• Le Gilet jaune Eric Drouet est sorti de garde à vueEric Drouet à la sortie du commissariat où il était en garde à vue, le 3 janvier.

    Arrêté le 2 janvier à Paris non loin des Champs-Elysées, pour organisation de manifestation sans déclaration préalable, la figure des Gilets jaunes Eric Drouet est sortie de garde à vue ce 3 janvier dans l'après-midi.

    Eric Drouet, l'un des Gilets jaunes les plus médiatiques, est sorti de garde à vue ce 3 janvier aux alentours de 16h. Le procureur de Paris, Rémy Heitz a annoncé dans un communiqué qu'une convocation devant le tribunal correctionnel lui avait été délivrée par un officier de police judiciaire pour le 15 février.

    Il devra répondre du chef d'«organisation d'une manifestation sur la voie publique sans autorisation» pour avoir participé le 2 janvier à un rassemblement non déclaré pour rendre hommage aux blessés et morts en marge du mouvement à proximité des Champs-Elysées. Il avait été interpellé avec d'autres Gilets jaunes à Paris. Cette arrestation avait provoqué l'indignation des membres de l'opposition à la majorité présidentielle. Eric Drouet devra également répondre des faits du 22 décembre, pour lesquels il avait été placé en garde à vue une première fois et convoqué initialement le 5 juin.

    "Tout ce qui se passe ici c'est politique"

    «Tout ce qui se passe ici c'est politique, la façon dont c'est fait, c'est politique. Même eux [les policiers] n'ont pas l'habitude que ça se déroule comme ça, qu'il y ait des haut-gradés qui assistent à l'audition, qui posent eux-mêmes les questions, c'est du jamais vu», a déclaré Eric Drouet à des journalistes à sa sortie du commissariat parisien.

    «Il n'y a pas eu d'appel [à manifester la veille]», a-t-il martelé, avant de détailler : «Ce n'est pas moi, c'est une page, il y a mon nom inscrit nulle part et malgré ça, on essaie de nous mettre sur le dos des inculpations. On essaie de nous mettre l'organisation d'une manifestation non déclarée, alors que là, ça n'avait rien d'une manifestation, c'était un rendez-vous au restaurant. On en est très loin».

    «C'est très énervant qu'on puisse même pas circuler dans la rue librement [...] On avait tout respecté du début à la fin [...] malgré ça, on a été interpellé», a encore jugé Eric Drouet.

    Dans la soirée du 2 janvier, des Gilets jaunes s'étaient réunis aux abords de la place de la Concorde à Paris, au début des Champs-Elysées. Plus tôt dans la journée, Eric Drouet avait appelé dans une vidéo sur Facebook à mener une «action» : «Ce soir, on va pas faire une grosse action mais on veut choquer l'opinion publique. Je sais pas s'il y en aura qui seront avec nous sur les "Champs" [...] On va tous y aller sans gilet».

    Le Gilet jaune originaire de Melun avait déjà été arrêté lors de la manifestation du 22 décembre (acte 6 de la mobilisation) à Paris, puis placé sous contrôle judiciaire. Il sera jugé le 5 juin pour «port d'arme prohibé de catégorie D» et pour «participation à un groupement formé en vue de violences ou de dégradations». Selon l'AFP, citant une source proche du dossier, il aurait été «retrouvé porteur d'une sorte de matraque» lors de la mobilisation du 22 décembre. 

    source: https://francais.rt.com/france/

    Amnesty : «L'absence de notification aux autorités de la tenue d'une manifestation ne rend pas celle-ci illégale»

    Comme le rappelait Amnesty International en mai dernier, dans une publication reprise ce 3 janvier par des responsables de La France insoumise (LFI) notamment, le droit de manifester est garanti par la Déclaration universelle des droits de l’Homme dans son article 20 : «Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.» Ce droit est compété en France par un système de déclaration préalable, visant à en faciliter l’exercice en permettant aux autorités de prendre des mesures pour garantir l’ordre public.

    Toutefois, d'une manière générale, «l'absence de notification aux autorités de la tenue d'une manifestation ne rend pas celle-ci illégale et, par conséquent, ne doit pas être utilisée comme motif de dispersion de la manifestation», souligne Amnesty International. L'ONG insiste sur le fait que les organisateurs qui ne notifient pas la tenue d'une manifestation «ne doivent pas être soumis à des sanctions pénales ou administratives se soldant par des amendes ou des peines d'emprisonnement». Ce qui n'empêche pas Amnesty de préciser qu'en France, «les organisateurs peuvent être poursuivis sur cette base».

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Invité du journal télévisé de RT France, l'avocat François Boulo, l'un des porte-paroles des Gilets jaunes de Rouen, a dénoncé l'interpellation d'Eric Drouet et exhorté le président français à procéder à un «changement de cap».

    L'avocat François Boulo s'est exprimé au nom des Gilets jaunes de Rouen sur le plateau de RT France le 3 janvier pour dénoncer l'interpellation à Paris, la veille au soir, d'Eric Drouet, une des figures du mouvement. Auteur d'une lettre ouverte destinée à Emmanuel Macron, il a mis en garde le président français et l'a appelé à «ouvrir les yeux sur la profonde crise sociale et économique» qui traverse le pays.

    "Cette interpellation est tout à fait irresponsable et de nature à alimenter la colère."

    François Boulo a qualifié l’arrestation d'Eric Drouet de «manœuvre d’intimidation du président», alors que le rassemblement (non-déclaré) sans port de gilets ne visait qu'à rendre hommage aux morts et aux blessés lors des manifestations. Selon l'avocat, «le pouvoir est en train d’essayer d'utiliser la force pour museler politiquement des gens qui ont décidé de contester effectivement cette politique injuste menée par le gouvernement». «C'est une interpellation tout à fait irresponsable et de nature à alimenter la colère [...] Eric Drouet voulait apaiser les choses et ne pas alimenter le climat de tension qui règne dans le pays», a-t-il ajouté. 

     

    Une adresse au président, pour un véritable changement de cap

    François Boulo, nouvelle icône médiatique du mouvement à Rouen, a adressé une lettre ouverte au président de la République le 1er janvier. Il y énonce un certain nombre de recommandations afin «d'entendre le peuple» et de lui apporter des «solutions concrètes». «Il faut prononcer des paroles apaisantes, notamment en ayant un mot d’empathie pour les morts pour les blessés graves, ainsi que condamner les dérives individuelles de certaines forces de l’ordre», a-t-il déclaré sur le plateau de RT France. Il a repris des points développés dans sa lettre : dénoncer les agissements de certains individus au sein des forces de l'ordre et de «réconcilier le peuple» avec ses policiers et ses gendarmes.

    "Emmanuel Macron ne remet en cause aucun des dispositifs fiscaux au bénéfice des 1% des plus riches du pays"

    Est-ce réaliste d’estimer que de simples paroles pourraient infléchir le mouvement des Gilets jaunes ? François Boulo estime également qu'«un vrai changement de cap politique» est nécessaire. Trouvant les «10 milliards d’euros» des mesures sociales décidées par le président «très insuffisants», et assumés par «la classe moyenne au sens large», il préconise de taxer les plus fortunés à la place. «Emmanuel Macron ne remet en cause aucun des dispositifs fiscaux au bénéfice des 1% des plus riches du pays», dénonce l'avocat qui plaide pour une remise à plat de l'impôt sur la fortune (ISF), de l'exit tax, de la flat tax et du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE).

    A propos du CICE, dans un duel sur LCI visionné plus de 800 000 fois sur les réseaux sociaux, le porte-parole des Gilets jaunes de Rouen a cloué Patrick Martin, président délégué du Medef. Pour financer de nouvelles mesures sociales, comme la hausse du minimum vieillesse ou l'indexation des allocations familiales sur l'inflation, François Boulo a suggéré que le CICE soit conservé pour les petites et moyennes entreprises, mais supprimé pour les grandes entreprises, qui en captent la moitié. Il a estimé que «les grands groupes» n’en avaient pas besoin, eux qui «distribuent des dividendes aux actionnaires par milliards», tout en continuant à licencier. L'avocat a évalué ces «cadeaux fiscaux» à 20 milliards en 2018 et 30 milliards en 2019.

    source: https://francais.rt.com/france/

    Partager via Gmail Yahoo!

    votre commentaire
  • Ajoutée le 2 janv. 2019
    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • 2019 : le PRCF remercie les partis communistes du monde entier et s’associe à leurs vœux !

    Tout au long de l’année, le PRCF permet aux communistes de France de nouer des liens d’action et de solidarité avec plus d’une centaine de partis et organisations communistes frères et soeurs à travers le monde. En effet le PRCF fait sienne la maxime de Jaurès ” Un peu d’internationalisme éloigne de la patrie ; beaucoup d’internationalisme y ramène. Un peu de patriotisme éloigne de l’Internationale ; beaucoup de patriotisme y ramène. » . Quand certains préfèrent couper les liens entre communistes à travers le monde et en europe pour se fondre dans des organisations sociales démocrates, et notamment l’anticommuniste et pro union européenne parti de la gauche européenne, le PRCF permet aux communistes de France de prendre pleinement place dans le , recevant et envoyant nombre de délégations, ouvrant largement son stand à la fête de l’Huma à des délégations de communistes et jeunes communistes venues des quatre coins du Monde (Cuba Indonésie Mali Pologne Venezuela, Colombie, Irlande, Espagne, Italie, Allemagne, Danemark et bien d’autres encore…) ainsi que son site internet initiative-communiste.fr son mensuel papier.
    C’est pourquoi le PRCF et les JRCF adressent leurs meilleurs  de lutte au nom des communistes de France à tous nos camarades de part leur monde et à leurs partis et organisations, et partage les vœux adressés à travers le PRCF aux camarades de France.Florilège non exhaustif de ces cartes de vœux internationales…

     

     


    Le PRCF remercie les  du monde pour leurs voeux ! Prolétaires de tous les pays unissons nous!

    Portugal :

    Com os votos de Sucesso na Luta, as melhores saudações,

    With wishes of Success in the Struggle, the best greetings,

    Avec les vouex de succès dans la lute, les meilleures salutations,

    Pela Seccção Internacional do Partido Comunista Português
    The  Department of Portuguese Communist Party
    La Section Internationale do  Portugais

    Grèce

    Pologne

    Russie – URSS

    Suisse

    Allemagne

    Espagne

     

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Comme d’habitude, ce genre d’information n’a pas suscité une très grande mobilisation dans nos médias…

    Les forces de l’ordre ont utilisé des flashball, des grenades de désencerclement et des gaz lacrymogènes contre des manifestants majoritairement pacifiques. Nous avons pu recenser de nombreux cas de recours excessifs à la force par des policiers.

    Il est vrai que le maintien de l'ordre pendant les manifestations est une tâche délicate et que certains manifestants ont commis des actes violents et illégaux, mais il n'en reste pas moins indispensable de respecter le droit français.

    Les policiers ont le devoir de maintenir l'ordre public et, ce faisant, ne peuvent recourir à la force que lorsque cela est strictement nécessaire. Lorsque le recours à la force est inévitable, ils doivent en user avec retenue.


     Selon les chiffres officiels, 1 407 manifestants ont été blessés, dont 46 grièvement, depuis le début des manifestations le 17 novembre 2018.


    Au total, 717 policiers, gendarmes et pompiers ont aussi souffert de violences. Or, si les autorités ont, de manière tout à fait légitime, condamné à maintes reprises les actes de violence commis par des manifestants, elles n'ont pas exprimé d'inquiétudes concernant le recours excessif à la force par des policiers, qui doit faire l'objet d'une enquête indépendante, impartiale et efficace.

    Comprendre : Info et intox sur le droit de manifester

    Les journalistes dans le viseur

    Des récits de victimes et de témoins, ainsi que des vidéos que nous avons examinées montrent que la police a fait un usage inapproprié des flashball, en tirant sur la foule. Elle a aussi lancé des grenades de désencerclement, qui ne devraient jamais être utilisées dans des opérations de maintien de l'ordre.


    Selon les chiffres officiels, 225 personnes ont été blessées durant les manifestations du 8 décembre à Paris.


    Audrey, une secouriste qui se trouvait sur place a indiqué que dix des quinze personnes soignées par son équipe avaient été blessées par des flashball, dont une à la tête.

    Outre des manifestants, de nombreux journalistes ont été blessés, et certains ont affirmé avoir été délibérément visés. Une vidéo montre un journaliste portant un casque de presse touché dans le dos par une grenade de désencerclement alors qu'il s'éloignait du cordon de policiers.


     "Les photographes étaient vraiment ciblés."

    Thierry Olivier, photojournaliste


     

    Un autre journaliste, qui a souhaité rester anonyme, a raconté que lui et ses collègues avaient été « visés à plusieurs reprises par des tirs de flashball de la part des forces de l’ordre ».

    Thomas Morel-Fort, journaliste également, souffre de multiples fractures à la main après avoir été touché par un tir de flashball, alors qu'il portait un casque sur les deux côtés duquel figurait clairement la mention « presse ».

    Lire aussi : Cinq décisions à prendre pour garantir le droit de manifester

    Fouilles et confiscations

    Les forces de l'ordre semblent avoir adopté une tactique délibérée consistant à installer des barrages pour fouiller toutes les personnes qui se rendaient aux manifestations, afin de confisquer les équipements de protection des manifestants, des journalistes et même du personnel médical.

    Lire aussi : Droit de manifester en France : témoignages de journalistes

    Denis Meyer, photographe, a raconté que des policiers lui avaient confisqué son casque, ses lunettes de protection et son masque, et qu'il avait par la suite été blessé par une balle de flashball tirée à faible distance.


    "Je marchais, mon œil devant le viseur de mon appareil photo, j’ai reçu un tir de flashball à une distance d'une dizaine de mètres."

    Denis Meyer, photographe


     

    Audrey, la secouriste, a indiqué qu'elle s'était fait confisquer non seulement ses propres équipements de sécurité, mais aussi ceux qu'elle avait dans son sac pour les personnes blessées : « Ils m'ont confisqué mon casque de protection blanc avec une croix rouge, mes lunettes de protection transparentes, ainsi que les autres masques et lunettes que j'avais en plus. »

    Elle ne saurait dire combien de victimes du gaz lacrymogène elle a soignées. « Le gaz lacrymogène a commencé vers 10 heures du matin et a été continu pendant quatre ou cinq heures. Des gens avaient du mal à se déplacer. Un homme a inhalé tellement de lacrymo qu’il s’est retrouvé à genoux avec des spasmes, il tremblait de partout. »

    La police a aussi pris des mesures préventives, fouillant des gens qui ne présentaient pas forcément un risque de violence imminent.

    Non seulement ces personnes se sont fait confisquer leurs équipements de protection, mais en plus le simple fait qu'elles soient en possession de tels équipements a été utilisé comme prétexte pour les arrêter.

    Le 8 décembre, près de 400 personnes qui se rendaient aux manifestations ont été arrêtées à Paris après avoir été fouillées à des barrages de police. Ces « arrestations préventives » ont été rendues possible par l'autorisation accordée aux policiers, sur réquisitions du procureur de la République, de mener des opérations de fouilles dans certaines zones.

    De nombreuses personnes trouvées en possession d'objets tels que des casques, de la peinture ou des masques ont été arrêtées pour « délit de participation à un groupement violent ».

    Beaucoup ont été libérées dès le lendemain faute de preuves suffisantes. Selon les chiffres publiés par le ministère de l'Intérieur, au total 1 082 personnes ont été arrêtées à Paris le 8 décembre, dont 100 mineurs.

    Les lycéens également dans le viseur

    Parallèlement au mouvement des « gilets jaunes », un mouvement de lycéens a débuté le lundi 3 décembre, initialement pour protester contre la réforme du baccalauréat et la procédure d'admission à l'université. Dans la semaine qui a suivi, plus de 200 lycées à travers la France ont été bloqués par des élèves.

    Mathieu Barraquier, enseignant à Garges-lès-Gonesse, dans la banlieue de Paris, a raconté avoir vu la tension monter d'un cran le 5 décembre devant le lycée Simone de Beauvoir, après qu'un arbre eut été incendié et que les policiers eurent commencé à revêtir leurs équipements anti-émeutes.

    Certains jeunes ont commencé à lancer des pierres, ainsi qu’un petit projectile enflammé en direction des forces de l'ordre, qui se trouvaient à environ 30 mètres. « Soudain, sans qu'il n'y ait eu d'éléments tangibles, j'ai entendu un tir de flashball et j'ai vu un élève s'effondrer. Je me suis approché de lui le plus rapidement possible, et quand il s'est retourné j'ai vu qu'il avait la joue ouverte, comme une grenade (le fruit). Il n’avait pas lancé de pierres, il était en train de parler tranquillement. » L'adolescent est resté deux jours à l'hôpital.

    Le 6 décembre, des affrontements ont éclaté entre la police et des élèves du lycée Saint-Exupéry de Mantes-la-Jolie, en banlieue parisienne. Au total, 163 élèves, dont les plus jeunes n'avaient que 13 ans, ont été arrêtés. Une vidéo montrant des dizaines de lycéens contraints de s'agenouiller, les mains derrière la tête ou menottées dans le dos, est devenue virale.

    Selon Mourad Battikh, avocat de plusieurs de ces jeunes, certains ont été maintenus jusqu'à quatre heures dans cette position. Le maintien des élèves dans une telle position pendant si longtemps, s'il est confirmé, s'apparente à un traitement cruel, inhumain ou dégradant, interdit en toutes circonstances par le droit international.

    Une avocate de lycéens concernés a dit que certains n'avaient pas eu à manger ni été examinés par un médecin avant d'être interrogés. Leurs interrogatoires par la police n'ont pas été enregistrés, alors que la loi française impose un enregistrement audiovisuel. En outre, des avocats n'ont pas été autorisés à assister aux interrogatoires.


    "Quand je suis arrivée au commissariat, les officiers de police judiciaire m’ont dit qu’ils avaient déjà commencé l’audition de l’un des deux mineurs. Je leur ai dit : ”Ce n’est pas possible, il est mineur”, et j’ai demandé l’interruption de l’audition. Ils m’ont dit qu’ils comprenaient mais ont continué l’audition sans ma présence."

    Leila Volle, avocate de deux adolescents de 15 ans


     

    Les autorités doivent assurer la sécurité de toute personne et veiller à ce que le droit de manifester pacifiquement soit respecté. Elles doivent prendre des mesures légales et proportionnées pour protéger la vie et l'ordre public, en évitant de recourir à une force excessive .

    Le port d'équipements de protection contre les gaz lacrymogènes, les flashball ou les grenades de désencerclement ne saurait être assimilé à une intention de commettre des violences, et les personnes arrêtées uniquement pour ce motif doivent être libérées.

    Amnesty International -le 17/12/2018
     
    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Répression. Le gouvernement s’attaque aux chômeurs plutôt qu’au chômage (LHQ-3/01/19)

    Casser le thermomètre plutôt qu’éradiquer la fièvre. En publiant un décret qui accentue les sanctions à l’encontre des demandeurs d’emploi, le gouvernement ne pose plus de limites dans sa volonté d’accroître les radiations et d’obliger à accepter des jobs précaires.

    L’année 2019 est placée sous le signe d’une répression inédite des chômeurs. Lors de ses vœux aux Français, Emmanuel Macron a une nouvelle fois visé les privés d’emploi soupçonnés d’oisiveté. « Le gouvernement dans les prochains mois devra poursuivre ce travail pour changer en profondeur les règles de l’indemnisation du chômage afin d’inciter davantage à reprendre le travail. » Un jour plus tôt, un des décrets d’application de la loi avenir professionnel publié au Journal officiel a révélé un durcissement inédit des sanctions à l’encontre des demandeurs d’emploi. Comme si les mesures ­régressives présentées en mars dernier par le ministère du Travail ne suffisaient pas, le pouvoir a décidé de monter d’un cran encore dans la criminalisation. Au début, le fait de ne pas se rendre à un rendez-vous avec son conseiller Pôle emploi devait être sanctionné de quinze jours de radiation des listes au lieu des deux mois aujourd’hui. Finalement, ce sera un mois de radiation selon le décret, deux mois au bout de deux manquements et quatre mois au troisième. Suivant la petite phrase du président de la République sur les chômeurs qui n’auraient qu’« à traverser la rue pour trouver un travail », ceux-ci sont mis sous pression pour faire baisser les statistiques.

    L’arsenal du flicage va encore être renforcé

    Ainsi, l’insuffisance de recherche d’emploi comme le refus à deux reprises de deux offres raisonnables d’emploi vont être sévèrement sanctionnés. Dans un premier temps, le gouvernement avait évoqué des sanctions graduelles : suspension de l’allocation d’un mois la première fois, de deux mois la deuxième fois et de quatre mois la troisième fois. L’allocation devait être diminuée dès la deuxième fois. D’après ce décret, l’allocation est supprimée dès le premier manquement et non « suspendue » – ce qui permettait de conserver ses droits. « Le gouvernement est dans une logique d’amalgame entre le 0,4 % de fraudes et l’ensemble des demandeurs d’emploi », déplore Denis Gravouil, en charge des questions d’emploi à la CGT.

    Selon une étude publiée par Pôle emploi, 8 % des chômeurs indemnisés contrôlés ne chercheraient pas activement un travail. « Cela représentait déjà 550 000 motifs de radiation par an en 2017 et, comme le gouvernement est monté en pression sur cette question, ce chiffre a encore augmenté, explique ­Tenessee Garcia, secrétaire général de la CGT chômeurs. Ce critère d’insuffisance de recherche d’emploi n’est absolument pas précis, cela va permettre de radier tous les chômeurs ! Nous avons le cas d’un privé d’emploi qui avait envoyé quarante CV, qui n’a jamais été reçu par Pôle emploi et qui a pourtant été radié pour ce motif… »

    La mise au travail forcé des chômeurs ne s’arrête pas là. Le décret abroge aussi « la définition du salaire antérieurement perçu qui était pris en compte pour déterminer l’offre raisonnable d’emploi ». Le demandeur d’emploi sera poussé à accepter la première offre venue, même avec une rémunération très inférieure à celle de son dernier travail, sous peine de perdre ses droits au chômage (alors que l’ancienne règle stipulait qu’elle ne pouvait être en deçà de 95 % à 85 % du précédent salaire). Pour Denis Gravouil, le modèle allemand est clairement en train d’être mis en pratique. « Comme dans le cas des mini-jobs outre-Rhin, on va se retrouver avec un grand volant de travailleurs précaires, contraints d’accepter des boulots dégradés. » L’arsenal du flicage va également être renforcé. À partir de mi-2019, l’obligation pour le demandeur d’emploi de remplir un journal de bord en ligne de sa recherche sera expérimentée dans deux ou trois régions. Quant à la brigade de conseillers dédiés au contrôle des chômeurs, elle continue sa montée en puissance, passée de 200 personnes en 2015 à 1 000 d’ici à 2020, tandis que 1 300 postes seront supprimés en 2019 à Pôle emploi… « Avant, le radié pouvait s’adresser au directeur d’agence en cas de recours, précise Tenessee Garcia. Désormais, la réclamation est déplacée auprès de cette brigade, Pôle emploi va être encore plus juge et partie. C’est scandaleux que le gouvernement préfère faire la chasse aux chômeurs plutôt qu’au chômage. »

    584 815 offres disponibles… pour plus de 6 millions d’inscrits

    Face au tollé, Aurore Bergé, porte-parole des députés La République en marche, a tenté de justifier ce ciblage persistant des demandeurs d’emploi. Il serait effectué dans une « logique de justice », défendant « un équilibre entre des droits supplémentaires », par exemple en matière de formation et « des devoirs de recherche d’emploi notamment ». Une obsession de la remise au travail des chômeurs qui s’accommode mal de la réalité : hier, sur le site de Pôle emploi, 584 815 offres étaient disponibles pour plus de 6 millions d’inscrits.

    Alors que la colère sociale s’exprime fortement dans le pays, que le bilan d’Emmanuel Macron est loin d’être flamboyant sur le front des créations d’emplois, avec un taux de chômage stagnant de 9,2 % à 9,1 %, les chômeurs n’en peuvent plus de faire figure d’ennemi public numéro 1. Cette avalanche de coups portés met Malika ­Zediri, de l’Apeis, association de privés d’emploi, hors d’elle. « C’est crapuleux ! Des études récentes ont montré que le renforcement des contrôles des chômeurs ne servait à rien. Ça me met en colère de voir que les presque 4 milliards que doit économiser l’Unédic correspondent au coût de la suppression de l’impôt sur la fortune. On prend très cher avec Emmanuel Macron. »

    Cécile Rousseau

    PÔLE EMPLOI AUX MANETTES DU CONTRÔLE

    Pôle Emploi décidera désormais seul du contrôle et des sanctions des chômeurs, comme le relèvent les Échos dans le décret publié le 30 décembre. Auparavant, l’opérateur public ne détenait que le pouvoir de suspendre l’indemnisation pour les absences aux convocations. Le contrôle de la recherche effective d’emploi et sa sanction étaient légalement du ressort de la direction régionale du ministère du Travail. Avec le boom des effectifs des équipes dédiées au contrôle de la recherche active d’emploi, Pôle emploi concentre aujourd’hui entre ses mains tous les moyens pour fliquer et réprimer les demandeurs d’emploi.

     

    source: https://www.humanite.fr/

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  •  le 27 déc. 2018

     

    Bienvenue dans cette deuxième édition de Au combat consacrée au mouvement de gilets jaunes. Je vous rappelle qu'Au Combat, est la nouvelle émission du Média qui donne la parole à ceux qui luttent, et à ceux qui sont sur le terrain de la lutte, car on entend trop souvent dans les médias les commentateurs, éditorialistes et autres experts des plateaux parisiens parler à leur place. Depuis plus d'un mois, l'insurrection des gilets jaunes est en marche... Si le mouvement est apartisan, il n'en reste pas moins politique. Dans toute la France métropolitaine et aussi dans les DOM TOM, ils ont bloqué les ronds-points, les péages, parfois au prix de leur vie. Révélant ainsi aux yeux de tous une profonde souffrance sociale. Ils sont venus à Paris, pendant 5 semaines, dans les beaux quartiers pour manifester et crier leur sentiment d'injustice. Qui sont-ils ? D'où vient leur colère ? Que demandent-ils ? Comment ont-ils vécu ces dernières semaines de révolte populaire ? Comment tiennent-ils malgré une répression inouie ? Comment s'organisent-ils et comptent-ils continuer la lutte ? Nous essaierons aujourd'hui de mettre des visages sur ceux qui portent fièrement leur gilet, avec humilité, courage et détermination. Avec moi pour en parler des femmes et des hommes qui ont posé leur journée pour venir, qui ont pris de leur temps en cette période de fête et je les en remercie. Autour de cette table, Leslie, monteuse-cableuse dans une usine, François Boulo, avocat en droit du travail à Rouen, Virginie Paillet, dessinatrice en bâtiment et Corentin Létang, étudiant en histoire géographie.

     

     
     
    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Merci, monsieur Drouet-par Jean-Luc MélenchonL’arrestation du roi et de sa famille à Varennes. Toile de Thomas Falcon Marshall, 1854

    De ce bord de côtes je regarde et j’écoute la mer. Les marées me lavent l’esprit et m’apaisent le cœur. Les brulures de l’année cicatrisent doucement. Mais cette fois-ci l’air est allègre et piquant. Comme ceux qui me lisent, je vis la fin d’année politique la plus motivante de ma longue vie d’engagements. J’ai donc le cœur plein de gratitude pour ces gilets jaunes qui mènent avec tant de bon sens, tant de sang-froid, tant de constance, le combat pour libérer notre pays des chaines de l’argent roi.  Je mesure que dire cela en une phrase de ce marbre, c’est s’exposer à l’ironie des pomponnés. Mais je ne peux pas renoncer au plaisir que ces mots me donnent en volant de mes lèvres jusqu’à ma page d’écriture. Il n’y a pas de plus grand bonheur pour qui épouse ses rêves que ce matin qui se lève avec leurs couleurs.

    La révolution citoyenne des gilets jaunes est une des meilleurs choses qui nous soit arrivée depuis si longtemps. L’histoire de France a pris un tournant qui a déjà ses répliques dans nombre de pays. Quel bonheur c’est là. Je m’amuse des ironies de l’histoire que cette séquence comporte. Il y en a tant ! La plus suave pour l’ami que je suis de l’histoire révolutionnaire c’est de voir l’action de monsieur Éric Drouet. Je ne le connais pas. Je l’écoute, je le lis et je vois en lui la même sage et totale détermination que chez madame Priscilla Ludosky. Je les vois se tenir à distance des pièges grossiers qui leur sont tendus à intervalles réguliers par les terribles adversaires qu’ils affrontent à mains nues. Leur surgissement, leur incroyable aptitude au combat sidèrent ceux qui regarde le peuple de haut, ignorant comment chaque jour de leur vie a pu être un apprentissage dans un combat qui semble d’abord les dépasser. La France est pleine de ces personnages qui marque son histoire comme autant de cailloux blancs. C’est pourquoi je regarde Éric Drouet avec tant de fascination.

    Comment est-ce possible ? Drouet ? Cet homme est déjà passé devant nous. Il porte le nom d’un personnage dont Napoléon a dit « sans vous l’histoire de France aurait été toute différente ». Car il y a déjà eu un Drouet décisif dans l’histoire révolutionnaire de la France. Drouet c’est cet homme qui a observé attentivement cette diligence bizarre sur la route de Varennes en juin 1791. Il a reconnu le passager. C’était le roi Louis XVI fuyant Paris, le peuple et la révolution. Son sang n’a fait qu’un tour ! Il alerte un copain et les voilà qui chevauchent à travers bois pour atteindre Varennes avant le fuyard. A la sortie de la bourgade, au-delà d’un pont, attendaient des troupes qui devaient accompagner le roi dans sa fuite. Drouet y arrive pendant que le roi fait halte chez le premier adjoint au maire de Varennes, l’épicier monsieur Sauce (ça ne s’invente pas). Drouet s’active. Il mobilise les gens qui étaient à l’auberge du village pour construire une barricade. Elle barre bientôt le pont et coupe la route au roi. Ce Drouet-là est un vrai modèle dans ce qu’est une révolution populaire : on n’attend pas les consignes pour agir ! Le peuple qui accouru pour ramener le roi a Paris, les soldats qui refusèrent de passer en force sur le pont, tous ont pour point de départ la situation crée par Drouet.

    Sa vie ensuite restera à l’image de ce moment. Il sera présent dans nombre des épisodes décisifs de la grande révolution de 1789. Sur le seul tableau à l’assemblée nationale montrant un épisode de cette révolution française, on le voit, lui Drouet, un pistolet à la main, menaçant le président de séance un jour où les sans culotte parisien avaient envahis l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Les sans culotte exigeaient l’arrestation des députés qui servaient la soupe à un gouvernement protecteur des riches, fermé aux demandes populaires, inerte devant l’envahisseur après avoir provoqué la guerre. Naturellement, ce revolver et toute la violence de la scène ont été peints pour déprécier le mouvement populaire et stigmatiser sa « violence ». Et ce tableau n’est d’ailleurs exposé que pour cela encore aujourd’hui. Pourtant, pour ma part chaque fois qu’un groupe de visiteurs passe par là et que je m’y trouve, je lui commente le tableau. Et je lui parle de ce Drouet comme d’un modèle de citoyen qui sait aller à l’action révolutionnaire sans tortiller, pour faire vivre la République. « Ce n’est pas légal » hurlaient les réactionnaires de l’époque. « Et alors ? » demande Robespierre. La chute de la Bastille non plus, réplique-t-il, la proclamation de la fin de la royauté pas davantage ! « Vous vouliez une révolution sans révolution » interroge Robespierre ?

    De nos jours nous pourrions argumenter à l’inverse : « l’esclavage c’était légal, le droit de vote réservé aux hommes c’était légal, la monarchie présidentielle c’est légal, les privilèges fiscaux c’est légal, la suppression de l’ISF c’est légal, l’usage du glyphosate c’est légal ». S’est-on jamais débarrassé de la cruauté d’un ordre légal autrement que par la lutte ? Et les puissants ont-ils jamais fait autre chose que de dénoncer la violence de ceux qui leur résistaient ?

    J’en finis avec mon clin d’œil historique. Le Drouet de Varennes est resté un révolutionnaire républicain jusqu’à son dernier souffle, dans une vie pleine de rebondissements. La religion républicaine, la passion pour le programme que contient sa devise « liberté, égalité, fraternité », disent un message universel. La langue républicaine des Français fracasse les bastilles des puissants. Elle comble les gouffres du temps avec des ponts de mots brulants et d’espérance invaincue.

    Monsieur Drouet, on vous retrouve avec plaisir. Puisse cette année être la vôtre, et celle du peuple redevenu souverain. Puisse-t-elle être celle de la fin de la monarchie présidentielle, et du début de la nouvelle république. Sur le seuil de ce début d’année prometteur, pour saluer tous les gilets jaunes et l’histoire dont ils sont les dignes héritiers je vous dis « merci, monsieur Drouet ».

    Jean-Luc Mélenchon

    source: https://melenchon.fr/2018/12/31/merci-monsieur-drouet/

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire
  • Franck Lepage, cofondateur de la coopérative d’éducation populaire Le Pavé et de l’association L’Ardeur, ancien directeur du développement culturel à la Fédération française des maisons des jeunes et de la culture, développe et propage depuis des années le modèle de la conférence gesticulée, dont il est à l’origine. Nous avons souhaité nous entretenir avec lui autour de l’éducation populaire et de la multiplication des conférences gesticulées, ainsi que de l’insurrection des Gilets jaunes, en passant par le pouvoir macronien.

    Le Comptoir : Je n’ai pas fait le cumul de toutes les vues Youtube, mais les conférences gesticulées ont clairement rencontré leur public. On y puise du savoir, on s’y réfère entre militants, comme on pourrait se référer à un livre de sciences sociales. Alors, heureux ?

    Franck Lepage : Plus qu’heureux. On a donné naissance à un mouvement sans le vouloir, un mouvement qui est difficile à nommer. Une sorte de mouvement politique non-identifiable à une famille politique particulière, mais marqué à l’extrême-gauche. Il ne s’agit pas d’un mouvement culturel : on ne parle pas de gens qui souhaitent devenir interminables du spectacle. En fait, c’est tout simplement un mouvement d’éducation populaire. Un mouvement non structuré, assez curieusement, à l’image des Gilets jaunes, qui s’entretient lui-même. Peut-être verra-t-on un jour une fédération mettre ses mains là-dessus… À ce jour, on compte 350 conférences gesticulées. Une grande partie d’entre elles sont toujours jouées, mais une conférence gesticulée n’est pas supposée vivre plus de quelques années, cinq ou six en moyenne, puisqu’il s’agit, en gros, d’une personne qui, à un moment donné, éprouve le besoin de fabriquer un objet politique et d’aller le porter là où ça doit être porté.

    un-conferencier-marathonien-aussi-pertinent-que-drole

    Ce qui fait mouvement – et c’est quelque chose qu’on n’avait absolument pas anticipé ni organisé –, c’est Youtube. Quand on a démarré avec Le Pavé (coopérative d’éducation populaire créée en 2007), lorsqu’on a commencé à faire des petites formations, ça faisait tout simplement partie de notre panoplie, de notre “catalogue” d’actions et de formations. Il se trouve qu’au milieu de tout ça, il y avait les conférences gesticulées. Puis, progressivement, j’ai commencé à voir mon public se rajeunir : alors que je m’adressais au départ à des post-soixanthuitards barbus, j’ai vu de plus en plus de trentenaires… Lorsqu’ils me parlaient, j’étais toujours dans un quarté : Chouard / Lordon / Friot / Lepage. C’est quelque chose d’assez établi, maintenant, j’attends toujours le cinquième…

    Alain Soral ? Vas-y, raccroche moi au nez ! [NDLR : l’entretien se déroule par téléphone]

    Certainement pas Soral, mais si tu cites ce personnage, ce n’est pas anodin. Soral draine des jeunes qui cherchent à s’instruire politiquement, mais c’est un travail de propagande et d’endoctrinement, qui est le contraire d’une éducation politique émancipatrice : il fait un travail “d’éducation politique” d’extrême droite qui pourrait ressembler à de l’éducation populaire dans la mesure où il désigne des adversaires (ce qui est le propre du politique) et prétend dévoiler les mécanismes d’un système, tout comme nous le faisons lorsque nous tentons d’identifier des dominations (sexe, classe, race). À ceci près qu’il fait exactement le contraire et que son analyse n’est précisément pas matérialiste (le régime de propriété capitaliste) mais complotiste : « les banquiers juifs à New-York ». Au lieu de combattre les dominations, il les justifie et les renforce : c’est peu dire par exemple que Soral ne s’attaque pas au patriarcat, et qu’en tant que masculiniste et misogyne halluciné, il rajoute de l’oppression à la classe des femmes déjà massivement opprimée. De même qu’il ne s’attaque pas au racisme mais l’entretient : un comble ! En drainant des légions d’identitaires qui vomissent les populations racisées, donc pauvres, il renforce aussi des dominations de classes. Son mouvement est sexiste, classiste et raciste, et je ne parle pas de son antisémitisme : c’est à cause de gens comme lui que le combat politique de gauche qu’a toujours été l’antisionisme, aux côtés de la gauche israélienne elle-même, est rendu délicat et suspect d’antisémitisme. Donc, non, pas Soral, qui, comme tout bon militant d’extrême droite, pille et détourne les analyses de gauche pour les emmener à droite, d’où l’oxymore de son slogan : « La gauche du travail, la droite des valeurs ».

    Enfin, l’éducation populaire ne consiste pas à proposer à des gens des analyses politiques toutes faites sur le mode de la dénonciation, mais à construire une pensée politique à partir des gens eux-mêmes et de leur expérience concrète de la domination à leur échelle et dans leur secteur. C’est le principe de la conférence gesticulée : fabriquer de l’analyse politique à partir de nos colères, et non pas gober des prêts à penser hystériques.

    En tout cas, le modèle des conférences gesticulées a fait des petits, et semble continuer d’en faire. Au niveau politique, il s’agit clairement d’un ovni : enfin, les gens ordinaires disposent d’un outil concret pour parler d’eux-mêmes avec leurs propres mots et sans en passer par une médiation, qu’elle soit universitaire ou comme tu l’as signifié, culturelle.

    Ce qui fait une des spécificités de ce mouvement, c’est que c’est un non-mouvement : tu ne peux pas mettre la main dessus. C’est une forme que chacun peut s’approprier, pour le meilleur ou pour le pire : on s’attend à voir un jour ou l’autre débouler des conférences gesticulées qu’on a aucune envie de défendre. Peut-être même de droite, mais j’y crois peu : dans conférence gesticulée, il y a “gesticulée” et ça fait tellement con, il y a un côté tellement guignol qu’ils n’auront pas envie de s’en saisir, l’insolence que ça revêt les en empêchera. Tout le monde peut s’emparer de la forme “conférence gesticulée” donc, et c’est aussi ça qui explique son succès croissant. Même si on va se calmer, 350 conférences, c’est pas non plus si incroyable…

    Tu oublies le nombre de vues cumulées sur Youtube, comme tu disais…

    C’est vrai que ça commence à être conséquent. C’est une forme qui est contagieuse.

    Voilà, pour la petite histoire. À l’époque, un directeur d’un théâtre parisien qui s’appelait Le grand parquet voulait absolument me faire venir dans son théâtre. Moi, j’en ai rien à faire de jouer dans les théâtres, ce n’est pas du tout ce qu’on fait : on va dans les réunions militantes, les centres sociaux… Je finis par lui dire « Bon, d’accord, je vais raconter ça dans ton théâtre mais c’est idiot, c’est pas là que ça doit être fait. » Je présente donc Incultures I. Il est totalement emballé. Je lui dis alors qu’il y a Incultures II mais qu’elle n’est pas vraiment au point, que j’ai à peine commencé… Et lui me dit « Ah, mais je peux te trouver du fric pour l’écrire. » Je lui dis oui sans trop y croire, puis il finit par me rappeler pour me dire qu’il m’a trouvé une résidence d’écrivain en Ile-de-France, et là je me dis « Bon ok, ça commence, c’est la culture avec un grand Q, je la connais par cœur, je sais comment ça marche… » Je me retrouve donc avec 20 000 € – je te donne le chiffre de tête – pour écrire un truc que j’ai déjà dans la tête, il ne reste plus qu’à lui donner une forme mais l’essentiel est là. À ce moment-là, avec Le Pavé, on s’est dit qu’on devrait voir si d’autres gens ne seraient pas intéressés par ça, par l’idée de faire leurs propres conférences gesticulées. On utiliserait cet argent pour les accompagner. Mais là, il faut que je revienne un peu en arrière, lors de la création du Pavé.

    maxresdefault

    Capture d’écran de la conférence gesticulée Une autre histoire des classes sociales par Anthony Pouliquen

    Au moment de la création du Pavé en 2007, l’une des membres, Alexia Morvan, signale le risque de trop grande séduction de ma forme de spectacle au regard des formations militantes exigeantes que nous proposions, et propose ceci : soit j’arrête, soit tout le monde en fait une, fidèles au principe de non-spécialisation des tâches du Pavé. Et c’est ainsi que tout le monde a produit sa propre conférence gesticulée : Tony Brault sur le pétrole, Alexia et Anaïg Mesnil sur le management, Gaël Tanguy sur le syndicalisme, Manuel Monfreux sur la famille, Joackim Rebecca sur les classes sociales, etc. Ça commence doucement. On fait donc tous ça sans trop y croire. On se dit que c’est une façon marrante de nommer un problème, et qu’au pire, ça attirera du monde à nos formations d’éducation politique.

    Je dis donc à ce directeur de théâtre que l’on va ouvrir un cahier. On va demander aux gens si ça les intéresse d’essayer d’en faire une. On se retrouve avec cinquante noms et adresses. C’est là qu’on comprend que les gens ne sont pas du tout arrêtés par la dimension scénique, qu’ils ne raisonnent pas en se disant « Non mais moi je n’ai pas fait de théâtre, je ne me vois pas montrer sur scène… » Ils voient juste quelqu’un parler un langage ordinaire en disant ce qu’il ou elle a vécu, et ils se disent qu’ils peuvent tout à fait faire la même chose. C’est précisément pour ça qu’on les empêche en formation de faire un truc trop lisse, trop théâtral justement. D’ailleurs, certaines conférences étaient géniales en tant que conférences gesticulées, et lorsque leurs titulaires ont tenu absolument à théâtraliser l’ensemble, ça a perdu énormément de sa force politique…

    Entre ceux qui restent, ceux qui partent, il y aura finalement 23 conférences à la fin de l’année 2011. Avec les sous, on va payer une clown, un théâtreux, une intervenante de théâtre-forum, et on va dire aux gens qu’ils peuvent travailler avec qui ils veulent, au choix. Et malgré la limite de temps, on aboutit à 23 conférences réussies. Là où un spectacle de théâtre “conventionnel” nécessite deux mois de répétitions, on réussit en quelques jours à monter 23 conférences.

    Un des conférenciers, François Candebat, qui a été des années conseiller en mission locale vient me voir un jour et me dit « Soit je fais une conférence gesticulée, soit je fais un cancer » : il a conscience d’être dans une contradiction insoluble entre ce qu’il est et ce qu’il souhaite, dans ce qu’il fait au quotidien dans son travail avec les jeunes en mission locale. On va alors faire plusieurs séances, pour qu’il puisse nous raconter ce qu’il veut dire, comment le raconter sur scène. Puis, finalement, la veille du jour où il est programmé, il finit par me dire qu’il n’y arrivera pas, qu’il préfère laisser tomber. Je lui dis que c’est con et je lui demande s’il a au moins fait le début, comme prévu, il me répond oui et là, je suis cloué dans mon fauteuil pendant la durée de sa conférence. Je lui dis « Garde tout, on te met deux chaises, une table, et c’est parti, ta conférence est géniale. » Il joue donc le lendemain, et la salle entière finit en larmes. Les gens ont conscience d’assister à un moment de vérité, en fait. On s’en fout de savoir s’il joue bien ou s’il joue mal : il ne joue pas, d’ailleurs. En racontant l’horreur de ce qu’il fait dans cette mission locale, il restitue un instant de sincérité.

    On a donc 23 conférenciers différents, et devant le succès de cette forme, on se décide à monter des formations. On continue. Ça se passe sur une quinzaine de jours, avec un groupe de huit à dix personnes et tout le monde élabore la conférence des autres en élaborant la sienne. En fait, beaucoup de gens qui regardent ça sur Youtube se disent la même chose, qu’il faut qu’ils fassent la leur, parce qu’eux aussi ont quelque chose à dire. Le truc, c’est qu’il ne suffit pas de monter sur scène et de dire « salauds de patrons », il faut un minimum l’élaborer, lui donner une forme, et c’est là où on est sur le fil du rasoir entre le simple récit autobiographique – si ce n’est que ça, ça ne marchera pas – et uniquement de la théorie – au risque de s’ennuyer, C’est précisément en ça que la formation est importante : elle permet d’incarner avec sa propre vie des éléments théoriques sans basculer ni d’un côté ni de l’autre.

    Les conférences rencontrent leur public aussi parce que jamais le besoin d’éducation populaire n’a semblé si important… L’idée n’étant pas de dire que les gens sont moins politisés qu’ils ne l’étaient avant, mais d’affirmer que tout ce qui fut conquis par les luttes sociales des XIXe et XXe siècles est en train d’être défait par les quinquennats successifs.

    Rose-du-Parti-socialiste

    Les gens comprennent qu’on leur arrache des choses. C’est l’histoire de la grenouille dans l’eau bouillante. Lorsque les socialistes – puisque ce sont bien les socialistes qui ont commencé – ont démarré leur train de “réformes”, ils ont commencé à gratter un peu partout, mais comme on sortait de trente ans de conquêtes de droits – qu’on ne faisait que conquérir – jusqu’en 1981 ça passait.

    Quand on démarre une formation avec le groupe, on joue toujours au jeu de la petite et de la grande histoire. Tu prends une feuille de papier, tu mets ton année de naissance et tu déroules toutes les années jusqu’à aujourd’hui. Tu fais trois colonnes : l’une avec un événement de ton histoire personnelle et familiale, l’autre avec un événement de la grande histoire et la dernière est consacrée au sujet que tu es venu traiter.

    De là, tu vois clairement ce qu’on a gagné successivement : 1974, droit à la pilule, puis cinquième semaine de congés payés, puis droit à l’avortement, etc. Puis, d’un coup, ça crève les yeux, tout ce que les gens expriment, c’est : « Là, on a perdu ceci, là, on a perdu ça… » Les gens souffrent tellement, on a tellement tout démoli, jusqu’aux métiers eux-mêmes : les infirmières avec leurs “démarches qualité” dans les hôpitaux, pour ne citer qu’un exemple, qu’on en arrive finalement aux Gilets jaunes, en fait.

    « On a aucun exemple de droits sociaux conquis sans violence. »

    Impossible de ne pas les évoquer… Ce qui semblait être à l’origine une jacquerie poujadiste s’est transformée, mute encore au moment où l’on parle, et bien malin qui pourra dire de quoi le mouvement accouchera. Quel est ton regard là-dessus ?

    Ils ont du mal à formaliser un programme de revendication… Encore que. Les médias ne comprennent rien au mouvement : il y a tellement de revendications différentes qu’ils ne savent pas quoi en dire. Ce qui me frappe, par contre, c’est la cohérence extrêmement claire quant au refus des politiques néolibérales mises en place depuis les années 1980 et depuis la trahison du référendum de 2005.

    C’est un mouvement génial. Le problème, selon moi, c’est que pour le moment, ça ne peut qu’aller vers de la répression, puisqu’il n’y a de fait pas d’organisation en termes de négociation. La seule chose qui oblige le patronat à reculer, ce n’est pas la violence, c’est l’arrêt de la production. La grève générale. En 1968, ils ont lâché grâce à la grève générale : on a obtenu 30 % d’augmentation du SMIC, 10 % d’augmentation de la totalité des salaires en France, augmentation des allocations familiales, le droit de se syndicaliser dans les entreprises… Tout ça parce que la production a été arrêtée. Dans ces cas-là, le patronat cesse de rigoler et lâche tout. Tout en imaginant qu’ils récupéreront tout ça derrière, mais sur le moment, ils ne veulent qu’une chose : lâcher, et que la production reparte.

    Là, on manque de ça, de la grève. Ils ont désamorcé instantanément la grève des routiers en leur donnant tout de suite ce qu’ils exigeaient parce que les routiers ont le pouvoir de paralyser le pays et de bloquer la production. Le mouvement des Gilets jaunes est donc un mouvement où le pouvoir politique a toutes les cartes en main pour réprimer de façon extrêmement violente. Je ne suis pas très optimiste dans la mesure où je ne vois pas de sortie de crise autre qu’une généralisation de la violence…

    « La violence n’est pas une pathologie, c’est un facteur de l’Histoire. »

    Puisqu’on évoque la violence, qu’est-ce que tu penses de ce que les pouvoirs politique et médiatique appellent communément les casseurs ? Ou même des membres des Black Blocs et de tout ce qui gravite autour ? Ils sont utiles dans le rapport de forces ou ils desservent le mouvement ?

    Déjà, personne ne sait clairement qui ils sont, “les casseurs”. Ensuite, il y a quelque chose d’intéressant, c’est que les casseurs, les Black Blocs, les deux ensemble, maintiennent la pression sur le gouvernement. S’il n’y avait que des Gilets jaunes sur des rond-points, le pouvoir les laisserait se peler le cul indéfiniment… Seulement, on a ces gens qui sont nombreux, qui se baladent sur les Champs, sans banderole, dispersés, et tout à coup surgissent des éléments de guérilla urbaine. C’est un mouvement qui contraint considérablement le pouvoir. La violence sert le mouvement, à mon avis. J’ai lu un petit bouquin vraiment bien il n’y a pas longtemps, Comment la non-violence protège l’État, qui traite de ça.

    16508236

    On avait ce débat à l’époque où on faisait les formations avecLe Pavé : « La violence est-elle nécessaire pour faire avancer les droits sociaux ? » Vous êtes d’accord, vous vous mettez à gauche, vous êtes pas d’accord, vous vous mettez à droite. Ce débat nous menait toujours à la même conclusion : on a aucun exemple de droits sociaux conquis sans violence. Le patronat ne s’est jamais levé un matin en se disant « Tiens, je vais leur filer une nouvelle semaine de congés payés ». D’autant que si on parle de violence révolutionnaire, il faut aussi parler de la violence policière, de la violence d’État… La violence n’est pas une pathologie, c’est un facteur de l’Histoire.

    La gauche que j’appelle la “gôgôche” passe son temps à condamner la violence, mais ce qui fait tenir ce mouvement, c’est que ça pète de partout. D’autant que je le répète, il y a plusieurs formes de violence. Les soixante personnes interpellées lors de la première manif qu’on nous a présentées comme étant tantôt d’ultra-droite, tantôt d’ultra-gauche n’étaient ni de l’un ni de l’autre. On peut même trouver leur profil sociologique sur Médiapart : ce sont des ouvriers, des métallos, des menuisiers, comme lors de la Commune de Paris. On a donc les membres des Black Blocs d’un côté et ces gens-là de l’autre, les gens ordinaires. Et puis on a aussi les loulous des banlieues qui vont se servir dans la boutique Apple. Et alors ? On est dans une société qui étale partout ses objets de consommation, et je ne suis pas surpris par le fait que ces gens qui n’ont pas un rond aillent se servir.

    Vous n’êtes pas nombreux à le dire, ça. Certains vont même jusqu’à imaginer que les Black Blocs seraient pilotés en sous-main par l’État, de manière à instaurer une stratégie de la tension permanente. La majorité des figures politiques rejette la violence, finalement…

    Il faut être extrêmement précis avec ça, parce que c’est clairement un tabou à gauche. La gauche est non-violente. Je suis d’accord pour dire que la violence, c’est mal. Mais c’est un peu court. Moi non plus je n’aime pas particulièrement prendre des gnons dans la tronche. Seulement, la violence sociale est énorme : des gens se suicident, merde ! On ne parle jamais des milliers de morts du travail. C’est l’épisode des deux gars à qui on a déchiré la chemise, qui venaient de foutre des centaines de personnes au chômage, et dont on a retenu que les chemises déchirées, avec les journalistes qui essayaient de faire dire à leurs invités « Mais condamnez-vous cette violence ? »

    « Il y a trois sortes de violence. La première, mère de toutes les autres, est la violence institutionnelle, celle qui légalise et perpétue les dominations, les oppressions et les exploitations, celle qui écrase et lamine des millions d’hommes dans ses rouages silencieux et bien huilés. La seconde est la violence révolutionnaire, qui naît de la volonté d’abolir la première. La troisième est la violence répressive, qui a pour objet d’étouffer la seconde en se faisant l’auxiliaire et la complice de la première violence, celle qui engendre toutes les autres.

    Il n’y a pas de pire hypocrisie de n’appeler violence que la seconde, en feignant d’oublier la première, qui la fait naître, et la troisième qui la tue. »

    Dom Helder Camara

    Macron, derrière ses airs de gendre idéal, n’hésite pas à aller à l’affrontement. Mains arrachées par les grenades, tirs de LBD 40 en tirs tendus, pas loin de 1500 gardes-à-vue… Ça a été chassé par l’actualité, mais l’affaire Benalla a fait émerger la volonté du président de se munir d’une milice politique, et le nombre de condamnations consécutives aux manifestations des Gilets jaunes est colossal…

    Macron est quelqu’un de très dangereux. Le fait qu’il ait défilé le jour de son élection dans un véhicule militaire en dit long. Il n’est pas descendu en DS, il est descendu en véhicule militaire avec des généraux à ses côtés… Le petit numéro qu’il a joué à Verdun, cette espèce de réhabilitation de Pétain, tout ça, c’est pour se mettre l’armée dans la poche. Je pense que ce mec est très dangereux et qu’il est d’autant plus dangereux qu’il est bête. Il sort de ces espèces de fabriques à crétins que sont les grandes écoles, ce qui explique entre autres pourquoi son analyse de la société est tellement idiote. La phrase que je préfère, venant de lui, c’est « On dépense un pognon de dingue et il y a toujours autant de pauvres » : ça mérite à minima le Nobel d’économie, une phrase pareille. Il a été ministre de l’économie, quand même… « On dépense un pognon de dingue et il y a toujours autant de pauvres ». Il faudrait que quelqu’un lui explique comment tout ça fonctionne, à un moment.

    Tu parles de Macron, mais tu parlais aussi spécifiquement des grandes écoles. Or, on se rend compte qu’en ce moment, les auto-proclamées élites ne pigent rien à ce qui se passe.

    Ils ne comprennent pas que les gens disent clairement qu’ils en ont ras-le-bol. Je pense que le mépris de classe, voire même la haine de classe qu’ont représenté Macron et sa clique, la façon dont ils ont imposé la loi Travail de force, après tant et tant de mobilisations, ont fini par être perçu par tout le monde. Et là, l’augmentation du prix de l’essence a servi de catalyseur à toutes les colères et finalement, de détonateur. Ceux que j’ai vus sur les rond-points lorsque j’y suis allé expriment très bien une forme de ras-le-bol définitif. Ce qu’ils disent, c’est que le pouvoir politique, cette fois, a dépassé une sorte de point de non-retour. « Stop. Trop tard. Vous nous avez pris pour des cons, trop loin et trop longtemps ». En ce sens, l’allocution de Macron a été vraiment pathétique, pitoyable. Quel numéro de théâtre…

    Est-ce que tu penses qu’il se rend compte de quoi que ce soit ? Il est totalement en roue libre. On n’a jamais été aussi méprisés collectivement : « Bossez pour vous payer un costard »« Les gens qui ne sont rien »

    Je ne sais pas, je sais juste qu’il est totalement formaté. Il est aussi con qu’un con de droite. Lorsqu’il dit « Je vais augmenter le Smic sans que ça ne nuise aux entreprises », il ne semble pas comprendre qu’une entreprise, ce sont les travailleurs. Il ne sait pas ce que c’est, une entreprise. Il imagine qu’une entreprise, c’est le patron, le propriétaire de l’entreprise. Les travailleurs, ce sont des ressources humaines, comme les machines, pour lui. Lorsqu’il dit qu’il ne veut pas nuire aux entreprises, il dit en fait qu’il ne veut pas nuire aux propriétaires des entreprises.

    Ce qu’il faut aussi comprendre, c’est que la France est un pays extrêmement répressif, probablement l’un des pays “développés” les plus répressifs. Un sociologue expliquait que ce n’est pas un hasard si on est la première productivité mondiale par travailleur, c’est bien parce que la France est un pays tout sauf cool, où la pression est énorme et constante. Il suffit de regarder ce qui se passe dans les entreprises pour le comprendre. C’est ce qu’on entend sans cesse avec les copains des formations. J’ai une amie qui est médecin à l’hôpital de Paimpol – un médecin c’est pas un prolo, quand même – et elle pète les plombs. Ce qu’elle raconte de ses conditions de travail, c’est de la folie furieuse. Et ça, tu le retrouves partout, que l’on parle de ceux qui font de la recherche ou des profs…

    « Macron est très dangereux et d’autant plus dangereux qu’il est bête. Il sort de ces espèces de fabriques à crétins que sont les grandes écoles, ce qui explique entre autres pourquoi son analyse de la société est tellement idiote. »

    Tu parles d’augmentation du Smic. Chez nous aussi, plusieurs choses ne sont pas claires. On voit encore et toujours des gens se réjouir de la baisse des cotisations sociales…

    Il y a un travail d’éducation populaire considérable à faire. On a fait une conférence sur le sujet, avec Gaël [Tanguy]. Trop de gens ignorent encore ce qu’est vraiment la fiche de paye, comment fonctionne la Sécurité sociale, voire, ce qu’elle est en soi. Ils imaginent que la Sécu, c’est l’État. La Sécu, c’est une association, c’est privé, c’est du droit privé, ce n’est pas l’État.

    Il y a aussi un travail à faire sur les mots : ils parlent des cotisations comme de “charges”, par exemple. Ils parlent sans cesse de compétitivité… C’est un discours qui finit par rester dans les têtes… On peut aussi parler de la “dette”, qui n’est pas une “dette”. Les gens se disent que s’il y a une “dette”, alors, il faut bien la rembourser. Mais qui explique la dette ? Est-ce qu’on a accès à ce savoir, si on ne le cherche pas spontanément ?

    On retrouve donc ça logiquement avec la fiche de paye. La fiche de paye, c’est le pognon qu’on me donne, et alors apparemment, les pauvres patrons doivent aussi payer des charges là-dessus, ce qui va engraisser l’État… Le travail d’éducation politique à faire sur ce sujet est considérable, je le répète. Et je pense que le mouvement des Gilets jaunes porte un peu ça : c’est une espèce d’intuition qui se nomme mal, qui s’analyse mal, du fait que ça va vraiment mal. Ce qui donne un mouvement de masse qui ne sait pas très bien encore où il va.

    Ce que nous dit aussi le mouvement, c’est que les gens se rencontrent sur les rond-points, échangent, que les cloisons explosent… Tout ça médiatisé par le gilet jaune, qui est une sorte de référent commun. On entend parler de lutte des classes, de bourgeoisie…

    Il fait toute la différence, ce gilet. Il ne serait pas là, il n’y aurait que des gens habillés normalement sur un rond-point, ce serait totalement différent. Ils nous ont obligé, tous, à l’avoir, ce gilet jaune fluo. C’est formidable, ce retournement. C’est devenu un symbole maintenant, au même titre que le bonnet phrygien, c’est devenu un drapeau de la lutte des classes. Toutes les révoltes ont eu besoin de ça : les partisans de Necker, au début de la révolution française arboraient une feuille d’arbre pour se reconnaître. C’est le symbole d’une conscience de classe qui est en train de renaître. Quand je croise d’autres personnes qui comme moi, ont le gilet jaune sur le pare-brise, il y a une complicité chaleureuse qui s’installe. On se reconnaît entre nous.

    « La révolution, ce serait que spontanément, les gens réclament une augmentation des cotisations sociales. La victoire, c’est de faire augmenter le brut. Faire augmenter les salaires en entier. »

    On constate aussi depuis début novembre qu’on mène enfin une lutte “offensive”. On évoque des augmentations de salaires, par exemple. Ou encore le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Toutes ces dernières années, on ne menait que des luttes défensives : réforme des retraites, statut des cheminots…

    C’est là où le mouvement se structure quelque peu. Le pouvoir n’a vraiment pas bien joué, ce coup-là. S’ils avaient lâché directement, sans discuter, le mouvement se serait essoufflé. Le sentiment d’humiliation – une de plus – lié au refus du pouvoir d’entendre ce que les Gilets jaunes avaient à dire a participé à durcir le mouvement. Cette annonce d’augmentation du SMIC de 100 € : les gens ont compris directement qu’on les prenait pour des lapins de trois semaines : ils devancent simplement trois augmentations prévues de longue date…

    La révolution, ce serait que spontanément, les gens réclament une augmentation des cotisations sociales. La victoire, c’est de faire augmenter le brut. Faire augmenter les salaires en entier. Depuis trente ans, un matraquage idéologique énorme est fait dans le sens de « N’augmentons pas les cotisations sociales ». C’est là que le travail de Bernard Friot est intéressant. Si tu prends toutes ces cotisations une par une – maladie, chômage, retraite, etc. –, elles ne font que monter, et c’est une victoire des luttes sociales. L’assurance maladie est montée jusqu’à 12 ou 14 % alors qu’elle est partie de 1 ou 2 %, par exemple. Donc, ce qu’on doit réussir à faire, c’est réclamer l’augmentation des cotisations sociales. Encore une fois, ce sont les socialistes qui vont casser ça, avec Rocard, Beregovoy, Fabius, et Seguin, dans les années 1990, ils vont enrayer ce mouvement d’augmentation des cotisations. Le problème, c’est qu’aujourd’hui, revendiquer l’augmentation des cotisations, c’est devenu totalement inaudible. Ce serait comme dire aux gens : « L’avenir c’est le communisme ».

    Pcf

    Le matraquage idéologique a porté ses fruits. Regarde comme le management par la compétence a détruit les métiers. Une conférence gesticulée explique justement la privatisation de la formation continue. Ils sont en train de détruire le CIF (Congé individuel de formation) qui offrait la possibilité de suivre une formation pendant plusieurs mois, et donc d’apprendre un vrai métier : dorénavant, ce sera un système de points qui fonctionnera au forfait. Un an de travail donne “une enveloppe” de 500 € pour acheter de la formation. Le tout grâce à une application sur le smartphone. L’idée c’est d’acheter des petits bouts de compétences. Ils ont fait un appel d’offres auprès de toutes les boites qui veulent vendre des petits bouts de compétences… Ils détruisent même les métiers. Ce qu’il y a, c’est que les gens finissent par le ressentir. Et par ne plus lâcher.

    On a fait onze manifs pour les retraites, qui n’ont servi à rien. J’en ai fait une ou deux, on marchait derrière les banderoles, la manif classique, quoi. Là, ça ne ressemble à rien. Il y a des gens partout, des types qui remontent les Champs, qui les redescendent… Cette forme chaotique est incompréhensible pour le pouvoir.

    « Le gilet jaune est devenu un symbole, au même titre que le bonnet phrygien, c’est devenu un drapeau de la lutte des classes. »

    Il y aussi un côté très désespéré. On a vu énormément de témoignages de gens qui disaient : « C’est Noël, je ne peux pas acheter un cadeau à mon gosse, cette fois, faut que ça pète ». Est-ce que le mouvement ne tient pas aussi et surtout parce qu’on est tous en train de crever ?

    Oui, mais on est en train de crever dans une société qui affiche de la richesse. C’est-à-dire que l’insolence des riches, la manière avec laquelle ils se gavent, c’est devenu trop pour les gens. On a eu une succession de scandales ces dernières années absolument incroyable. La dernière en date : Carlos Ghosn qui a dissimulé plusieurs dizaines de millions d’euros au Fisc. C’est pas mal comme salaire, quand même. Ou Cahuzac, tiens. Le mec était en charge de la fraude fiscale. C’est énorme… Et le problème avec tout ça, c’est que si t’as pas le niveau Marx +12, une alternative peut te sembler être le Front national.

    D’autant que les idées d’extrême-droite tendent à l’hégémonie culturelle : on a assisté de nouveau à la parade nuptiale de Zemmour pendant plusieurs mois, s’en est suivie une quasi réhabilitation de Pétain, en France ; tous les pays d’Europe semblent se replier sur eux-mêmes pour soi-disant faire front au mondialisme, et l’alt-right américaine a le vent en poupe. C’est assez inquiétant d’imaginer que les idées de l’extrême droite pourraient infuser le mouvement, non ?

    Bien sûr. L’une des pires hypothèses de ce sur quoi pourrait déboucher le mouvement, c’est un régime d’extrême droite. C’est en train de surgir partout, il n’y a pas de raison pour qu’on y échappe.

    Tel que je vois tout ça, il y a trois possibilités. La possibilité de sortie par les urnes qui mettrait Mélenchon très en avant ? Je n’y crois pas. Ils ne laisseront jamais faire, ils ont eu trop chaud aux fesses pendant la présidentielle. Mélenchon était à 19,5 % ; Le Pen est passée avec 21 %. François Hollande, président de la République sortant, est sorti de son devoir de réserve pour appeler à ne pas voter Mélenchon : on n’avait jamais vu ça auparavant. Il n’a pas appelé à ne pas voter Marine Le Pen, il a appelé à ne pas voter pour Mélenchon. Il leur fait peur, et quand je dis “il”, je parle de ce que représentait le mouvement de la France insoumise, bien sûr. La possibilité de sortie par les urnes, donc. Macron dissout l’Assemblée, on refait des élections et on voit arriver au pouvoir Ruffin et toute la bande. Je pense que c’est illusoire, c’est le seul programme vraiment anti-capitaliste et ils ne laisseront jamais faire ça.

    L’autre possibilité, c’est une généralisation de la répression, ce qui ouvre la porte à la possibilité d’une guerre civile. Il suffirait que les populations exploitées et massivement racisées des banlieues s’y mettent, et là, ils ne pourraient absolument plus rien contrôler. En 2005, on a décrété le couvre-feu, ce qui n’avait pas été fait depuis la guerre d’Algérie, pour donner une idée de l’échelle… Les médias ont raconté à ce moment-là qu’ils avaient brûlé des médiathèques, des écoles, et se sont soigneusement gardé de dire qu’ils avaient brûlé une trentaine d’agences bancaires. Ils ont bel et bien fait cramer des banques. Ils ont mis un temps hallucinant à éteindre cette révolte et surtout, à la cantonner dans les banlieues. Le risque de les voir débouler sur les Champs-Élysées, le pouvoir le connaît et craint ça. C’est là que la gauche a un rôle à jouer. Soit elle condamne la violence, les casseurs, soit elle pousse les classes moyennes à faire alliance.

    La dernière hypothèse, c’est donc l’extrême droite. Macron dégage et les 30 % d’électorat frontiste portent Le Pen au pouvoir. D’autant que le patronat n’a pas peur de l’extrême droite : il sait très bien composer avec. Annie Lacroix-Riz a bien démontré comment le patronat français avait, dès 1932, négocié avec Hitler en douce.

    L’issue est totalement incertaine. Dès le début du mouvement, j’ai vu tous mes amis de gauche se méfier, dénoncer la présence de l’extrême droite, et j’ai fait un post Facebook à ce propos, en disant de faire attention, qu’on était en train d’assister à la naissance d’un mouvement social et qu’il ne s’agissait pas de commencer à se pincer le nez en regrettant la présence d’adversaires politiques. Je me suis fait allumer par les antifas, qui sont vigilants puisque c’est leur raison d’être, mais personnellement, le mec ou la nana qui gagne 1100 € par mois, qui n’en peut plus, et qui vote FN, je ne lui en veux pas. Le PCF est mort, la CGT ne fait plus le boulot, le travail d’éducation politique n’est plus fait, alors lorsqu’un discours simple désigne un adversaire et que ça te permet d’imaginer que c’est ça qui entretient ta situation, forcément, il rencontre un public. Je refuse de les faire passer pour des racistes. J’avais un prof d’anthropologie qui disait quelque chose de génial, à savoir : « La question n’est pas de savoir si je suis raciste, la question est de savoir ce que je fais de ce racisme ». On est tous plus ou moins racistes, c’est difficile de ne pas l’être dans un système global de représentation qui est raciste. Par quel miracle qui que ce soit pourrait être passé totalement au travers de ça ?

    « Le racisme c’est vachement marrant car le racisme n’existe pas, personne n’est raciste vous pouvez poser la question autour de vous. C’est-à-dire que le racisme n’est pas à la mode. » Coluche

    On a quand même vu des choses relativement dégradantes, notamment la dénonciation à la gendarmerie des migrants qui se cachaient dans un camion-citerne des Gilets jaunes, au barrage de Flixecourt.

    Si c’était un mouvement structurellement raciste, je comprendrais l’inquiétude. Mais ce n’est pas le cas. Lorsque je suis allé tracter contre le TCE (Traité établissant une constitution pour l’Europe) en 2005 sur les marchés, il y avait aussi des militants du FN. J’étais pour le “non”, eux aussi, mais on ne l’était pas pour les mêmes raisons. À l’époque, on me disait que je ne pouvais pas appeler à voter “non” sous prétexte que le FN le faisait aussi. C’est insupportable comme discours. Sous prétexte qu’ils disent “blanc”, il faudrait dire “noir” ? C’est un piège à cons, le Front national. Tout le monde sait que c’est Mitterrand qui a monté ça de toutes pièces. J’ai rencontré des anciens militants socialistes qui m’ont raconté que dans le Nord, dans les années 1980, ils allaient convaincre des gens de monter des listes d’extrême droite, dans le but de diviser la droite.

    Pour finir, pourquoi est-ce que d’après toi, les syndicats ne jouent pas leur rôle ?

    Pour l’instant, je n’ose pas risquer une hypothèse. La CFDT, tout le monde le comprend, Ce n’est plus un syndicat de salariés depuis son virage à droite avec Nicole Notat, c’est un syndicat patronal… Mais la CGT ? Après, il faut se rappeler qu’historiquement, la CGT a toujours rejoint les mouvements en retard : en 1936, en 1968… Quand ils ne contrôlent pas, ils n’aiment pas ça. Ils ne veulent pas être assimilés à des casseurs. Regarde ce qui se passe avec les Black Blocs : au lieu de les soutenir et d’être avec eux, ils les laissent démolir les symboles capitalistes en tête de cortège et ils arrêtent la manifestation derrière. La CGT n’est pas révolutionnaire au niveau national, au niveau de la confédération… Elle a été cassée par le patronat, dès le début des années 1970 avec la mise en place du management par la compétence. En Angleterre à la fin des années 1970, le pouvoir syndical est devenu tellement fort que le premier ministre déclare que le pays est devenu ingouvernable. Sur les chantiers navals de Saint-Nazaire, un contremaître parle mal à un ouvrier : il y a une grève dès le lendemain. La stratégie patronale a fonctionné : par l’isolement, par l’arrivée du management, par l’individualisation du temps de travail, etc. Trente ans plus tard, le taux de syndiqués en France est extrêmement bas. Ce n’est pas la CGT qui est en cause, c’est une stratégie offensive de destruction des syndicats dont Macron est en train de poser les derniers clous du cercueil avec la loi sur “la liberté de choisir son orientation” qui consiste à retirer la principale force des syndicats : la formation.

    Nos Desserts :

     

    source: https://comptoir.org/2018/12/26/franck-lepage-le-gilet-jaune-est-le-symbole-dune-conscience-de-classe-qui-est-en-train-de-renaitre/?fbclid=IwAR1N1jteBVfqnBX7F-axt_2N0ZOKhRI29-_S-nSI7U5zgSz-enRQ3KDr_mA

     

    Partager via Gmail Yahoo! Pin It

    votre commentaire