B. Frachon n'a jamais été reclassé!
C'est par la presse que l'on apprend le reclassement de Thierry Lepaon par le gouvernement socialiste.
Nulle intention pour nous d'en faire une question de personne et encore moins de régler des comptes !
Des enseignements peuvent cependant en être tirés dans le contexte bien précis que nous vivons :
· La répression gouvernementale s'abat contre les militants et les délégués fortement engagés en particulier dans la lutte contre la loi travail ces derniers mois : Cédric Crozet, des Territoriaux CGT de Saint-Étienne traduit en comparution immédiate récemment, Edouard Postal délégué du personnel cheminot menacé de licenciement, les Goodyear d'Amiens, les militants d'Air France etc etc
Le MEDEF relayant cette répression dans les entreprises.
· Une grande campagne est engagée contre la CGT dans différents médias et son rôle dans le mouvement social pour la présenter comme archaïque, responsable d'une certaine manière de la stagnation de la croissance, complice des casseurs et pour qualifier son rôle comme profondément négatif et pour les travailleurs et pour le pays.Certaines catégories étant enrôlées sur le terrain pour faire obstacle aux apparitions et aux initiatives publiques de l'organisation comme on a pu le voir cet été sur le Tour de France ou en Bretagne.
Dans ce contexte donc le reclassement de Thierry Lepaon a un poste de responsabilité ne peut pas ne pas susciter plus que des interrogations.
Parce que cela concerne la réputation du mouvement syndical et de la CGT en particulier.
C'est ainsi que Stéphane Sirot, l'universitaire spécialiste du syndicalisme remarque que cette nomination peut apparaître comme un reniement et qu'il y a disons un contraste d'images entre l'engagement de la CGT durant des mois contre la loi travail et cette nomination gouvernementale à la tête d'une institution.
Mais dépassons le caractère apparemment contradictoire de ces "images" : Ce n'est pas la première fois que le pouvoir au service de l'oligarchie qu'il soit de droite ou social démocrate se préoccupe du reclassement de dirigeants syndicaux dont elle a apprécié l'activité et l'orientation.
Ce fut souvent le cas dans le passé de l'attitude à l'égard des dirigeants de la CFDT en particulier.
C'est ainsi que Nicole Notat dès 2002, a été portée à la tête de Vigeo, société européenne d’évaluation des performances sociales et environnementales des entreprises. Parmi les actionnaires on y trouve toutes les grandes banques françaises, de grandes sociétés, des fonds de pension, que François Chérèque 2 mois après avoir quitté la direction de la CFDT le voici nommé à l’Inspection générale des affaires sociale tandis que Son ex-bras droit, Laurence Laigo, a retrouvé une place de conseillère au cabinet
de Najat Vallaud-Belkacem et Jacky Bontems, ex numéro 2 de la CFDT, soixante et un ans, après avoir été l’un des conseillers de François Hollande pendant la campagne de la présidentielle, a été appelé à intégrer le Commissariat général à la stratégie et à la prospective.
En passant par Jean Kaspar. Secrétaire de 1993 à 1996, recasé entre autre comme conseiller social à l’ambassade de France à Washington.
Cette liste n'étant pas exhaustive et de loin !
C'est qu'à la fois le pouvoir politique et le grand patronat en particulier suivent de près ce qui se passe dans le mouvement syndical et y interviennent en soutenant de différentes manières les organisations et les personnes dont l'activité convient à leurs intérêts.
En combattant et en réprimant bien sûr les organisations et les militants porteurs d'un projet et d'une activité de lutte et de transformation sociale.
En valorisant tout ce qui va dans le sens de la collaboration de classe, du "dialogue social", de l'acceptation des rapports sociaux capitalistes et de l'insertion dans le projet de l'Union européenne en particulier.
S'agissant de Thierry Lepaon, on n'aura retenu que ce qui a provoqué sa chute : les péripéties autour de son appartement de fonction, sa rénovation, ses exigences salariales et sa prime de départ de la région normande.
Mais c'était oublier le contenu de son activité au Conseil économique et social : sa co-signature avec J.-M. Geveaux, alors Président UMP du Conseil général de la Sarthe du rapport débouchant sur un "diagnostic partagé" à propos de l'ouverture à la concurrence des TER. Cela en contradiction totale avec l'orientation affirmée de la fédération CGT des cheminots !
Mais c'était oublier ses déclarations au Nouvel Economiste du 21 février 2014 selon lesquelles : « Il n’existe à la CGT aucune opposition de principe face au patronat. L’entreprise est une communauté composée de dirigeants et de salariés – là encore, je regrette que les actionnaires fassent figures d’éternels absents - et ces deux populations doivent pouvoir réfléchir et agir ensemble dans l’intérêt de leur communauté. ».
Mais c'était oublier son fourvoiement dans les structures et clubs type "Le Siècle" , "le Quadrilatère", "Confrontations" où se rencontrent hommes d'affaires, intellectuels, journalistes et syndicalistes et cela sans le moindre mandat de l'organisation. Alors que ces think-tank comme on dit sont de notoriété des lieux de collaboration de classe.
Tout un tissu de faits et de déclarations témoignant donc d'une orientation franchement en contradiction avec les valeurs historiques d'une CGT dont l'efficacité et le prestige reposent essentiellement sur des références de classe et la fidélité aux intérêts des travailleurs. Une CGT donc foncièrement indépendante des puissances d'argent et des forces d'influence à leur service, et fondamentalement antagoniste des intérêts du patronat, des classes dirigeantes et de leurs structures et institutions de domination.
Et c'est donc au final la convergence d'une activité et d'une orientation syndicale avec les intérêts des classes dominantes qui explique la bienveillance de ces dernières avec des syndicalistes "raisonnables" et leur souci de faire la démonstration que leur attitude "compréhensive", "moderne" éloignée des clivages de classe sera tôt ou tard récompensée.
Pour Valls et Hollande engagés dans la recomposition politique d'une social-démocratie mise au service exclusif des marchés financiers et le remodelage de la société en conformité avec les exigences de Bruxelles il s'agit d'envoyer un signe aux partisans de la collaboration de classe dans le mouvement syndical : dans vos interventions, et au-delà vous pouvez compter sur le soutien de l'appareil d'état !
La véritable indépendance syndicale, le plus souvent cantonnée dans le débat quelque peu stérile du rapport au politique et aux partis politiques, c'est celle qui repose sur l'intransigeante fidélité aux intérêts de classe des travailleurs et une activité placée sous leur contrôle vigilant face aux récurrentes tentatives de corruption et matérielle et idéologique du patronat et de ses commis politiques !
Henri Krasucki, n'a jamais été reclassé !
source: frontsyndical-classe.org