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    Quadrature. — « Positions of the Unknown » (Positions de l’inconnu), 2017.

     

    Nicolas Hulot, passé à l’état de flaque de sirop, est répandu partout dans la presse. Macron laisse entendre qu’il réfléchit à un « green deal à la française ». Sur l’échelle ouverte de Richter du foutage de gueule, on se prépare des sommets — et les « jours heureux » nous sembleront comparativement un modèle de sincérité. Pendant ce temps, des économistes rêvent éveillés de « monnaie verte ». Benoît Hamon sort de son catafalque. On ne parlera plus bientôt que de « transition », comme déjà l’Union européenne sous les avisés conseils de BlackRock. Comme avec « l’Europe sociale et démocratique », mais un niveau au-dessus, on essaye de nouveau d’estimer le temps que toutes ces imbécillités vont nous faire encore perdre.

    La transition n’est pas une question « écologique » (pour « écologistes »). Il ne s’agit pas de transiter vers un « capitalisme-respectueux-de-l’environnement » — on appelle « quadrature du cercle » les projets de transition vers les cercles carrés, et ça n’a jamais très bien fonctionné. Il ne s’agit pas de sortir du capitalisme « pas encore vert ». Il s’agit de sortir du capitalisme tout court.

    Une transition de cette nature se réfléchit alors autour de trois grandes questions, toutes liées à la division du travail : 1) ce qu’on en garde, et ce qu’on en jette — le plus possible : nous avons sur les bras une planète qui tourne tantôt à l’incendie tantôt à la boîte de Pétri géante. 2) Le fait que la division du travail, spécialement sous la contrainte du « à garder », nécessite d’interroger la solution des autonomies locales. 3) Les nouveaux rapports sociaux dans lesquels la couler — pour qu’elle ne soit plus une division du travail capitaliste — et, d’abord, les fausses solutions qui rôdent en cette matière.

    La division du travail : en garder et en jeter

    Deux choses doivent être claires : 1) ce dont nous sommes mis en demeure, c’est d’en finir avec le capitalisme ; 2) sortir du capitalisme, c’est perdre le « niveau de vie » du capitalisme. À un moment, il faut se rendre à un principe de conséquence. On ne pourra pas vouloir la fin du système qui nous promet le double désastre viral et environnemental, et la continuation de ses « bienfaits » matériels. C’est un lot : avec l’iPhone 15, la voiture Google et la 7G viendront inséparablement la caniculisation du monde et les pestes. Il faudra le dire, le répéter, jusqu’à ce que ces choses soient parfaitement claires dans la conscience commune.

    Toute la question du communisme a donc pour préalable celle des renoncements matériels rationnellement consentis, et de leur ampleur. Ceci est un sujet éminemment politique. Dans le capitalisme, le périmètre des satisfactions matérielles est abandonné à la croissance spontanée, anarchique, de la division du travail sous la conduite aveugle et folle de la valeur d’échange. Dans le communisme, ce périmètre redevient une question de délibération collective. Avec quels objets voulons-nous vivre, desquels pouvons-nous nous passer, desquels non ? C’est à nous de décider — et ce sera, en effet, de la politique : car tout le monde ne sera pas d’accord. Comme toute décision politique, celle-ci sera imparfaite, majoritaire seulement (la politique ne connaît pas l’unanimité).

    C’est un lot : avec l’iPhone 15, la voiture Google et la 7G viendront inséparablement la caniculisation du monde et les pestes

    Encore pour l’être — majoritaire — requerra-t-elle un principe de prudence, c’est-à-dire de discernement. Partant de la situation présente, du degré d’aliénation marchande auquel le capitalisme nous a réduits, avec un très grand succès d’ailleurs, on ne peut pas prendre pour hypothèse le surgissement instantané de l’homme nouveau, ni envisager de lui faire faire tout de suite des bonds de géant en matière de renoncements matériels. Des déplacements oui, des bonds non. La vie à la ZAD : un bond de géant — à la portée de quelques-uns seulement. Dans cette mesure même admirable… et impropre à soutenir une hypothèse majoritaire, en tout cas pour l’heure.

    Bien sûr, on ne saurait présenter une transition révolutionnaire comme un simple renoncement, là où en fait il s’agit plutôt d’une grande substitution : abandonner une chose mais pour en gagner une autre : à la place de la vie comme quantité (le parfaitement nommé « niveau de vie »), la vie comme qualité ; à la place des futurs colifichets perdus par anticipation (iPhone 15, etc.), la tranquillité matérielle pour tous, de vastes services collectifs gratuits, une nature restaurée et, peut-être par-dessus tout, du temps. Cependant la grande substitution restera un fantasme sans suite si elle est trop exigeante, si le rapport des contreparties est trop défavorable relativement à ce que l’homme-pas-nouveau peut tolérer.

    Par exemple, parmi les ennemis mortels de tout processus révolutionnaire, il y a les étals vides, et son corrélat : le marché noir inflationniste. Une transition révolutionnaire qui se retrouve face à ça est cuite. C’est dire qu’il y a intérêt à l’avoir pensé avant. La collectivité doit s’organiser pour déterminer l’ensemble des biens sur lesquels une tranquillité absolue doit régner pour tous : alimentation de qualité, logement de qualité — évidemment encore à conquérir, mais qu’au moins il n’y ait aucun recul — énergie, eau, moyens de communications, médecine et pharmacie, et « quelques autres choses encore » (Marx et Engels). Le renoncement et la substitution ne commencent qu’à partir de ce socle.

    Héritant du niveau de développement des forces productives du capitalisme, nous avons des chances raisonnables d’y parvenir — c’est tant mieux. Les révolutions antérieures n’avaient pas eu cet avantage, et elles l’ont cruellement payé. On connaît le paradoxe de la révolution russe, survenue dans le pays où Marx la jugeait la moins probable du fait, précisément, de son arriération matérielle. Le paradoxe ne cessa pas d’être mordant puisque, la prise révolutionnaire du pouvoir accomplie, l’effort de développement eut à s’effectuer dans les pires conditions, toutes les ressources devant être dirigées vers le rattrapage des forces productives à marche forcée, le primat de l’industrialisation et des biens d’équipements — les moyens de produire tout le reste, notamment les biens de consommation, mais qui viennent logiquement avant eux. Et de même la Chine de Mao et son Grand Bond en avant, dont on sait dans quel état il a laissé la population chinoise. Drames du décollage économique forcé dans des rythmes infernaux, drames d’ailleurs pas seulement économiques : drames humanitaires, puisque ces transitions se sont payées de terribles famines, et drames politiques car seule la poigne de fer des régimes a « tenu » les populations à la grande transition dans des conditions aussi difficiles.

    Sauf à être soutenues par un désir commun très puissant, les trajectoires de sacrifice se payent au prix politique fort. Les frustrations matérielles vécues finissent toujours par s’exprimer comme tensions politiques, parfois très violentes, dont la réduction ne fait pas dans la dentelle — et l’expérience révolutionnaire chargée d’espérance de verser dans l’autoritarisme le plus désespérant. Ces trajectoires ne sont plus envisageables. Heureusement nous avons désormais les moyens de nous les épargner. Dans le bilan historique du capitalisme, il restera donc qu’il était sur le point de détruire l’humanité en l’homme, de rendre la planète inhabitable, mais aussi qu’il nous laisse l’état de très haut développement de ses forces productives, et, partant, nous permet d’envisager de l’abandonner dans des conditions matérielles plus favorables que jamais — merci, au revoir.

    Il va cependant sans dire que, si c’est pour faire tourner les machines capitalistes comme les capitalistes mais sans eux, ça n’est pas exactement la peine de se lancer dans des chambardements pareils. C’est donc la délibération politique qui détermine ce qu’il y a à garder de la division du travail capitaliste et ce qu’il y a à jeter. Qu’il faille en jeter un maximum, la chose est certaine. Mais qu’il faille en garder — évidemment pour la couler dans de tout autres rapports sociaux — ne l’est pas moins. Alors il faut reprendre la question du local et du global, mais cette fois sous l’angle des « autonomies » — et pour y faire des distinctions.

    Des « autonomies »

    Ici il faut redire et la valeur essentielle et l’insuffisance matérielle des pratiques « locales » de l’autonomie — pour les raisons mêmes qui viennent d’être indiquées : elles ne peuvent à elles seules fournir le « socle matériel » à partir duquel seulement le gros de la population peut entrer dans la logique du renoncement et de la substitution — les paris « anthropologiques » aventureux, à grande échelle, sur les « conversions frugales » finissent mal en général (soit en cruelles désillusions soit en autoritarismes politiques).

    Mais il y a plusieurs manières d’envisager l’autonomie : l’autonomie purement « localiste », ou bien réinscrite dans un ordre social global. Purement « localiste », soit elle demeure partielle — autonomie centrée sur une pratique particulière (jardin, garage, dispensaire, etc.), et par-là reste branchée sur l’extérieur du système tel qu’il est ; soit elle va aussi loin que possible dans la reconstitution d’une forme de vie complète mais alors ne concerne que des participants « d’élite ».

    Chacune à sa manière, les deux courent le même risque : celui de se détourner de fait de la transformation du système d’ensemble. Souvent d’ailleurs les pratiques de l’autonomie naissent au cœur d’une crise, comme des réponses réactionnelles à des situations de détresse matérielle. Ainsi, sans doute, par exemple, du mouvement très contemporain vers les jardins potagers dont la visée d’autosuffisance est manifeste… et suffit à dire son ambivalence : tourné vers la subsistance du petit collectif concerné, et de fait désintéressé du changement d’ensemble, soit : l’autonomie-expérimentation tournant en autonomie-fuite, sans égard pour ce qui reste derrière. C’est peu dire que le capitalisme s’en accommode fort bien. Il s’en accommode doublement même. D’abord parce que certaines de ces autonomies de nécessité sont réversibles : les participants retournent au système institutionnel standard dès que celui-ci refonctionne à peu près correctement — l’activité des clubs de troc et de monnaies parallèles en Argentine, par exemple, était très corrélée à la conjoncture globale, leurs membres revenant dès qu’ils le pouvaient au salariat comme solution privilégiée d’accès à l’argent.

    Les pratiques de l’«autonomie» forment donc un ensemble tout sauf homogène

    Ensuite parce que, même quand ces expérimentations résistent au reflux et persévèrent, elles demeurent des isolats et le système d’ensemble n’en est pas affecté : au travers de la crise des années 2010, le capitalisme grec, au passage ravi que « ces gens aillent faire leurs affaires ailleurs, désencombrent les guichets de l’État-providence et nous épargnent des charges », n’en a pas moins continué son cours après qu’avant la floraison des lieux collectifs auto-organisés. Bien sûr, ce que le capitalisme grec ne voit pas, c’est que si ces expérimentations ne l’affectent pas dans le court terme, elles sont cependant des matrices à déplacements individuels, qui finissent par faire des déplacements collectifs, et lui préparent des situations difficiles quand ils viendront à maturité — c’est là l’éminente valeur de toute cette vie sous les radars des institutions officielles. Mais pour l’heure, c’est vrai, il a la paix. Les pratiques de l’« autonomie » forment donc un ensemble tout sauf homogène : « autonomies de détresse » réversibles, « autonomies de persévérance » locales et autocentrées, « autonomies locales mais de combat » branchées, elles, sur une perspective politique de propagation, selon un modèle de défection généralisée. À quoi il faudra ajouter une dernière sorte : « autonomies réinscrites dans une division du travail d’ensemble ». C’est à ces dernières qu’on verra ce que la transition ne doit pas être : de la « décroissance ».

    Impasse de la décroissance

    Car l’esprit humain va au bout du déni et des procédés dilatoires pour ne pas regarder en face ce qu’il lui est trop pénible d’envisager. Alors il continue de tirer jusqu’au bout du bout sur l’élastique pour faire durer encore un peu ce qui ne peut plus durer — en se racontant quand même qu’il est en train de « tout changer ». Typiquement : la décroissance. La décroissance est le projet insensé de n’avoir pas à renverser le capitalisme tout en espérant le convaincre de contredire son essence — qui est de croître, et indéfiniment. Au vrai, on peut très bien « décroître » en capitalisme. Mais ça s’appelle la récession, et ça n’est pas beau à voir.

    De deux choses l’une donc : soit il est précisé que « décroissance » est un autre nom pour « sortie du capitalisme ». Mais alors pourquoi ne pas dire simplement… « sortie du capitalisme » ? Et surtout pourquoi maintenir cette problématique de la croissance (dont la décroissance n’est qu’une modalité) qui, en réalité, n’a de sens que dans le capitalisme. Il y a des questions qui appartiennent tellement à un cadre (ordre social) particulier qu’elles s’évaporent comme absurdités sitôt qu’on en sort. Par exemple, dans le cadre théologico-superstitieux, la survenue d’une pandémie peut donner lieu à des problèmes caractéristiques comme : « Qu’avons-nous fait qui ait pu offenser Dieu ? ». Alors le débat fait rage : « ceci l’a offensé, non c’est cela… ». Dans le cadre rationnel-scientifique, évidemment, ces questions-là n’ont pas trop lieu d’être — ont perdu tout sens. Les problèmes sont posés d’une façon tout à fait autre : la façon de la virologie, de l’épidémiologie, de l’économie politique, de la science des milieux naturels, etc. De même pour croissance et décroissance. Elles ne sont des obsessions cardinales que du monde capitaliste. Dans un monde communiste, on en est tellement libéré que ça ne traverse plus la tête de personne. Certes, le contrôle politique collectif de la division du travail ne cesse d’avoir à l’esprit (comme jamais d’ailleurs) les problèmes de l’inscription humaine dans la nature, et des dégâts qu’elle peut y commettre. Mais ces problèmes-là ne sont plus du tout codés dans les catégories de la « (dé-)croissance », qui n’ont de sens qu’attachées à l’ordre capitaliste. Si les mots ont une importance, pourquoi ceux qui entendent bien la « décroissance » comme sortie du capitalisme continuent-ils donc de couler leur discours dans les catégories du capitalisme ?

    Soit, donc, la décroissance comme autre nom de la sortie du capitalisme, soit la décroissance comme autre chose dans le capitalisme — la version hélas la plus répandue. Qui se figure gentiment qu’un mode de production dont l’essence est la croissance pourrait se mettre à la décroissance-demain-j’arrête, et surtout qui a tout organisé selon la logique de la croissance : notamment l’emploi. Cas extrême, mais significatif : entre 2008 et 2014, la Grèce perd 33 % de PIB — une très belle performance de décroissance —, moyennant quoi son taux de chômage atteint 27 %. Oui, c’est l’ennui : dans le capitalisme, le rapport entre croissance et emploi est bien serré.

    Hors de situations aussi critiques, ne pourrait-on cependant le dénouer un peu ? Par exemple envisager de maintenir l’emploi à taux de croissance moindre, voire négatif, en faisant porter l’ajustement sur la productivité — dont la baisse devrait être concomitante à celle de la croissance. Mais la baisse de la productivité, c’est celle du profit. Interrogeons les capitalistes :
    — « Êtes-vous prêts à maintenir une masse salariale invariante en face d’un chiffre d’affaire diminué ? »
    — « Mais certainement Madame Teresa, on commence demain ».
    Un patron un peu roué aurait même la ressource de l’hypocrisie bien fondée, et de répondre que lui voudrait bien, mais ses actionnaires… Et de fait : s’il ne leur donne pas satisfaction, il sautera.

    Pour rendre compatible maintien de l’emploi et décroissance capitaliste(s), il faudrait donc en finir avec le pouvoir actionnarial. Donc avec ses structures — celles de la déréglementation des marchés de capitaux. Tout ça commence à devenir très compliqué — en tout cas dans la logique qui voudrait bricoler une solution « à l’économie ». Et surtout très contradictoire. Car, dans l’alternative radicalisée désormais posée par l’état présent du capitalisme (et du capital), décidé à ne plus céder sur rien, soit l’épreuve de force tournera court, soit elle prendra l’ampleur d’un affrontement total où s’amorcera de fait un processus de rupture, pas seulement avec la « financiarisation », mais avec le capitalisme dans son ensemble. Mais alors, dans ces conditions, pourquoi ne pas y aller carrément ?

    Tout, dans le capitalisme, trouve sa justification par l’emploi. L’emploi est la solution imposée aux individus par le capital pour simplement survivre

    On aurait tort de se gêner car, en définitive, le petit problème « d’emploi » de la décroissance en capitalisme vient indiquer qu’il est en réalité celui du capitalisme. C’est le capitalisme qui a fait de l’emploi un problème — plus exactement notre problème, le problème des non-capitalistes —, tout de même que les curés avaient fait du courroux divin le problème des croyants sur lesquels ils régnaient. Et comme ceux-ci étaient pris en otages par le salut éternel, ceux-là sont pris en otages (d’une manière un peu plus rudement objective) par l’emploi. Et la société entière, sous l’ultimatum, se voit enrôlée dans les indifférences de la valeur d’échange, donc possiblement à faire tout et n’importe quoi : des pneus, du nucléaire, du gaz de schiste. Tout, dans le capitalisme, trouve sa justification par l’emploi. L’emploi est la solution imposée aux individus par le capital pour simplement survivre. Quand on a coulé les données de la survie des individus dans la forme de la valeur d’échange, tout le reste s’en suit sans coup férir. Un journaliste de France Info en décembre 2019 interviewe, pour le contredire, un opposant à la réouverture de Lubrizol : « mais quand même c’est bon pour l’emploi ». Le pire étant qu’il n’y a objectivement pas grand-chose à opposer à ça — sinon bien sûr qu’il faut urgemment se débarrasser du système qui fait régner ce genre de logique.

    Car, comme toujours, le partage du « possible » et de l’« impossible » est conditionnel à l’acceptation implicite, et le plus souvent impensée, d’un certain cadre. Pour que du possible ré-advienne, il faut briser le cadre qui condamnait — objectivement — à l’impossible. Dans leur cadre, les capitalistes et les néolibéraux ont objectivement raison. Mais dans leur cadre seulement. De sorte qu’ils n’ont pas absolument raison. Ce que révèle, même, la pandémie, c’est que leur cadre est inclus dans un cadre plus grand — où se déterminent des enjeux, ceux de la planète et de la situation des hommes sur la planète, qui leur donnent absolument tort.

    Nous commençons alors à mieux voir ce que nous avons à faire, et selon quelles lignes nous orienter : nous libérer simultanément des tyrannies de la valeur capitaliste et de l’emploi. Donc en détruire les institutions caractéristiques : la finance, le droit de propriété privé des moyens de production, le marché du travail.

    À suivre

    Frédéric Lordon

    source: https://blog.mondediplo.net/

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  • C’est à la date symbolique du 1er mai 2020 qu’ensemble plus de 160 personnalités de tous horizons, du Gilet jaune François Boulo au syndicaliste ouvrier Mickael Wamen, des artistes et intellectuels tels La Compagnie Jolie Môme ou François Bégaudeau, des militants politiques, syndicaux, associatifs, des étudiants représentatifs de toutes les composantes populaires ont répondu présent à l’initiative du PRCF pour lancer un appel pour une République française sociale souveraine démocratique et souveraine. Pour virer Macron et l’euro-mondialisation virale.

    En appelant à l’action, en se saisissant de la date anniversaire du NON populaire et majoritaire du 29 mai 2005.

    Un appel lancé à la France par une radiodiffusion sur les ondes d’une radio libre, Radio Campus Lille, le 1er mai 2020 à midi.

    En une semaine plus de 850 voix les ont rejoints en signant en ligne, c’est donc maintenant 1000 résistants qui soutiennent et s’impliquent dans cet appel : 

    https://www.mesopinions.com/petition/…

    Et ce, malgré le confinement : preuve s’il en est qu’il est non seulement urgent mais possible de se rassembler pour faire vivre au présent et dans l’action les valeurs du Conseil National de la Résistance, et proposer et imposer une alternative politique pour de vrais nouveaux jours heureux.

    Partagez et faites connaitre cet appel.

    JBC

     

     

    source: https://www.initiative-communiste.fr/

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  • Confinés Mobilisés

    Voix de confinement est un clip né d'une initiative au sein du collectif ConfinésMobilisés.
     
    Retrouvez notre pétition #Jenesuispasunhéros qui demande des mesures concrètes pour l'hôpital public : https://confinesmobilises.wesign.it/fr 
    Suivez-nous sur Twitter : https://twitter.com/MobilisesFrance 
    Suivez-nous sur Facebook : https://www.facebook.com/confinesmobi...
     

     

     
     

     

     
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  • Photo d’illustration Le Télégramme 

    Émile* enseigne en cours moyen dans une école de l’agglomération quimpéroise. Il a choisi de poursuivre la classe, mais s’interroge sur le sens de cette reprise. Voici sa contribution au débat.

    « Lundi soir, en revenant de notre journée de pré-rentrée scolaire, j’étais en colère. Colère de constater que ce qui s’y organise avec cette reprise n’est plus l’école. Nous vivons pour beaucoup cette période dans une grande contradiction, partagés entre l’envie de reprendre, de retrouver nos élèves et le dépit de voir comment tout cela va se mettre en place.

    Le problème est que l’école a pour fondement la relation à l’autre. C’est le lieu premier de la rencontre du prochain et de la rencontre du savoir. Les enseignants le savent bien : la relation, la rencontre sont au cœur de ce qu’on appelle « pédagogie ». Ce qu’on propose et organise avec le protocole sanitaire qui sera mis en œuvre est absolument à l’opposé de ce fondement.

    « Tout est verrouillé, l’autre est suspect, tenu à distance »

    Une illustration : l’interdiction du ballon dans la cour (les enfants vont y mettre les mains…). Une autre : l’interdiction de coopérer dans la recherche d’une solution à un problème ou de faire chorale, de partager un jeu éducatif, de se prêter un crayon, de lire un texte de théâtre à plusieurs… Tout est verrouillé, l’autre est suspect, tenu à distance. Un impératif : se laver les mains !

    Que fait-on dans ces journées de pré-rentrée ? On prépare un environnement carcéral. La classe se vide de ses tables et chaises. Celles qui restent sont espacées comme autant d’îlots qui interdisent tout échange. On prévoit le plan de circulation dans le bâtiment qui évitera aux élèves de se croiser, de se rencontrer, on discute du passage aux toilettes, on planifie les récréations qui se feront dans des espaces séparés par de la « rubalise »… Comme le dit une collègue : « on dirait une scène de crime ! ».

    Qui imagine une telle école ?

    Et nous, les adultes, tenus à distance des élèves. La règle : « on reste à un mètre, masqués ». Les cahiers : on ne les corrige pas ; pas de contact avec les affaires des autres. Ceux qui sont en difficulté ? On verra à distance ce qui leur pose problème. Qui imagine une telle école ?

    « Nous sommes responsables, collectivement responsables de ce qui advient »

    Et pourtant, on le voyait venir. On avait préparé ce terrain avec le plan Vigipirate et les exercices « intrusion ». L’ennemi d’alors se nommait « terroriste ». L’école devait se barricader et les élèves se cacher sous leurs tables. On a changé de danger, changé d’État d’urgence. D’ailleurs, les portes ne seront plus fermées et les salles de classe à l’air libre…

    Entendons-nous bien : je ne mets personne en cause. Les services de l’Éducation nationale font ce qu’ils peuvent pour rassurer les familles et c’est légitime. Nous appliquerons ces mesures de distanciation et d’hygiène pour éviter qu’une nouvelle vague survienne et ruine tous les efforts consentis jusqu’alors. Nous sommes responsables, collectivement responsables de ce qui advient.

    « Quelle société prépare-t-on ? »

    Nous devons concentrer tous nos efforts pour protéger les personnes vulnérables. Il nous incombe à tous de faire les bons choix et nous avons besoin d’explications. Nous avons besoin de comprendre ce qui nous arrive. Il y a une propension séculaire des sociétés à contraindre la jeunesse. L’épisode que nous vivons en est, de mon point de vue, une illustration parfaite, hélas.

    Alors oui, soyons rassurés : les élèves seront accueillis et en sécurité (mais quel est le risque pour eux, exactement ?). Oui, les enseignants sont solidaires de la Nation et participeront à l’effort économique en libérant les salariés pour leur entreprise. Mais je ne peux me résoudre à voir tout ça se mettre en place sans penser que ce n’est pas l’école et me questionner sur l’avenir de nos élèves : quelle société prépare-t-on ? Au nom de la protection et de la prévention des risques, jusqu’où sommes-nous capables de rogner nos libertés et notre relation à l’autre ? »

    * Prénom d’emprunt. Le titre et les intertitres sont de la rédaction.
     
    source: https://www.letelegramme.fr/
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    "Il faut vraiment beaucoup de mauvaise foi pour qualifier une mesure de salut public de non-respect de la liberté dite religieuse, de mesure anticléricale anticatholique. Comme si la manifestation extérieure de la foi devait primer sur tout, et donner lieu à une exception qui relèverait évidemment du privilège."

    Définir la laïcité est simple. Faite pour tout le peuple, la République laïque libère le droit de ce qui divisait les hommes, à savoir de toute norme spirituelle imposée, comme de toute discrimination positive ou négative. Ni religions reconnues, ni athéisme consacré. Une même loi vaut pour tous, et elle ne doit viser que l’intérêt général. A la liberté de conscience se conjugue la pleine égalité de celui qui croit au ciel et de celui qui n’y croit pas. Donc pas de privilège pour une option spirituelle ni pour le mode d’accomplissement qui en découle.

    Croyance religieuse et humanisme athée ou agnostique doivent jouir des mêmes droits. Ainsi le triptyque qui définit la laïcité épouse parfaitement celui de la République. Liberté de conscience, égalité de traitement de toutes les options spirituelles, universalité fraternelle de l’intérêt général qui fonde le bien commun. L’ordre public ne dérive plus de particularismes coutumiers ou religieux, mais des droits fondamentaux de l’être humain qui fondent la loi commune à tous et pour tous. De ce fait la laïcité est émancipatrice par rapport aux traditions rétrogrades du patriarcat, trop souvent justifiées par les religions. Les femmes, les homosexuels, les athées, les dissidents des religions, en savent quelque chose.

    La religion n’a pas le monopole de la spiritualité

    L’émancipation laïque est bonne pour tous, y compris pour les croyants qui ne confondent pas la spiritualité religieuse avec la volonté de domination. Pour la promouvoir, la République doit s’abstenir de toute intervention normative dans les domaines de la spiritualité, des modes d’accomplissement personnel, et des styles de vie de chacun. Ces choses relèvent de la sphère privée, ainsi délivrée de toute norme indue. La religion n’a pas le monopole de la spiritualité. Elle ne doit engager que les croyants, et il en va de même de l’humanisme athée ou agnostique. Victor Hugo, croyant, résumait tout cela par une formule limpide et simple : « Je veux l’Etat chez lui et l’Eglise chez elle ». Nulle hostilité, mais une séparation destinée à garantir l’indépendance de la puissance publique et son souci de faire valoir d’un même élan les trois principes de la laïcité. Liberté, égalité, universalité source de fraternité.

    Aujourd’hui la tragédie que vit la France avec le Covid-19 a fourni à des responsables catholiques, associés à des responsables des confessions juive et musulmane, l’occasion de revendiquer un traitement de faveur pour les cultes.

    On pensait tout cela compris et admis par les institutions religieuses. Or on découvre aujourd’hui qu’il n’en est rien. En France, l’Eglise catholique, entre autres, ne loupe aucune occasion de se voir reconnaître une utilité publique, et de reconquérir ainsi certains des privilèges que l’émancipation laïque lui avait ôtés. Elle ne se contente pas des deux privilèges exorbitants que constituent le financement public d’écoles privées religieuses (Loi Debré de 1959) et les prébendes que lui octroie le Concordat encore en vigueur en Alsace-Moselle.

    Aujourd’hui la tragédie que vit la France avec le Covid-19 a fourni à des responsables catholiques, associés à des responsables des confessions juive et musulmane, l’occasion de revendiquer un traitement de faveur pour les cultes. Et ce au nom du droit à une assistance spirituelle pour les familles éprouvées par le deuil. Une demande qui réduit la spiritualité à la religion, et même à certaines religions. L’idée que les citoyennes et citoyens athées ou agnostiques, environ la moitié de la population, ont aussi une vie spirituelle, ne les a pas effleurés. Ce qui est plus grave que ce lobbying, c’est la nouvelle faute du président de la République, qui a dérogé à la laïcité en accédant à cette demande de privilèges, et en réduisant ainsi la spiritualité à sa version religieuse.

    La religion n’est pas un service public

    Le communiqué de presse du 9 avril 2020 est sur ce point accablant : « À l'occasion d'une réunion avec les représentants des principaux cultes, le président de la République a souhaité donner suite à une proposition commune de ces derniers, pour faciliter la mise en relation de ceux qui en éprouvent le besoin avec une personne à même d'assurer un soutien spirituel. Dans ce cadre, chacun des principaux cultes a mis en œuvre un dispositif téléphonique d'écoute qui est accessible via le numéro vert d'information sur l'épidémie de Covid-19 mis en place par le Gouvernement (0 800 130 000), ou par l'intermédiaire des équipes des établissements de santé et des professionnels médicaux à qui les numéros de contact mis en place par chaque culte ont été communiqués » Les tenants de l’humanisme athée ou agnostique, de la spiritualité des libres-penseurs ou des francs-maçons, mais aussi des autres cultes, apprécieront.

    La religion n’est pas un service public, et il est scandaleux que nos dirigeants l’oublient. Ils devraient s’abstenir, non par indifférence, mais par égal respect des personnes de toutes convictions. Celles-ci doivent pouvoir choisir elles-mêmes le type de spiritualité qu’elles souhaitent pour affronter et exprimer leur deuil, et il n’appartient pas aux pouvoirs publics de favoriser les unes ou les autres.

    Il faut vraiment beaucoup de mauvaise foi pour qualifier une mesure de salut public de non-respect de la liberté dite religieuse, de mesure anticléricale anticatholique.

    Pour certains évêques, ces égards sélectifs ne suffisent pas, et ils ont demandé que soit faite une exception aux règles du confinement qui interdit jusqu’au 2 juin toute réunion publique. Ceci au nom de la liberté de culte, que l’on prétend ainsi affranchir de la loi commune et des exigences de santé publique qui en sont la source. De quel droit ? Imaginons que les francs-maçons, les libres-penseurs, les humanistes de l’Union rationaliste, les nombreux adeptes du boudhisme, ceux des cultes de Dionysos et d’Aphrodite, pour ne citer que ces options spirituelles, fassent de même.

    Le confinement exploserait, et avec lui la difficile maîtrise de la pandémie. Tel est l’oubli de l’amour du prochain au profit du culte de soi narcissique. Pour Matthieu Rougé, évêque de Nanterre, le rappel de l’interdiction du culte jusqu’au 2 juin est « inacceptable ». Il est caractérisé comme une « un défaut de respect des croyants et de la liberté religieuse incompréhensible. Un tropisme anticlérical en général, et peut-être anticatholique en particulier, qui a pris le dessus chez le président de la République et le premier ministre.» (Déclaration sur KTOTV).

    Rien que cela ! Il faut vraiment beaucoup de mauvaise foi pour qualifier une mesure de salut public de non-respect de la liberté dite religieuse, de mesure anticléricale anticatholique. Comme si la manifestation extérieure de la foi devait primer sur tout, et donner lieu à une exception qui relèverait évidemment du privilège. Pour la énième fois, des dignitaires catholiques accusent la séparation laïque de se convertir en volonté d’ignorer les religions, alors qu’elle n’a pas d’autre sens que l’universalisme destiné à traiter tous les citoyens de façon égale, conformément à la devise républicaine. Et ce dans l’intérêt général, qui apparemment n’a qu’une valeur relative au regard du souci de valoriser l’institution religieuse. C’est un témoignage partisan et sectaire alors qu’en ces temps d’angoisse collective un esprit de solidarité universaliste devrait prévaloir.

    Henri Pena Ruiz

    Philosophe et écrivain. Auteur de Karl Marx penseur de l’écologie (Seuil, 2018), de Marx quand même (Plon, 2012), Entretien avec Marx (Plon, 2012). Egalement auteur de nombreux essais sur la laïcité, dont un Dictionnaire amoureux de la laïcité (Plon, 2014), qui s'est vu décerner le Prix national de la laïcité 2014.

     

    source: https://www.marianne.net/

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  •  Les Goguettes

    sur l'air de "Message personnel" par Françoise Hardy avec Clémence au chant et au piano / Aurélien, Valentin et Stan aux choeurs / Stan à l'air-piano (de dos)
    Montage : Stan et Clémence / mixage : Aurélien
     
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    Mme Marie-Noëlle Lienemann attire l’attention de M. le ministre des solidarités et de la santé sur la production de masques en France.

    Lors de la conférence de presse gouvernementale du dimanche 19 avril 2020, il a été indiqué – infographie à l’appui – que les capacités de production nationales de masques étaient passées de 7 millions par jour dans la semaine du 30 mars à 8 millions pour la semaine du 14 avril. Cette montée en puissance paraît particulièrement faible dans la période concernée, en décalage avec les intentions annoncées de mobiliser le pays.

    Le gouvernement a fixé par ailleurs comme objectif d’atteindre une capacité de production nationale de 17 millions de masques d’ici le 11 mai 2020.
    Or dans une infographie, le gouvernement indiquait que nos besoins atteignaient 45 millions par jour. Le différentiel n’est compensé que par le recours à l’importation massive de masques – notamment depuis la Chine – qui monte donc en puissance pour atteindre 81 millions de masques par jour dans la semaine du 14 avril ; rien que cette information traduit notre formidable dépendance à l’extérieur, dépendance notamment vis-à-vis d’un pays – la Chine – dont les zones d’ombre sur la gestion de l’épidémie représentent une menace en soi sur nos garanties d’approvisionnement en cas de « deuxième vague ».

    Madame Lienemann demande au gouvernement de bien vouloir lui indiquer précisément les estimations gouvernementales des besoins quotidiens de masques de notre pays, selon le type de protections (chirurgicaux, FFP2, « grands publics ») et comment ces évaluations sont établies au regard des publics concernés (personnels de santé ou intervenants auprès des publics fragiles, travailleurs en activité, usagers des transports en commun et plus généralement l’ensemble de la population), et ce aujourd’hui et à compter du 11 mai. De la même manière, il paraît nécessaire d’avoir une estimation sur notre capacité à permettre un accès aux masques pour tous les habitants, cette dernière option devant être sérieusement préparée. Rendre public ces besoins et la façon dont notre pays y répond est indispensable pour nos concitoyens qui demeurent très inquiets non seulement des conditions de réussite de notre lutte contre cette épidémie mais aussi de la sortie progressive du confinement.

    Madame Lienemann demande enfin au gouvernement de bien vouloir lui indiquer, en plus de ces estimations, les entreprises françaises mobilisées pour la production de masques et celles qui devraient l’être, ainsi que les mesures qu’il compte prendre pour atteindre une production suffisante pour répondre à ces différents besoins et en particulier pour garantir une autonomie nationale de production de masques nécessaires à la fois aux besoins quotidiens et à la reconstitution de stocks dans la durée.

    source: http://www.mnlienemann.fr/

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  • Entre 2005 et 2006, l'usine de Plaintel (Côtes-d'Armor) a fabriqué plus de 20 % des 200 millions de masques FFP2 commandés par l'État pour se protéger de la grippe aviaire.Entre 2005 et 2006, l'usine de Plaintel (Côtes-d'Armor) a fabriqué plus de 20 % des 200 millions de masques FFP2 commandés par l'État pour se protéger de la grippe aviaire.

     

    Par Benoît Collombat et Cellule investigation de Radio France

    Enquête | Alors que la France manque cruellement de masques face à la pandémie de nouveau coronavirus, une entreprise française, installée en Bretagne, qui pouvait en fabriquer jusqu’à 200 millions par an, a fermé en 2018 après avoir été rachetée par un groupe américain. Qui est responsable de ce fiasco ?

    "Pour eux, on est un peu comme des pions sur un jeu de Monopoly." Antoine* est un "ancien" de l’usine de Plaintel, dans les Côtes-d’Armor. Depuis les années 90, il a vu passer plusieurs repreneurs de l’usine bretonne spécialisée dans la fabrication des masques respiratoires, notamment les fameux masques FFP2 indispensables au personnel médical. Il a connu le boom de l’entreprise au moment de la grippe H1N1, en 2009, lorsque l’usine fonctionnait "vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept" avec "huit machines, dont cinq supplémentaires". Une capacité de production multipliée par cinq et 300 employés pour fabriquer des masques pour la France entière.

    "En 2005, j’avais signé un protocole d’accord avec le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, explique Roland Fangeat, ancien président de la division respiratoire du groupe Bacou-Dalloz, propriétaire de l’usine de Plaintel à l’époque. Nous nous engagions à garantir une production d’au moins 180 millions de masques par an. Le groupe a investi près de neuf millions d’euros sur le site de Plaintel pour financer notamment une extension. Nous avions une capacité de production de 220 millions de masques par an, quatre millions par semaine, en cas de crise."

    L’État s’engage, avant de se retirer

    Dans ce protocole d’accord, dont la cellule investigation de Radio France révèle l’existence, "l’État s’engage à commander à l’entreprise" plusieurs millions de masques chaque année. "L’État assurera le renouvellement de son stock arrivé à préemption", prévoit l’article 11 de cet accord. Une ligne de conduite alors suivie par l’État, malgré certains retards dans les commandes, comme le montre ce courrier du 14 juin 2006 de Dominique de Villepin : "Je tiens à vous assurer que l’État continuera à respecter ses engagements, en termes de quantité comme de calendrier", écrit le Premier ministre de Jacques Chirac.

    "De janvier 2009 à septembre 2010, nous avons livré 160 millions de masques FFP2 à l’État, se souvient Roland Fangeat. Et puis il y a eu un désengagement de l’État. La chute des commandes a été catastrophique pour l’usine de Plaintel."

    En 2010, le géant américain Honeywell rachète le groupe Sperian (le nouveau nom de Bacou-Dalloz) alors propriétaire de l’usine de Plaintel qui compte encore 140 salariés. Le début de la fin. "Lorsque les Américains arrivent à Plaintel, ils nous expliquent qu’Honeywell est une chance pour nous et que nous allons 'intégrer' un groupe mondial avec des 'valeurs' et une force de frappe commerciale importante", témoigne Damien*. Pourtant, dès 2011, le groupe annonce 43 suppressions d’emplois. Les plans de licenciement s’enchainent, le chômage partiel devient la règle : à l’été 2018, les 38 derniers salariés de l’entreprise sont finalement licenciés pour des motifs "économiques". 

    Des salariés de l'usine Sperian basée a Plaintel se réunissent le 5 janvier 2011, avant l'annonce d'un plan social.Des salariés de l'usine Sperian basée a Plaintel se réunissent le 5 janvier 2011, avant l'annonce d'un plan social.

    La production de masques est délocalisée sur un site déjà existant (créé dans les années 90) à Nabeul, en Tunisie. En septembre 2018, l’usine de Plaintel ferme ses portes. Un mois plus tard, les chaines de production sont détruites. Alexandre* se souvient : "Lorsque je suis sorti pour ma pause-déjeuner, j’ai vu un semi-remorque embarquer un morceau de nos lignes de production qui mesuraient entre 50 et 60 mètres de long. Tout est parti chez le ferrailleur pour être détruit. J’étais vraiment choqué. J’avais l’impression de voir un corbillard chercher le corps d’un mort. C’est un peu à l’image de ce qui nous est arrivé au sein de l’entreprise. Dès qu’Honeywell a repris l’usine, nous étions comme des cancéreux en soins palliatif : on savait qu’on allait mourir, mais on ne savait pas quand ça se produirait."

    Lors de sa fermeture, l’entreprise ne produisait plus que huit millions de masques par an.

    A lire aussi: Pénurie de masques : les raisons d'un "scandale d'Etat"

    Le silence de l’État

    À l’été 2018, les élus du personnel, à la demande des salariés, tentent d’interpeller par mail le président de la République. Il explique au chef de l’État que l’usine de Plaintel est "une entreprise d’utilité publique" dont l’actionnaire américain a tout fait pour la rendre "largement déficitaire" tout en "absorbant massivement les deniers publics." "Nous sollicitons votre aide pour intercéder en notre faveur auprès des dirigeants du groupe" concernant "des indemnités de licenciement dont le niveau se situe très largement au deçà de ce qui se pratique habituellement chez Honeywell, en Europe de l’Ouest", peut-on encore lire dans ce courrier adressé à l’Élysée.

    Le 24 juillet 2018, le chef de cabinet de l’Élysée lui répond qu’il prend "bonne note" de ce courrier qu’il transmet au ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Lemaire. Le 7 août 2018, le chef de cabinet de Bruno Lemaire répond à son tour que "le ministre a pris bonne note des éléments (…) communiqués et a demandé à la délégation interministérielle aux restructurations d’entreprise et à la direction générale des entreprises de faire le point sur ce dossier. Vous serez directement informé de la suite qui pourra lui être réservé", explique le ministère de l’Économie. "Je n’ai eu aucune nouvelle…", témoigne auprès de la cellule investigation de Radio France l'un des salariés à l’origine de l’envoi de ce courrier.

    Contactée, la présidence de la République ne fait aucun commentaire. "C’est le temps de l’unité, pas de la polémique", souffle un proche de l’Élysée. Du côté du ministère de l’Économie, on assure "ne pas avoir eu les moyens d’empêcher une fermeture d’usine dans un secteur qui n’était pas alors considéré comme stratégique." "Cette entreprise avait beaucoup de difficultés, elle avait perdu beaucoup de commandes, explique un conseiller ministériel. Ses effectifs ne permettaient pas à l’outil industriel de bien fonctionner." "Ce n’est pas l’entreprise qui est en cause mais plutôt l’État qui a arrêté de stocker des masques, ajoute ce conseiller de Bruno Le Maire. Sans commande du ministère de la Santé entre 2010 et 2017, le site a été utilisé très en dessous de sa capacité. Si Honeywell avait eu une commande régulière de masques pour le compte de l’État, l’usine n’aurait pas fermé."

    Le ministère de l'Économie et des Finances (Paris, 2014).Le ministère de l'Économie et des Finances (Paris, 2014)

    "Ce message des salariés n’était pas une interpellation du chef de l’État demandant à conserver le site, souligne encore Bercy. Il s’agissait essentiellement d’une demande portant sur le niveau des indemnités de départ. Nous avons donc transmis à la Direccte [direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi] en lien avec le ministère du Travail."

    "À l’époque, la fermeture de l’usine a été considérée comme un non-évènement, s’indigne Serge Le Quéau, militant au syndicat Solidaires des Côtes-d’Armor. Jamais la question de l’utilité sociale de cette production de masques n’a été abordée. C’est la logique du marché qui a prévalu. Fabriquer des masques à un moindre coût en Chine ou en Tunisie paraissait sensé pour nos responsables politiques et économiques. On voit bien aujourd’hui que c’est totalement absurde !"

    "Personne n’a rien fait lorsque notre usine a fermé, témoigne encore Coralie*, l’une des 38 personnes licenciées. C’est révoltant. On a eu l’impression qu’on nous laissait tomber. Quand je vois ce qui se passe en ce moment avec l’épidémie de coronavirus, je me dis : 'Je devrais être en train de fabriquer des masques…' "

    De l’artisanat à la mondialisation

    "C’est une belle histoire industrielle qui se termine par un beau gâchis" commente, un brin désabusé, l’ancien maire de Plaintel, Joseph Le Vée.

    Pour comprendre comment on en est arrivé là, il faut remonter à 1964, lorsque le Français Louis Giffard reprend l’activité de fabrication de chapeaux pour dames de son père. Le secteur est alors en déclin. Un an plus tard, Louis Giffard se lance donc dans la production de masques anti-poussières. En 1971, il crée une société anonyme à Saint Brieuc (baptisée FILGIF puis GIFFARD) et tente de s’inspirer de ce qui se passe aux États-Unis avec la société 3M qui écrase le marché. Dans les années 80, Louis Giffard quitte ses locaux à Saint Brieuc pour s’installer à Plaintel.

    "C’est l’époque où on commence à s’occuper plus sérieusement de la santé des salariés, explique l’ancien directeur général du site de Plaintel, Jean-Jacques Fuan. Il y a un essor important de ce qu’on a appelé les EPI, les équipements de protection individuelle. Mais la manière de produire des masques de Louis Giffard est assez artisanale. Elle entraine jusqu’à 30 % de rebut." Après la mort de Louis Giffard, l’entreprise est vendue au groupe suédois Bilsom, en 1986. Elle est rachetée par le groupe français Dalloz en 1993 qui devient le groupe Bacou-Dalloz en 2001 (rebaptisé Sperian en 2003).

    La production s’automatise et les normes se développent. "Nous vendions des masques dans le monde entier, se souvient Jean-Jacques Fuan, en Allemagne, en Angleterre, en Suède, à Taïwan, au Japon, en Amérique du Sud, aux États-Unis… Lorsque je suis devenu directeur industriel du groupe en 2003, j’ai été chargé d’harmoniser les pratiques des 48 sites de production en Europe et en Afrique. Mon rôle a consisté à rationaliser les fabrications du groupe pour faire des économies d’échelle." Jean-Jacques Fuan quitte le groupe Sperian, alors propriétaire de l’usine de Plaintel, en 2006.

    Mais en Bretagne, on ne ressent pas encore l’effet des réductions des coûts. "Pour moi, ces années correspondent à une modernisation de l’entreprise, se souvient Alexandre*. C’est en 2010 avec Honeywell que tout bascule."

    Un licenciement économique "infondé"

    La fermeture de l’usine de Plaintel était-elle vraiment inéluctable ? Les éléments recueillis par la cellule investigation de Radio France permettent d’établir que la reprise de l’usine bretonne par Honeywell en 2010 s’apparente plutôt à une opération financière sans réelle volonté de développer l’outil de production. C’est ce que montre notamment un rapport d’audit financier confidentiel réalisé en 2018, peu avant la fermeture de l’entreprise bretonne. Selon les conclusions de ce document, jamais révélé, jusqu’ici "le motif économique du plan de licenciement collectif est infondé".

    "La fermeture du site apparaît relever de motifs financiers et stratégiques bien plus qu’économiques parce que le résultat net est construit artificiellement, analyse le document. Dire que le site de HSP (Honeywell Safety Products) Armor devrait fermer pour cause économique est techniquement infondé… à moins de considérer que fournir un dividende par action et une valorisation boursière 2017 record (et supérieur à la moyenne des 500 entreprises cotées les plus représentatives du marché boursier américain) est un motif économique. Ce qui est plus que discutable. Il est évident que la fermeture du site de Plaintel ne permettra pas d’augmenter le dividende par action de 9 % comme annoncé par le nouveau CEO (Chief Executive Officer) du groupe, mais cela participe bien à la stratégie économique et financière globale du groupe."

    Ce rapport d’audit note "un changement de stratégie qui marginalise les masques au sein d’Honeywell Safety Products", la division de l’entreprise dont dépend l’usine de Plaintel. Honeywell "souhaite désormais se concentrer sur des activités davantage rentables, où il est leader et en avance dans la course technologique face à ses concurrents, explique le document. La priorité est de pousser l’offre sur les solutions connectées, à forte profitabilité. La priorité de la direction est de rationaliser la gamme et de se concentrer sur les marchés en forte croissance que sont l’Inde et la Chine."

    Le groupe américain Honeywell a racheté l'usine de masques de Plaintel en 2010.Le groupe américain Honeywell a racheté l'usine de masques de Plaintel en 2010.

    "Le groupe Honeywell n’a finalement jamais investi dans le site de Plaintel, constate encore le rapport d’audit. [...] Les investissements en machines et outils de production ont été plus que limités depuis la reprise du site de Plaintel par Honeywell. (…) La conséquence directe est que l’usine fonctionne depuis lors avec un outil vieillissant et aujourd’hui loin des performances des machines plus modernes. L’investissement incorporel (brevets notamment) a été inexistant et les dépenses de R & D [recherche et développement] n’ont pas concerné de réelles innovations mais presque exclusivement des homologations. Elles ont été largement financées par le Crédit impôt recherche. Ces éléments viennent étayer le fait que le site de Plaintel n’a jamais été une entité stratégique pour le groupe, insiste le rapport, mais bien un complément non core [non essentiel] de sa gamme d’EPI [équipement de protection individuelle] et une source potentielle de revenus élevés en cas de pandémie. Cela correspond tout à fait à la stratégie du groupe. Il n’investit que dans des marchés à forte croissance et à forte profitabilité puis accompagne ses activités matures sans investir jusqu’à arrêt ou cession de l’activité."

    "Le marché du masque jetable reste en croissance et reste rentable à condition d’investir régulièrement dans ses outils de production et ses produits, ajoute le rapport d’audit. Honeywell Safety Products n’a investi, ni dans de nouveaux produits, ni dans de nouvelles capacités de production, ni même dans le simple renouvellement de l’outil productif. Le choix est fait de délocaliser la production vers un pays à faibles coûts de production, le site de Nabeul, en Tunisie."

    Dans les coulisses du "système Honeywell"

    Ce désinvestissement du groupe Honeywell est confirmé par les témoignages d’anciens salariés que nous avons recueillis. "Il y avait une stratégie claire de fermeture de l’entreprise, assure Damien*. Pour un groupe américain comme Honeywell, l’investissement doit forcément être remboursé par les bénéfices en six mois, c’est impossible ! Les investissements étaient donc interdits. Si on voulait lancer des nouveaux produits, c’était à nous de nous débrouiller, il n’y avait pas de crédit pour la recherche-développement. À l’époque de l’ancien propriétaire, le groupe Sperian, un nouveau masque sortait tous les quatre ans, j’en ai vu défiler trois. Avec Honeywell, aucun nouveau masque n’a été développé sur le site de Plaintel en huit ans. En fait, on cherche à faire mourir l’entreprise."

    "La période précédente a correspondu à une modernisation de l’entreprise, confirme Coralie*. Beaucoup d’innovations, la création d’un laboratoire et le renforcement du service recherche-développement. Avec Honeywell, notre travail a perdu tout son sens. Le groupe était obsédé par la fourniture d’indicateurs chiffrés. Nous étions constamment sous pression."

    "Nous avons découvert le système Honeywell, témoigne Antoine*. Ils appellent ça le 'Honeywell operating system', ce qui correspond en fait au lean management, c’est-à-dire : l’usine maigre. Le but est de supprimer tous les gaspillages à travers une multitude de procédures souvent ubuesques. Réfléchir, c’était déjà commencer à désobéir. Il fallait appliquer les standards… même complètement idiots. Il y avait un système baptisé '5 S' qui établissait toute une série de règles pour un rangement poussé à l’extrême : chaque poubelle, téléphone ou même revue devait avoir une place bien déterminée. C’était du grand n’importe quoi. Honeywell appliquait également la technique du gemba, un mot japonais qui veut dire 'sur le terrain'. Le but était de faire venir les managers en force au sein de l’usine, ce qui stressait énormément les salariés."

    "Honeywell surveillait constamment les stocks de matières premières, ajoute Damien*. Il ne fallait pas dépasser un certain niveau pour ne pas perdre de l’argent… parce qu’un stock, c’est de l’argent immobilisé. Et donc ce stock baissait régulièrement. Sauf que lorsqu’il fallait fournir des quantités importantes pour répondre à la demande d’un client, nous n’avions plus la capacité de le faire. Le client devait attendre trois mois. Du coup, il allait voir ailleurs. C’était un cercle vicieux : faute de commandes notre production baissait, donc notre stock diminuait… ce qui faisait à nouveau diminuer la production."

    "Pourtant, nous avions potentiellement une forte capacité de production pour le secteur hospitalier, témoigne Antoine*. Nous avons pressé la direction du siège français d’envoyer des commerciaux auprès du monde médical pour nous ramener un chiffre d’affaires. Mais on nous a répondu que ce n’était pas possible, que notre cible était l’industrie… pas le secteur hospitalier."

    Une stratégie parfaitement assumée par le groupe américain. Ainsi, les catalogues de la firme américaine ne contiennent pas la gamme de masques Easyfit qui correspond aux masques utilisés en cas de pandémie. C’est ce qu’on constate dans le catalogue 2014-2015 ou 2016-2017 du groupe.

    "Le fait qu’Honeywell n’essayait pas de vendre la totalité des produits que l’usine de Plaintel était en capacité de produire montre bien que le groupe voulait fermer le site, c’est tout, ajoute Antoine*. D’ailleurs, ils encourageaient les salariés à partir. Dès que l’effectif est descendu sous la barre des 50 personnes, ils ont lancé le go pour la fermeture."

    Contactée, la direction de la communication d’Honeywell explique que "le site n'a pas reçu de commandes suffisantes lui permettant de retrouver sa rentabilité et a accumulé des pertes financières importantes". Elle ajoute que "la société n'a pas pu identifier d'acheteurs externes potentiels pour le site de Plaintel, et après un examen minutieux approfondi, il a été déterminé qu'il n'y avait pas d'autre option viable que de fermer nos installations".

    Des choix financiers contestables

    Pourtant, les conclusions de ce rapport d’audit confidentiel de 2018 que la cellule investigation de Radio France a pu consulter montrent que le site de Plaintel était tout à fait être rentable. "L’activité d’Honewell de masques respiratoires jetables en Europe, dont celle de HSP (Honeywell Safety Products) Armor, est une activité rentable", peut-on lire dans ce document.

    "Les comptes sociaux de HSP Armor n’en témoigne que partiellement dans la mesure où :

    • Une partie (non négligeable) de la marge est captée par HSP Europe, l’entité de commercialisation du groupe pour ces produits.
    • Les frais généraux intègrent des coûts de management, de services centraux, de top management, de commercialisation et de reporting bien supérieurs à ce que peut supporter une entité de moins de 5 millions de chiffre d’affaires et de moins de 50 personnes."

    Autrement dit : ce sont les choix financiers opérés par le groupe qui place l’usine de Plaintel sous tension. Malgré cela, l’usine continue d’être profitable à Honeywell, constate encore le rapport d’audit. La "rentabilité économique [de l’usine] est avérée, peut-on lire dans le document, mais trop faible pour les standards du groupe" Honeywell.

    "Une mort programmée"

    "Ce qu’il faut bien comprendre c’est que l’usine de Plaintel n’avait pas accès directement au marché, explique Antoine*. Elle avait un unique client… c’était le groupe Honeywell. C’était lui qui fixait le prix d’achat des masques, donc si on ne rapportait pas assez d’argent, c’était de leur fait. Nous étions une goutte d’eau dans leur chiffre d’affaire."

    "Le groupe a construit une rentabilité très faible du site de Plaintel, estime l’avocat Laurent Beziz qui défend plusieurs salariés licenciés. Le groupe fixait les prix très faibles auxquels étaient vendus les articles [c’est ce qu’on appelle les prix de cession ou prix de transfert] tout en effectuant des refacturations importantes de frais. Résultat : la rentabilité était forcément insuffisante."

    "Tout ça était planifié, il s’agit d’une construction économique. La mort de l’usine de Plaintel était programmée." Laurent Beziz, avocat.

    Ce point est également confirmé par l’audit réalisé en 2018 au sein de l’entreprise. "Avec une construction différente du compte de résultat, et notamment des prix de transfert, l’activité de HSPA aurait pu être bien plus profitable et dégager des résultats significatifs", conclut le rapport d’audit.

    "Il y a eu un abus de l’employeur dans l’exercice de son droit de cesser son activité", estime encore l’avocat Laurent Beziz. C’est la raison pour laquelle plusieurs salariés contestent leur licenciement devant le tribunal administratif et le conseil de prud’hommes. Parmi eux se trouvent cinq salariés "protégés" (délégués du personnel et représentants syndicaux) dont le licenciement a été refusé par l’inspection du travail.

    Quand le ministère du Travail déjuge l’inspection du Travail

    Dans une lettre datée du 22 janvier 2019 que la cellule investigation a pu consulter, l’inspecteur du travail de Saint-Brieuc estime que "le motif économique invoqué à l’appui de la demande de licenciement n’est pas avéré" estimant que "la seule volonté de majorer le profit de l’entreprise n’entre pas dans la définition des difficultés économiques."

    Le 17 juillet 2019, la direction générale du travail désavoue l’inspection du travail, validant ainsi le licenciement économique de cinq salariés protégés de Plaintel. "Si une partie des moyens de production ont été déménagés en Tunisie afin d’être réutilisés par une autre entité du groupe, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit d’une entité juridique distincte de l’entreprise HSAP (Honeywell Safety Products Armor), estime la direction générale du travail. De fait, la cause économique invoquée par l’employeur, à savoir la cessation totale et définitive de l’entreprise, doit s’apprécier au niveau de l’entreprise. Il est constant que la cessation totale et définitive de l’entreprise constitue une cause économique autonome sans qu’il n’appartienne à l’autorité administrative d’examiner la réalité d’éventuelles difficultés économiques rencontrées par l’entreprise en amont de la décision de cesser son activité."

    Autrement dit : l’État n’a pas à interférer dans la décision, souveraine, d’Honeywell. "Nous contestons l’analyse du ministère du Travail, commente l’avocat des salariés, Me Beziz, il s’agit bien d’une délocalisation." Contacté, le ministère du Travail n’a pas souhaité réagir. Quant à l’avocat d’Honeywell, Philippe Gautier, il n’a pas donné suite à notre demande d’entretien.

    Faire revivre l’usine de Plaintel ?

    "Avec cette crise du coronavirus, les vieux logiciels de compréhension doivent être modifiés", estime Serge le Quéau du syndicat Solidaires des Côtes-d’Armor. Il faut que l’État et surtout les citoyens et les salariés se réapproprient collectivement certains moyens de production essentiels à l’intérêt de la nation." Avec d’autres, comme l’ancien directeur général du site de Plaintel, Jean-Jacques Fuan, Serge Le Quéau plaide pour une reprise de l’activité de l’usine à travers une Société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). 

    L’idée avait été portée en 2001 par l’ancien secrétaire d’État à l’Économie sociale et solidaire du gouvernement Jospin, Guy Hascoët. Ce dernier est désormais en contact direct avec la présidence de la région Bretagne. "Ça va être la guerre sur les tarmacs d’aéroport autour des masques, estime Guy Hascoët. Alors que nous avons besoin de 40 millions de masques par semaine et que nous ne sommes même pas à dix en production hexagonale, il faut pousser le plus vite possible toutes les capacités pour se prémunir des épisodes à venir. Dans une situation d’extrême urgence, la Société coopérative d’intérêt collectif est le seul mécanisme qui permet à tous les bretons de prendre des parts sociales au capital de l’usine devenant 'leur' projet tout en échappant à la loi de la concurrence du marché. Si on a la possibilité de faire sortir un million de masques par jour d’ici six mois, il ne faut pas se poser de question. Cette compétition mondiale va être cruelle."

    "Il n’y a plus ni l’outil, ni le bâtiment, ni les machines, commente l’ancien maire de Plaintel, Joseph Le Vée. Donc ça ne va pas repartir d’un coup de baguette magique." Le site de l’usine de masques de Plaintel a été réoccupé par l’entreprise BiArmor, "spécialisée dans les produits naturels pour la nutrition, l’hygiène et l’environnement de l’élevage".

    Une salariée de l'usine de masques Bacou-Dalloz de Plaintel (Côtes-d'Armor), en 2005.Une salariée de l'usine de masques Bacou-Dalloz de Plaintel (Côtes-d'Armor), en 2005.

    "Il y a des friches industrielles et des locaux disponibles dans la région pour relancer l’activité de l’usine, estime de son côté Serge Le Quéau. Les machines ont été détruites mais elles ont été fabriquées par une entreprise bretonne. Si de l’argent se débloque, on peut les reconstruire. Beaucoup d’anciens de Plaintel n’ont pas retrouvé de travail. Le savoir-faire est toujours là." "Après la crise, il faudra mettre au grand jour l’histoire de cette société et pointer les manques et les très mauvais choix qui ont été faits mais aussi désigner les responsables", estime le sénateur écologiste du Morbihan, Joël Labbé. 

    Ces derniers jours, le groupe américain Honeywell a annoncé qu’il ouvrait une usine à Rhodes Island pour faire face à la demande de masques aux États-Unis. "Une information assez dérangeante", commente l’ancien président de Plaintel, Roland Fangeat.

    *Les prénoms ont été modifiés

     

    source:  https://www.franceculture.fr/ 

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