• Discours du ministre des affaires étrangères de Cuba, Bruno Rodríguez Parrilla, à la réunion de haut niveau de l'AGNU pour commémorer et promouvoir la Journée internationale pour l'élimination totale des armes nucléaires.  2 octobre 2020.

    Monsieur le Secrétaire général :

    Monsieur le Président :

    Distingués délégués :

    Il est consternant de constater que, 75 ans après les bombardements criminels d'Hiroshima et de Nagasaki, il existe environ 13 400 armes nucléaires, dont près de 1 800 sont en état d'alerte opérationnelle et 3 720 sont déployées1 , plus de la moitié appartenant aux États-Unis. Les États-Unis détiennent le plus grand nombre de ces armes prêtes à l'emploi2 et sont le seul pays au monde à avoir lancé deux bombes atomiques.

    La communauté internationale ne peut rester impassible face à la Nuclear Posture Review des États-Unis, qui abaisse le seuil d'utilisation de ce type d'armes, même en réponse à des menaces dites "stratégiques non nucléaires".

    Nous rejetons la décision du gouvernement des États-Unis de se retirer de l'accord nucléaire avec l'Iran et du traité sur les missiles à courte et moyenne portée, signé avec l'ex-Union soviétique, des actions unilatérales ayant de graves conséquences pour la stabilité et la sécurité internationales.

    Nous vous demandons instamment de renouveler le traité sur la réduction des armes stratégiques avec la Russie (START).

    Nous condamnons vos tentatives de rétablir la doctrine Monroe, en violation du droit international et de la proclamation de l'Amérique latine et des Caraïbes comme zone de paix.

    Monsieur le Président :

    La pandémie COVID-19 a montré la fragilité d'un monde où l'accès universel aux services de santé de base n'est pas garanti, tout en modernisant et en étendant les arsenaux nucléaires, sous le prétexte de concepts militaires ou de doctrines de défense et de sécurité, qui continuent de menacer l'Humanité.

    L'élimination totale des armes nucléaires doit être la priorité absolue dans le domaine du désarmement. L'énergie nucléaire ne doit être utilisée qu'à des fins pacifiques pour le développement socio-économique des États, sans discrimination.

    Nous réitérons l'appel à la ratification du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires. Cuba est fière d'être le cinquième État à avoir ratifié cet instrument, d'être la première zone exempte d'armes nucléaires dans une région densément peuplée de la planète, d'appartenir à la première région du monde à être proclamée zone de paix et d'être un membre actif du Mouvement des pays non alignés, qui promeut la commémoration de la Journée internationale pour l'élimination totale des armes nucléaires.

    Comme l'a dit le commandant en chef de la révolution cubaine Fidel Castro Ruz : "Les bombes peuvent tuer les affamés, les malades, les ignorants, mais elles ne peuvent pas tuer la faim, la maladie, l'ignorance.3" Nous méritons un monde de paix, sans armes nucléaires. Battons-nous pour cela.

    Nous méritons un monde de paix, sans armes nucléaires.

     

    source en espagnol: http://misiones.minrex.gob.cu/es/articulo/la-eliminacion-total-de-las-armas-nucleares-debe-ser-la-mayor-prioridad-en-la-esfera-del

    source en français: http://mouvementcommuniste.over-blog.com/2020/10/l-elimination-totale-des-armes-nucleaires-devrait-etre-la-priorite-absolue-dans-le-domaine-du-desarmement.html

     

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  • https://es.wikipedia.org/wiki/Evo_Morales#/media/Archivo:Conferencia_de_Prensa_de_Evo_Morales_en_el_Museo_de_la_Ciudad_de_M%C3%A9xico_2.jpg

    En novembre 2019, un coup d’État ébranlait la Bolivie et mettait fin à treize ans de pouvoir du Mouvement vers le socialisme (MAS). Le Vent Se Lève a suivi de près ces événements, qui ont vu un gouvernement libéral et pro-américain, contenant des éléments d’extrême-droite, prendre la main sur le pays. Dans cet entretien avec Evo Morales, nous revenons sur la situation dans laquelle se trouve la Bolivie depuis le coup d’État, ses causes et sa genèse, ainsi que sur les perspectives pour l’opposition. Nous avons souhaité inscrire ces enjeux dans l’histoire longue de la Bolivie, caractérisée par d’intenses conflits sociaux et un incessant combat pour l’indépendance nationale, sur lesquels l’ex-syndicaliste devenu président est revenu en détail. Entretien réalisé par Denis Rogatyuk et Bruno Sommer. Traduit par Nubia Rodríguez, Marine Lion, Maïlys Baron, Rachel Rudloff et Adria Sisternes.


    LVSL – La Bolivie possède une longue histoire de luttes sociales, auxquelles vous avez participé en tant que syndicaliste, avant d’être élu président. Il y a vingt ans, à l’époque de la « guerre de l’eau » et de la « guerre du gaz », vous étiez l’un des dirigeants syndicaux opposés aux gouvernements boliviens successifs. Quelle continuité peut-on tracer entre vos luttes en tant que syndicaliste et votre action politique en tant que président ?

    [On désigne par « guerre de l’eau » et « guerre du gaz » les violents affrontements qui ont opposé dans les années 2000 les gouvernements boliviens – qui tentaient de privatiser ces ressources, sous l’égide de la Banque mondiale – aux mouvements sociaux, ndlr]

    Evo Morales – Depuis 1995, il y a eu différentes formes de lutte dont je me souviens parfaitement. Auparavant, les coups d’État se succédaient. En 1978, lorsque j’étais soldat, trois présidents se sont succédé : le premier était Hugo Banzer, mais au milieu de l’année un coup d’État l’a remplacé par Juan Pereda Asbún. En novembre, tandis que j’intégrais la police militaire, le général David Padilla Arancibia est devenu président du jour au lendemain. L’année suivante, un autre coup d’État a eu lieu, dirigé par le Colonel Alberto Natusch Busch et soutenu par tous les partis de droite.

    [En 1978, un coup d’État a renversé le gouvernement dictatorial de Hugo Banzer, célèbre pour avoir mené une féroce répression de l’opposition avec l’appui de l’ancien nazi Klaus Barbie. Ce renversement inaugure une période d’instabilité. Banzer revient au pouvoir en 2001 en tant que président, suite à des élections, ndlr]

    En à peine deux semaines, il a provoqué la mort de plus de 200 Boliviens. Nous avons tenté de reconquérir la démocratie : le Front paysan et la Centrale ouvrière bolivienne (COB) ont organisé des barrages routiers et une grève générale illimitée. À partir de 1985, avec l’arrivée du modèle économique néolibéral, de nombreux enseignants se sont battus pour faire échouer la privatisation de l’éducation. Enfin, la guerre de l’eau, du gaz, et de la feuille de coca ont fait leur apparition. Cette dernière a une importance significative car la feuille de coca assurait non seulement le fonctionnement de l’économie bolivienne, mais symbolisait aussi la dignité des Boliviens. Sous le prétexte de lutter contre le trafic de drogue, on a installé une base militaire américaine à Chimore, manifestation des intérêts géopolitiques et de l’ambition de contrôler le territoire. Depuis, de nombreux anciens agents de la Drug Enforcement Administration (DEA) ont dénoncé cette fausse guerre contre la drogue.

    L’ambassadeur des États-Unis, Manuel Roche, a dit dans ce contexte : « Evo Morales est le Ben Laden des Andes, les producteurs de coca sont des talibans ». J’ai réagi en disant que Manuel Roche était le meilleur directeur de campagne que je puisse imaginer.

    Il faut souligner que depuis la fin des années 80, de jeunes leaders paysans et indigènes ont pris conscience de la façon dont s’exerce le pouvoir. Ils se sont demandé : combien de temps vont-ils nous gouverner d’en haut, et de l’extérieur ? Combien de temps devons-nous supporter les plans du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale ? Pourquoi ne pas laisser les Boliviens décider de leur politique ?

    La Bolivie a toujours exercé un contre-pouvoir social, syndical et communal, mais lorsque nous nous sommes demandé comment nationaliser nos ressources naturelles et nos services de base avec ces pouvoirs, nous n’avons pas trouvé la réponse. Il était important de promouvoir un instrument politique à partir du mouvement paysan, des Quechua, des Aymara. Nous avons décidé d’organiser un instrument politique de libération, du peuple et pour le peuple.

    Gardez à l’esprit que nous avons dû affronter la doctrine du système capitaliste qui dominait la Bolivie, dans laquelle les syndicalistes étaient considérés comme des terroristes et n’avaient pas le droit de faire de la politique. Nous ne nous sommes donc pas contentés d’être syndicalistes, nous avons voulu des changements profonds, et une transformation des politiques publiques. Nous avons éprouvé des difficultés car les travailleurs qui avaient une appartenance syndicale étaient interdits d’action politique.

    Avec l’arrivée du gouvernement d’Hugo Banzer et Jorge Fernando Quiroga [en 2001 et 2002, ndlr], l’électricité et les télécommunications ont été privatisées. Nos ressources naturelles, telles que le gaz, ont été cédées aux firmes transnationales. Conjointement avec les dirigeants de la COB (Centrale ouvrière bolivienne) et les confédérations paysannes, nous avons essayé de peser en faveur de la nationalisation, alors que des gouvernements libéraux étaient au pouvoir. Ils ont rejeté l’idée en affirmant que le gaz n’appartenait plus aux Boliviens, mais aux propriétaires qui avaient acquis les droits sur les puits. Il n’y avait aucun contrôle de l’État sur la production. Des millions de mètres cubes par jour ont été gaspillés. Les compagnies pétrolières bénéficiaient de 82 % des revenus, et les Boliviens seulement de 18 %.

    Lors des élections de 2005, nous avons proposé des réformes économiques, politiques et sociales essentielles, via un agenda de nationalisation, de refondation de la Bolivie et de redistribution des richesses. Lors de l’Assemblée constituante, les groupes conservateurs ont refusé de transformer l’État colonial [le concept qu’emploie la gauche bolivienne pour désigner l’État bolivien avant 2005, ndlr] en un État plurinational. Nous avons dû nous battre pendant trois ans et endurer plusieurs tentatives de coup d’État. Ils ont essayé de diviser la Bolivie, mais le peuple est resté uni.

    [Pour une mise en contexte des tentatives de déstabilisation du gouvernement bolivien qui ont fait suite à l’élection d’Evo Morales en 2005, lire sur LVSL l’article de Tristan Waag : « Aux origines du coup d’État en Bolivie »]

    Quant aux nationalisations, j’ai signé le décret le 1er mai 2006. La première condition que nous avons imposée était de travailler avec les compagnies pétrolières en tant que partenaires, et non en tant que propriétaires de nos ressources naturelles. Ensuite, nous avons changé les règles : les entreprises obtenaient désormais 18 % des revenus et l’État 82 %, et non plus l’inverse. L’investissement privé, qu’il soit national ou international, est garanti par la Constitution, mais soumis aux règles que fixe l’État bolivien. À partir de ce moment, la situation économique du pays a changé. Il ne s’agissait pas de faire aboutir telle ou telle lutte particulière, comme celle de l’eau, mais de mener à bien une série de combats pour les revendications les plus importantes – comme celle de mettre fin à l’influence nord-américaine.

    LVSL – Lors des élections présidentielles de 2002, vous avez été battu par Gonzalo Sánchez de Lozada, suite à une campagne médiatique très dure contre le MAS [Movimiento al socialismo, le parti d’Evo Morales, ndlr]. À l’heure actuelle, nous observons un alignement similaire des médias contre ce même parti. Quelles leçons tirez-vous pour le présent, si vous mettez cette campagne électorale de 2002 en perspective ?

    EM – En 1997, on m’a proposé d’être candidat à la présidence. J’ai été la cible de nombreuses accusations et de diffamations de la part du gouvernement de Sánchez de Lozada. J’ai retiré ma candidature. « Comment un trafiquant de drogue, un meurtrier, pourrait-il devenir le président ? », disait-on alors.

    En 2002 il y avait un consensus pour que je sois candidat. J’avais beaucoup de doutes sur le fait de pouvoir obtenir un bon résultat. Un seul média de la presse internationale proclamait que le MAS pouvait obtenir 8 % des voix, tous les autres sondages nous cantonnaient à 3-4 %. Gonzalo Sánchez de Lozada s’est allié avec le Mouvement de la Bolivie Libre, qui auparavant se trouvait dans une coalition avec des sociaux-démocrates, et dont l’argent venait d’Europe en transitant par des ONG.

    L’ambassadeur des États-Unis, Manuel Roche, a dit dans ce contexte : « Evo Morales est le Ben Laden des Andes, les producteurs de coca sont des talibans ». J’ai réagi en disant que Manuel Roche était le meilleur directeur de campagne que je puisse imaginer. Résultat : le MAS a récolté plus de 20 % des voix.

    Jusqu’à ce moment-là, je n’étais pas si sûr que je puisse accéder à la présidence de Bolivie. Mais dès lors, je savais que je pourrais l’être à tout moment. Nous devions nous préparer. Un groupe de professionnels a commencé à travailler sur un programme sérieux pour l’État et le peuple bolivien.

    La droite recourt toujours à des consultants étasuniens pour faire ses campagnes. Je vais vous raconter un souvenir : en 2002 je suis arrivé à La Paz à deux heures du matin après de longues heures de marche, et j’ai dormi jusqu’à cinq heures car à ce moment-là je devais voyager à nouveau. À huit heures du matin, on assistait à un rassemblement dans la province de Loayza, dans une municipalité appelée Sapahaqui. J’y suis arrivé à huit heures pile. Les gens n’étaient pas concentrés, j’étais fatigué, et j’ai demandé à mes collègues de prendre une chambre pour me reposer. Il y avait un petit hôtel, nous nous en sommes rapprochés.

    L’hôtel était entouré de voitures de luxe. Bizarrement, tout l’hôtel était occupé. Ils nous ont dit que Gonzalo Sánchez Lozada, mon opposant, y était, et discutait avec des gringos. Nous avons envoyé nos agents de renseignement pour savoir ce qu’ils faisaient là-bas. On a demandé aux femmes de ménage. Elles nous ont dit qu’ils étaient en huis clos depuis deux jours, qu’elles ne comprenaient rien puisqu’ils parlaient en anglais. Nous avons approché le propriétaire de l’hôtel, qui nous a dit : « c’est Gonzalo Sánchez Lozada, avec un groupe de conseillers nord-américains, qui s’occupent du programme gouvernemental pour les élections ».

    LVSL – Lors des « guerres du gaz », qui ont constitué un tournant, des organisations sociales ont commencé à se structurer politiquement, principalement dans le secteur d’El Alto. Quels parallèles pouvez-vous établir entre ce moment historique de la lutte sociale à El Alto, et les mouvements populaires qui s’y organisent aujourd’hui, et quel rôle pensez-vous qu’ils joueront dans le processus de retour à la souveraineté populaire que vous réclamez ?

    [El Alto, troisième ville de Bolivie, se situe dans le département de la Paz, et constitue l’une des zones les plus pauvres du pays. Elle a été l’un des hauts lieux de la lutte des syndicalistes boliviens contre la privatisation du gaz, ndlr]

    EM – Il faut savoir que le Front paysan (Frente Campesino) a pris en compte l’importance de lutter non seulement pour des demandes sectorielles ou régionales, mais aussi nationales. Nous l’avons fait avec de nombreuses confédérations du Frente Campesino indigène, mais aussi de la région du tropique de Cochabamba, par exemple. Nous disions qu’il fallait mélanger la feuille de coca avec de l’huile. Qu’est-ce que cela voulait dire ? Défendre la feuille de coca, qui est une ressource naturelle renouvelable, aux côtés des ressources non renouvelables comme le pétrole, les hydrocarbures, etc.

    En vingt ans de néolibéralisme, de 1985 à 2005, la rente pétrolière était d’à peine trois milliards de dollars. Suite à la nationalisation des ressources du pays le 22 janvier 2006, nous avons amassé 38 milliards de dollars grâce à la rente pétrolière.

    Nous nous battions sur le plan social et syndical, mais aussi sur le plan électoral et politique. Avec les luttes, nous pouvions obtenir satisfaction à nos demandes, mais pas de changements structurels.

    Là encore je veux rappeler que lorsque je suis arrivé au Chapare, dans le tropique de Cochabamba, nous avons proposé des changements structurels au pays. Les représentants des gouvernements néolibéraux ont répondu en disant « vous faites de la politique, la politique avec vous est un crime et un péché », ou encore « la politique du paysan est une hache et une machette ».

    Puis la guerre du gaz est arrivée, un combat qui s’est concentré dans la ville d’El Alto. Elle s’est déclenchée en réaction à la décision de l’État bolivien de confier l’exploitation du gaz à des entreprises privées, pour l’extraire directement vers la Californie, aux États-Unis.

    Je salue aujourd’hui la population d’El Alto, qui, organisée en mouvements de paysans et de mineurs, a commencé le combat. Les conseils de quartier qu’ils forment sont une force nationaliste et anti-impérialiste.

    Le nouveau gouvernement veut en revenir aux privatisations. Le décret suprême 4272 du 24 juin 2020 envisage un retour à l’économie du passé et à un État minimal comme le souhaite le Fonds monétaire international. Ce décret signe le retour vers un État seulement régulateur et non investisseur – et vous savez qu’un État qui n’investit pas ne génère pas de devises pour répondre aux demandes de la population. Toute les recettes du FMI se trouvent dans ce décret du 24 juin – privatiser l’électricité, les télécommunications, la santé et l’éducation. La privatisation de l’éducation a déjà commencé puisque, cette année, aucun budget n’était destiné à la création de nouveaux sites. La privatisation de l’énergie à Cochabamba a commencé le 14 septembre dernier. Le procureur de l’État plurinational nommé par Jeanine Áñez a démissionné car ce décret de privatisation était anticonstitutionnel. Les prestations de base sont en effet un droit humain et ils ne peuvent relever du commerce privé. La santé ne peut être une marchandise. L’éducation est centrale dans la libération d’un peuple. Áñez a donc nommé un nouveau procureur illégalement, de manière anticonstitutionnelle.

    Par conséquent, les privatisations des prestations de base et la libéralisation de l’appareil productif paralysent l’économie et le gouvernement. Nous sommes convaincus que nous surmonterons tous ces problèmes par la lutte du peuple.

    LVSL – Quelles sont les mesures politiques clés que vous recommanderiez pour résoudre la crise économique que subit actuellement la Bolivie ?

    EM – En vingt ans de néolibéralisme, de 1985 à 2005, la rente pétrolière était d’à peine trois milliards de dollars. Suite à la nationalisation des ressources du pays le 22 janvier 2006, nous avons amassé 38 milliards de dollars grâce à la rente pétrolière.

    En 2005, notre PIB était de 9 500 millions de dollars – un triste héritage légué par les gouvernements boliviens successifs, après 180 années d’indépendance formelle. En janvier de l’année dernière, nous avons laissé derrière nous 42 milliards de dollars de PIB pour l’année 2019. Prenez la mesure de la profondeur du changement. Il établit l’importance d’un agenda nationaliste et anti-impérialiste face à l’impérialisme et aux privatisations qu’il entraîne. Et à partir de ce moment, ça a changé.

    Avant mon élection, la Bolivie était le pays le plus pauvre d’Amérique du Sud. Les six premières années des treize de mes mandats de président, nous étions les premiers en croissance économique en Amérique du Sud. Lorsque je me rendais aux forums internationaux, aux sommets des chefs d’État, ces derniers me demandaient quelle allait être la croissance économique. Je leur répondais qu’elle serait de 4 ou 5 %. Ils me demandaient alors ce que j’avais fait pour arriver à ce résultat.

    Il faut nationaliser nos ressources naturelles. Nous avons le devoir de défendre la nationalisation et de développer l’industrialisation. C’est l’objectif que nous nous sommes fixé pour poursuivre la croissance économique. Mais avant cela, nous devons d’abord restaurer la démocratie et la patrie.

    LVSL – Depuis la prise de pouvoir par le gouvernement issu du coup d’État, nous avons assisté à une persécution des militants du MAS et à plusieurs déclarations racistes de la part de dirigeants. Quelle est la nature du nouveau pouvoir bolivien ?

    EM – Il semblerait que la Bolivie soit victime d’un retour aux temps de l’Inquisition. La droite raciste utilise la Bible pour attiser la haine contre le prochain. Ils l’utilisent pour justifier le vol, le meurtre et l’économicide. Ils l’utilisent pour discriminer, pour brûler des wiphalas [drapeau multicolore symbolisant la diversité ethnique de la Bolivie, reconnu depuis 2009 comme second drapeau officiel du pays, ndlr], pour faire battre les gens humbles.

    [Lire sur LVSL le reportage de Baptiste Mongis sur la Bolivie de l’après-coup d’État : « Bolivie : la chute, le peuple, le sang et le brouillard »] 

    Les groupes racistes, généreusement financés, ont fomenté cette mentalité. Richard Black, sénateur républicain, a reconnu en décembre dernier que le coup d’État a été planifié aux États-Unis. Le 24 juillet dernier, le chef de l’entreprise de voitures électriques Tesla, a lui aussi sous-entendu sa participation à la réalisation du coup d’État.

    Ce coup d’État visait nos ressources naturelles, notre lithium. Nous avions décidé d’industrialiser le lithium. Nous avions signé des contrats avec l’Europe et la Chine. Nous avions décidé que les Etats-Unis ne feraient pas partie de notre marché pour le lithium. Nous avions consigné dans l’agenda patriotique du Bicentenaire quarante-et-une usines, plus de quinze pour le chlorure de potassium, le carbonate de lithium, l’hydroxyde de lithium et trois pour la création de batteries au lithium. Les autres usines étaient destinées à des intrants mais aussi à des sous-produits alimentaires et des médicaments. Ainsi, nous avions décidé que les États-Unis ne feraient pas partie de notre marché de lithium, et ce fut notre crime.

    [Lire sur LVSL l’entretien avec Luis Arce Catacora, candidat à la présidentielle bolivienne : « Nous devons garantir la souveraineté de la Bolivie sur le lithium »] 

    Par conséquent, il est important de préparer un plan de relance de notre économie. Nous avons un avantage : en 2005, ils nous ont laissé un État détruit, avec un président comme Carlos Mesa qui demandait des aides pour payer ne serait-ce que les salaires. Aujourd’hui, et grâce à seulement quatorze ans de transformations, nous pouvons prouver que la Bolivie a un grand avenir.

    Ce que l’on appelle la doctrine Monroe doit cesser. Les États-Unis pensent qu’ils ont été élus par Dieu pour dominer le monde, que la souveraineté est leur monopole, et que lorsqu’un peuple se libère ils sont légitimes à déployer bases militaires, interventions armées et coups d’État.

    Le coup d’État a également été fomenté contre notre modèle économique. Nous avons érigé un modèle sans l’aide du Fonds monétaire international, qui se base sur une croissance viable, une réduction de la pauvreté et des inégalités.

    Notre mouvement utilise le socialisme comme instrument politique pour la souveraineté des peuples. C’est un mouvement inédit car depuis l’époque de la colonisation les indigènes de notre pays ont été constamment menacés d’extermination. Ils n’ont pas seulement vécu sous la menace du racisme ou de la discrimination, mais bien de l’extermination. Dans certains pays d’Amérique du Sud, il n’y a pas de mouvement de lutte indigène, ou alors il n’y en a plus. Mais en Bolivie, au Pérou, en Équateur, au Guatemala ou au Mexique, ils ont mené et mènent de dures batailles.

    À l’anniversaire des 500 ans de la colonisation de l’Amérique, en 1992, nous avons enclenché un mouvement de résistance au pouvoir en Bolivie. En 2005 nous accédions au pouvoir et nous prouvions que nous étions capables de nous gouverner nous-mêmes. C’est alors que commencent les tentatives de coups d’État. C’est notre réalité, et c’est pourquoi nous voulons en finir avec ce racisme.

    Nous devons affronter nos différences idéologiques, mais sans violence.

    LVSL – Lorsque vous étiez président, vous avez plaidé pour la construction d’un monde unipolaire face à l’hégémonie nord-américaine. Depuis le coup d’État, nous assistons à un réalignement de la Bolivie sur les États-Unis. Quelle serait, dans le futur, la manière de restaurer la place de la Bolivie sur la scène internationale ?

    [Pour une analyse du réalignement de La Paz sur Washington, lire sur LVSL l’article de Guillaume Long : « Le tournant à 180 degrés de la politique étrangère bolivienne depuis le coup d’État »] 

    EM – Lorsque j’étais dirigeant syndical, j’ai participé à certaines réunions de chefs d’État, par exemple à propos de la lutte contre le narcotrafic. Avant mon élection, la doctrine bolivienne en la matière était alignée sur celle des États-Unis : on n’entendait jamais autre chose que « je m’associe aux propositions des États-Unis », ou « je soutiens les propositions des États Unis ». La Bolivie n’avait jamais de politique qui lui soit propre.

    Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons fait une proposition aux Nations unies : l’eau doit être un droit fondamental pour l’être humain, et ne peut faire l’objet d’un commerce privé. Nous l’avons faite approuver, et il n’y a que les États-Unis et Israël qui se sont abstenus.

    Du temps de Chávez, de Lula, de Kirchner, nous développions de grands processus d’intégration, comme l’Unasur, la Celac. Obama a tenté de les briser avec l’Alliance du Pacifique. L’actuel président des États-Unis a pris sa suite en créant le groupe de Lima pour affronter le Venezuela. Face à cela, nous avons besoin d’une plus forte unité, de réflexions profondes au sein du groupe de Puebla et de l’ALBA-TPC.

    Nous ne sommes pas seuls, et j’ai beaucoup d’espoir pour nos peuples. Nos mouvements sociaux vont récupérer la démocratie. Au Chili il y a un référendum, nous voudrions une Amérique plurinationale, car nous sommes divers. Il serait bon que l’Europe et les autres continents reconnaissent cette diversité, qu’elle soit reconnue par les Constitutions et les organismes internationaux. Qu’ils reconnaissent qu’en Bolivie, nous sommes divers, que cette diversité culturelle constitue la richesse de notre identité, qu’elle fonde notre dignité. Et à la base de cette dignité se trouve la lutte pour la liberté et pour l’égalité.

    Ce que l’on appelle la doctrine Monroe doit cesser. Les États-Unis pensent qu’ils ont été élus par Dieu pour dominer le monde, que la souveraineté est leur monopole, et que lorsqu’un peuple se libère ils sont légitimes à déployer bases militaires, interventions armées et coups d’État. La lutte se résume à qui contrôle les ressources naturelles : les peuples par le moyen de leurs États populaires, ou des entreprises privées multinationales ? C’est le grand combat que connaît l’humanité. Dans ce contexte, nous libérer démocratiquement est notre tâche la plus urgente.

    LVSL – Pourquoi avoir pris la décision de quitter le territoire bolivien en novembre dernier, lors du coup d’État ? 

    EM – Je ne voulais pas abandonner la Bolivie. Pour moi, c’est la patrie ou la mort. Mais mon entourage m’a fait entendre que pour sauver ce qui pouvait l’être du processus de transformation, encore fallait-il que je sois vivant. De plus le 10 novembre, avant ma démission, les mouvements sociaux se sont concertés pour récupérer la place Murillo avec la police mutinée des 8 et 9 novembre. Si je ne pensais pas à démissionner à ce moment-là, le jour suivant, pour éviter un massacre, j’ai préféré le faire, parce qu’après tout nous défendons d’abord la vie.

    Jusqu’à cette date il y a eu de nombreux conflits, depuis la grève de Potosi à celle de Santa Cruz, durant lesquels nous avons évité des morts, où l’on me demandait déjà de « militariser », de déclarer un état de siège ; je n’ai pas cédé. Lors de nombreuses réunions avec les autorités militaires et policières, je maintenais que je ne pouvais pas utiliser des armes contre le peuple, que ces armes étaient là uniquement pour défendre le territoire.

    On me reproche ma démission, mais je l’ai fait pour éviter un massacre et maintenir la paix tant que possible. Au passage, je suis convaincu que la lutte pour la paix est une lutte contre le capitalisme et pour la justice sociale.

    C’est ainsi que j’ai quitté la Bolivie le 11 novembre. Pour faire vite, le territoire sud-américain était contrôlé par les États-Unis, ils n’ont pas laissé entrer l’avion en provenance du Mexique qui devait venir me chercher, et nous avons étudié toute la journée un plan de secours. Il n’y avait que deux possibilités qui s’offraient à moi : la mort, ou l’extradition aux États-Unis. Alors que j’étais encore dans la ville d’El Alto, certaines voix s’élevaient au sein de l’armée pour réclamer mon extradition aux États-Unis – d’autres pour comparer ce coup d’État à celui du Chili.

    [Evo Morales a fini par trouver refuge au Mexique, puis en Argentine, ndlr]

     

    Le mouvement indigène, traditionnellement, est anticolonialiste et anti-impérialiste. On a démembré le chef rebelle aymara Tupac Katari à l’époque coloniale. Aujourd’hui, à l’époque républicaine, on veut nous démembrer, fusiller notre mouvement politique, interdire le MAS, m’interdire. Tout cela est soutenu par les États-Unis, qui ont clairement fait entendre que « le MAS ne reviendra pas au gouvernement, ni Evo en Bolivie ». Depuis lors je travaille sur la campagne du MAS, et je suis sûr que le peuple bolivien retrouvera sa liberté.

     

    source: https://lvsl.fr/

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  • 1ère Partie: La justice au service du régime de Lenin Moreno (1/2)
     

    Dans cette série vidéo de 5 épisodes, j'explique la situation pré-électorale de l'Équateur. Dans cet épisode, nous revenons sur les embuches posées par le régime de Lenin Moreno pour empêcher les partisans de Rafael Correa de disposer d'un parti politique, et donc d'un instrument électoral pour offir aux Équatoriens une option politique alternative. Une plongée dans le lawfare équatorien où les dénis de démocratie sont légions sans que cela ne scandalise les médias dominants ou la plupart des ONG. 

     

    source: https://www.youtube.com/watch?v=NKhzy5JtBmM&feature=youtu.be

     
     
     
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  • La capitale de l'Uruguay, Montevideo, sera dirigée par une maire communiste, Carolina Cosse, ancienne Ministre de l'industrie, de l'énergie et des mines de l'Uruguay (2015-2019).

    Le Frente Amplio (gauche) ayant remporté pour la septième fois consécutive les élections dans la capitale.

    La communiste Carolina Cosse remporte la mairie de Montevideo (Uruguay)
     
    La communiste Carolina Cosse (issue du Parti communiste), a été élue maire de Montevideo, la capitale de l'Uruguay. Elle représente aujourd'hui l'espoir du Frente Amplio (coalition de partis de centre-gauche et gauche).

    Dimanche, elle a remporté les élections municipales avec 50,7% des voix dans la capitale uruguayenne , tandis que l'alliance de droite dirigée par le président Luis Lacalle Pou a atteint 40% des voix.

    Carolina Cosse devient la deuxième femme à diriger la municipalité de Montevideo, après avoir remporté les élections départementales et municipales tenues dimanche en Uruguay. Avec sa victoire, la capitale du pays reste un bastion de la gauche uruguayenne, puisque le Frente Amplio (FA) remporte les élections pour la septième fois consécutive depuis 1990.

    Fille d'un professeur d'histoire et du célèbre acteur uruguayen Villanueva Cosse, elle a vécu les années de la dictature en Uruguay avec son père en exile. À l'âge de 22 ans, elle s'engage dans l'Union des jeunes communistes. Carolina Cosse avait pour ces élections le soutien total du Parti communiste. Son grand-père et son père étaient tous deux membres du Parti communiste.
     
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  • L'Organisation internationale de police criminelle (Interpol) a rejeté jeudi une demande d'arrestation faite par le gouvernement putschiste bolivien contre l'ancien président Evo Morales. Interpol considère que les crimes de sédition et de terrorisme porté contre le chef du Mouvement au socialisme (MAS) sont de natures politiques.

    Interpol rejette la demande d'arrestation de l'ancien président Evo Morales

     

    L'information a été confirmée par le procureur général de la Bolivie, Juan Lanchipa, lors d'une conférence de presse, dans laquelle il a annoncé qu'Interpol n'activerait pas l'alerte rouge qui permettrait l'arrestation et l'extradition de l'ancien président.

    "Lorsque la sédition est activée comme dans le cas présent, Interpol interprète que le crime est considéré comme de nature politique et nous a fait savoir qu'elle ne pourra procéder à l'arrestation tant que la qualification de ce crime n'aura pas été levée", a expliqué le procureur.

    L'accusation portée par le gouvernement putschiste vise à lier l'ancien chef de l'Etat aux crimes de terrorisme, de financement du terrorisme et de sédition, pour avoir prétendument planifié le blocus des villes par des mobilisations populaires.


    La plainte est basée sur une vidéo qui attribue à Morales où il aurait incité au blocus des villes en Bolivie. C'est la deuxième fois que l'organisation internationale rejette la demande des autorités boliviennes d'arrêter l'ancien président Evo Morales, réfugié en Argentine depuis décembre 2019.

     

    Source en français : https://www.editoweb.eu/nicolas_maury/  (traduction de Nico Maury)

    Source en espagnol: https://www.telesurtv.net/

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  •  est l’invité du  le samedi 10 octobre de 16h à 18h au Lieu-Dit, 6 rue Sorbier, 75020  : La renaissance du matérialisme dialectique, socle de la reconquête de l’hégémonie culturelle progressiste.

    retrouvez l’événement sur facebook

    https://www.facebook.com/events/333182134674235/?cft[0]=AZX-BZ_HE1veqyYhyAGALxemLXA4v5Y4MpekKx26glTF6HsOAYTk8Ee7X5TzYTflcctrjdiJJyRzNMlkOxJri6OUHNzxAXe-65kWkMNhYF_H1bxuI0AssYnJWlTfC4j44h9wKboFM7Pj-Jf6wLmeL_RuIL_vpU2pFTcFmGB_FErbsQ&tn=%2CO%2CP-R

    A l’occasion de la réédition chez Delga de son livre “Lumères Communes, traité de philosophie générale à la lumière du ”, Georges Gastaud montrera

    • comment la lente érosion révisionniste des bases théoriques du matérialisme dialectique et du marxisme-léninisme a permis à l’oligarchie en France et dans le monde, à faire table rase du “bloc historique” de Stalingrad, c’est à dire de la situation idéologico- résultant du rôle prépondérant joué par les communistes et par l’URSS dans l’élimination du IIIe Reich génocidaire
    • comment sur la base des luttes antifascistes, anti-impérialiste et anticapitalistes, mais aussi des avancées scientifiques qui convergent avec les orientations cardinales du matérialisme-dialectique, il devient possible de redessiner les grandes lignes d’une conception progressiste du monde et de la société, socle indispensable pour une nouvelle hégémonie progressiste portant l’affrontement radical de la classe travailleuse et des peuples souverains avec l’exterminisme capitaliste.
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  • Nous publions cette analyse lucide du marxiste italien Manlio Dinucci publiée initialement par le quotidien italien Il Manifesto. Ils permettent aussi de comprendre l’agitation extrême de Macron du Liban au Sahel. Le chef de file de l’ français en crise ouverte doit concilier sa volonté de sauver ce qu’il peut de l’ex-empire colonial français et sa constante allégeance à l’OTAN qui, elle, cherche avant tout la bagarre avec la Russie et avec la Chine (d’où les propos agressifs de Macron, porté par une “majorité parlementaire” ridiculement étroite si on la compare au nombre de votants, appelant à débarquer le Biélorusse Loukachenko, élu par 80% des votants) et qui pour cela, cherche à se concilier Erdogan, l’homme qui se rêve en habit de nouveau sultan. C’est pourquoi, devant de tels enjeux mondiaux, la confrontation entre la France et la Grèce d’un côté, la  de l’autre (laquelle cherche aussi la bagarre contre l’Arménie et donc, se heurte objectivement à la Russie), paraît dérisoire aux yeux de Trump et Cie. 

    A lire :

    .

    Le Point du 16 juillet 2020. La complexité  de la Méditerranée orientale


    Gazoduc explosif en Méditerranée 

    par Manlio Dinucci

    En Méditerranée orientale, dans les fonds de laquelle ont été découverts de grands gisements offshore de  naturel, est en cours un âpre contentieux pour la définition des zones économiques exclusives, à l’intérieur desquelles (jusqu’à 200 miles de la côte) chacun des pays riverains a les droits d’exploitation des gisements. Les pays directement impliqués sont Grèce, Turquie, Chypre, Syrie, Liban, Israël, Palestine (dont les gisements, dans les eaux de Gaza, sont aux mains d’Israël), Égypte et Libye. Particulièrement tendue est la confrontation entre Grèce et Turquie, toutes deux membres de l’OTAN.


    La mise en jeu n’est pas seulement économique. La véritable partie qui se joue en Méditerranée orientale est géopolitique et géostratégique, et implique les plus grandes puissances mondiales. C’est dans ce cadre que s’insère l’EastMed, la conduite qui amènera dans l’UE une grande partie du gaz de cette aire. Sa réalisation a été décidée au sommet qui s’est déroulé à Jérusalem le 20 mars 2019, entre le Premier ministre israélien Netanyahou, son homologue grec Tsipras et le président chypriote Anastasiadès. Netanyahou a souligné que “le gazoduc s’étendra d’Israël à l’Europe travers Chypre et la Grèce” et Israël deviendra ainsi une “puissance énergétique” (qui contrôlera le couloir énergétique vers l’Europe) ; Tsipras a souligné que “la coopération entre Israël, Grèce et Chypre, opérée au sixième sommet, est devenue stratégique”. Ce que confirme le pacte militaire stipulé par le gouvernement Tsipras avec Israël il y a cinq ans (il manifesto, 28 juillet 2015). Au Sommet de Jérusalem (dont les actes sont publiés par l’Ambassade USA à Chypre) a participé le secrétaire d’État étasunien Mike Pompeo, en soulignant que le projet EastMed lancé par Israël, Grèce et Chypre,“partenaires fondamentaux des USA pour la sécurité”, est “incroyablement opportun” parce que “Russie, Chine et Iran sont en train de tenter de mettre pied en Orient et en Occident”.


    La stratégie US est déclarée : réduire et enfin bloquer les exportations russes de gaz en Europe, en les remplaçant avec du gaz fourni ou en tous cas contrôlé par les USA. En 2014 ils ont bloqué le SouthStream, qui à travers la Mer Noire aurait apporté en Italie le gaz russe à des prix compétitifs, et ils tentent de faire la même chose avec le TurkStream qui, à travers la Mer Noire, apporte le gaz russe dans la partie européenne de la Turquie pour le faire arriver en Europe.


    En même temps les USA essaient de bloquer la Nouvelle Route de la Soie, le réseau d’infrastructures projeté pour relier la Chine à la Méditerranée et à l’Europe. Au , les USA ont bloqué avec la  le couloir énergétique qui, sur la base d’un accord stipulé en 2011, aurait transporté, à travers l’Irak et la Syrie, du gaz iranien jusque sur la Méditerranée et en Europe.

    Bien en rang dans cette stratégie s’est placée l’Italie où (dans les Pouilles) arrivera l’EastMed qui apportera le gaz aussi dans d’autres pays européens.  Le ministre Patuanelli (Mouvement 5 Etoiles), a défini le gazoduc, approuvé par l’Ue, comme un des “projets européens d’intérêt commun”, et la sous-secrétaire Todde (M5S) a porté l’adhésion de l’Italie à l’East Med Gaz Forum, siège de “dialogue et coopération” sur le gaz de la Méditerranée orientale, auquel participent -outre Israël, la Grèce et Chypre- l’Égypte et l’Autorité Palestinienne. En fait aussi partie la Jordanie, qui n’a pas de gisements offshore de gaz puisque elle n’a pas de façade sur la Méditerranée, mais l’importe d’Israël. Sont par contre exclus du Forum le Liban, la Syrie et la Libye, à qui revient une partie du gaz de la Méditerranée orientale. États-Unis, France et Ue ont pré-annoncé leur adhésion. La Turquie n’y participe pas à cause du contentieux avec la Grèce, que l’OTAN cependant s’emploie à résoudre : des “délégations militaires” des deux pays se sont rencontrées déjà six fois au quartier général OTAN de Bruxelles.

    Pendant ce temps, en Méditerranée orientale et dans la Mer Noire limitrophe, est en cours un croissant déploiement des Forces navales USA en Europe, dont le quartier général est à Naples Capodichino. Leur “mission” est de “défendre les intérêts USA et Alliés, et décourager l’agression”. Même “mission” pour les bombardiers stratégiques USA B-52, qui volent sur la Méditerranée orientale flanqués par des chasseurs grecs et italiens.


    Source en italien:édition de mardi 29/09/20 d’il manifesto : https://ilmanifesto.it/gasdotto-esplosivo-nel-mediterraneo/

    Source en français (traduction de l’italien par M-A P): https://www.initiative-communiste.fr/

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  • Billet Rouge-École: un peu de tenue républicaine, Monsieur Blanquer !-par Floréal, PRCF (2/10/2020)

    Histoire de faire diversion au sabordage de l’Éducation nationale qu’il organise avec tant d’acharnement, Jean-Michel Blanquer, le ministre qui, dans les salles des profs, pulvérise tous les records d’impopularité établis par l’infâme C. Allègre, s’est fendu d’une déclaration sciemment équivoque sur l’obligation pour les élèves de porter une “tenue républicaine” à l’école. Tartuferie, sexisme inassumé, nouveau et peu discret coup de patte anti-musulman, ignorance des textes réglementaires existants, tentative de faire diversion aux conditions sanitaires souvent lamentables dans lesquelles travaillent élèves et professeurs, déni de réalité face à une contre-réforme du lycée qui broie les disciplines scolaires et le bac national, on ne sait ce qui prédomine dans le “message fort” d’un ministre qui balance plus que jamais entre insignifiance, provocations répétées, incompétence crasse (“jamais nous ne fermerons les écoles”…), et pyromanie sournoise.   Car dans la quasi-totalité des règlements intérieurs d’établissement scolaires, les choses sont claires et on ne peut plus “carrées”: une “tenue DÉCENTE” est exigée de chaque collégien et de chaque lycéen, et les personnels de direction ont l’obligation professionnelle de faire respecter cette obligation aux filles comme aux garçons en trouvant le juste milieu entre laxisme débridé (un lycée n’est pas une plage de la Costa Brava, c’est un lieu d’étude) et puritanisme étouffant.    Quant à la question des insignes religieux, elle est réglée depuis toujours pour les enseignants et autres fonctionnaires, tous tenus de respecter la neutralité religieuse et la laïcité dans la manière dont ils se présentent au public dans le cadre de leurs fonctions. La question a également été réglée pour les élèves par la loi Stasi de 2004: aucun signe ostentatoire religieux ou politique n’est autorisé dans une enceinte scolaire. Dommage hélas que cette disposition ne s’applique toujours pas aux établissements publics d’Alsace-Moselle où l’Etat continue de financer certains cultes et de laisser les prêtres, rabbins et autres pasteurs (mais pas les imams que l’on sache: deux poids, deux mesures!) déambuler dans les lycées PUBLICS en tenue confessionnelle.    Il va sans dire que nous communistes et autres amis de l’égalité républicaine défendons à ce sujet la “république une, laïque et indivisible” appliquant strictement à tous les cultes l’article II de la loi de 1905: “LA RÉPUBLIQUE NE RECONNAIT, NE SUBVENTIONNE NI NE SALARIE AUCUN CULTE”. Ni privilège, donc, ni discrimination pour quelque religion que ce soit sur tout le territoire national, Alsace et D.R.O.M. inclus, la contrepartie de cet article II de la loi de 1905 étant la LIBERTÉ DE CONSCIENCE pour chacun de pratiquer le culte de son choix, de manifester son athéisme (ou de se désintéresser totalement du sujet!) A TITRE PRIVE, c’est-à-dire quand il n’engage ni ne compromet l’État dans ses croyances personnelles (cf l’Article I de la même loi). C’est en ce sens aussi que la République ne saurait reconnaître un quelconque “délit de blasphème” sur son sol*. Pas plus d’ailleurs qu’un  “crime de lèse-majesté” que Castaner a pourtant tenté de restaurer en envoyant la maréchaussée réprimer des porteurs de banderoles se gaussant du “Macronavirus”…   En revanche, nous communistes serions prêts à saluer comme une avancée la déclaration fracassante de Blanquer sur la “tenue républicaine à l’école” à une seule condition: que le ministre déclare que son propos était de nature AUTOCRITIQUE; en effet, de “tenue républicaine”, le ministre actuel en manque totalement, lui qui a supprimé le bac national terminal et anonyme pour lui substituer un contrôle continu local couronné par “Parcoursup”. En clair, ce ministre a supprimé le principe républicain du bac, premier grade universitaire, décerné par des professeurs publics qui ne connaissent pas les candidats bacheliers (ni favoritisme ni “vengeance sur élève”!), sur la base de sujets nationalement certifiés, avec obligation corrélative pour les Universités de recevoir tous les bacheliers dans la discipline de leur choix. SANS LES TRIER sur des bases sociales et territoriales inavouables, avant d’introduire, comme en Amérique, des droits d’inscription réservant les bancs de la fac aux fils et filles à papa.    Bref, le bac républicain était, dans son principe, le contraire de cet ubuesque contrôle continu local dont les résultats vaudront, pour les facs recruteuses comme pour les employeurs, ce que vaudra la réputation du lycée concerné, et surtout, sa zone d’implantation sociale et territoriale. Comme me le disait récemment en ch’ti un ancien élève du Lensois où j’ai enseigné et fait passer le bac durant quarante années, “avec in bac ‘Spécial bassin minier’, té vas devoir t’accrocher!”…    Ce bac national (dont le moment républicain fort et unique était chaque année le bac philo: un dispositif institutionnel unique en Europe, et dont nous aurions dû être fiers!), clé de voûte de l’articulation républicaine entre secondaire et supérieur, mais aussi garantie de l’égalité formelle des élèves devant l’examen, servait aussi de base à l’architecture républicaine de l’école léguée par la Révolution française, de Le Pelletier de Saint-Fargeau à Gaspard Monge en passant par Condorcet: concours nationaux (CAPES, agrégation…) permettant de recruter des professeurs dotés d’un statut protecteur (les statuts Thorez, puis Le Pors, sans lesquels les hiérarchies pourront fliquer tout à leur aise les enseignants, donc les contenus enseignés…), diplômes nationaux délivrés par l’Université (disposant du “monopole de la collation des grades”); lesquels diplômes servaient à leur tour de base nationale aux conventions collectives du privé pour les grilles salariales.    Bref, destruction tout à la fois de l’Éducation NATIONALE et des garanties indirectes dont sa structuration républicaine, héritée de la Révolution française, était porteuse pour l'”ordre public social”, surtout depuis 1945 et les magnifiques réformes sociales dues aux ministres communistes appliquant le programme du CNR: les Maurice Thorez, Marcel Paul, François Billoux et autre Ambroise Croizat, Jacques Duclos présidant alors l’Assemblée nationale : en clair, “fin de partie” pour les garanties salariales et sociales conventionnelles protégeant, branche par branche, les millions de travailleurs du privé de l’arbitraire patronal et du salaire “à la tête du client”. Qui ne voit ainsi le lien manifeste existant entre la casse de l’Education nationale, la démolition du Code du travail (Hollande / El Khomri / Macron…), l’affaiblissement continu du statut des fonctionnaires, l’assèchement en vue du recrutement par concours, la précarisation et la fragilisation galopante des personnels de la fonction publique, le siège éjectable permanent pour ceux qui sont déjà “précaires”, et mille autres joyeusetés commandées en amont par l’alignement de notre France en décomposition sur l’anti-modèle européen mâtiné de néolibéralisme anglo-saxon et d’ “ordo-libéralisme” berlinois ?   Cerise virale sur ce gâteau infect, l’introduction à marche forcée de l’anglais comme langue officielle bis – en violation ouverte de la Constitution (article II-a, “la langue de la République est le français“). Entendons-nous bien à ce sujet : il ne s’agit plus de l’anglais comme d’une “langue à enseigner” parmi d’autres, mais de l’anglais, ou plutôt, du globish,  comme LANGUE D’ENSEIGNEMENT BIS, du C.P. à la licence; avec pour effet, non seulement l’obsolescence programmée de la langue de Molière, mais d’énormes discriminations sociolinguistiques pour des élèves dont le problème n°1 est hélas que beaucoup d’entre eux maîtrisent très mal… le français! Et pour cause, combien de milliers d’heures d’enseignement du français ont-ils  retirées à chaque élève entrant en sixième et sortant avec le bac, par les “réformes” successives de Haby-Giscard à… Blanquer, en passant par Allègre, Fillon et Cie?     Mais qu’importe à l’heure où l’UE, ignorant le Brexit et désireuse de se mettre à l’heure du CETA, de l’OTAN et du TAFTA (dont on attend le retour avec impatience si le “gentil” Biden est élu?), ne jure plus que par les “traités transatlantiques” broyeurs d’acquis sociaux, de revenus salariaux, de garanties sanitaires, de langues nationales autres que l’anglais, et de souverainetés populaires?   Bref, vous manquez tellement de “tenue républicaine”, M. Blanquer, que nous ne comprenons pas pourquoi le mot d’ordre minimal des syndicats enseignants, en lieu et place de leur constant et pathétique appel à l’introuvable “Europe sociale” et à un “dialogue social” totalement bidon, n’est pas pour le moins:

    BLANQUER DÉMISSION !

    *******************************************************

      * Ce qui ne signifie pas que nous communistes, encourageons quiconque à pratiquer gratuitement le blasphème. Pas plus que la juste et indispensable défense du droit au divorce n’implique le “devoir” de divorcer ou d’appeler au divorce. Lénine, notamment, est parfaitement clair sur toutes ces questions: un droit “à” n’est pas nécessairement un “appel à”. 

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • Frédéric Hasselmann

    Le clip positif (sans le clip du gouvernement) est disponible ici : https://youtu.be/EmMB2cAeQGc
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  • Éricka Gloanec, Alice Pennarun, Julien Tanneau et Cyril Le Floc’h sont des soignants du médico-social. Ils n’ont pas droit aux 183 € net par mois de revalorisation salariale accordés aux soignants du secteur sanitaire. « On ne lâchera pas », disent-ils, ce jeudi 1er octobre 2020, lors du débrayage à l’EPSM Gourmelen.Éricka Gloanec, Alice Pennarun, Julien Tanneau et Cyril Le Floc’h sont des soignants du médico-social. Ils n’ont pas droit aux 183 € net par mois de revalorisation salariale accordés aux soignants du secteur sanitaire. « On ne lâchera pas », disent-ils, ce jeudi 1er octobre 2020, lors du débrayage à l’EPSM Gourmelen. 

    Aides-soignants, infirmiers, éducateurs spécialisés, ils assurent les mêmes tâches que leurs collègues des bâtiments voisins. Mais Alice, Julien, Cyril et les autres ne toucheront pas la revalorisation de 183 € net par mois. Ces agents du secteur médico-social ont débrayé, ce jeudi 1er octobre 2020, à Quimper (Finistère).

    183 € net qui tombent en plus à la fin de chaque mois, c’est toujours bon à prendre. Cette augmentation du point d’indice est l’une des conséquences du Ségur de la Santé. Là où ça coince, c’est que les agents qui travaillent dans le secteur médico-social n’y ont pas droit. À Gourmelen, établissement public de santé mentale de Quimper (Finistère), ils sont ainsi 65 (sur un effectif total d’environ 1 000 agents) à ne pas bénéficier de cette revalorisation salariale. Personne ne comprend cette différence de traitement. Tous la dénoncent. Ce jeudi 1er octobre, 150 agents, militants syndicaux, proches de patients ont débrayé devant Les Océanides, une résidence de l’établissement Gourmelen.

     

    « Des soignants à part entière »

    Alice Pennarun et Éricka Gloanec sont aides-soignantes. À la maison d’accueil spécialisée (Mas), elles veillent au bien-être des trente résidents de ce lieu de vie. Les résidents, âgés entre 30 à plus de 70 ans, souffrent de troubles autistiques, psychiatriques. À mesure qu’ils vieillissent, ils développent d’autres maladies et deviennent de plus en plus dépendants.

    « Pourquoi ne sommes-nous pas considérés comme des soignants à part entière ? », dénoncent les deux professionnelles. « On a des populations compliquées à prendre en charge, relève Alice Pennarun. Quand vous avez trente patients souffrant de troubles autistiques confinés pendant des semaines… »

     
    Un système à deux vitesses : c’est ce que dénoncent les soignants du secteur médico-social. Ce jeudi 1er octobre 2020, ils ont débrayé à Gourmelen à Quimper, soutenus par des collègues du secteur sanitaire, des familles de patients et même par la direction. 

    « On veut le même salaire que les autres »

    Julien Tanneau est éducateur spécialisé. Il accompagne, jours fériés et week-end compris, les quinze résidents de l’établissement d’accueil médicalisé, atteints de troubles autistiques, de psychose… « On est employés par l’EPSM, on est agents de la fonction publique hospitalière et on toucherait près de 200 € de moins que les autres ? Non. On veut le même salaire », lance le professionnel de 38 ans.

    Lui et ses collègues refusent d’ailleurs d’assurer des remplacements au sein des unités relevant du « sanitaire » (dont les agents ont obtenu la revalorisation) : « Imaginez, on effectue un remplacement de deux mois. On travaille avec des collègues qui touchent plus que nous. Nous, nous n’avons rien en plus ! »

    La prise de parole de Yann Dubois, directeur de l’EPSM Gourmelen à Quimper (Finistère) a été applaudie, ce jeudi 1er octobre 2020. 

    « Système à deux vitesses »

    Les représentants syndicaux et les agents mobilisés ont eu la surprise de voir le directeur de l’établissement prendre la parole. Yann Dubois a dit son espoir de voir la situation évoluer. Il a dit ne « pas pouvoir se satisfaire d’un système à deux vitesses. »

    Les différents syndicats hospitaliers étaient représentés ce jeudi 1er octobre. 

    « Le risque ? Qu’on ne puisse plus recruter »

    Alice et Éricka n’ont pas choisi leur affectation à la maison d’accueil spécialisée (Mas). Leur ancien service a fermé. Aujourd’hui, elles se questionnent : « Déjà, nos services ont du mal à recruter… » Chaque été, elles tirent le même constat : « Des contractuels qui ne sont pas formés arrivent. Or, nos résidents ont des rituels qu’il faut respecter… » Le risque à l’avenir ? « Qu’il y ait un turn-over de contractuels », note Daniel Cognard, secrétaire CFDT de Gourmelen. « Et ceux qui vont en pâtir en premier lieu, ce sont les patients », complètent les soignants. Le frère d’un patient, présent à la mobilisation, appuie : « On peut compter sur eux, 24 heures sur 24. Ces soignants font un travail essentiel qui mérite d’être reconnu. »

    Nelly CLOAREC

     

    source: https://www.ouest-france.fr/

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