• LA PÉRIODE MAOÏSTE (1949-1976)

    Par Bruno Guigue – Le 18 juin 2021

     

    D’une pauvreté inouïe, la Chine, en 1949, est un pays ravagé par quarante ans de guerre et d’anarchie. Composée à 90% de paysans faméliques, la population a le niveau de vie le plus faible du monde : il est inférieur à celui de l’Inde ex-britannique et de l’Afrique sub-saharienne. Sur cette terre où l’existence ne tient qu’à un fil, l’espérance de vie est réduite à 36 ans. Abandonnée à son ignorance, la population compte 85% d’analphabètes. C’est au regard de cet état initial qu’il faut juger des progrès accomplis. En 2021, l’économie chinoise représente 18% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat, et elle a dépassé l’économie américaine en 2014. La Chine est la première puissance exportatrice mondiale. Sa puissance industrielle représente le double de celle des États-Unis et quatre fois celle du Japon. Premier partenaire commercial de 130 pays, elle a contribué à 30% de la croissance mondiale au cours des dix dernières années. La Chine est le premier producteur mondial d’acier, de ciment, d’aluminium, de riz, de blé et de pommes de terre.

     

    Ce développement économique a amélioré les conditions d’existence matérielle des Chinois de façon spectaculaire. L’espérance de vie est passée de 36 à 64 ans sous Mao (de 1949 à 1976) et elle dépasse aujourd’hui 77,5 ans, soit plus que les États-Unis et beaucoup plus que l’Inde. Le taux de mortalité infantile est de 7‰ contre 30‰ en Inde et 6‰ aux États-Unis. L’analphabétisme est éradiqué. Le taux de scolarisation est de 98,9% dans le primaire et de 94,1% dans le secondaire. Selon l’étude comparative des systèmes éducatifs (PISA), la République populaire de Chine est numéro un mondial avec Singapour. Avec 400 millions de personnes, les classes moyennes chinoises sont les plus importantes du monde, et 150 millions de Chinois sont partis en vacances à l’étranger en 2019. En vingt ans, 700 millions de personnes ont été extraites de la pauvreté, et le salaire moyen a été multiplié par huit. La grande pauvreté a été totalement éradiquée en 2021. Ce développement inouï est le résultat de 70 ans d’efforts titanesques, accompagnés d’immenses sacrifices. Les Chinois ont inventé un système socio-politique original, mais que les catégories en usage en Occident peinent à décrire. Loin d’être une dictature totalitaire, c’est un système néo-impérial dont la légitimité repose sur l’amélioration des conditions d’existence du peuple chinois. Pour conduire le développement du pays, les communistes chinois ont bâti une économie mixte pilotée par un État fort.

    Il y a deux siècles, la Chine était encore l’atelier du monde. Aggravant ses contradictions internes, l’impérialisme occidental et japonais a ruiné l’empire mandchou vieillissant. Les guerres du XXe siècle, à leur tour, ont plongé le pays dans le chaos. Aux yeux des Chinois, la République populaire de Chine a pour vertu d’avoir mis fin à ce long siècle de misère et d’humiliation qui commence en 1839 avec les «guerres de l’opium». Libérée et unifiée par Mao, la Chine s’est engagée sur la voie étroite du développement accéléré d’un pays arriéré, semi-colonial et semi-féodal. D’une pauvreté aujourd’hui inimaginable, isolée et sans ressources, elle a exploré des chemins inconnus. Afin de sortir le pays du sous-développement et la population de la misère, le Parti communiste chinois a accéléré le développement des forces productives, tout en procédant à la transformation révolutionnaire des rapports sociaux. La formule de l’expérience maoïste, en effet, c’est la lutte des classes plus le développement productif ; la conviction qu’il faut traquer sans cesse la résurgence du vieux monde pour consolider le socialisme ; la croyance que l’édification d’une société nouvelle passe par une mobilisation permanente, un effort prométhéen pour supprimer les séquelles du féodalisme et du capitalisme.

    Au lendemain de la proclamation de la République populaire de Chine, le pays est à reconstruire. La révolution gronde dans les campagnes, et il faut rebâtir une économie viable. Déjà insuffisante avant-guerre, la production agricole et industrielle est en chute libre. Installés aux commandes du pays, les communistes entreprennent sans tarder les réformes de structure. Deux grandes lois vont alors transformer la société chinoise. D’une importance décisive, la loi sur le mariage, en 1950, met fin à la famille patriarcale. L’épouse cesse d’être une mineure, elle peut demander le divorce et pratiquer l’avortement. Instaurant l’égalité entre les sexes, la loi interdit le mariage d’enfant et la polygamie. Simultanément, la loi agraire confirme et élargit les acquis de la révolution commencée en 1946. Les terres des propriétaires fonciers, mais aussi des clans familiaux, des temples et autres institutions traditionnelles, sont attribuées aux paysans pauvres. A la fin de l’année 1952, 45% des terres cultivables ont été redistribuées à 60% des paysans. La majorité de la paysannerie est désormais composée de paysans moyens, qui disposent d’une parcelle suffisante pour satisfaire leurs besoins. Révolution agraire d’une ampleur sans précédent, qui s’accompagne de l’élimination brutale de nombreux propriétaires fonciers, surtout lorsqu’ils ont collaboré avec les Japonais.

    La révolution suit aussi son cours tumultueux dans les villes chinoises. Le «mouvement des Trois Anti» vise à  éradiquer la bureaucratie, la corruption et la prévarication. Puis c’est le «mouvement des Cinq Anti» contre les pots-de-vin, la fraude fiscale, les escroqueries dans les fournitures de l’État, les contrats truqués et la diffusion d’informations confidentielles. En prenant pour cibles les entrepreneurs privés, les communistes mettent la main sur une grande partie de l’économie. En 1953, l’État contrôle 63% de la production industrielle. Avec la ligne de la «Nouvelle Démocratie», toutefois, le pouvoir proclame l’union des quatre classes révolutionnaires : la classe ouvrière, la paysannerie, la petite bourgeoisie et la bourgeoisie nationale. Si le prolétariat est représenté par le parti communiste, la bourgeoisie comprend une aile progressiste alliée aux forces populaires et une aile «compradore» soumise à l’étranger. Des formes diverses d’économie pourront donc coexister, durant une quinzaine d’années, afin de favoriser le développement des forces productives. Puis la collectivisation réalisera graduellement le socialisme, ce dernier jetant les bases de la phase finale du processus révolutionnaire, le communisme.

    Or cette ligne politique, qui préserve une économie mixte assise sur la petite propriété paysanne, révèle rapidement ses limites. Comment assurer à la Chine son indépendance si elle ne se dote pas d’un appareil industriel moderne ? Et comment accélérer le développement industriel en maintenant les facteurs de production dans le carcan de la petite exploitation ? «On se fait battre en restant arriéré», répète Mao. Autant de contradictions qui vont trouver leur résolution dans l’accélération de la marche vers le socialisme. Certains dirigeants, privilégiant l’agriculture et l’industrie légère, auraient préféré une stratégie de développement graduel. Mais la guerre de Corée souligne l’urgence de l’industrialisation. Soumise à l’embargo occidental, la Chine se tourne vers l’URSS et s’inspire du modèle soviétique. Fondée sur la planification, ce dernier élève l’industrie lourde au rang de priorité absolue. Il implique la nationalisation des moyens de production, la gestion centralisée de l’économie et le réinvestissement systématique des excédents. Lors du lancement du premier plan quinquennal (1953-1957), Mao remplace la «Nouvelle Démocratie» par la «Ligne générale de transition vers le socialisme» : il s’agit de «réaliser, pendant une période de 10 ou 15 ans maximum, l’industrialisation socialiste et la transformation socialiste de l’agriculture, de l’artisanat, de l’industrie et du commerce capitalistes».

    Le financement du premier plan quinquennal traduit cette orientation : la majorité des fonds sont destinés à l’industrie lourde. Afin d’accumuler les capitaux nécessaires à l’industrialisation, le gouvernement instaure le monopole d’État sur le commerce des matières premières et des produits agricoles. Dans les campagnes, la réforme agraire a éliminé les propriétaires fonciers et créé une myriade de petites exploitations familiales. Mais ces cultivateurs ne possèdent ni machines agricoles, ni semences de qualité, ni engrais chimiques. Avec ses faibles rendements, l’économie rurale reste vulnérable aux aléas climatiques. Sa croissance lente compense à peine la poussée démographique. Pour accroître la productivité, le gouvernement encourage la constitution de coopératives d’entraide. Avec le premier plan quinquennal, le mouvement s’amplifie, et les coopératives de production, qui sont de taille beaucoup plus importante, se multiplient. Dans un premier temps, les paysans demeurent propriétaires de leur parcelle, et la coopération fait appel au volontariat. Mais le parti se range à l’avis de Mao qui préconise une généralisation des «coopératives supérieures», grosses unités de travail dans lesquelles les terres, les bêtes et les outils sont collectivisés. En 1957, ces coopératives regroupent la quasi-totalité des paysans chinois. Initialement programmée sur une période de 10 à 15 ans, la collectivisation de l’agriculture a été accomplie en trois ans.

    Enquêtant sur place en 1956, l’agronome René Dumont note que la collectivisation accélère la modernisation de l’agriculture : «La grandiose transformation en cours n’est pas seulement la suppression du microfundium inadapté au matériel moderne, l’agrandissement des parcelles et des unités de production. Dans l’esprit du Parti et d’une fraction notable des paysans, elle est d’abord la suite de la conquête du sol, de la réforme agraire». Cette transformation du monde rural passe également par l’éducation : «Il a fallu improviser une élite nouvelle à partir des anciens parias, ex-paysans pauvres et ouvriers, presque tous illettrés au départ. La liquidation de l’analphabétisme débuta dans l’Armée rouge et au village, par les moyens les plus rudimentaires». Un réseau culturel le complétera, «avec cinémas ambulants, bibliothèques, groupes de théâtre amateur». Une irruption de la culture de masse dans les villages qui contribue à la popularité des réformes : «Dans l’esprit du paysan chinois, ces rapides progrès culturels sont mis à l’actif du Parti : il a combattu plus volontiers dans l’armée qui se souciait de lui apprendre à lire». Tout aussi importante est la transformation des rapports entre les sexes : «L’émancipation féminine est aussi portée à son crédit : libre choix de l’épouse, suppression du concubinage, de l’asservissement à la belle-mère». Le résultat de la loi de 1950 dans les campagnes est palpable : «La paysanne chinoise se voit mieux respectée et considérée ; elle participe davantage au travail des champs – progrès discutable – comme à la direction des affaires du village». Avec la collectivisation agricole, enfin, la santé publique devient une priorité : «Le paysan met aussi à l’actif du Parti les réalisations en matière d’hygiène ; la sage-femme compétente chasse la vieille matrone, la pouponnière soulage la mère, le dispensaire du village permet les premiers soins, la vaccination se répand» 1

    Avec la «Ligne générale de transition vers le socialisme», ce n’est pas seulement la collectivisation agricole qui est à l’ordre du jour. C’est aussi la socialisation de l’industrie, du commerce et de l’artisanat. Mais contrairement aux propriétaires fonciers, les entrepreneurs ne sont pas considérés comme des ennemis de classe. Ils appartiennent à cette «bourgeoisie nationale» qui est l’alliée historique du parti et dont l’étoile figure sur le drapeau de la République populaire de Chine au côté du prolétariat, de la paysannerie et de la petite bourgeoisie. On n’hésite pas à fustiger ceux d’entre eux dont le comportement est blâmable, mais il n’est pas question de liquider cette catégorie sociale et de confisquer les entreprises privées. Conscient de l’importance des activités industrielles et commerciales, le gouvernement organise leur rachat progressif sous la forme d’entreprises mixtes. Politique conduite avec méthode et précaution, qui a permis d’employer le savoir-faire du secteur privé en l’absorbant peu à peu dans le secteur collectivisé. De toutes façons, les capitalistes n’ont guère le choix. L’État contrôlant le crédit et l’approvisionnement, ils renoncent bon gré mal gré à leurs privilèges. A la fin du premier plan quinquennal, en 1957, la République populaire de Chine a achevé la transformation socialiste de la propriété des moyens de production dans l’agriculture, l’industrie et le commerce. Processus révolutionnaire, cette socialisation s’est souvent effectuée dans l’enthousiasme, mais elle génère de nouvelles contradictions.

    L’arriération et le délabrement du pays, en effet, exigeaient une concentration des moyens incompatible avec le maintien de la petite propriété privée. En rationalisant l’allocation du capital, la collectivisation a permis une croissance vigoureuse du produit intérieur brut et l’attribution d’un revenu très faible, mais relativement égalitaire, à l’ensemble de la population. Au prix d’un prélèvement important sur l’activité économique, notamment sur l’agriculture, elle a rendu possible le décollage industriel et porté le taux d’investissement à des hauteurs inégalées. Comme l’industrialisation repose sur le contrôle strict des salaires, cette stratégie nécessite une mobilisation permanente. Faute d’allocation des ressources par les prix, l’incitation liée à la recherche du profit est inexistante. Le développement doit alors s’appuyer sur «des incitations non matérielles», constamment exaltées par des campagnes où l’on vante les mérites du socialisme. Afin de maintenir le contrôle de l’État sur les comportements économiques, toute possibilité d’obtenir un revenu en dehors du système de planification est vouée à disparaître.

    Largement inspiré du modèle soviétique, le développement de la Chine repose sur les deux piliers de la collectivisation et de la planification. Il correspond aux données objectives d’un pays extrêmement pauvre où tout est à construire, à nouveaux frais et sans aide extérieure. La mobilisation générale de la population, sous la conduite du Parti, a jeté les bases d’une économie moderne, tout en faisant reculer l’analphabétisme et la maladie. Le pays demeure très pauvre, mais il amorce un processus de développement qui sera ininterrompu jusqu’à nos jours. Politique brutale, qui impose le sacrifice du confort matériel tout en répartissant équitablement la pénurie. Mais politique couronnée de succès, car c’est durant le premier plan quinquennal que la Chine s’arrache à la misère. Le paradoxe, c’est que ces résultats spectaculaires vont pousser le Parti à s’engager dans une voie périlleuse. Avec le Grand bond en avant, lancé en 1958, les dirigeants chinois entendent prendre leurs distances avec le modèle soviétique. L’autonomie des communes populaires, la construction de milliers de hauts fourneaux dans les campagnes et la mobilisation révolutionnaire de la paysannerie pour «réaliser le communisme» représentent une voie chinoise qui tranche avec le système stalinien.

    Entreprise prométhéenne aux objectifs démesurés, illusoire voie rapide vers le communisme, le Grand Bond souffre d’abord d’un vice de conception. Mais ce dernier est aggravé par les erreurs et les malversations : certains secrétaires de province truquent les chiffres pour faire valoir des résultats imaginaires. Dopé par les succès initiaux, l’emballement de la machine a des conséquences dramatiques lorsque s’effondre la production agricole. Mais si la situation tourne à la catastrophe, c’est aussi parce qu’aux erreurs humaines s’ajoutent les désastres climatiques. L’année 1958 bénéficie d’un climat favorable, mais le tiers des surfaces cultivables, en 1959-60, subit une sécheresse de printemps suivie de typhons dévastateurs. Situation d’autant plus périlleuse que l’embargo occidental interdit à la Chine d’importer un seul grain de blé en provenance des pays développés. Triplement victime d’un programme erroné, des caprices du ciel et de l’anticommunisme étranger, le pays accuse dès 1959 un net déficit de la production alimentaire. La famine qui en résulte est terrible, mais elle n’est pas la pire de celles qu’a connues le pays au cours du siècle : celle de 1928-30, à l’époque où le Guomindang dirigeait le pays, est au moins aussi meurtrière.

    Mais peu importe : il faut discréditer à tout prix l’époque maoïste, et le bilan de la famine de 1959-61 est gonflé comme une baudruche par des auteurs dont la médiatisation est inversement proportionnelle au sérieux de leurs travaux. Le chiffre de 36 millions de morts avancé par Yang Jisheng dans son livre « Tombstone »(2008), par exemple, ne repose sur aucune étude statistique précise, et il est démenti par l’analyse des taux de mortalité au cours des années 1959-61. «Bien que l’accroissement de la population des années 1959-1961 ait été inférieur à celui enregistré entre 1956 et 1958, il était encore supérieur de 5,6 % à la moyenne mondiale et beaucoup plus élevé que lors des années précédant 1949. Le taux de mortalité de 1959, 1960 et 1961 était respectivement de 1,46 %, 1,79 % et 1,42 %, soit une moyenne de 1,56 %, ce qui est à peu près identique à la moyenne mondiale de l’époque, et bien inférieur au taux de mortalité des années précédant 1949. Pendant les trois années de famine, 30 952 300 personnes sont mortes, et par rapport au taux de mortalité inférieur de 11,4 % entre 1956 et 1958, il y a eu un excédent de 8,3 millions de décès», souligne Mobo Gao, chercheur chinois qui a vécu sur place les années 1959-61 2 Quant au chiffre avancé par Franck Dikötter dans son livre « Mao’s Great Famine » (2010), il est proprement délirant : l’auteur décrète que la mortalité pour l’année 1957 est de 10/1000, soit un ratio plus bas que celui de la France en 1960, et il en déduit de façon totalement absurde que la surmortalité imputable à la famine du Grand Bond est de 45 millions de morts.

    Les comptes fantastiques des détracteurs du maoïsme visent évidemment à stigmatiser un régime qu’ils tiennent pour criminel. Ramené à des données objectives et situé dans son contexte, le drame des années 1959-61 rappelle surtout que la Chine a longtemps été un pays où la famine rôdait dans les campagnes. Elle a d’ailleurs atteint son paroxysme en 1928-30, où une terrible sécheresse a fait 10 millions de victimes dans le nord du pays. En 1959, le pays demeure extrêmement pauvre en dépit des premiers succès remportés par le socialisme, et il s’extrait à peine de la gangue de misère où il croupissait dix ans plus tôt. Un autre facteur de crise est généralement sous-estimé : la forte croissance démographique. Car les progrès sanitaires et sociaux ont compliqué la tâche des responsables de l’économie chinoise. L’hygiène publique, les campagnes de vaccination et l’amélioration des conditions de vie réduisent la mortalité et stimulent la natalité. Avec le boom démographique, le nombre de bouches à nourrir augmente rapidement, et cette poussée met l’agriculture au défi de fournir l’alimentation nécessaire. A la veille du Grand Bond, la croissance annuelle de la population oscille entre 2 et 2,5 %, tandis que la croissance de la production agricole n’excède pas 2 %. Cet écart ne sera comblé que progressivement, dans les années 70, lorsque l’agriculture disposera de semences sélectionnées, de machines agricoles et d’engrais chimiques.

    Ces contraintes objectives, au demeurant, n’empêchent pas la stratégie maoïste de porter ses fruits, et l’échec dramatique du Grand Bond est loin d’avoir brisé l’élan de la révolution chinoise. Jusqu’à la mort de Mao, la politique socialiste connaît des inflexions de trajectoire, mais elle consolide pour l’essentiel les acquis antérieurs. Hormis la séquence chaotique de 1966-68, la période qui suit la fin du Grand Bond est caractérisée par l’amélioration de la situation économique et la consolidation des acquis sociaux. Marquées par le volontarisme du Grand Timonier, les «années Mao» sont des années de progrès incessant sur les plans économique, social, éducatif et sanitaire. Certes le pays demeure très pauvre. Mais le succès de la Chine est impressionnant dans le domaine de l’éducation, avec le recul massif de l’analphabétisme : 85 % en 1949, moins de 15 % en 1975. Il l’est plus encore dans le domaine de la santé, avec l’allongement spectaculaire de l’espérance de vie : atteignant 64 ans en 1976, elle est nettement supérieure à la moyenne mondiale, et elle dépasse de 11 ans celle de l’Inde «démocratique».

    Rien n’est plus instructif, en effet, que la comparaison entre les deux géants asiatiques. En 1950, la Chine ravagée par la guerre se trouve dans un état de délabrement et de misère pire que celui de l’Inde au lendemain de l’indépendance. Aujourd’hui, la Chine est la première puissance économique mondiale et son PIB représente 4,5 fois celui de l’Inde. Il vaut mieux naître en Chine qu’en Inde, où le taux de mortalité infantile est quatre fois plus élevé. Un tiers des Indiens n’ont ni électricité ni installations sanitaires, et la malnutrition touche 30% de la population. Comment expliquer un tel décalage ? «La Chine a généralisé l’accès à l’enseignement primaire, aux soins médicaux et à la protection sociale, et ce bien avant de se lancer dans des réformes économiques orientées vers le marché», souligne l’économiste indien Amartya Sen, Prix Nobel 1998 3 Cet écart entre les deux puissances asiatiques, c’est le maoïsme qui l’a creusé : en 1976 l’espérance de vie en Chine est de 64 ans contre 53 ans en Inde. L’Inde, contrairement à la Chine, a manqué d’un investissement massif de la puissance publique dans l’éducation et la santé : ce dont elle a souffert, c’est d’un déficit de socialisme.

    Aujourd’hui, les Chinois savent bien que «la réforme et l’ouverture» ont été favorisées par les efforts réalisés au cours de la période antérieure. Contrairement aux Occidentaux, ils soulignent la continuité — en dépit des changements de trajectoire — entre le maoïsme et le post-maoïsme. Aussi le regard qu’ils portent sur Mao Zedong est-il très éloigné du discours dominant en Occident. La vérité c’est que Mao a mis fin à cent cinquante ans de décadence, de chaos et de misère. La Chine était morcelée, dévastée par l’invasion japonaise et la guerre civile. Mao l’a unifiée. En 1949, elle est le pays le plus pauvre du monde. Son PIB par tête atteint la moitié environ de celui de l’Afrique et moins des trois quarts de celui de l’Inde. Mais de 1950 à 1980, durant la période maoïste, le PIB s’accroît de façon régulière (2,8 % par an), le pays s’industrialise, et la population passe de 550 millions à 1 milliard  d’habitants.

    C’est un fait indéniable : malgré l’échec du Grand Bond, et malgré l’embargo occidental, la population chinoise a gagné 28 ans d’espérance de vie sous Mao. Les progrès en matière d’éducation et de santé ont été massifs. La femme chinoise — qui «porte la moitié du ciel», disait Mao — a été éduquée et affranchie d’un patriarcat ancestral. En 1950, la Chine est en ruines. Trente ans plus tard, elle est un pays pauvre, mais c’est un État souverain, unifié, équipé, doté d’une industrie lourde. C’est une puissance nucléaire, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies. L’atmosphère est frugale, la discipline sévère, mais la population est nourrie, soignée et éduquée comme elle ne l’a jamais été. En 1973, Alain Peyrefitte, ministre du général de Gaulle, soulignait les avancées sociales du maoïsme : «La notion des droits de l’individu, au nom de laquelle sont formulées toutes les condamnations de la Chine populaire, garde-t-elle un sens dans un pareil contexte historique ? Et quel sens ? Les critiques sont portées au nom des valeurs de base de la société occidentale, non à celui des valeurs chinoises. Comme la notion de bonheur, celle de liberté est relative. La révolution a donné aux Chinois, non seulement une liberté collective, dont ils étaient privés depuis que leur pays avait été vassalisé et dépecé, mais quelques libertés individuelles que beaucoup ne soupçonnaient pas : elle a libéré les paysans pauvres des propriétaires fonciers ; les affamés, de la disette ; les endettés, des usuriers ; les fils, du despotisme de leur père ; les femmes, de la tyrannie de leur mari ; les fonctionnaires, des prévarications de leur chef ; le peuple, de la misère. La force irrésistible qui avait poussé les masses à se joindre à la croisade menée par l’Armée rouge, ce fut un espoir de libération : qui pourrait dire qu’il a été entièrement déçu ? Croit-on que beaucoup de Chinois n’aient pas conscience que leur destin collectif est meilleur que l’ancien ? Quand ils évoquaient la Libération, il s’agit pour la majorité d’entre eux, en dépit de certaines apparences, d’une réalité. La Chine récapitule en quelques décennies l’évolution que les pays occidentaux ont connue en quelques siècles» 4

    Bruno Guigue

     
    1. René Dumont, « Révolution dans les campagnes chinoise », Seuil, 1957, pp. 340-42. 
    2. Mobo Gao, « Bataille pour le passé de la Chine, Mao-Tsé-toung et la Révolution culturelle », Delga, 2020, p. 233. 
    3. Jean Drèze et Amartya Sen, « Splendeur de l’Inde ? Développement, démocratie et inégalités », Flammarion, 2014, p. 83. 
    4. Alain Peyrefitte, « Quand la Chine s’éveillera, le monde tremblera », Plon, 1973, T. 2, p. 297. 

     

    source: https://lesakerfrancophone.fr/la-passionnante-histoire-du-parti-communiste-chinois-3eme-partie

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  • MAO ZEDONG                                    ET LA SINISATION DU MARXISME              

    Par Bruno Guigue – Le 12 juin 2021

    Repliés dans les campagnes pour fuir la répression, les communistes chinois vont écrire une nouvelle page de leur histoire. C’est auprès des paysans du Hunan et du Jiangxi, en effet, que Mao découvre une nouvelle radicalité, déployée loin des regards d’une élite moderniste qui l’ignore. Coïncidence frappante, il publie son « Rapport sur l’enquête menée dans le Hunan à propos du mouvement paysan » en mars 1927, soit un mois avant la tragédie de Shanghai, où les communistes sont massacrés par l’armée de Chiang Kaï-shek. Celui qui est déjà un militant influent, mais écarté de la direction du parti, l’invite à convertir son regard sur ce monde rural dont l’initiative révolutionnaire contraste avec son arriération présumée. Conversion qui prendra beaucoup de temps, et Mao sait qu’il heurte de front la conception même de la révolution chez les marxistes chinois. Sa thèse centrale, c’est que «le soulèvement paysan constitue un événement colossal» et que les révolutionnaires ont le choix entre trois possibilités : «Dans peu de temps, on verra dans les provinces du centre, du nord et du sud de la Chine des centaines de millions de paysans se dresser, impétueux, invincibles, tel l’ouragan, et aucune force ne pourra les retenir. Ils briseront toutes leurs chaînes et s’élanceront sur la voie de la libération. Ils creuseront le tombeau de tous les impérialistes, seigneurs de la guerre, fonctionnaires corrompus, despotes locaux et mauvais hobereaux. Ils mettront à l’épreuve tous les partis révolutionnaires, qui auront à prendre parti. Nous mettre à la tête des paysans et les diriger ? Rester derrière eux en nous contentant de les critiquer avec des gestes autoritaires ? Ou nous dresser devant eux pour les combattre ?»

    Au-delà de l’invocation lyrique, le mouvement paysan, pour Mao, présente deux avantages considérables : il recèle un potentiel gigantesque dans un pays qui demeure essentiellement rural ; et il est suffisamment radical pour servir de base au processus révolutionnaire. Ces données objectives fixent la tâche des communistes, qui doivent organiser le mouvement paysan afin de l’enrôler au service de la révolution sous la conduite du prolétariat. «Qu’est-ce que le marxisme ?» résume-t-il en 1940 : «Ce sont les paysans faisant la révolution sous la direction du prolétariat. Quatre Chinois sur cinq sont des paysans. Il nous faut la force des cinq doigts, et s’il ne nous reste que le petit doigt le prolétariat est isolé». C’est pourquoi Mao s’emploie dès 1927 à réfuter les arguments de ceux qui incriminent les paysans pour leurs prétendus «excès» et jouent les vierges effarouchées devant la violence révolutionnaire : «La révolution n’est pas un dîner de gala ni une œuvre littéraire, ni un dessin ni une broderie ; elle ne peut s’accomplir avec autant d’élégance de tranquillité et de délicatesse, ou avec autant de douceur, d’amabilité, de courtoisie, de retenue et de générosité d’âme. La révolution, c’est un soulèvement, un acte de violence par lequel une classe en renverse une autre».

    Conception vigoureuse de la révolution, qui balaie l’esprit de compromis et légitime l’action violente des masses qui s’en prennent à leurs oppresseurs. Car il s’agit de «renverser complètement le pouvoir des hobereaux, de jeter ces derniers au sol et même de leur mettre le pied dessus». Sans «une puissante poussée révolutionnaire», rien n’est possible, et celle-ci doit s’accompagner d’une «brève période de terreur» pour «réprimer l’activité des contre-révolutionnaires et renverser le pouvoir des hobereaux». Et au fond, c’est ce qu’enseigne la sagesse populaire : «Pour redresser quelque chose, on est obligé de le courber en sens inverse ; sinon, on ne peut le rendre droit».

    Le second point essentiel, c’est l’analyse des rapports sociaux au sein même du monde rural. Car la paysannerie n’est pas une masse indifférenciée : «Il y a trois catégories de paysans : les riches, les moyens et les pauvres. Vivant dans des conditions différentes, ils ont des idées différentes sur la révolution». Or l’allié privilégié du prolétariat, c’est évidemment la paysannerie pauvre. «La force principale dans ce combat dur et obstiné qui se poursuit à la campagne a toujours été constituée par les paysans pauvres» car «ce sont eux qui acceptent le plus volontiers la direction du parti communiste». Lorsqu’il sera converti aux idées de Mao, la politique agraire du PCC ne dérogera pas à cette exigence : pour assurer le succès de la révolution dans les campagnes, il faut favoriser l’accès à la propriété des paysans pauvres par la réquisition et la redistribution des terres. Avec la paysannerie pauvre comme base sociale, et la révolution agraire comme programme, le communisme chinois peut aller jusqu’au bout de sa  mutation historique : parti d’intellectuels urbains tentant d’encadrer des syndicats ouvriers, il devient une armée de paysans-soldats conduite par des révolutionnaires aguerris.

    En raison de la répression, une deuxième conviction, chez Mao, est désormais solidement ancrée : le succès final dépend de la lutte armée, et pour gagner la guerre civile, il faut que le parti double l’outil politique d’un outil militaire. En clair : la renaissance du mouvement communiste à la campagne est inséparable de sa militarisation. Certes, le chemin sera long avant que Mao ne parvienne à constituer une force qui impose le respect à ses adversaires. Avec une poignée de rescapés, en octobre 1927, il établit la première base rouge dans les monts Jinggang, à la limite du Hunan et du Jiangxi. Il y reçoit le renfort de quelques milliers de combattants, conduits par un ancien officier converti au communisme, Zhu De. Retranchés dans ces districts ruraux, les communistes font l’expérience d’une administration révolutionnaire, qui distribue les terres aux paysans pauvres et oppose une résistance farouche aux offensives nationalistes.

    Sous l’influence de Mao, une troisième conviction politique va bientôt animer ces communistes retranchés dans leurs bases rouges : la révolution démocratique-bourgeoise a été trahie par le Guomindang, devenu un parti contre-révolutionnaire. Leur horreur de la révolution agraire a poussé les officiers nationalistes, issus de la classe des propriétaires fonciers, dans les bras de Chiang Kaï-shek. Pour Mao, la Chine se trouve alors dans la situation de la Russie en 1905 : puisque la bourgeoisie a failli à sa tâche historique, la révolution doit poursuivre son cours sous la direction du prolétariat, c’est-à-dire du parti communiste. La Chine est «une semi-colonie placée sous un gouvernement impérialiste», et les différents seigneurs de la guerre représentent des impérialismes en concurrence, avides de se partager le monde au prix d’une nouvelle guerre mondiale. La stratégie maoïste consiste alors à consolider les bases rouges en poursuivant la révolution agraire.

    En 1931, Mao est élu président de la première République soviétique chinoise, avec une bourgade du sud-Jiangxi comme capitale. Base centrale des forces communistes, cette région résiste à quatre campagnes d’annihilation menées par un Guomindang qui préfère combattre les communistes que les Japonais. Mais la cinquième campagne mobilise des moyens colossaux et avance prudemment, déjouant la stratégie de guérilla des rouges. Encerclés, ils préfèrent abandonner la base du Jiangxi pour sauver l’armée. En octobre 1934, 86 000 combattants s’échappent vers le sud-ouest. C’est la Longue Marche qui commence. Elle les mènera du sud du Jiangxi au nord du Shaanxi au terme d’une interminable retraite de 10 000 km parcourus en 370 jours. Sur les 86 000 hommes partis un an plus tôt, seuls 7 000 parviennent au but. Mais ils sont rejoints en cours de route par des milliers de nouvelles recrues paysannes.

    Au Shaanxi, les communistes recréent aussitôt une nouvelle base rouge. Au cœur de cette enclave révolutionnaire, taillée dans un territoire aride et peu peuplé, s’installe le noyau d’une nouvelle Armée Rouge qui comptera un million d’hommes en 1945. Durant la période des soviets du Jiangxi et de la Longue Marche, Mao n’a pas seulement imposé sa stratégie paysanne à ses camarades. Celui qui n’est encore qu’un dirigeant parmi d’autres a surtout transformé l’outil militaire du parti. Ce que les communistes chinois lui doivent, incontestablement, c’est une doctrine stratégique adaptée aux conditions de la lutte. La guérilla a permis aux combattants rouges de compenser leur infériorité numérique et leur absence de matériel lourd. Éprouvée lors de la résistance aux campagnes d’annihilation, son efficacité contribuera aussi à la défaite de l’envahisseur japonais, comme elle inspirera plus tard les mouvements de libération nationale en Asie, en Afrique et en Amérique latine.

    Du Jiangxi au Shaanxi, l’équation gagnante du maoïsme change seulement d’échelle. Pour l’essentiel, elle demeure la même : un parti centralisé et discipliné, des villageois mobilisés par la révolution agraire, une puissante armée à base paysanne, et des enclaves révolutionnaires autonomes qui essaiment autour d’une base rouge fortifiée. C’est dans cette Chine rebelle, pour la deuxième fois, que les communistes instaurent un ordre inhabituel : les terres sont redistribuées et les impôts allégés ; le chômage, l’opium, la prostitution et le mariage forcé éliminés ; l’alphabétisation, la scolarisation et l’hygiène mises en oeuvre. Révolution en miniature, la République des soviets du Shaanxi porte la promesse d’une profonde transformation sociale à l’échelle du pays tout entier.

    En faisant de la paysannerie la force motrice de la révolution chinoise, Mao Zedong a rompu les amarres avec le modèle soviétique. Au moment où il se donne les moyens de la victoire finale, il affranchit définitivement le communisme chinois des directives de l’Internationale. Le triomphe à venir, celui qui adviendra en 1949, il l’assoit sur le mouvement souterrain de ces masses rurales dont la misère réclame une transformation radicale des rapports sociaux. Simultanément, il renoue avec la tradition multi-séculaire des jacqueries paysannes qui scandent l’histoire chinoise. Si le saut qualitatif opéré dans la stratégie révolutionnaire l’éloigne du marxisme orthodoxe, il le rapproche des caractéristiques nationales héritées d’un lointain passé. La nouveauté radicale du maoïsme le relie, en même temps, à ce qu’il y a de plus profond dans l’identité politique du peuple chinois : classe révolutionnaire par excellence, la paysannerie a une expérience immémoriale de la lutte des classes.

    Lorsqu’il écrit l’histoire de la Chine à l’attention des militants du parti, Mao rappelle que «les paysans chinois, soumis à l’exploitation économique et à l’oppression politique, ont vécu pendant des siècles en esclaves, dans la misère et la souffrance», mais que «le peuple chinois a toujours recouru à la révolution», et que «dans la plupart des cas, les changements de dynastie étaient dus à des insurrections paysannes». Cette classe dont Marx annonçait la disparition, Mao en fait le levier qui lui permettra de changer la Chine, il l’élève au rang d’acteur collectif de sa transformation révolutionnaire. Cette stratégie, nombreux sont ceux qui ne l’ont pas comprise. Devenu trotskyste, Chen Duxiu ironise sur le «marxisme des montagnes», et son nouveau mentor Trotsky ne reconnaît aucune vertu à ces soviets ruraux qu’il compare aux rêveries des populistes russes. A droite, c’est un aveuglement total dicté par l’égoïsme de classe : d’une hostilité viscérale à la révolution agraire, le Guomindang dressera contre lui des paysans qui réclamaient le droit de vivre de leur travail et la fin des abus féodaux.

    Révolution paysanne assise sur une force armée qu’encadre un parti discipliné, le maoïsme ne l’aurait pas emporté, toutefois, s’il n’avait pas répondu à une profonde crise nationale. Dès l’origine, le parti épouse les protestations populaires contre les puissances coloniales et leur politique prédatrice. Dans le sillage du Mouvement du 4 mai 1919, il entend sauver la Chine du chaos et venger son humiliation. Ce qui motive les jeunes intellectuels qui fondent le parti communiste, ce qui les tourne vers la révolution, c’est l’impératif d’une modernisation sans laquelle la Chine est vouée à demeurer dans la dépendance des nations développées. Contre cette fatalité présumée du développement inégal, ce destin fatidique d’une infériorité chinoise qui contraste avec sa grandeur passée, les communistes cherchent un remède : ils pensent l’avoir trouvé dans la révolution. C’est pourquoi le nationalisme anti-impérialiste est une composante essentielle du communisme chinois. Ce n’est pas un hasard si le parti connaît un formidable flux d’adhésions lors des manifestations anti-impérialistes de mai 1925. Et en dépit de son issue fatale, la fusion avec le Guomindang lors du premier front uni a contribué à la popularité du PCC en le présentant comme une composante du mouvement nationaliste. Ce mariage de raison l’a identifié à un renouveau national dont la bourgeoisie, en refusant de l’assumer, lui a finalement transmis le fardeau. Déterminés à réaliser l’unité et l’indépendance de la Chine, les communistes sont les premiers, lors de l’agression japonaise, à prôner l’alliance de toutes les forces nationales contre l’envahisseur.

    Comment résoudre cette crise nationale, sur quelles forces sociales faut-il s’appuyer ? Mao Zedong a tranché ce nœud gordien en inventant une formule inédite, où le paysan pauvre supplée l’ouvrier d’usine et le parti se fait parti-armée. La guerre de partisans contre les Japonais est le point d’orgue d’une mutation du parti communiste en puissante force militaire, engagée dans la résistance à l’envahisseur et décidée à unifier le pays. Celui qui était en 1927 un obscur officier dissident, Zhu De, va bientôt devenir le chef d’une immense Armée Rouge. Auréolée de son combat héroïque contre l’occupant, elle affrontera l’armée du Guomindang soutenue par Washington, et après l’avoir vaincue, elle prendra le contrôle du pays. Mais pour les communistes chinois, cette libération nationale est inséparable de la révolution sociale dont elle porte la promesse. En raison de la trahison de la bourgeoisie ralliée à Chiang Kaï-shek, la réalisation de l’unité et de l’indépendance nationales, normalement dévolue à la révolution démocratique, est une tâche qui incombe au parti communiste. C’est pourquoi Mao l’élève au rang d’objectif prioritaire : la lutte des classes, dans la situation concrète où se trouve la Chine en 1937, c’est la lutte pour la libération nationale. Et pour s’acquitter de cette tâche historique, Mao comprend qu’il faut «tirer parti du caractère révolutionnaire de la guerre de résistance pour en faire une guerre du peuple».

    Cette guérilla antijaponaise, annonce-t-il, sera déterminante pour l’issue du conflit. Car la Chine est «un grand pays faible attaqué par un petit pays puissant», et la guerre de partisans y exercera une fonction non seulement tactique, mais stratégique : l’envahisseur «finira par être englouti dans l’immense mer chinoise». Stratégie couronnée de succès : à partir de leur forteresse rouge du Shaanxi, les combattants communistes s’infiltrent peu à peu dans l’ensemble de la Chine du Nord et s’installent derrière les lignes japonaises où ils multiplient coups de main et sabotages. Aussi le parti peut-il jouer la carte du second front uni et de la défense nationale. Toutes les énergies doivent être tendues vers un seul objectif : la libération et l’unification de la patrie. Quand Sun Yat-sen élevait le renouveau national au rang de priorité absolue, il avait raison, dit Mao. Il manquait seulement à sa doctrine ce qui lui eût permis d’accomplir ses vues, mais que la composition sociale du parti nationaliste lui interdisait d’accomplir : la mobilisation des masses. C’est en enrôlant les paysans, cette armée de réserve inépuisable, que l’Armée Rouge réussit non seulement à consolider ses bases, mais à provoquer la défaite des troupes d’occupation.

    Résumons, pour conclure, les véritables leçons de ce maoïsme dont la guerre de partisans est le condensé stratégique : c’est en affrontant la réalité d’une crise paroxystique, à la fois nationale et sociale, que la stratégie révolutionnaire fera la preuve de son efficacité ; c’est en mobilisant les immenses ressources de la paysannerie que la révolution chinoise parviendra au but ; c’est en militarisant la révolution dans une lutte sans merci que le parti communiste l’emportera sur le féodalisme et l’impérialisme ; c’est en transformant la résistance à l’envahisseur en guerre de partisans que cette lutte libératrice chassera l’occupant et réunifiera le peuple chinois. En bref, c’est toujours à l’épreuve de la pratique révolutionnaire, de la lutte des classes et de la lutte de libération nationale, que la théorie révolutionnaire peut démontrer sa validité.

    Mais en sinisant le marxisme, Mao fait d’une pierre deux coups : il donne ses chances à la révolution chinoise, et il donne sa véritable signification au marxisme lui-même. «Il n’existe pas de marxisme abstrait, mais seulement un marxisme concret», déclare Mao dans son rapport d’octobre 1938. «Ce que nous appelons le marxisme concret, c’est le marxisme qui a pris une forme nationale, c’est-à-dire un marxisme appliqué à la lutte concrète dans les conditions concrètes qui prévalent en Chine. Si un communiste chinois qui fait partie du grand peuple chinois, est uni à son peuple par sa chair et son sang, et parle du marxisme sans les particularités chinoises, son marxisme n’est qu’une abstraction vide. En conséquence, la sinisation du marxisme devient un problème qui doit être compris et résolu sans délai par le parti tout entier. Nous devons mettre un terme au formalisme d’origine étrangère. Moins de répétitions de refrains creux. Place à un style nouveau, vivant, chinois, plaisant à l’œil et à l’oreille pour les simples gens». Ce qui vaut pour les pays européens, par conséquent, ne vaut pas nécessairement pour la Chine. «En Occident, la révolution est passée, comme pour la révolution soviétique, par une longue période de lutte légale, la guerre n’étant que la phase ultime du combat pour s’emparer des villes puis des campagnes. Dans la Chine féodale, aucun problème ne peut être réglé sans recours à la force armée. En Chine, le pouvoir est au bout du fusil».

    Bruno Guigue, le 12 juin 2021

     

    source: https://lesakerfrancophone.fr/la-passionnante-histoire-du-parti-communiste-chinois-2eme-partie

     

     

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  • En juillet 2021, le Parti communiste chinois fête ses 100 ans. C’est l’occasion pour Bruno Guigue de vous raconter son histoire et de mieux vous faire connaitre ce pays. Aujourd’hui, premier volet d’une série de 5 : la période 1921-1927. 


     

    LES PREMIERS PAS DU PARTI COMMUNISTE CHINOIS ET LA TRAGÉDIE DE 1927

    Par Bruno Guigue – Le 7 juin 2021

    L’un des paradoxes du communisme chinois, c’est qu’il est né sous les auspices de la révolution bolchevique, mais qu’il n’a triomphé qu’en inventant sa propre stratégie révolutionnaire. Pur produit du marxisme soviétique, il est devenu un mouvement original, ancré dans l’histoire immémoriale de la Chine. Ce destin de la révolution chinoise montre que le marxisme n’est pas une théorie exportable, mais une pratique singulière enracinée, comme dit Lénine, dans «l’analyse concrète d’une situation concrète». Les fondateurs du Parti communiste chinois ont inauguré un processus doublement inédit : par la nouveauté d’une révolution paysanne qui doit davantage à une tradition endogène qu’aux recettes exogènes du marxisme européen ; et par le basculement spectaculaire d’un quart de l’humanité, au prix d’un combat titanesque, du côté du socialisme réel. Toutefois, ne perdons pas de vue l’essentiel : stratégie révolutionnaire novatrice, le maoïsme est né, au sein du parti communiste, d’une révision idéologique dictée par la profonde crise qui frappe la nation chinoise à la suite de l’effondrement du système impérial. Et s’il prononce une fin de règne, celle de la Chine semi-féodale et semi-coloniale, c’est parce qu’il a su disqualifier cet acteur inconséquent de la renaissance nationale qu’était le Guomindang, parti « nationaliste » incapable de mener la révolution bourgeoise et de répondre aux revendications des masses.

     

    Les débuts du communisme chinois sont modestes. Une poignée de jeunes intellectuels issus de la petite bourgeoisie urbaine, telle est l’équipe fondatrice. Elle a d’abord animé différents groupes, plus ou moins inspirés par le Mouvement du 4 mai 1919, qui se convertissent au marxisme lorsque les traductions de ses textes les plus célèbres connaissent une large diffusion. C’est la Société d’études marxistes, fondée en décembre 1919 par Li Dazhao, bibliothécaire de l’Université de Pékin. Ou encore la revue « La Nouvelle Jeunesse », qui accompagne son prestigieux fondateur, Chen Duxiu, dans son ralliement aux thèses communistes. Il est vrai que la doctrine marxiste, grâce à la mise à jour anti-impérialiste due à Lénine, présente un avantage énorme : empruntée au monde occidental, elle ne lui ménage pas ses critiques. Alors que le libéralisme se contente de copier une culture étrangère, le marxisme ouvre la voie à une révolution à la fois nationale et sociale. Si l’on en fait bon usage, il permettra de venger la fierté blessée d’une nation soumise au joug semi-colonial, tout en engageant la transformation sociale exigée par la misère des masses. Il offrira alors à la Chine la possibilité de poursuivre sa modernisation en comptant sur ses propres forces. A cet égard, la fondation du Parti communiste chinois se situe bel et bien dans le prolongement du Mouvement du 4 Mai 1919. Révolte patriotique provoquée par l’attribution au Japon des possessions allemandes, il a défié la vieille société et invité la jeunesse à se débarrasser de son carcan vermoulu. En jetant dans les rues des milliers d’étudiants ulcérés par l’humiliation nationale, cette insurrection morale préparait le terrain aux révolutions à venir.

    A sa naissance, le Parti communiste chinois est un groupuscule. Réuni le 23 juillet 1921 dans la concession française de Shanghaï, son congrès fondateur rassemble 13 délégués qui représentent 57 adhérents issus de petits groupes présents à Pékin, Shanghaï, Wuhan, Canton, Changsha et Jinan. Mais la moitié de ces délégués quitteront le parti au cours des années suivantes. Mao Zedong et Dong Biwu (qui sera président de la République populaire de Chine) sont les seuls à y demeurer jusqu’à leur mort. Élu secrétaire général en raison de son ascendant intellectuel, Chen Duxiu tombe en disgrâce en août 1927 et finit par se rallier au trotskysme. Li Hanjun, Deng Hemming, Chen Tanqiu, He Shusheng, Cheng Gongbo et Zhou Fuhai périssent durant la guerre civile, fusillés ou poussés au suicide par le Guomindang et les seigneurs de la guerre. Absent au congrès, mais très influent, l’intellectuel Li Dazhao est exécuté par les sbires de Chiang Kaï-shek en 1927. Rival de Mao durant la Longue Marche, Zhang Guotao finit par se rallier au Guomindang et meurt en exil. Bao Huiseng fait de même, puis il revient au bercail pour disparaître de la scène publique. Professeur d’université, Li Da sera l’une des victimes de la Révolution culturelle en 1966. Sombre tableau, qui fait ressortir la cruauté d’une époque qui broie les individus : les convulsions de la guerre civile ont éclairci les rangs des fondateurs. Bien que physiquement absents lors du premier congrès, deux hommes vont jouer un rôle de premier plan jusqu’en 1927 : Chen Duxiu et Li Dazhao. De nouveaux dirigeants leur succéderont. Quant à Mao Zedong, il est l’un des rares à avoir survécu durant la terrible période qui va de 1921 à 1949.

    A mi-chemin entre la société secrète et le cercle littéraire, le nouveau parti est un embryon d’organisation politique qui ne prend vraiment son essor qu’à partir de 1925. Mais surtout, il est placé d’emblée sous la tutelle vigilante de l’Internationale communiste. Dès le printemps 1920, la mission Voitinsky envoyée par le Bureau d’Extrême-Orient a favorisé sa naissance en lui fournissant aide matérielle et encadrement idéologique. Le 23 juillet 1921, ses délégués Sneevliet et Nikolski représentent l’IC au premier congrès du Parti communiste chinois. Ce qui n’empêche pas les congressistes de vouloir défendre leurs propres idées. Le IIe congrès du Komintern, en juillet 1920, a adopté ses fameuses «Thèses sur les questions nationale et coloniale», esquissant une stratégie révolutionnaire en deux étapes pour les pays coloniaux et semi-coloniaux. La première, dite de libération nationale, doit être menée par la bourgeoisie, les communistes ayant pour tâche de la soutenir tout en organisant le prolétariat et la paysannerie. La deuxième étape est la révolution prolétarienne, où le parti communiste jouera le rôle dirigeant en s’alliant avec les représentants de la petite bourgeoisie et de la paysannerie. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la résolution finale du 1er congrès du PCC, ignorant la première étape, est assez éloignée de cette perspective : «Les forces révolutionnaires doivent, avec le prolétariat, renverser le pouvoir politique de la classe capitaliste, soutenir la classe ouvrière, dans le but d’abolir toutes les distinctions de classe. Nous défendrons la dictature du prolétariat jusqu’à ce que la lutte des classes prenne fin et que les distinctions de classe soient abolies».

    Cette ligne intransigeante exclut tout compromis avec les autres formations politiques, et elle recommande «une attitude indépendante, combative et exclusive». Le nouveau parti s’assigne pour tâche essentielle d’organiser la classe ouvrière, et il investit toute son énergie dans l’organisation du mouvement syndical, notamment à Shanghaï et à Canton. Il entend créer les conditions d’une prise du pouvoir par le prolétariat, seule classe accédant à ses yeux à la dignité révolutionnaire. «Dans la lutte politique contre les seigneurs de la guerre et les bureaucrates, et pour la liberté de parole, de presse et d’association, notre parti doit défendre résolument le prolétariat et n’entretenir de relation avec aucune autre organisation» 1. Certes, une minorité des délégués pose la question des relations avec le Guomindang de Sun Yat-sen en faisant valoir son nationalisme. Mais la majorité tient ce parti pour aussi nocif que les cliques militaristes, voire davantage en raison de l’attrait qu’il exerce sur les masses. Prônée par l’Internationale communiste, l’idée d’une alliance avec le Guomindang afin de hâter la libération nationale ne suscite aucun enthousiasme chez ces intellectuels radicaux. Devant le spectacle affligeant de l’opportunisme politicien, ils épousent l’idéal d’un parti révolutionnaire qui ne transige pas avec l’adversaire, fidèle à l’orthodoxie marxiste et décidé à instaurer la dictature du prolétariat. Plutôt que de lier son sort à un mouvement national dont il rejette le caractère bourgeois, le nouveau parti rêve de faire cavalier seul en mobilisant les ouvriers. Ambition louable, mais de courte durée. Le parti va bientôt mesurer sa faiblesse et adopter la stratégie d’union avec le Guomindang exigée par l’Internationale.

    A première vue, cette stratégie unitaire ne présente que des avantages pour les forces en présence. Du point de vue nationaliste, elle garantit la bienveillance de Moscou, procure une aide matérielle non négligeable et accélère la mue du Guomindang en parti structuré sur le modèle bolchevique. L’Internationale, de son côté, y voit le couronnement de ses propres thèses sur la question nationale, l’affaiblissement de l’influence des puissances étrangères et le moyen de favoriser l’implantation du parti communiste dans le sillage du nationalisme. L’accord entre le Guomindang et l’Internationale est d’autant plus aisé que l’URSS a renoncé unilatéralement aux avantages acquis en Chine à la suite des traités inégaux. Plus qu’une convergence d’intérêts, cette identité de vues est scellée par la déclaration commune Sun-Joffé du 26 janvier 1923 : «Le docteur Sun Yat-sen pense que le système communiste et même celui des soviets ne peuvent pas être introduits en Chine où n’existe aucune condition favorable à leur application. Ce sentiment est entièrement partagé par M. Joffé qui pense que le problème le plus important et le plus urgent pour la Chine est celui de son unification et de son indépendance nationale. Il a assuré au docteur Sun Yat-sen que la Chine a toute la sympathie du peuple russe et peut compter sur l’appui de la Russie dans cette grande entreprise». Mais en nouant cette alliance avec le représentant du gouvernement soviétique, le chef du mouvement nationaliste accepte aussi l’entrée des communistes dans le Guomindang. Entre les deux partis, la stratégie promue par Moscou n’instaure pas seulement une coopération, mais une véritable fusion organique. Elle sera mutuellement profitable jusqu’à l’inévitable rupture qui interviendra au printemps 1927.

    Pour les communistes chinois, ni l’alliance ni la fusion avec les nationalistes n’allaient de soi. Adoptée lors du IIe congrès en juillet 1922, la stratégie d’alliance avec le Guomindang repose sur une analyse lucide des rapports de classes, mais elle n’implique nullement l’abandon de l’objectif final : «Actuellement, le Parti communiste chinois doit, dans l’intérêt des ouvriers et des paysans pauvres, soutenir la révolution démocratique et forger un front démocratique uni des ouvriers, des paysans pauvres et des petits bourgeois» 2. Lorsque l’Internationale passe d’une stratégie d’alliance à une stratégie fusionnelle, le parti se divise en deux camps. Sans doute suggérée par Sun Yat-sen, l’idée audacieuse de Sneevliet, en effet, est de demander aux membres du PCC d’adhérer individuellement au Guomindang. Contre cette stratégie, la fraction de gauche rassemblée autour de Zhang Guotao objecte que le parti communiste risque de se dissoudre dans une organisation beaucoup plus vaste, dont le contenu de classe est ambigu, l’attitude peu fiable et l’idéologie confuse. Pour la fraction de droite rassemblée autour de Chen Duxiu, de son côté, il vaut mieux laisser la bourgeoisie faire sa révolution démocratique et attendre que le fruit soit mûr pour entreprendre la révolution prolétarienne. Dans les deux cas, on condamne la stratégie fusionnelle. Un tir croisé contre la proposition de l’Internationale, toutefois, qui n’empêchera pas le parti de s’y rallier bon gré mal gré.

    Lorsque l’adhésion individuelle des communistes est avalisée par le congrès de réorganisation du Guomindang, en janvier 1924, le PCC est encore un petit groupe de quelques centaines de membres. Deux ans plus tard, il en compte 10 000. En juillet 1926, 30 000. En avril 1927, c’est un parti de 58 000 militants, auxquels s’ajoutent les 35 000 membres des Jeunesses communistes. Jusqu’à la trahison finale de Chiang Kaï-shek, cette ascension fulgurante fait figure de plaidoyer rétrospectif en faveur de la stratégie de fusion. Leur présence à tous les niveaux de l’organisation nationaliste a permis aux communistes d’accroître leur influence de façon exponentielle. Ils dirigent des grèves imposantes, consolident les syndicats ouvriers, notamment à Shanghaï, et ils gagnent en notoriété dans l’ensemble de la société chinoise. De 1924 à 1927, ils constituent l’élément le plus actif et le plus résolu d’un mouvement qui va dans le sens de l’histoire. Portés par la vague du nationalisme révolutionnaire, ils contribuent largement à son expansion grâce à la mobilisation ouvrière. En mai 1925, le massacre de manifestants par la police de la concession internationale de Shanghaï déclenche une vaste protestation, scandée par une série de grèves ouvrières et de manifestations anti-impérialistes. Un mouvement qui préfigure la grève insurrectionnelle qui livrera la ville, deux ans plus tard, aux troupes révolutionnaires parties à la conquête du Nord sous l’autorité du Guomindang. Une insurrection réussie, qui marque l’apogée du parti communiste durant cette période que les historiens chinois appellent «la première guerre civile révolutionnaire» (1921-1927).

    Cette guerre, qui oppose l’Armée nationale révolutionnaire du Guomidang aux seigneurs de la guerre qui se partagent le territoire chinois, a contribué à asseoir la puissance du parti communiste. L’inconvénient, c’est qu’elle a fini par retourner ses effets contre lui. Chef de l’ANR, Chiang Kaï-shek se sent suffisamment fort, au printemps 1927, pour rompre avec les communistes. Avec l’aide des gangsters de Shanghaï, ses troupes attaquent par surprise les syndicats ouvriers et massacrent les militants communistes. Sanglante trahison, le retournement du 12 avril 1927 clôt un cycle historique. Il inaugure une terreur blanche qui s’abat sur de nombreuses provinces, où les dirigeants ouvriers et paysans sont traqués. Le parti communiste est condamné à la clandestinité, ses membres pourchassés. Manifestement, son équipe dirigeante a sous-estimé le danger que représentait Chiang Kaï-shek. Depuis la disparition de Sun Yat-sen, emporté par la maladie en 1925, le bouillant général nationaliste conforte son autorité sur l’ANR et fait figure de rival sérieux pour la direction du Guomindang, alors assumée par le chef de l’aile gauche, Wang Jingwei. Si Chiang prend la décision de liquider les communistes, c’est qu’il a obtenu l’appui de la grande bourgeoisie, et qu’il veut briser l’essor des syndicats ouvriers. Déjà, en mars 1926, il s’est rendu maître de la ville de Canton et a infligé à l’activité communiste de sévères restrictions. Coup de semonce, qui permet au général d’instaurer une quasi-dictature au moment où il prend la direction de «l’Expédition du Nord» destinée à conquérir et unifier la Chine.

    Fidèles aux directives de l’Internationale, les communistes vaincus à Shanghaï continuent néanmoins de miser sur l’alliance avec le Guomindang. Wang Jingwei ayant condamné la politique de Chiang et installé son propre gouvernement à Wuhan, ils lui offrent aussitôt leur collaboration. Nouvelle erreur, qui expose le PCC à une deuxième vague répressive lorsque le chef de la gauche nationaliste se réconcilie, deux mois plus tard, avec l’ambitieux général en chef. Conseiller soviétique du gouvernement de Canton, Borodine est finalement expulsé par ces nationalistes qu’il a tant aidés à constituer un parti centralisé. Échec cinglant d’une stratégie, celle du front uni avec le Guomindang, qui est d’abord celle de l’Internationale. Mais le parti communiste ne s’est pas toujours comporté en instrument docile des délégués moscovites. Durant la période 1921-1927, il mène de front deux politiques : adhérer au mouvement nationaliste et préparer la révolution prolétarienne. Il encadre le prolétariat urbain sur une ligne révolutionnaire, et il adopte une stratégie insurrectionnelle quand il le juge opportun. Cette attitude est d’abord couronnée de succès. Club d’intellectuels inexpérimentés en 1921, il est en 1927 un véritable parti ouvrier, capable d’entraîner des centaines de milliers de travailleurs. Simultanément, son ralliement au mouvement nationaliste favorise son identification à la lutte engagée contre les seigneurs de la guerre. Fondé sur une ambiguïté assumée, le succès du PCC a cependant son revers de la médaille. Car sa progression spectaculaire persuade Moscou que le Guomindang, sous l’influence communiste, finira par muer en parti ouvrier et paysan, et la perspective de cette transformation conforte la politique du front uni. Cette erreur d’appréciation contient en germe le drame du 12 avril : elle exerce un effet aveuglant sur les stratèges de l’IC, au moment où l’aide des conseillers soviétiques permet au parti nationaliste de se renforcer.

    L’attitude de l’Internationale durant cette période est un sujet inépuisable de controverses. Rejeté dans l’opposition, Léon Trotsky n’a cessé d’incriminer la direction soviétique pour sa responsabilité dans le fiasco de la première révolution chinoise. Il est pourtant l’un des principaux dirigeants du mouvement communiste international lorsque la mission Voitinski a jeté les bases de la stratégie du front uni. C’est l’un de ses fidèles lieutenants, Adolphe Joffé, qui en est le principal artisan au côté de Sun Yat-sen. Et en 1926, malgré la première offensive anticommuniste de Chiang Kaï-shek à Canton, le secrétaire général du PCC et futur trotskyste Chen Duxiu qualifie de «gauchisme infantile» la volonté de rompre avec le Guomindang. A ses yeux, les partisans de la révolution agraire, comme Mao Zedong, ne comprennent pas que les paysans veulent seulement une baisse des fermages et non qu’on attribue «la terre à ceux qui la travaillent». Une attitude qui conduit à se couper des masses tout en indisposant la petite bourgeoisie, et qui revient, dit Chen, à «ignorer la véritable gauche au nom d’une extrême gauche imaginaire». Certes, Trotsky dénonce à juste titre l’erreur stratégique commise au lendemain du coup d’État du 12 avril. L’obstination à prolonger l’alliance avec les nationalistes était suicidaire : la bourgeoisie ayant quitté le front uni avec Chiang Kaï-shek, on croyait que le Guomindang épuré deviendrait un parti révolutionnaire, représentant désormais la petite bourgeoisie, la paysannerie, et le prolétariat grâce aux communistes. Cet espoir placé dans la gauche nationaliste était démesuré, et l’IC aurait dû s’en apercevoir plus tôt.

    S’il a raison sur ce point (il n’est pas le seul), Trotsky s’illusionne toutefois sur l’essentiel : la possibilité effective d’une révolution prolétarienne dans la Chine des années 20. Il affirme que les ouvriers de Shanghaï, en avril 1927, auraient dû «recevoir Chiang Kaï-shek comme un ennemi, et non comme un libérateur». En réalité, le mouvement ouvrier n’a fait ni l’un ni l’autre, et Trotsky se trompe sur le véritable rapport de forces : «Il est clair qu’on aurait pu sauver la situation même à ce moment-là. Les ouvriers de Shanghaï sont au pouvoir. Ils sont partiellement armés. Il y a la possibilité de les armer beaucoup plus. L’armée de Chiang Kaï-shek n’est pas sûre. Dans certaines unités, même le commandement est du côté des ouvriers. Mais tous sont paralysés au sommet. Il ne faut pas préparer une lutte décisive contre Chiang Kaï-shek, mais sa réception triomphale. Parce que Staline a donné de Moscou ses instructions catégoriques : non seulement ne pas résister à l’allié Chiang Kaï-shek, mais au contraire montrer votre loyauté à son égard. Comment ? Couchez-vous et faites le mort» 3. Dans cette analyse, Trotsky commet deux erreurs. D’abord, il fait preuve d’un optimisme exagéré quant aux capacités révolutionnaires du prolétariat de Shanghaï au printemps 1927. Ensuite, contrairement à ce qu’il affirme, le drame sanglant du 12 avril n’a rien à voir avec Staline. Les communistes sont membres du Guomindang en application de la stratégie du front uni, mais aucune consigne de l’Internationale ne leur a demandé de passer à l’insurrection. Et lorsqu’ils livrent la ville à l’ANR, c’est de leur propre initiative.

    Si la classe ouvrière de Shanghaï a été décapitée par Chiang Kaï-shek, ce n’est pas parce que Moscou l’a immolée sur l’autel de la révolution bourgeoise. C’est parce que la montée du prolétariat organisé a effrayé la bourgeoisie et que Chiang entend la rallier à sa bannière en liquidant les communistes. Les syndicats ouvriers n’ont pas été «désarmés par l’IC», comme le prétend Trotsky, mais ils manquaient d’armes face à une troupe aguerrie, dont le chef avait décidé de leur tordre le cou avec l’aide des gangsters locaux. Mais peu importe, l’opposant bolchevique n’en démord pas : «La révolution chinoise de 1925‑1927 avait toutes les chances de vaincre. Une Chine unifiée et transformée aurait constitué à cette époque un puissant bastion de liberté en Extrême‑Orient. Mais le Kremlin, manquant de confiance dans les masses chinoises et recherchant l’amitié des généraux, a utilisé tout son poids pour subordonner le prolétariat chinois à la bourgeoisie et a ainsi aidé Chiang Kaï-shek à écraser la révolution chinoise». Ce mythe du sacrifice délibéré de la révolution chinoise par une direction moscovite mi-aveugle, mi-cynique aura la peau dure. La causalité de l’échec est plus complexe. Les erreurs humaines ont sans doute précipité la débâcle de 1927, mais les conditions objectives n’étaient guère réunies pour la conquête du pouvoir dans un pays où la classe ouvrière rassemblait à peine 1% des Chinois.

    Une politique de type gauchiste, fondée sur l’indépendance du parti et l’insurrection permanente, aurait sans doute réduit les communistes à la clandestinité. Condamnés à une activité groupusculaire, coupés des masses, ils auraient végété dans l’ombre du mouvement nationaliste. L’histoire en a décidé autrement, et l’échec du front uni a poussé les communistes chinois dans des voies inexplorées. Chassés des villes par la répression, ils se réfugient dans les campagnes. Là, dans des conditions nouvelles, la pratique palliera les défaillances de la théorie. De la défaite essuyée en milieu urbain, les communistes chinois tireront les leçons. La force des choses les conduira là où ils n’imaginaient pas pouvoir semer les ferments de la future révolution : auprès des paysans pauvres des régions déshéritées, au cœur de cette Chine arriérée qui fut le théâtre des grandes révoltes millénaristes. Cette confrontation improbable entre la modernité révolutionnaire et l’immensité rurale aura des conséquences incalculables. Elle provoquera un véritable saut qualitatif dans la définition de la stratégie révolutionnaire, elle la pliera de force aux conditions objectives de la société chinoise. Le mouvement paysan préexistait aux communistes, mais ils sauront lui donner une ampleur inédite. Ce sera l’acte de naissance du maoïsme.

    Bruno Guigue

     

    Notes

     
    1. Stephen A. Smith, « Et la voie fut tracée … Les débuts du mouvement communiste en Chine (Shanghaï 1920-1927) », Les Nuits Rouges, 2019, p. 56 
    2. Jacques Guillermaz, « Histoire du parti communiste chinois », (1921-1949), Payot, 1968, p. 80 
    3. Léon Trotsky, « Faits et Documents », août 1930, marxists.org 

     

    source: https://lesakerfrancophone.fr/

     

     

     

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    Cuba Tokyo
    Cuba aligne sa plus petite délégation aux J.O de Tokyo depuis sa première participation en 1964. ©cubadebatefacebook
     
    En dépit d'une crise économique, sociale et sanitaire, les athlètes cubains affichent un palmarès extraordinaire. Cinq médailles en or, 3 en argent et 4 de bronze ont été remportées dans diverses disciplines. À Tokyo, Cuba a présenté une délégation composée pour la plupart d'athlètes expérimentés.

    Avec seulement 69 athlètes, c’est la plus petite délégation de l'histoire cubaine à participer aux Jeux Olympiques depuis 1964.

    Dès sa première participation, Cuba s’est taillé une réputation sur le ring de boxe. Les athlètes cubains ont remporté 37 médailles d’or dans cette discipline.

    À Tokyo, Roniel Iglesias dans la catégorie de 69kgs, remporte l’or. Il ajoute cette médaille à sa collection. Il était champion olympique à Londres en 2012. En 2008, à Pékin, il avait décroché le bronze.

    Son compatriote Arlen Lopez qui boxe dans la catégorie 75 à 81 kilos gagne sa deuxième médaille d’or olympique.

    Cuba Arlen Lopez
    Le boxeur Arlen Lopez remporte sa 2e médaille d'or olympique. ©cubadebatefacebook

    Dans l’épreuve de la lutte gréco-romaine, Luis Orta, âgé de 26 ans remporte de l’or chez les 60kgs.

    Mijain Lopez, le lutteur redouté de tous les athlètes 

    Âgé de 38 ans, haut d’1,98m, Lopez a participé aux 5 Jeux Olympiques consécutifs depuis 2004. Il est l’unique lutteur gréco-romain à remporter 4 médailles d’or ainsi que 4 championnats du monde.  

    Mijain Lopez annonce que Tokyo sera son dernier rendez-vous des J.O.

    Cuba Mijain Lopez
    Le palmarès du lutteur gréco-romain de Cuba, Mijain Lopez. ©cubadebatefacebook

    Les cubains ont également brillé en canoé-kayak. Fernando Jorge et Serguey Torres ont remporté l’or à 2 places, sur la distance du sprint de 1000m.

    Cuba canoe kayak
    Le duo cubain, Fernando Jorge et Serguey Torres remportent l'or dans la catégorie C2-1000m. ©cubadebateinstagram

    La médaille d’argent du judo, catégorie 78kgs est remporté par Idalys Ortiz détentrice de la médaille d’or aux J.O de Londres de 2012.

    Cuba Idalys Ortiz
    La judoka cubaine, Idalys Ortiz remporte la médaille d'argent dans la catégorie 78kgs. ©twitter

    Juan Miguel Echevarria et son compatriote Maykel Masso ont remporté les médailles d’argent et de bronze respectivement pour leurs performances au saut en longueur. Âgés tous les deux de 22 ans, ils représentent l’avenir de la discipline.

    Au champ de tir, 25m pistolet à tir rapide, Leuris Pupo qui a participé à ses premiers J.O en l’an 2000 à Sydney en Australie, remporte l’argent.

    Rafael Alba, double champion de taekwondo, catégorie plus de 80kgs, remporte le bronze ainsi que sa co-équipière, Yaime Perez, au lancer du disque.

    Cuba Yaime Perez
    La cubaine, Yaime Perez, médaillée de bronze au lancer du disque. ©cubadebate twitter

    À Tokyo, sur 205 pays participants, Cuba arrive pour l'instant (4 août 2021) à la 14e place au tableau des médailles.

    Les crises sanitaire, sociale et économique, n’ont pas réussi à éteindre l’excellence des athlètes de ce pays dans diverses disciplines sportives.

     

    source: https://la1ere.francetvinfo.fr/martinique/

     

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  •  Pérou : Un pays riche plein de pauvres   (resumen- 10/08/21)

     

    par Hedelberto López Blanch

     

    Le nouveau président péruvien, Pedro Castillo, rencontrera de nombreux écueils dès les premiers moments de son mandat pour mener à bien son programme de gouvernement car le parlement est contrôlé par une majorité d'extrême-droite et néolibérale attachée à Washington par un cordon ombilical qui fera tout son possible pour bloquer toute initiative qui profite au peuple.

    Les premières attaques ont été dirigées vers plusieurs personnes nommées au cabinet ministériel comme Verónica Mendoza, Roger Najar ou Guido Bellido. L'opposition et toute la presse contrôlée par la droite les a attaquées.

    Malgré la virulence et l'agressivité de la campagne déchaînée par la droite qui domine les entreprises, les commerces, las grandes propriétés, les banques et les médias, Castillo, le candidat de la gauche, a réussi à obtenir la présidence 42 jours après le second tour.

    Les jours d'attente ont été longs et tendus. Le peuple a veillé en permanence pendant que la candidate d'extrême-droite Keiko Fujimori, vaincue et sous le coup d'une condamnation à 30 ans de prison pour corruption, posait des pièges pour remettre en question la propreté des élections.

    Après l'investiture de Castillo le 29 juillet dernier, la droite a commencé à essayer d'affaiblir et de discréditer le Gouvernement en minant sa base sociale pour à moyen ou à long terme, promouvoir la destitution du président et le chasser du pouvoir.

    Les Péruviens ordinaires sont accablés et fatigués d'entendre les promesses des politiques qui leur ont promis monts et merveilles et n'ont pas tenu leurs promesses, comme c'est arrivé avec le Gouvernement d'Ollanta Humala. C'est pourquoi le nouveau Gouvernement devra légiférer et avancer dans ses projets sociaux pour ne pas créer l'apathie dans la population qui l'a soutenu.

    L'instituteur Castillo a promis, entre autres choses, de lutter contre la pandémie de COVID-19, de promouvoir l'éducation et la santé publique pour tous les citoyens, de faire une seconde réforme agraire, de diminuer les privilèges des transnationales qui pillent la pus grande partie des richesses et de faire approuver par referendum une nouvelle Constitution qui remplace la Constitution néolibérale établie en 1989 sous la dictature d'Alberto Fujimori.

    Castillo a déclaré à plusieurs occasions « Plus de pauvres dans un pays si riche. » La croissance, avant la pandémie, était de 5% par an en moyenne mais cela ne représentait pas une amélioration pur la population car 1% des riches concentraient 30 % des revenus.

    Le Pérou est la cinquième économie de l'Amérique Latine avec un PIB de quelques 240 000 000 000. Il exporte du cuivre, de l'or, du plomb, du zinc, de l'étain, du molybdène, de l'argent, du pétrole, du gaz naturel, du café, des fruits, des poissons, des produits dérivés et chimiques, entre autres choses.

    Certains organismes internationaux indiquent que 66 % de la population rurale est pauvre, que plus d'un tiers vit dans l'extrême pauvreté et que ces dernières années, la brèche entre riches et pauvres s'est élargie.

    Sur les 32 000 000 de Péruviens, 60 % se trouvent sous le seuil de pauvreté et entre 74% 88 % dans les régions du sud : Ayacucho, Puno, Apurimac ou Huancavelica.

    Comme un mal n'arrive jamais seul, un rapport de l'Institut National de Statistiques et d'Informatique indique que 58 % de la population active est au ch$ômage ou sous-employée et n'a aucune sorte de sécurité sociale. Par conséquent, elle n'a pas droit à la retraite, aux soins médicaux ou à l'éducation alors que 68 % n'a aucun service d'assainissement. Cette situation précaire a augmenté à cause des désastres provoqués par la pandémie. 

    Après la signature du Traité de Libre Commerce (TLC) avec les Etats-Unis, promu par l'ex-président Alejandro Toledo et signé par son successeur Alan García en décembre 2007, les différences sociales ont augmenté avec l'augmentation des politques néolibérales et des privatisations. 

    Le nouveau Gouvernement, avec Castillo à sa tête, aura à faire face à des amendements anti-souveraineté comme le chapitre 10 du TLC qui permet aux compagnies étasuniennes d'agir légalement contre le Gouvernement et d'exiger des compensations extraordinaires au cas où des lois qui portent atteinte à leurs intérêts économiques seraient promulguées.

    Il est impossible de promulguer des règles de protection de l'environnement ou contre des produits nocifs qui portent atteinte à la santé des citoyens si cela rend plus difficile le développement des opérations de production et les bénéfices des entreprises transnationales.

    Le TLC interdit au gouvernement péruvien d'attaquer devant les tribunaux péruviens toute compagnie étrangère. 

    Le droite péruvienne est bien installée à des postes clefs et contrôle de façon absolue les médias. Elle cherchera, grâce à de fausses informations et à des artifices, à isoler Castillo pour faire un coup d'Etat (parlementaire et même militaire) pour le chasser du pouvoir. 

    L'essentiel, pour le président, sera de rester uni au peuple qui, en définitive, est le seul à pouvoir éviter une action de déstabilisation contre lui.

     

    source en espagnol :https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/10/peru-un-pais-rico-lleno-de-pobres/

    source en français (traduction de Françoise Lopez) : http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/08/perou-un-pays-riche-plein-de-pauvres.html

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  •  Pérou : La droite manœuvre déjà pour destituer Pedro Castillo-(resumen 8/08/21)

    par Carlos NORIEGA

    L'instituteur de campagne Pedro Castillo est président depuis moins de 2 semaines et la droite manœuvre pour le destituer. Des parlementaires fujimoristes et d'autres groupes d'extrême-droite comme le parti fasciste Rénovation Populaire lui ont déclaré une guerre ouverte . Ils conspirent pour destituer le président en recourant à la procédure ambigüe de « l'incapacité morale » qui n'a pas besoin d'autre argument qu'un certain nombre de voix. Ils n'ont pas les voix des 2 tiers du Parlement à une chambre de 130 sièges. Mais ils cherchent à créer une situation de crise qui permette à d'autres groupes de droite et de centre-droite de les rejoindre pour obtenir le nombre de voix dont ils ont besoin. Les médias hégémoniques donnent une couverture enthousiaste à ceux qui encouragent un coup d'Etat parlementaire. Des erreurs du Gouvernement comme certaines nominations leur ont donné des armes. 

    La nomination

    La droite tire sur Bellido. Avec le langage maccartiste qu'elle a utilsié pendant la campagne et qui domine à présent dans les médias, elle l'accuse de terrorisme à cause d'une enquête que le Parquet a engagée pour soi-disant apologie du terrorisme – une procédure légale contestée qui condamne les opinions et se prête à un certain nombre d'abus – pour des déclarations considérées par ses accusateurs comme « complaisantes » envers le groupe armé maoïste Sentier Lumineux, vaincu il y a plus de 20 ans. C'est une pratique habituelle de la droite péruvienne de qualifier de terroriste ceux qui s'identifient à la gauche pour les discréditer. Ils lancent cette même accusation contre d'autres membres du cabinet et ils demandent déjà de déclarer « l'incapacité morale » du président et de le destituer pour avoir nommé comme ministres de soi-disant « sympathisants du terrorisme. » C'est une stratégie destinée à provoquer un coup d'Etat.

    Pas de lune de miel

    « Ca a été un début de gouvernement sans la lune de miel qu'on a l'habitude d'accorder aux nouveaux gouvernements. A peine arrivé au pouvoir, on n'a pas laissé Castillo respirer. La droite et les pouvoirs factuels, surtout la grande presse, n'acceptent pas la victoire de Castillo aux élections, ils ne le reconnaissent pas comme président et islont formé une coalition pour le destituer. La droite ne veut pas quitter le pouvoir, qu'elle a toujours eu. Et il y a des erreurs de départ du Gouvernement, comme nommer Bellido. La situation est compliquée, difficile, » a déclaré à PáginaI12 le sociologue Sinesio López, professeur de sciences politiques de l'université de San Marcos et de l'université catholique. 

    Bellido est très proche du secrétaire général fondateur de Pérou Libre, Vladimir Cerrón, un marxiste-léniniste qui a attaqué le centre gauche allié de Castillo. Cerrón, qui a été condamné pour corruption alors qu'il était gouverneur, est un facteur qui complique la situation. C'est l'une des cibles sur lesquelles la droite tire pour frapper Castillo. Le président est pris entre les pressions de Cerrón destinées à prendre plus de pouvoir et ses alliés progressistes. Le cabinet ministériel est l'expression de ces pressions internes. 

    « Bellido et Cerrón représentent une stratégie d'affrontement alors que la corrélation des forces au Congrès n'est pas favorable au Gouvernement. Cette stratégie d'attaque frontale qui implique des mesures très radicales et d'entrée dans le coup d'Etat est une erreur. A cette stratégie s'oppose le fait de faire de grands changements en s'appuyant sur une grande volonté collective, une grande coalition basée sur certains consensus. C'est l'und es pays les plus conservateurs d' Amérique Latine et il est très difficile que la gauche seule puisse gouverner. Elle doit conclure des alliances et avoir une ouverture au centre mais de la gauche vers le centre, pas l'inverse, ce qui lui donne une connotation spéciale. Le Gouvernement doit remplacer Bellido par un homme de centre-gauche qui rallie des secteurs du centre, former un cabinet qui ouvre la possibilité d'élargir la coalition de gouvernement, ce qui affaiblirait la coalition formée pour destituer Castillo. Avec Cerrón et Bellido, cette ouverture de la gauche vers le centre n'est pas possible et on parie sur une gauche radicale. Cela produit l'isolement et la défaite, » déclare López. « Castillo n'a pas d'expérience politique mais il est intelligent et je pense qu'il va finir par bien se replacer. Puisse-t-il avoir le temps de le faire ! »

    La complicité des grands médias

    Bellido doit demander au Congrès, dominé par divers groupes de droite, un vote de confiance pour le cabinet qu'il dirige. S'il le lui refuse, il doit démissionner. La majorité des députés ne le veut pas mais s'ils refusent la confiance à 2 cabinets, le président a la possibilité de dissoudre le Parlement et d’organiser de nouvelles élections législatives. La droite a peur que, si elle chasse Bellido, Castillo le remplace par quelqu'un qui suscite un fort rejet pour provoquer un second refus du vote de confiance et ainsi pouvoir dissoudre le Congrès. C'est pourquoi elle pourrait voter la confiance à Bellido mais manoeuvrer pour boycotter le gouvernement et chercher à le faire tomber. C'est sur le boycott, la déstabilisation et le coup d'Etat que parie l'extrême-droite avec la complicité des grands médias. 

    Sur les 87 voix dont les putschistes ont besoin pour destituer le président, ils en auraient 43. Il y en a 36 autres, des 3 groupes d'opposition de droite qui exigent le remplacement du cabinet ministériel mais qui, au moins pour l'instant, ne se joignent pas ouvertement à la recherche d'un coup d'Etat et il y en a encore 9 autres du centre et du centre-droite qui ont soutenu Castillo mais s'en sont éloignés parce qu'ils ne sont pas d'accord avec le cabinet. Les partisans du coup d'Etat espèrent obtenir toutes ces voix pour faire tomber le Gouvernement. Le parti au Gouvernement a seulement 42 sièges : 37 pour Pérou Libre et 5 pour ses alliés de gauche ensemble pour le Pérou.

    Au-delà des critiques légitimes contre Bellido et certains autres membres du cabinet, poru la droite qui veut destituer Castillo, c'est un prétexte pour attaquer le président. Les putschistes d'aujourd'hui sont les mêmes que ceux qui n'ont pas reconnu la victoire de Castillo aux élections et ont essayé de l'empêcher d'arriver au pouvoir en alléguant une fraude inexistante. ls n'ont pas pu éviter qu'il devienne président, maintenant, isl cherchent à la chasser du pouvoir. En criant « Non au communisme ! » la droite se mobilise dans la rue. Ce ne sont pas des marches massives mais les médias leur donne une grande couverture. 

    Castillo est devenu un dirigeant du peuple qui a recueilli et exprimé les espoirs de changement et d'inclusion. Les secteurs traditionnellement marginalisés, démunis, se sont identifiés à l'instituteur de campagne des Andes qu'ils voient comme l'un des leurs et ils ont trouvé en lui une représentation qu'ils n'avaient jamais eue. C'est la principale force de Castillo pour affronter les tentatives de coup d'Etat. 

    « Le pouvoir de Castillo est dans les citoyens mobilisés. IL doit dire à la population « Ils ne me laissent pas gouverner » et la mobiliser. S'il mobilise les champs, les provinces, les quartiers populaires de Lima, alors il peut arrêter cette tentative de destitution. Pour cela, il doit corriger l'erreur qu'il a faite en formant son cabinet : remplacer Bellido”, indique Sinesio López. 

     

    Source en espagnol :https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/08/peru-la-derecha-ya-maniobra-para-destituir-a-pedro-castillo/

    Source en français (traduction de Françoise Lopez) :http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/08/perou-la-droite-manoeuvre-deja-pour-destituer-pedro-castillo.html

     

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  •  Pérou : Biographie d'Héctor Béjar   (resumen 6/08/21)Hector Béjar, Chancelier (*) de la République du Pérou

     

    Pérou : Biographie d'Héctor Béjar , la biographie d'un chancelier (*) qui est un luxe pour un continent où beaucoup de ses collègues sont de simples félons de l'Empire 

     

    Héctor Béjar est né le 2 septembre 1935 dans le district de Ricardo Palma, province d'Huarochirí, département **de Lima, Pérou. Son père, Mariano Béjar Pacheco, était musicien et membre du parti APRA. Il n'était pas d'accord avec le direction du parti. Sa mère, Zoila Rivera Rodríguez, était institutrice. Il a étudié le droit à l'Université Nationale Major de San Marcos (UNMSM). Elle ne fut jamais dirigeants étudiante mais elle fut secrétaire de presse du Centre Fédéré des Lettres. 

    Dès 16 ans, il a travaillé comme présentateur d'information et d'artistes nationaux et internationaux à la Radio Centrale de Lima. Grâce à ce travail de 4 heures par jour, il a financé ses dépenses et il a travaillé jusqu'en 1960 à cette station de radio.

    En 1951, à 15 ans, il a commencé à étudier à l'UNMSM. Il a obtenu une licence de droitet de sciences politiques, a été avocat (1999), a obtenu une maîtrise en gestion des projets sociaux (2002) et un doctorat en sociologie (2006). 

    En 1953, il est entré au Parti Communiste Péruvien (PCP), encore clandestin. Il a été secrétaire de presse et membre du Comité Central Provisoire de 1954 à 1959. En 1956, il a fondé Unité, le journal du PCP. Son pseudonyme au Parti était Alayza. En 1956, il a été arrêté pour la première fois, pour avoir organisé un pèlerinage à Mariátegui. Il a été arrêté une seconde fois en mai 1958 lors des mobilisations organisées par la gauche pour souhaiter « la bienvenue » au vice-président des Etats-Unis, Richard Nixon. Des dizaines de personnes ont été arrêtées par le Gouvernement péruvien. 

    En 1959, il a été expulsé du PCP, avec Juan Pablo Chang (assassiné avec Ernesto Che Guevara en octobre 1967). Au cours de leur parcours de militants, Béjar et Chang ont fortement critiqué la direction et le cours politique du Parti. Après son expulsion en 1959, il a formé avec Chang, Guillermo Mercado León et Luis Zapata Bodero (ces 2 derniers sont morts dans la guérilla “Javier Heraud” de l'Armée de Libération Nationale (ELN) en décembre 1965), entre autres, le Comité Léniniste du Département de Lima. Ce Comité avait pour but de fonder un parti communiste car ils ne considéraient pas le PCP comme un authentique parti communiste. Pendant la période où il a fait parti de ce comité, jusqu'en 1961, son organe de diffusion s'appelait Pérou Populaire.

    En 1961, il s'est rendu à Cuba pour s'entraîner politiquement et militairement à la guerre de guérilla. En septembre 1962, à Cuba, a été fondée l'ELN. Béjar fut l'un de ses dirigeants. L'organisation est née du désir des jeunes péruviens de suivre l'exemple de la Révolution cubaine et était dirigée par une direction collective.

    La base de l'ELN était formée par un groupe de 7 Péruviens qui s'étaient rendus à Cuba fin 1961. L'un d'entre eux était Héctor Béjar. Bien que ce soit un groupe hétérogène, certains de ses membres étaient d'anciens membres du Parti Communiste. Ensuite, le groupe des 7 a été accompagné par d'autres anciens membres du Parti Communiste d'orientation moscovite, des révolutionnaires indépendants et un groupe d'environ 40 étudiants péruviens qui avaient reçu des bourses pour étudier à Cuba mais, impressionnés par la Révolution cubaine, voulaient organiser la lutte de guérilla au Pérou.

    L'ELN est passée par 3 phases. Béjar a participé activement aux 2 premières. La première a débuté dès sa fondation et s'est achevée à la première défaite de l'ELN en mai 1963 dans la ville péruvienne de Puerto Maldonado par la mort du poète Javier Heraud. La seconde phase a débuté avec un processus de restructuration et une évaluation de la première expérience de guérilla. Pendant cette phase, en septembre 1965, l'ELN a créé le front de guérilla “Javier Heraud” dans le département d'Ayacucho, province de La Mar. Cette période s'achève en décembre 1965 par la défaite de l'ELN et la mort de presque tous ses militants. Il n'y eut que 2 survivants dont Héctor Béjar. Malade et la guérilla décimée, il est rentré à Lima le 27 février 1966 et le lendemain, il a été arrêté chez l'économiste et professeur d'université Virgilio Roel.

    Dans la guérilla, son pseudonyme était Calixto. Il n'a pas commandé l'ELN mais il a dirigé la guérilla. Dans l'ELN, il n'y avait pas de grades mais il y avait une discipline militaire. Il avait le parcours politique le plus important de tous ceux qui faisaient partie du groupe de guérilla du département d'Ayacucho.

    Il ne fut pas condamné parce qu'il n'y avait aucune preuve de sa participation à la guérilla. Les paysans de la ferme Chapi, l'une des fermes attaquées par la guérilla (25 septembre 1965), attaque dans laquelle ses propriétaires sont morts, ne l'ont pas reconnu comme l'und es guérilléros. Il a été emprisonné sans jugement. L'Etat péruvien avait demandé 17 ans de prison.

    Son premier livre « Pérou 1965: Notes sur une expérience de guérilla » qui a remporté le prix latino-américain des essais de la Maison des Amériques en 1969, était le résultat de l'élargissement d'un rapport qu'il avait élaboré sur la guérilla en 1965 pour l'ELN. Ce texte s'est appelé « Rapport 1965 » et a été publié en photocopies par l’organisation. Le rapport initial a été élargi parce que Desirée Lieven, une dirigeante franco-russe d'un comité de soutien aux prisonniers politiques au Pérou en France, a proposé de faire publier l'analyse et les expériences de Béjar par la célèbre maison d'édition Maspero. Mais Hildebrando Pérez Grande, membre de l'ELN, l'a proposé au concours du meilleur essai de la Maison des Amériques.

    En plus de ce livre, après son arrestation, il a publié différents travaux concernant la guérilla. En 1967, la même ELN a publié « Révolution : présent et avenir. » Ce travail est un synthèse explicative des objectifs et des principales expériences concernant le mouvement guérilléro de 1965 et en particulier l'ELN. Un an plus tard, la revue chiienne Point final a publié « La leçon des erreurs » et en 1969 est paru dans la revue OCLAE de Cuba, “Ernesto Guevara et la révolution latino-américaine » et « 2 guérilléros du continent, » un article sur Che Guevara et Juan Pablo Chang. 

    Le 24 décembre 1970, Béjar et d'autres prisonniers politiques emprisonnés pour leur participation à la guérilla de 1965 et des années précédentes furent amnistiés. Ils ont été libérés sans conditions mais des conversations avec les militaires représentant le Gouvernement de Juan Velasco Alvarado (1968-1975), fruit d'un coup d'Etat militaire contre le président Fernando Beláunde le 3 octobre 1968, Jorge Fernández Maldonado et Leónidas Rodríguez Figueroa, et le civil Carlos Delgado Olivera, secrétaire du président Velasco amenèrent Béjar à travailler dans le « groupe initial » du système national de soutien à la mobilisation sociale (SINAMOS). 

    L'objectif du SINAMOS était de travailler au transfert du pouvoir parce que les militaires pensaient partir. Alors, s'ils partaient, ils ne remettraient pas le pouvoir aux partis mais organiseraient une sorte de Gouvernement du peuple avec des représentants des travailleurs et des paysans. La mission du SINAMOS était en particulier d'organiser les paysans qui avaient reçu des terres de al réforme agraire (1969) et les travailleurs des communautés industrielles qui, avec la traonat, dirigeaient leurs entreprises. 

    Il était à la charge de la direction générale des organisations de jeunesse. Cette direction organisait les jeunes volontaires qui aidaient à organiser les ligues agraires mais avaient aussi des tâches techniques. De plus, la direction développait des activités de diffusion de la Révolution parmi les jeunes. Béjar a travaillé au SINAMOS de 1971 à 1975, jusqu'à la chute de Velasco, le 29 août 1975.

    Ensuite, il a été pendant quelques mois sous-directeur du journal El Comercio, saisi par le Gouvernement militaire de Velasco. Il a été invité par son directeur Helan Jaworski. Quand la corrélation des forces au Gouvernement a été définitivement contraire au processus initié par Velasco, en mai 1976, il a été licencié. Etant donné que le nouveau Gouvernement militaire dirigé par Francisco Morales Bermúdez pensait qu'il allait à nouveau orgnaiser la guérilla, il fut persécuté pendant 1 an et un mandat d'arrêt a été lancé contre lui.

    En décembre 1976, son second livre, « La révolution dans le piège » a été publié. Il traitait des processus politiques pendant la période 1968-1975.

    En 1977 a été fondé, sous la direction de Jaworski, le Centre d'Etudes pourle Développement et la Participation (CEDEP). La mission du CEDEP était d'avoir des relations avec les paysans ayant bénéficié de la réforme agraire et d'offrir une assistance technique aux communautés paysannes. Béjar y est entré et son rôle était de continuer à développer les contacts avec les ligues agraires et avec les fédérations paysannes. De 1989 à 2000, il a été directeur du CEDEP.

    Le CEDEP publiait aussi une revue de sciences sociales intitulée « Socialisme et participation. » Béjar l'a dirigée de 2000 à 2009. 

    Soutenant l’Association Nationale des Centres du Pérou, il a participé à l’organisation de la 13 conférences nationales sur le développement social (CONADES) qui ont réuni de 1995 à 2007 les organisations péruviennes qui travaillaient pour le développement. Il était chargé de proposer les textes des rapports des centres qui proposaient les politiques sociales destinées à surmonter la pauvreté d'une grande partie de la population. Tout ce travail a eu une influence sur l'Accord National (2002) signé par l'ex-président Alejandro Toledo qui comprenait un ensemble de revendications sociales comme politiques publiques. 

    A partir de 1994, après l'approbation de la Constitution de 1993, il est passé à l'opposition face à la dictature néolibérale de Fujimori grâce au Comité Civique dirigé par Gustavo Mohme Llona, le directeur du journal La República et a participé à l’organisation de DEMOS, mouvement pour la démocratie et la société, qui a coordonné et centralisé le mouvement anti-dictature. Cette activité qui a mobilisé des milliers de personnes s'est achevée par le fuite de Fujimori et le retour de la démocratie. 

    Jusqu'en 2009, il a travaillé au CEDEP. C'est pendant cette période qu'il a publié son troisième livre « Politique sociale et justice sociale » (2001). Il a quitté le CEDEP parce que, d'un côté, il n'y avait plus de financement pour le type de projets que Béjar proposait et, d'autre part, il avait commencé à enseigner. « Socialisme et participation. » s'est arrêté faute de financement. Son dernier numéro (107) est celui d'octobre 2009. 

    Après a chute du dictateur Fujimori en 2000, il est revenu dans la politique de la gauche organisée. Pendant quelques temps, il a été coordinateur d'un front qui avait pour objectif d'unir la gauche. Puis, certaines de ces organisations ont créé le Front Large qui a participé aux élections législatives de 2016. Ces élections ont marqué le retour de la gauche de façon organisée après plus de 20 ans d'absence, au Congrès.

    Pendant la période 2009-2020 Béjar s'est principalement consacré à l'enseignement et à écrire des livres d'enseignement comme « Mythes et défis du millénaire. La pauvreté selon les sophistes » (2010), Mythe et utopie. Récit alternatif de l'origine républicaine du Pérou » (2010), « Retour à la guérilla » (2016) et « Vieille chronique et mauvais gouvernement : histoire du Pérou pour les mécontents » (2019). Depuis 2005,il est membre honoraire du Collège de Sociologie du Pérou.

    Héctor Béjar est toujours communiste. Analyste politique, il fait des conférences sur des sujets politiques concernant le Pérou et l'amérique Latine, écrit des articles et fait des présentations lors d'événements concernant la guérilla des années 60 et le Gouvernement de Velasco.

     

    (*) Chancelier= Ministre des affaires étrangères

    Source en espagnol :https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/06/peru-hector-bejar-biografia-de-un-canciller-que-es-un-lujo-para-un-continente-donde-muchos-de-sus-colegas-son-simples-felones-del-imperio/

    Source en français (traduction de Françoise Lopez) :http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/08/perou-biographie-d-hector-bejar.html

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  •  Amérique Latine : Béjar, López Obrador et Fernández vont-ils changer le continent ?

    Le discours du nouveau chancelier du Pérou, la volonté d'intégration du président du Mexique et les coups portés à l'OEA par le président de l'Argentine remet en question la tableau politique du continent. Jusqu'à quel point ?

    Le changement de point de vue concernant le Groupe de Lima annoncé par le nouveau chancelier du Pérou, Héctor Béjar Rivera, semble être le signe d'un tournant progressiste du continent et est accompagné par la réapparition de la Communauté des Etats Américains et Caribéens (CELAC) dans le discours du président du Mexique, Andrés Manuel López Obrador, et d'autres facteurs qui vont donner un nouveau visage politique à l'Amérique Latine.

    Béjar a déclaré récemment que les membres du Groupe de Lima – né au sen de l’Organisation des Etats Américains (OEA) - « ont changé de politique » et que « leur point de vue est différent maintenant. »

    En disant cela, le chancelier ne parlait pas seulement du Gouvernement péruvien mais de tout le groupe. Ce qui semble confirmer cette appréciation, c'est que ni le Gouvernement du Brésil ni celui de la Colombie (pour ne parler que de ceux qui sont le plus à droite) n'ont contredit Béjar.

    Le poids diplomatique du Gouvernement du président Pedro Castillo réside dans le fait qu'il se situe dans la capitale du Pérou qui a donné son nom au groupe créé par l' OEA, actuellement composé de 16 membres. Ce groupe avait été fondé par le président du Pérou de l'époque, Pedro Pablo Kuczynski, qui faisait fonction de maître de cérémonie lors de sa création, en 2017, dans le but d'encercler politiquement le Gouvernement du Venezuela.

    En ce moment, après la prise de position officielle du nouveau Gouvernement péruvien, le groupe semble avoir perdu toute fonction politiquement logique malgré la tendance conservatrice des Gouvernements du Chili, du Canada, de l'Uruguay, du Brésil et de la Colombie.

    Le conservatisme dur gouverne encore mais se sait sur le départ. L'incertitude concernant le tour que prendra la région augmente, en particulier face aux élections présidentielles qui auront lieu au Chili à la fin de l'année et en Colombie et au Brésil, en 2022.

    Tous semblent distinguer un changement de sens qui, en outre, se manifeste déjà dans les bureaux de son principal allié et mentor : les Etats-Unis, la grande puissance du Nord. Ce tournant a commencé à se manifester dès que les démocrates ont gagné les élections.

    C'est au moins ainsi que le président de l'Argentine Alberto Fernández a tenté de l'expliquer cette semaine quand il a dit que la politique du Gouvernement de Donald Trump a fait «  que l'OEA ne soit plus un lieu de rencontre pour l'Amérique Latine » et l'a qualifiée « d'escadron » destiné à attaquer les Gouvernements populaires en insistant sur le fait que « telle qu'elle est, elle ne sert à rien » après avoir rendu son secrétaire général, Luis Almagro, responsable du coup d'Etat qui a eu lien en Bolivie.

    C'est à dire que non seulement le Groupe de Lima entre en crise mais aussi l'OEA elle-même. Il n'est pas question d'un groupe concret ou d'une expérience ratée mais d'un changement de direction politique.

    Et au-delà de la chute des cartes du trumpisme, la région a été impactée par les derniers discours de López Obrador parce qu'ils en font un dirigeant d'envergure continentale. 

    Le président du Mexique a profité de la réunion de la Communauté des Etats Américains et Caribéens (CELAC) du 24 juillet dont il était l'hôte pour faire allusion à un profond changement dans les relations latino-américaines.

    Son discours a été puissant, à la base parce qu'au-delà des doctrines latino-américanistes qu'il évoque, il envisage concrètement de sauver et de réactiver la CELAC. Il semble que la proposition d'Hugo Chávez, créée en 2011 et affaiblie par les Gouvernements conservateurs de ces dernières années, joue à nouveau un rôle de dirigeante et cette fois, c'est le Mexique qui le dit. 

    Si on y réussit (il reste encore plus de la moitié de la période de 6 ans), ce sera un changmeent de point de vue de tout le contient.

    Ce qui est surprenant, c'est que pendant ses premières années, López Obrador a été très pragmatique et a préféré négocier des choses concrètes avec le Gouvernement de Trump comme le problème de la migration. Mais pendant ces derniers mois, après l'arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche, le président mexicain a essayé de prendre certaines mesures et de faire des discours qui accélèrent le virage à gauche de son Gouvernement. 

    Mais comme nous l'avons dit, il n'est pas le seul.

    Béjar

    Dès que le nouveau gouvernement a été ms en place, le chancelier Béjar a promis de changer la politique interventionniste de son pays et de se faire des alliés qui cherchent la compréhension entre les acteurs de la politique intérieure du Venezuela.

    Le nomination de Béjar, un homme de gauche reconnu, a suscité la polémique parce qu'elle est rapidement devenu un signe par lequel le nouveau Gouvernement annonce un changement de direction dans les relations internationales du pays, en particulier en ce qui concerne sa politique latino-américaine et sa vision des Etats-Unis.

    En recevant le chancelier vénézuélien Jorge Arreaza et en déclarant ensuite « Je ne connais pas ce monsieur, » en parlant de « l'ambassadeur » nommé par l'ex-député d'opposition Juan Guaidó, le ministre de Castillo a envoyé un missile symbolique à tout l'attirail virtuel qui soutient le Gouvernement parallèle qui a été favorisé par Lima et d'autres capitales du continent.

    Ces gestes sont aussi destinés à prendre position face au discours du secrétaire d'Etat des Etats-Unis, Antony Blinken, qui avait demandé au président Castillo d'avoir « une attitude constructive » par rapport au Venezuela, à Cuba et au Nicaragua. 

    Cela a aussi donnéune signification particulière à la fin de la campagne électorale du fujimorisme qui, lors de sa clôture, a récupéré le discours sur le Venezuela en donnant le rôle principal au dirigeant de la droite radicale Leopoldo López. 

    Par contre, la nouvelle direction du Pérou affiche « une politique contre les sanctions et contre les blocus. »

    Mais son discours est loin d'être un discours de rupture. Lima a préféré une position qui ne l'isole pas du concert international mais qui essaie de convaincre les acteurs qu'il est indispensable de changer de point de vue sur le Venezuela et la région en général.

    « Nous, nous contribuerons avec les pays d'Europe qui y travaillent déjà et avec un ensemble de pays latino-américains à la compréhension des diverses tendances politiques qui existent au Venezuela sans intervenir dans sa politique intérieure, » a dit le chancelier du Pérou et il a avancé qu'il discuterait des « points de vue » du reste des pays qui composent le Groupe de Lima.

    Il a ajouté qu'ils favoriseraient « un renouvellement démocratique au Venezuela qui respecte les droits sociaux des Vénézuéliens. »

    C'est à dire que Béjar n'a pas une position radicale mais au contraire, qu'il envisage une formulation qui conduise à une nouvelle politique internationale pour son pays sans se rapprocher des secteurs les plus radicaux mais en sortant Lima de l'orbite conservatrice et pro-étasunienne 

    Le retour de la CELAC ?

    Avec le Mexique et l'Argentina, plus soute us danbs la dynamique internationale, la nouvelle position du Pérou semble être un élément qui brise l'équilibre que les conservateurs et les progressistes ont connu ces 2 dernières années pendant lesquelles il ya eu des Gouvernements tendant vers la gauche mais qui avaient une politique internationale pour le moins timide.

    Avec ces derniers événements, le pendule penche à gauche.

    La proposition de López Obrador de faire revivre la CELAC et les efforts de Fernández contre de l'OEA suggèrent qu'ils essaient de faire changer de point de vue les organismes multilatéraux de la région.

    Que le président mexicain parle de la nécessité d'uen sorte d'Union européenne pour l'Amérique Latine et les Caraïbes pourrait être interprété dans les hautes sphères de la politique de 2 façons : d'une part, la réactivation de la CELAC dans le domaine protocolaire et diplomatique et d'autre part, la lancement d'un forum avec la puissance d'une organisation d'Etats dont l'action pourrait dépasser même les cycles conservateurs et qui ne serait pas ballotée suivant les Gouvernements de service.

    Cette tendance pourrait se réaffirmer dans les prochains mois et son succès ouson échec dépendra, de façon décisive, du résultat des prochaines élections qui vont avoir lieu au Chili, en Colombie et au Brésil.

     

    Source en espagnol :https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/06/peru-los-golpes-de-timon-de-bejar-lopez-obrador-y-fernandez-las-nuevas-senales-de-un-giro-continental/

    Source en français (traduction de Françoise Lopez) :http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/08/amerique-latine-bejar-lopez-obrador-et-fernandez-vont-ils-changer-le-continent.html

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  •  Pérou : Discours du chancelier Héctor Béjar  (resumenlatinoamericano.org-2/08/21)M. Hector Bejar Rivera, Ministre des affaires extérieures de la République du Pérou

     

    Monsieur le ministre sortant des affaires Etrangères,

    (...)

    Mesdames et messieurs,

     

    La chancellerie péruvienne est née avec la Nation. Cette maison bicentenaire a été l'école et le centre des idées qui a orienté l'insertion du Pérou dans le monde il y a déjà plus de 200 ans. Il existe une histoire et une tradition qui font de la chancellerie péruvienne une référence en ce qui concerne la construction du pays, le renforcement de la Patrie.

    La politique étrangère a toujours été liée à la construction et au renforcement de l'identité nationale. Il en fut ainsi à l'aube de l'indépendance quand le Pérou a dû lutter pour la reconnaissance du nouvel Etat lors des processus de défense de la souveraineté liés à la délimitation du territoire national. Cette même inspiration nationale exige à présent que la diplomatie péruvienne pense la mondialisation à partir du Pérou.

    La patrie doit se réaliser dans la mondialisation. Dans la construction de sa propre histoire. Le gouvernement de changement du président Castillo exercera une diplomatie inspirée par la Patrie. Du Pérou profond au Pérou de tous. Comme l'a dit César Vallejo à Telúrica et Magnética: « Montagne de mon Pérou , Pérou du monde, et Pérou au pied du globle, j'adhère à toi !

    A partir de cette détermination natioanle, la diplomatie péruvienne, en recueillant les tendances et les réalisations les plus importantes de son histoire, sera une diplomatie nationale, autonome, démocratique, sociale et décentralisée. Nationale, parce qu'elle s'inspirera de l'histoire et de la réalité du pays. De la pluralité culturelle et ethnique du Pérou. Parce qu'elle ne sera orientée qu'en faveur des intérêts nationaux. Autonome parce que les décisions seront prises en fonction de « nos »  intérêts, ce qui est l'expression collective de la Nation et non des intérêts d'autres 

    L'autonomie et l'indépendance seront un principe essentiel de la nouvelle diplomatie péruvienne. Démocratie parce que la démocratie et l'Etat de Droit en tant que système politique et organisation de la société garantissent les 4 droits de l'homme du peuple péruvien et la volonté collective de réaliser son propre destin. Une société démocratique suppose l'inclusion sociale, l'élimination du racisme, la protection des minorités, des populations indigènes et de tous les secteurs vulnérables de la société et leur accès au pouvoir signifie aussi encourager la démocratisation de la gouvernance régionale et mondiale.

    Sociale parce qu'elle sera l'expression extérieure de la politique sociale intérieure. Elle défendra et protègera les droits et les aspirations de tous les Péruviens mais tout particulièrement ceux des classes moyennes, des agriculteurs, des paysans, des entrepreneurs, des travailleurs, des employés de l'Etat, des populations indigènes et vulnérables, des femmes et des jeunes.

    On donnera la priorité à la diplomatie sociale dans les relations bilatérales et multilatérales. Les dimensions internationales de la santé, le travail digne, la sécurité sociale, la lutte contre la pauvreté, le logement digne et les droits des communautés péruviennes à l'étranger seront les lignes essentielles de l'action de l'Etat à l'étranger.

    Décentralisée parce qu'elle cherchera à être une diplomatie inclusive et participative qui implique dans son élaboration et dans sa mise en œuvre les gouvernements régionaux,la société civile, les entreprises et les entrepreneurs. Et parce qu'elle s'intègrera activement aux décisions de la politique étrangère des gouvernements régionaux et locaux dans les domaines qui les concernent directement : les relations avec les pays voisins, la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel grâce au tourisme soutenable, à l'intégration et à la coopération frontalière et à la promotion des investissements et des exportations sur les marchés des régions et des provinces.

    Dans le cadre de ces orientations, la diplomatie péruvienne aura un ordre ud jour de liberté, de globalité planétaire, d'humanisme et de justice. Une diplomatie de paix, d'amitié sincère, de coopération et de compréhension envers tous les pays du monde et en particulier envers nos voisins et nos principaux partenaires commerciaux, économiques et nos associés dans la défense nationale sans distinction idéologique. Une diplomatie basée sur les principes de respect mutuel,sur la primauté du droit international, du bénéfice réciproque, de l'association pour la paix et le développement soutenable.

    La première priorité sera d'avancer de façon soutenable et cohérente dans la lutte contre la pandémie de COVID 19, d'immuniser la population, de réactiver l'économie, de croître dans l'équité sociale et d'enrayer la régression que le Pérou a subie dans sa lutte contre la pauvreté et l'extrême pauvreté. La chancellerie assumera ses responsabilités de façon responsable, dans la transparence, dans l'échange et efficacement pour coordonner avec les secteurs de l'Etat concernés l’acquisition massive de vaccins. En même temps, déjà dans la plénitude de ses compétences, elle agira plus rapidement et de façon plus dynamique pour que les 11 000 000 de vaccins achetés dans le cadre du programme COVAX qui n'on t pas encore été livrés arrivent au pays le plus rapidement possible. Nous adopterons cette initiative avec tous les pays frontaliers pour établir des accords et des stratégies communes pour lutter de front contre la pandémie.

    L'Amérique du Sud et l' Amérique Latine ont une dette envers leurs peuples et doivent coordonner une action commune et responsable pour lutter contra le COVID 19 dans la région. Nos pays ont l'obligation éthique de coopérer dans cette lutte. Indépendamment des orientations politiques de leurs Gouvernements. Il s'agit d'intérêts communs qui doivent orienter les stratégies diplomatiques partagées. Nous adopterons cette attitude envers les Gouvernements régionaux et locaux.

    Sur leplan mondial, nous agirons pour que la communauté internationale renforce ses actions conjointes pour augmenter la capacité de production et l'accès aux vaccins. Avec efficacité, sécurité et solidarité. Le Pérou travaillera activement et de façon dynamique pour que tous les pays aient un accès inclusif, équitable et non discriminatoire à tous les diagnostics, à toutes les thérapies, à tous les médicaments et à tous les vaccins. Comme aux technologies et aux produits sanitaires, y compris aux composantes et aux précurseurs nécessaires pour combattre le COVID 19 en tant qsue priorité mondaile. Et y compris leur juste distribution.

    Renforcer la coopération scientifique internationale est indispensable pour combattre la pandémie. Nous soutenons pleinement les initiatives qui sont développées dans ce but. En particulier celles concernant l'Accélérateur de l'Accès aux Outils contre le COVID-19, l’accès Communautaire aux Technologies contre le COVID-19 et celles destinées à faire du vaccin un bien public mondial. Nous rejoignons les pays comme les Etats-Unis de l'Inde et d'Afrique du Sud qui ont demandé l'annulation temporaire des brevets sur les vaccins pour qu'ils puissent être produits dans d'autres pays et qu'on puisse gagner la bataille contre la pandémie. Nous sommes dans une situation d'urgence exceptionnelle et face à ce danger qui a déjà fait des millions de morts dans le monde, nous avons besoin aussi de mesures exceptionnelles.

    Nous affrontons un monde instable dans lequel le conflit et les tensions ont tendance à prévaloir sur la dialogue, la négociation et le règlement pacifique des différends. Dans lequel les politiques d’utilisation de la force et de la menace de l'utilisation de la force continuent à porter atteinte à la paix et à la sécurité internationales. Il faut que tous les pays travaillent à la construction d'un monde plus stable et prévisible, juste et harmonieux, basé sur le respect universel de la Charte des Nations Unies et la primauté du droit international. Nous affirmons la nécessité d'une gouvernance internationale basée sur des règles. Nous considérons le monde continental, national et régional comme un ensemble de cultures reliées entre elles qui doivent être égales en droits. C'est l'essence d'une vision démocratique de la politique internationale. Nous encourageons le dialogue des civilisations.

    La diplomatie multilatérale du Pérou sera guidée par la recherche de la paix, le dialogue interculturel, la défense du principe de résolution pacifique des différends, le respect du principe de non intervention, la coopération pour un développement soutenable, la défense de la santé de la planète et la justice internationale. Nous travaillerons à l'intégration de l'Amérique Latine et des Caraïbes. L'Amérique Latine est et sera la priorité géographique et sociologique de notre politique étrangère. C'est notre environnement immédiat, territorial, historique, économique, social et culturel. C'est le lieu de notre propre histoire.

    Nous renforcerons l'intégration et la coopération latino-américaine sans distinctions idéologiques. Nous revaloriserons la Communauté Andine en tant qu'espace, économique, commercial, social, culturel, et d'intégration physique. Nous exporterons vers la Communauté Andine une somme équivalente à celle que nos exportons vers l'Alliance du Pacifique, un autre lieu d'intégration vital pour la région,mais c'est le principal marché régional pour nos exportations de produits manufacturiers.

    Nous devons moderniser la Communauté sous un nouveau modèle d'intégration multidimensionnelle en laissant de côté les objectifs déjà atteints comme le marché unique, les droits de douane extérieurs communs ou le programme industriel. Les axes de ce nouveau modèle d'intégration andine doivent être constitués par une zone de libre commerce, l'intégration physique et des communications, la connexion électrique, énergétique et digitale qui, avec une dimension sociale renforcée dans les domaines de la santé, de l'éducation, du logement, du travail et de la culture, semblent être les axes de ce nouveau modèle d'intégration andine. L’indépendance de l'Amérique Latine fut l'épopée de l'unité politique de al région. La création de nouveaux Etats a amené la citoyenneté latino-américaine qui s'est perdue ensuite avec le renforcement des identités nationales. Mais l'espoir et la volonté d'unité ont continué à s'ouvrir des espaces au XIXème siècle et le Pérou a pris les initiatives les plus importantes pour créer une organisation latino-américaine en organisant les congrès américains de 1826, 1847 et 1864. Il l'a fait aussi en s'opposant vigoureusement aux interventions étrangères à Saint Domingue et au Mexique.

    Dans cette tradition historique, en 2005, le Pérou a achevé ce processus en prenant l'initiative de créer à Cusco la Communauté Sud-américaine des Nations qui deviendra plus tard l'UNASUR. Ça a été la fin du rêve de Bolívar, de Gregorio Paz Soldán et de Toribio Pacheco. Dn cette année du bicentenaire, nous serons en accord avec cette tradition historique de la diplomatie péruvienne et nous nous retirerons du Congrès la demande du Pérou de dénoncer le traité fondateur de l'UNASUR. Au contraire, nous encouragerons sa reconstitution et sa modernisation en tant qu’organisme de coopération et de consultation qui affirme dans ce monde globalisé l'essence propre à l'Amérique du Sud en politique internationale.

    Nous célèbrerons également, le 11 septembre de cette année, le XX ème anniversaire de la Charte Démocratique Inter-américaine, un instrument conçu et négocié par la diplomatie péruvienne comme un apport à l'histoire démocratique de la région. De même et toujours avec la conscience historique du sens du bicentenaire de l'indépendance de notre patrie, nous réintègrerons la Communauté des Etats Latino-américains et Caribéens, la CELAC.

    Nous travaillerons à son renforcement et nous stimulerons sa capacité d'action. La promotion du dialogue et de l'unité de l'Amérique Latine est le meilleur hommage que nous puissions rendre aux héros de l'indépendance. A Bolívar et à San Martin et au grand précurseur, José Gabriel Condorcanqui, à Túpac Amaru.Nous allons passer par leurs rêves et leurs idéaux. Dans cet esprit et conformément au droit international et à la Charte des Nations Unies, nous condamnons les blocus, les embargos et les sanctions unilatérales qui ne touchent que les peuples et nous soutenons totalement le droit libre et autonome de tout peuple à avoir des échanges commerciaux et culturels libres et sans obstacles avec le reste du monde et de l'Amérique Latine. En ces temps de pandémie, avec ses effets nocifs sut l'économie et sur le tissu social du pays, il est indispensable d'avoir une diplomatie sociale émergente, forte, avec des objectifs clairs définis et réalisables.

    Nous coordonnerons les stratégies de la politique sociale avec les actions internationales pour atteindre les objectifs de développement soutenable de l'ordre du jour 2030 en insistant particulièrement sur le respect des définis concernant la fin de la pauvreté, l'éradication de la faim et l'obtention de la sécurité alimentaire, le fait de garantir une vie saine et une éducation de qualité, l'obtention de l'égalité de genre, de l'accès à l'eau et à l'énergie, la promotion d'une croissance économique soutenue, l'adoption de mesures d'urgence contre le changement climatique, la promotion de la paix, d'un accès plus facile à la justice et la lutte contre la violence, le délit et le trafic illégal de drogues. Pour cela, la diplomatie multilatérale, en plus de participer plus activement aux Nations Unies, agira en priorité à l'Organisation Mondiale de la Santé, à l’Organisation Internationale du Travail, au Conseil des Droits de l'Homme et au Bureau des Nations Unies contre les Drogues et le Délit qui a son siège à Vienne. Face à al faim et à la malnutrition, la politique étrangère du Pérou mobilisera la coopération internationale et encouragera des stratégies d'action conjointe bilatérales et multilatérales destinées à atteindre l'objectif : zéro faim pour tous lesPéruviens et plus particulièrement l'accès physique,n social et économique à l'alimentation, à la disponibilité permanente des aliments, à la qualité sanitaire et nutritive des produits et à la régularité de l'accès, de la disponibilité et de la qualité.

    La diplomatie péruvienne agira énergiquement et de façon créative pour renforcer la gouvernance mondiale de la sécurité alimentaire et de la nutrition, le développement de systèmes agricoles et alimentaires soutenables destinés à favoriser la création d'emplois en milieu rural et à augmenter l'aide alimentaire pour les populations vulnérables. L'ordre du jour concernant les droits de l'homme nous lie profondément à une vision éthique des relations internationales et aux revendications du peuple péruvien pour des conditions de vie dignes qui intègrent la liberté et la justice dans ses valeurs. Nous travaillerons pour la totale validité et le total respect des droits de l'homme dans le système des Nations Unies et dans le sytème Inter-américain.

    Nous concevons les droits de l'homme comme indivisibles et intégraux, c'estpouquoi nous souscrivons pleinement aux 15 générations de droits de l'homme, des droits civls et politiques aux droits économiques, sociaux, culturels, environnementaux et sexuels, des droits négatifs aux droits positifs, et nous affirmons qu'ils sont intégraux et indivisibles. Par conséquent, nous sommes contre la torture, les disparitions, les assassinats rétribués, et les assassinats, contre le terrorisme sous toutes ses formes d'où qu'il vienne, partout et dans n'importe quel système et contre tous ceux qui le commettent.

    Dans notre ordre du jour régional, nous encouragerons particulièrement dans nos services diplomatiques et nos missions à l'étranger la justice de genre. Nous travaillerons pour la parité homme/femme dans nos services diplomatiques ; Nous doterons nos services de mécanismes institutionnels et légaux coordonnés avec la Défense du Peuple et le ministère de la Femme pour combattre et sanctionner tout acte de harcèlement ou de violation des droits de la femme.

    Nous souscrivons pleinement à l'ordre dun jour du Caire sur les droits sexuels et les droits à la reproduction. Ses objectifs seront intégrés dans l'ordre du jour international de la diplomatie péruvienne. Nous soutenons les 29 principes de Yogyakarta de mars 2007 sur l'application des règles internationales concernant les droits de l'homme pour l'orientation sexuelle et l'identité de genre destibées à éviter les abus et à apporter une protection aux droits de l'homme des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels. Nous intégrerons aussi dans notre ordre du jour les droits de l'homme des travailleurs sexuels, conformément à ce que stipule l' ONU Femme, l'OMS et les instruments internationaux applicables. 

    Nous travaillerons pour la justice entre les générations avec les vieux et les enfants qui ont des droits. Nous combattrons l'esclavage des enfants, l'esclavage sous toutes ses formes actuelles, la trafic de personnes et l'exploitation des vieux. Nous soutenons pleinement la conception et l'application de politiques concernant le vieillissement dans le monde entier.

    Nous travaillerons à étendre nos liens envers les communautés péruviennes qui vivent à l'étranger tout en respectant les droits des immigrants et des réfugiés résidant dans notre pays. Nous appliquerons une seconde réforme des services consulaires pour les rapprocher des gens et améliorer les services que l'Etat fournit aux Péruviens vivant à l'étranger, indépendamment de leur situation migratoire. Nous assurerons la protection de leur droit, de leur participation à la gestion du consulat grâce aux Conseils de Consultation et leur participation à la vie culturelle, politique et économique du pays. Nous c réerons des consulats digitaux.

    Dans les 60 prochains jour,s nous remettrons au Congrès de la République leprojet de loi sur les Droits des Péruviens à l'étranger. Nous consulterons pour ce texte toutes les associations de Péruviens à l'étranger. Ce sera une loi qui sera le fruit de la consultation et de la participation. Nous renforcerons fermement les institutions du Service Diplomatique. En hommage à ses apports à la vie du pays en enseignement et en documents, nous reconstituerons cette année la bibliothèque historique du Ministère des Relations Extérieures qui a malheureusement été supprimée. En même temps, nous honorerons aussi la tradition également bicentenaire des apports de la Commission consultative des Relations Extérieures que nous réinstallerons en présence des professionnels les plus éminents et des enseignaants liés à la gestion externe de l'Etat. La commission sera présidée par l'ambassadeur Manuel Rodríguez Cuadros, ex-Chancelier de la République. Nous reconnaissons l'apport historique de toutes les générations qui ont lutté pour la totale démocratie et pour la justice sociale dans notre pays.

    Nous nous sentons obligés à construirele pays de liberté et de justice pour lequel ils ont subi la marginalisation, les persécutions et pour lequel isl sont morts. Nous endons hommage aux chanceliers qui, avant nous, pendant les 2 siècles de notre vie républicaine, ont porté haut la dignité de notre pays et ont travaillé à l'unité latino-américaine et caribéenne.

    Nous nous souviendrons toujours des diplomates péruviens qui ont été injustement destitués en 1992 pour avoir conservé la dignité et l'indépendance de notre chancellerie.

    Nous rendons hommage à tous les hommes et à toutes les femmes qui ont lutté pour nottre indépendance natioanle, pour ocnstruire la nation sans racisme ni oppression, pour la justice sociale, pour la justice de genre, la justice entre les générfations et la justice environnementale.

    Nous disons avec Javier Heraud:

    parce que ma patrie est belle

    Comme une épée dans l'air

    Et plus grande maintenant

    Et plus belle encore

    Et je l'aime et je la défends avec la vie.

    Le puissant et immortel esprit de Javier Heraud entre dans l'histoire officielle de la patrie, j'espère, pour y rester. Avec lui entrent aussi les Andes de notre monde paysan, les coteaux et les déserts où vivent les pauvres de Lima, las rondes de Cajamarca,les paysans, les mineurs, les travailleurs des rues, les femmes des soupes populaires, les employés de maison avec tous les pauvres, les humiliés, les offensés et les marginaux. Ils entrent aussi dans ce palais et dans cette chancellerie pour qu'un Pérou digne et juste représente notre peuple dans le monde complexe de notre époque.

    C'est le Pérou devant le monde. J'y adhère.

     

    Source en espagnol :

    https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/02/peru-el-canciller-hector-bejar-pronuncio-un-discurso-historico-en-un-pais-que-ha-sido-arrollado-por-el-colonialismo-y-el-capitalismo/

    Source en français (traduction de Françoise Lopez) :

    http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/08/perou-discours-du-chancelier-hector-bejar.html

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  •  Pérou : L'ouragan qui s'approche   (resumenlatinoamericano.org-1/08/21)Le Président de la République du Pérou: Pedro Castillo

     

    Par Gustavo Espinoza M.

     

    Les éléments de base pour comprendre ce qui va se passer maintenant au Pérou sont pratiquement en place. 

    Le congrès de Pérou Libre qui a eu lieu le 24 juillet dernier n'a pas apporté de surprises mais des confirmations. On a affirmé lors de cet événement l'essence et le contenu du parti ainsi que son rôle et les tâches qu'il devra assumer dans cette situation. 

    Essentiellement, cohérence entre la théorie et la pratique – entre la doctrine et les réalisations – a été le point commun des débats auxquels Castillo a participé.

    L'élection de la direction du Congrès, par contre, a servi à concevoir la ligne de travail à laquelle devra s'approcher le pouvoir législatif. La Chambre cherchera à prendre ses distances par rapport au Gouvernement et, sous prétexte « d'indépendance » prendra ses distances et ne s'engagera pas sur les projets du nouveau Président. 

    Au contraire, elle cherchera à mettre en place une stratégie d'opposition « de basse intensité » qui augmentera selon las calculs de la réaction.

    Pour pratiquer cette politique commodément et sans attaches, l'alliance parlementaire qui a placé madame Alva à la tête du pouvoir législatif a décidé de se passer de Pérou Libre et a bloqué sans arguments valables la possibilité de l'incorporer bien qu'elle soit en minorité dans la direction de la Chambre.

    Le discours du Président du 28 juillet – le troisième des éléments qu'on attendait – est la pièce la plus importante à prendre en considération. C'est certainement une conception de l'histoire, une analyse du processus social, un regard curieux sur la dramatique réalité péruvienne et une promesse de changement qui devra ne se réaliser qu'avec un soutien actif des citoyens.

    La référence à la nouvelle Constitution de l'Etat prévue pour remplacer celle héritée de la dictature fujimoriste à la quelle aujourd'hui la classe dominante s'accroche becs et ongles a sans doute été un élément central point de vue.

    Destiné à changer le « modèle néolibéral imposé au début des années 89 du siècle dernier, le projet d'un nouvel Etat cherche à jouer de tous les ressorts constitutionnels encore en vigueur et même à les forcer si besoin est non pour « briser la démocratie » comme le dit la « grande presse » mais plus pour doter cette Constitution d'une véritable participation des citoyens, un élément nécessaire à l'affirmation de sa fonction démocratique. 

    Le cabinet ministériel qui va mettre en application les actions du nouveau Gouvernement apparaît comme le plus polémique. En effet, l'opposition l'attendait de pied ferme et a déchaîné contre lui les attaques les plus féroces. Ceci ne devrait pas surprendre. On pourrait presque dire que c'était couru.

    Toute proposition du Président Castillo concernant la constitution de son équipe de gouvernement allait être remise en question sous un prétexte ou sous un autre mais elle trouvait toujours quelque chose à redire. 

    Quand on a envisagé la possibilité que Verónica Mendoza dirige ce groupe de travail, ils l'ont attaquée. Quand on a dit que ce poste serait occupé par monsieur Roger Najar, ils l'ont attaqué et quand le nom de Guido Bellido est apparu, l'histoire s'est répétée. Avec chaque membre du cabinet, ça a été la même chose.

    Personne n'aimerait qu'il soit prêt à assumer cette tâche. Alors, ils défilent, les uns après les autres, lancent du fumier, tous les les tenants des groupes réactionnaires. Il n'y a rien d'autre à en attendre.

    Si par hasard, Castillo nommait premier ministre Galarreta, Martha Chávez, Mauricio Mulder, Del Castillo, la Beteta ou n'importe qui qui soit lié à «La Chika», ou s'il intégrait dans son cabinet certains d'entre eux, ceux qui critiquent aujourd'hui applaudiraient.

    Le cabinet installé le 29 n'est pas totalement homogène. Il a, en outre, des liens clairs et d'autres plus obscurs. Mais le problème, ce n'est pas les personnes, c'est le tournant politique. Et ça, au moins, maintenant, est garanti.

    Ce n'est pas que l'opposition, fragmentée et divisée, cherche réellement l'affrontement. Ce qu'elle cherche, c'est de discréditer et disqualifier le Gouvernement, miner sa base sociale, dénigrer son image au sein des masses.

    Et ce, parce qu'elle cherche à promouvoir la destitution du Président mais elle a à peine les voix nécessaires pour cela et dans ce but, elle jouera jusqu'à sa chemise.

    Indépendamment de cela, elle encouragera d'autres manœuvres. D'une part, elle instaurera un climat d'ingouvernabilité en alimentant le mécontentement des masses à cause de la crise. De l'autre, elle cherchera à diviser le Gouvernement en affrontant ses membres l'un après l'autre.

    Et évidemment, elle cherchera à isoler Pérou Libre en affrontant ses alliés en commençant par Nouveau Pérou. Et le coup d'Etat comme solution à ses angoisses, ne peut être écarté.

    Il faut dire à tout le monde que ce scénario n'est pas abandonné. Vous pouvez et devez avoir confiance en la force du peuple et dans son instinct de classe, dans la fermeté manifestée par Pedro Castillo et dans la vigueur d'un processus social riche et hétérogène qui peut avoir diverses expressions mais possède un dénominateur commun : la lutte pour surmonter la crise en prenant en main le drapeau du peuple.

    Si effectivement, le fait de rendre viable ce projet nous unit et nous renforce, l'intérêt personnel et l'intérêt d'un parti ne pourra nous séparer dans l'exécution d'une fonction qui devra toujours être épisodique et ponctuelle.

    L'ouragan qui s'approche doit nous trouver tous unis et avec le drapeau à la main.

     

    Source en espagnol :

    https://www.resumenlatinoamericano.org/2021/08/01/peru-el-vendaval-que-se-aproxima/

    Source en français (traduction de Françoise Lopez) :

    http://bolivarinfos.over-blog.com/2021/08/perou-l-ouragan-qui-s-approche.html

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