratiques qui renvoient à de funestes antécédents : la création des Coopératives de sécurité (Convivir en milieu rural), particulièrement promues par le gouverneur du Département d’Antioquia, Álvaro Uribe, dans les années 1980. Il ne fallut pas très longtemps pour qu’elles révèlent leur véritable nature en rejoignant les paramilitaires des AUC.

    Un compte Twitter appelé « Brigade anticommuniste », révèle le Collectif d’avocats José Alvear Restrepo, « stigmatise la Minga indigène en signalant qu’elle a des liens avec des groupes armés illégaux »  ; on y trouve des messages tels que « Minga = FARC »  ; un appel y a été lancé aux habitants de Cali « pour qu’ils envoient l’emplacement exact des manifestants et utilisent des armes pour les attaquer [28]  ».
    Dans le « municipio » de Jamundi (Valle del Cauca), le jeune membre de la garde indigène Geovanny Cabezas Cruz (18 ans) sera assassiné le 15 mai de plusieurs balles dans le dos par deux inconnus. D’après les témoignages recueillis par Indepaz, des escouades paramilitaires des AGC arpentent la zone et, les jours précédents, des menaces avaient été proférées contre les dirigeants indigènes s’étant déplacés avec la « Minga » à Cali.
    Toujours dans cette ville, divulgue le 9 mai « Noticias Uno », diffusé sur la chaîne de télévision payante CableNoticias, un groupe organisé, « Cali Fuerte » (Cali forte), planifie sur WhatsApp des stratégies pour démanteler les points de blocage. Les échanges ont lieu en termes ordinaires – « Je sais que, nous allons avoir en abondance du renseignement, parce que (…) nous pouvons arriver à quelque chose de bon pour la ville » –, mais aussi en usant, pour certains des intervenants, d’un vocabulaire spécialisé, codé, très « policier ».
    Après que, la nuit du 16 mai, des affrontements aient fait deux morts et trente-quatre blessés dans le quartier La Estancia de Yundo, la gouverneure du Valle del Cauca, Clara Luz Roldán, a exprimé son indignation pour avoir vu, sur une vidéo, aux côtés des militaires, des civils n’appartenant en aucun cas aux forces de l’ordre, armés et cagoulés.

    L’enchaînement de ces divers événements ramène immanquablement au paramilitarisme et à l’Etat – responsable de ce qu’il laisse faire, mais aussi de ce qu’il fait. Car les traces de liaisons aussi dangereuses que troubles ne manquent pas. Ainsi des Águilas Negras (Aigles noirs). Après les Autodéfenses gaitanistes de Colombie, il s’agit de l’organisation responsable du plus grand nombre de menaces de mort et d’avertissements ciblés proférées, sur l’ensemble du territoire national, contre les dirigeants communautaires, politiques et sociaux. Curieusement, on ne lui connaît aucun leader, on ignore totalement ses structures et son fonctionnement, on n’a jamais repéré aucun supposé campement. Pour se livrer à son œuvre mortifère, elle a une stupéfiante capacité d’identifier ses cibles, leurs localisations, adresses mail et numéros de téléphone. Du travail « de police » ou de « service de renseignements ». Qui exerce une incontestable fonction de discipline et de contrôle social en terrorisant les secteurs opposés tant au gouvernement qu’aux pouvoirs locaux.

    « L’épidémie qui devrait nous préoccuper est l’épidémie communiste. Sauvons la Colombie. » Le message n’a rien de clandestin. Il figure sur un énorme panneau d’affichage, dans le secteur de Las Palmas, l’un des plus fréquentés de la ville de Medellín. Les médias du « système » chantent à l’unisson. Si les élus ne parviennent pas à persuader les manifestants d’abandonner les barrages, « le gouvernement a l’obligation de recourir aux outils que la Constitution lui accorde pour garantir la prévalence de l’intérêt général », prévient le quotidien El Tiempo. Hebdomadaire, Semana révèle « en exclusivité » (15 mai) « le plan violent des dissidences des FARC et des milices urbaines de l’ELN pour assiéger la capitale [Cali] du Valle del Cauca. Les enregistrements et les informations des services de renseignement prouvent qu’il y avait une intention criminelle au milieu de la grève. Qui est derrière tout cela ? »

    Les Etats-Unis se disent « très préoccupés » par la situation. L’Union européenne est elle aussi « très préoccupée ». L’Organisation des Etats américains (OEA) a mis beaucoup de temps à se préoccuper, mais elle s’est finalement déclarée « très préoccupée ». Il faut préciser qu’avant d’être « très préoccupé », son secrétaire général Luis Almagro était « très occupé ». Le 5 mai, en Floride, il recevait les clés de la ville de North Miami Beach, des mains du maire Anthony DeFilippo. Un hommage rendu à « son incessant travail pour la justice dans la région » et à sa lutte « pour la liberté et la démocratie ».

    « Venezuela : Explosion sociale » ; « Colombie, sous la menace »

    Fort heureusement, Almagro a participé ensuite à Miami au forum « Défense de la Démocratie dans les Amériques », organisé (forcément !) par l’Institut interaméricain pour la démocratie, au cours duquel, dans une de ses dernières envolées avant de déposer le bilan, le président équatorien Lenín Moreno a exprimé avec une rare véhémence « une demande unanime »  : que le président vénézuélien Nicolás Maduro retire « ses mains sanglantes et corrompues de la démocratie et la stabilité du peuple colombien ». D’où la préoccupation (presque) soudaine d’Almagro. Le 10 mai, tout en condamnant « les cas de torture et d’assassinats commis par les forces de l’ordre », il a précisé que « le droit à la protestation ne peut être un prétexte pour violer les droits fondamentaux de la population » et a stigmatisé « ceux qui ont transformé les manifestations en vandalisme et ont confondu le vandalisme avec des actions de nature terroriste contre les institutions et les autorités de l’Etat ». C’était bien le moins. La Colombie n’est tout de même pas le Venezuela ou la Bolivie, où tout est permis à l’opposition !

    L’inquiétude n’en demeure pas moins réelle. Même Uribe, à l’origine, avait senti le danger et s’était prononcé contre cette réforme fiscale arrivant au plus mauvais moment. Dirigeants de Cambio radical (Changement radical) et du Parti libéral, les dirigeants de droite Germán Vargas Lleras et César Gaviria avaient ordonné à leurs troupes de ne pas voter le texte. Pour Gaviria, ex-président (1990-1994), cette réforme était « la pire chose qui puisse arriver à la classe moyenne » : elle allait « achever le pays et l’économie [29]  ». Les centristes et les Verts – Sergio Fajardo, Jorge Robledo, Juan Manuel Galán, Humberto de la Calle, etc. – ont exprimé le même rejet. Sans être plus entendus. Et ce qui devait arriver est arrivé. La droite perd le contrôle de la situation.
     Panique à bord. Ministre des Affaires étrangères, Claudia Blum démissionne (elle sera remplacée par Marta Lucía Ramírez). « Chaque déclaration du ministre de la Défense sur la grève est un permis de tuer », dénonce Gaviria. « La solution à la grève se trouve dans les Accords de paix et dans des objectifs de développement soutenable », renchérit l’ex-président Santos. C’est que tous les yeux sont désormais tournés vers l’élection présidentielle de 2022. Signe des temps, même les Etats-Unis, plutôt que prononcer leur habituel soutien inconditionnel, ont exhorté les forces de l’ordre colombiennes à faire preuve d’un « maximum de retenue » pour éviter de nouveaux décès. Et ne pas entacher davantage l’image des gouvernants.
    Au-delà de cette tentative pour « limiter les dégâts », beaucoup subodorent que cette révolte d’ampleur exceptionnelle marque sans doute, ou peut-être, le crépuscule de l’Uribisme et de son entourage mafieux. Chacun fait un pas de côté. Une droite plus présentable, décente, intelligente, civilisée, serait la bienvenue. Pas trop indépendante tout de même – Washington a besoin d’alliés obéissants aux directives (n’oublions pas le contexte régional et surtout le Venezuela).
    Seulement, l’aiguille de la boussole ne tourne pas dans le bon sens. Alors qu’« on » la voudrait fixée sur la droite classique, au pire le centre droit, elle s’incline clairement en direction… du centre-gauche.

    Le second tour de la présidentielle, le 17 juin 2018, opposait Duque au candidat de la Colombie humaine, Gustavo Petro. Une première évolution dans un pays habitué à des duels entre candidats de droite ou opposant la droite à l’extrême droite. Confronté à la « maquinaría » (appareil) et aux partis traditionnels, victime d’une campagne de la peur faisant de lui un proche d’« ex-terroristes » [30] et un représentant du « castro-chavisme », victime d’une trahison des pseudo « centristes – De la Calle, Fajardo, Robledo – ayant appelé à voter « blanc », Petro fut finalement battu (41,8 % des voix contre 54 % à Duque) [31]. Toutefois, il était arrivé en tête dans la capitale Bogotá et dans les départements Atlántico, Nariño, Cauca, Chocó, Vaupés, Sucre, Putumayo et Valle, tout en faisant de son mouvement la seconde force politique du pays. La Colombie n’était pas encore prête pour le changement. Elle vient de faire un grand pas dans cette direction. Et l’ombre du Chili plane désormais sur elle, tout un chacun en est conscient.
    Lors de l’élection de la Convention constituante, le gouvernement de Sebastián Piñera (37 sièges sur 155) et les partis traditionnels viennent d’y subir une défaite cinglante, historique, le 16 mai dernier. A l’origine de ce séisme, l’apparition d’une nouvelle génération politique née de l’explosion sociale de 2019, elle aussi férocement réprimée (27 morts, 22 000 arrestations, 3 649 blessés).

    Tout plutôt qu’un gouvernement réformiste. Tout plutôt que le « Petro-madurisme »  ! L’Uribisme n’entend pas lâcher le pouvoir aussi facilement. Il a peur. Il joue son va-tout. Il a en face de lui un Comité national de grève qui exige des garanties pour le libre exercice de la protestation, la fin des violences, une réforme de la police. Malgré la répression, la pression paye. Le pouvoir lâche du lest : après le retrait de la réforme fiscale, celle de la santé a également disparu de l’agenda (rejetée par le Congrès) ; le gouvernement approuve une subvention de 25 % du salaire minimum pour tout employeur embauchant un jeune ; il annonce la gratuité des frais d’inscription dans l’enseignement public supérieur pour les étudiants des strates 1,2 et 3 (les couches les plus modestes) ; enfin, le 22 mai, la Cour constitutionnelle rétablit les 16 Juridictions spéciales pour la paix (qui disposeront de sièges à partir des prochaines élections législatives) ! Ce pour la carotte. Mais le bâton n’est pas loin. On ne voit même que lui. Le 17 mai, alors que le pays espérait des avancées en matière de négociations, Duque a coupé court et ordonné « l’augmentation de toutes les capacités opérationnelles des forces de l’ordre sur le terrain (…) ».

    A bout de trois semaines de soulèvement, on déplore déjà une cinquantaine de morts et 1 600 blessés. Portées par le refus de la pauvreté, de la corruption, de l’insécurité, des inégalités dans l’accès aux études et à la santé, les manifestations massives continuent à se succéder. A chaque jour son tragique, son sordide, son poignant. Popayán : le 13 mai, la très jeune Alison Meléndez est interceptée et détenue par des agents de l’ESMAD. Le lendemain, libérée, bouleversée, elle dénonce avoir subi des violences sexuelles, puis se suicide. L’indignation est telle que des manifestants attaquent et incendient l’Unité de réaction immédiate (URI) où ont eu lieu les sévices. Huit quartiers se soulèvent. A 22 ans, Sebastián Quintero Múnera meurt à son tour, atteint au cou par une grenade assourdissante...

    Le pouvoir avait-il pressenti une telle résistance ? Le 6 mai, le sénateur Wilson Arias (Pôle démocratique alternatif) a dénoncé la commande par l’Etat, de 130 000 grenades, 60 000 balles de marquage pour lanceurs de balles de défense (LBD), 4 734 boucliers anti-émeute, 107 lanceurs de gaz, etc., destinés à l’ESMAD, pour plus de 3 643 451 dollars (14 milliards de pesos). A Cali, John J réfléchit à haute voix : « Nous qui sommes des dirigeants communautaires, on connaît les jeunes, on sait pourquoi ils sont dans la rue. On s’inquiète de savoir s’il y aura une sortie négociée, concertée, au moins avec les autorités locales, parce qu’avec le gouvernement ça va être difficile… Qu’est-ce qui va leur arriver à ces jeunes ? On connaît l’histoire de notre pays ! »

     Maurice LEMOINE

    Notes

    [2] Le gouvernement revendique la mise en place d’un programme de soutien à l’emploi formel bénéficiant à environ 3,5 millions de travailleurs ; le remboursement de la TVA pour près de 2 millions de ménages vulnérables ; le renforcement du Fonds de solidarité éducative (700 000 étudiants).

    [3] Le CNP regroupe 26 organisations nationales, 29 comités départementaux et plus de 300 comités municipaux.

    [4] C’est ainsi que les indigènes appellent leurs rassemblements et actions collectives.

    [6] Pour ajouter à son délire, López se réfère aux… philosophes français post-structuralistes Félix Guattari (qui a publié en 1977 La révolution moléculaire), Jacques Derrida, Gilles Deleuze et au très oriental Jeu de GO !

    [7] Véhicules collectifs ouverts à tous les vents et souvent vétustes, typiques des régions montagneuses de Colombie.

    [9] Senadores y representantes – Informe multipartidista (2020) « ¿En qué va la paz a 2 años del gobierno Duque ? », Bogotá, 18 de agosto 2020.

    [10] Propriétaire terrien qui a du pouvoir politique.

    [12] La « pasta » ou pâte base : stade intermédiaire entre la feuille de coca et la cocaïne pure, obtenu avec des moyens souvent rudimentaires sur le lieu de production.

    [13] Entre 2009 et 2018, 126 « éradicateurs » des GME et membres de la Force publique ont été tués et 664 blessés – la majorité par amputation (Fundacion Ideas por la Paz, Bogotá, 29 mai 2020).

    [14] Lire Maurice Lemoine, « Cultures illicites, narcotrafic et guerre en Colombie », Le Monde diplomatique, Paris, janvier 2001.

    [15] Pour une production potentielle de 951 tonnes de cocaïne.

    [16] Les paramilitaires trouvent leur origine dans des groupes civils « d’autodéfense » légalement crées par l’armée colombienne, conseillée par le Commandement sud de l’Armée des Etats-Unis (Southern Command), dans les années 1970 et 1980, pour lui venir en aide pendant les opérations anti-insurrectionnelles.

    [17] « Venezuela : aux « sources » de la désinformation », 7 octobre 2019 – https://www.medelu.org/Venezuela-aux-sources-de-la-desinformation

    [18] L’Union patriotique (UP) est un parti politique issu d’un « processus de paix » mené en 1984 sous la présidence du conservateur Belisario Betancur et composé de guérilleros démobilisés, du Parti communiste et de membres de la société civile. Entre 3 000 et 5 000 de ses membres ont été assassinés, torturés et victimes de disparition, essentiellement par les paramilitaires.

    [19] Lite « La Colombie aux temps du choléra » – https://www.medelu.org/La-Colombie-aux-temps-du-cholera

    [21] Témoignage recueilli le 12 mai lors d’un Webinaire « Que se passe-t-il en Colombie ? » organisé à l’initiative de France Amérique latine 33 (Bordeaux), Les 2 Rives et le collectif ALBA-TCP France.

    [22]  Idem.

    [24] Lance-roquettes multiple soviétique de la Seconde Guerre mondiale.

    [25]  « Pandilla »  : bande ; « paraco »  : paramilitaire.

    [26] Ibid, « Que se passe-t-il en Colombie ? »

    [27]  Ibid.

    [29] El Espectador, Bogotá, 21 avril 2021.

    [30] Actuellement sénateur, maire de Bogotá de 2012 à 2015, Petro a été, à partir de 1977, membre de la guérilla du Mouvement 19 Avril (M-19), dissoute en 1990.

    [31] Lire : « Qui a trahi le camp de la paix en Colombie ? » – https://www.medelu.org/Qui-a-trahi-le-camp-de-la-paix-en

     

    source: https://www.medelu.org/Guerre-totale-contre-le-mouvement-social

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  • Perú Libre, le parti "marxiste-léniniste-mariateguiste" qui fait trembler la bourgeoisie péruvienne

    En attendant les résultats définitifs des élections présidentielles et législatives au Pérou, penchons nous sur le parti de José Pedro Castillo Terrones.

    Perú Libre c'est quoi ?

    Un Parti qui se revendique du socialisme, du marxisme-léninisme, des processus bolivariens, et de l'internationalisme.

    Article et traduction Nico Maury


    Le parti Perú Libre est une organisation d'origine provinciale, elle représente le Pérou profond, pour laquelle elle assume des engagements avec les peuples les plus nécessiteux. C'est un parti socialiste de gauche, marxiste-léniniste-mariateguiste.

    Ce parti est indépendant de toute ONG. Il rejette rejette toutes les ONG d'infiltration politique comme l'USAID et les ONG qui reçoivent des financements de l'étranger, des entreprises patronales.

    Perú Libre est internationaliste, défend les processus révolutionnaires dans le monde, notamment en Amérique latine : Cuba, Nicaragua, Equateur, Venezuela et Bolivie. Il a organisé une marche massive contre le coup d'État en Bolivie et le renversement d'Evo Morales. Il condamne toutes sortes d'impérialisme, de néocolonialisme, d'ingérence et de dépendance étrangère, censure ouvertement le Groupe de Lima, qui est en fait le Groupe de Washington pour les affaires latino-américaines.

    Perú Libre propose un changement total de la Constitution politique du Pérou à travers une Assemblée constituante, à laquelle participent les partis politiques et les organisations populaires.

    Perú Libre propose la nationalisation des ressources stratégiques du pays, les mines, le gaz, le pétrole, l'hydro-énergie et les communications. Perú Libre s'engage pour une exploitation minière durable et l'opportunité de sortir du sous-développement, alors que le pays est désindustrialisé. Les profits doivent être orientés pour soutenir les principaux secteurs du pays (éducation, santé, agriculture, transports, etc.), vers l'industrialisation du pays et le maintien de programmes sociaux.

    La base sociale de Perú Libre est la classe ouvrière et la classe moyenne, principalement les enseignants.
     
    *Mariateguisme : En référence à José Carlos Mariátegui La Chira (1894-1930), écrivain , journaliste , homme politique et philosophe péruvien. Il est le fondateur du Parti socialiste péruvien en 1928 (qui, après sa mort, sera rebaptisé Parti communiste péruvien), une force politique qui, selon son acte fondateur, se revendique du marxisme-léninisme.
     
     
     
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  • El poder legislativo peruano se constituye en medio de la polémica por la elección presidencial en el país.L'Assemblée législative péruvienne est constituée au milieu de la controverse provoquée par l'élection présidentielle dans le pays.

    Le parti Péru Libre du candidat à la présidence Pedro Castillo sera la première minorité au Congrès avec 37 des 130 sièges de la Chambre, a confirmé samedi le Jury National des Elections (JNE).

    Le JNE a annoncé officiellement samedi la distribution des sièges au Congrès pour la législature 2021-2026 pour les formations politiques qui sont arrivées au second tour des élections du 11 avril. 

    Par la résolution N° 0602-2021-JNE, rendue publique dans le Bulletin des Règles Légales du Journal Officiel El Peruano, on a fait savoir que les partis politiques qui auront des sièges au Congrès sont les suivants :

    Perú Libre (1,724,303 voix, soit 13.409%), 

    Fuerza Popular (1,457,640 soit 11.336%), 

    Renovación Popular (1,99,663 soit 9.329%),

    Acción Popular (1,159,707 soit 9.019%), 

    Alianza para el Progreso (969,699 soit 7.541%), 

    Avanza País (969,059 soit 7.536%), 

    Juntos por el Perú (847,570 soit 6.591%), 

    Somos Perú (788,488 soit 6.132%), 

    Podemos Perú (750,238 soit 5.834%) 

    Partido Morado (697,289 soit 5.423%). 

    Le JNE rapporte aussi qu'ont été comptabilisés 12 858 920 votes valides, 2 126 712 votes blancs, 2 737 099 votes nuls, et que 17 722 731 votes ont été émis.

    Il déclare que suite à l'application des chiffres de chaque circonscription électorale, la représentation au niveau national pour la législature 2021-2026 sera la suivante :

    Perú Libre (37 sièges),

    Fuerza Popular (24), 

    Acción Popular (16), 

    Alianza para el Progreso (15), 

    Renovación Popular (13),

    Avanza País (7), 

    Podemos Perú (5), 

    Juntos por el Perú (5), 

    Somos Perú (5), 

    Partido Morado (3).

    D'autre part, il indique que sont élus au Congrès les candidats qui ont obtenu les voix nécessaires pour entrer au Parlement. La résolution sera remise et le cérémonie de proclamation aura lieu après la proclamation des résultats des élections législatives.

     

    Source en espagnol : https://www.telesurtv.net/news/peru-distribuye-escanos-congreso-periodo-2021-2026-20210612-0014.html

    Source en français-traduction de Françoise Lopez : http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/06/perou-la-parti-de-pedro-castillo-obtient-le-plus-grand-nombre-de-sieges-au-congres.html

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