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Par L-HERMINE ROUGE le 18 Avril 2020 à 07:00
« On est le petit personnel. Un petit personnel complètement oublié. On n’a aucune reconnaissance de la part de notre direction », regrette Camille
Camille (*) travaille depuis une dizaine d’années à l’hôpital de Quimper. Son quotidien ? Nettoyer les couloirs et les chambres. Aujourd’hui, elle exprime son ras-le-bol face au manque de reconnaissance dont sa profession est victime. Surtout pendant cette période particulière.
Depuis le début de pandémie de Covid-19, les professionnels de santé sont en première ligne. Tous les soirs, à 20 h, des millions de Français sont à leurs fenêtres et leurs balcons pour les applaudir. Camille (*) fait partie de ces gens qui louent le formidable travail qu’ils effectuent au quotidien. Mais cette trentenaire aimerait aussi, parfois, être applaudie pour son boulot.
Camille est agent de service hospitalier (ASH). Elle travaille depuis une dizaine d’années au Centre hospitalier de Cornouaille (Chic), à Quimper. Ses missions ? « Je nettoie tout. Les murs, les sols, les toilettes, les douches, les chambres, les couloirs. J’apporte aussi les petits-déjeuners aux patients », détaille-t-elle. Cette jeune mère de famille a trois horaires différents dans la semaine. Elle travaille aussi les week-ends et les jours fériés. Le tout pour un salaire avoisinant les 1 300 €. « J’aime mon travail. Mais c’est tout ce qui est à côté qui devient très dur psychologiquement », explique celle qui se sent de plus en plus dénigrée dans son emploi.
« On ne parle jamais de nous »
« Le plus dur, ce sont les regards. Les regards de "la haute’’. Souvent, on ne nous dit même pas bonjour dans les couloirs », continue Camille. « On est le petit personnel. Un petit personnel complètement oublié. On n’a aucune reconnaissance de la part de notre direction », souligne-t-elle. Et ça fait trop longtemps que ça dure. Heureusement, elle tient le coup grâce aux patients. « Ils sont formidables. On discute beaucoup avec eux. À chaque fois, ils sont contents de nous voir », note-t-elle.
À lire sur le sujet Christelle, agent de propreté : « On m’a applaudie, j’en ai pleuré »Mais dans le contexte actuel de crise sanitaire, le sentiment d’être oublié s’est quelque peu amplifié. « C’est dur de rentrer le soir chez soi, de regarder la télévision et de voir qu’on ne parle jamais de nous », indique-t-elle. « On parle beaucoup des soignants qui font un travail formidable. Mais on ne parle pas du personnel hospitalier dans son ensemble. On oublie beaucoup de services comme les brancardiers, les agents d’entretien, les personnels de la blanchisserie, des cuisines… Et c’est vraiment peinant », confie-t-elle.
Au départ, on nous riait presque au nez quand on demandait des masques
« On est mis sous pression un peu plus »
Alors que Camille et ses collèges sont aussi au front pendant cette crise sanitaire. « On est tous les jours à l’hôpital. On lave tout. On est amené à toucher tout et n’importe quoi. Jusqu’aux excréments. On croise beaucoup de gens chaque jour. Il y a un risque de contamination aussi pour nous », explique-t-elle tout en indiquant ne pas se sentir réellement protégée même si elle ne travaille pas dans une unité Covid-19. « On a un masque par jour, pour plus de sept heures de travail. C’est complètement insuffisant », note-t-elle. Et encore, il y a quelques jours, elle travaillait sans protections. « Au départ, on nous riait presque au nez quand on demandait des masques », déplore cette maman qui avoue avoir « un peu peur d’être contaminée. Ma famille est un peu sous tension ».
Camille tient aussi à souligner que beaucoup de ses collèges sont en arrêt. « On a dû mal à trouver des remplacements. Surtout pendant cette période où les gens n’ont pas forcément envie de venir à l’hôpital. Ce que je peux comprendre. Mais on se retrouve alors à faire trois fois plus de travail. On est mis sous pression un peu plus », affirme-t-elle. « On ne nous écoute pas. C’est difficile. On aimerait une reconnaissance de tous les jours », conclut Camille, qui, pour la première fois de sa vie, commence à avoir honte de dire ce qu’elle fait comme métier.
(*) Le prénom a été modifié pour respecter l’anonymat de l’interlocutrice.
Benjamin PONTIS
source: https://www.letelegramme.fr/
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Par L-HERMINE ROUGE le 17 Avril 2020 à 07:15
Olivier Le Pichon, secrétaire de l’Union locale CGT de Brest.
Crise sanitaire oblige, hors de question de battre le pavé. Mais même en mode confiné, Olivier Le Pichon, le secrétaire de l’union locale CGT à Brest, reste offensif. « Le nouveau ton de curé de Macron ne doit tromper personne », prévient-il.
Quels retours avez-vous du monde du travail, depuis l’entrée en vigueur de l’état d’urgence sanitaire ?
« À travers ses ordonnances, l’État a donné l’impression d’avoir mis le paquet pour permettre aux salariés de continuer à toucher leur salaire. Mais que constate-t-on sur le terrain ? Beaucoup d’employeurs qui ont placé leurs salariés en chômage partiel ne compensent pas le manque à gagner pour leurs employés. Idem pour les arrêts maladie pour garde d’enfants qui sont refusés dans bien des cas. On a beaucoup d’appels sur le numéro vert que l’on a mis en place au niveau régional. On constate que plus l’entreprise est petite, plus c’est compliqué pour les salariés. Quant à la prime de 1 000 € laissée au libre arbitre des employeurs du privé, n’en parlons pas. Derrière une ou deux enseignes qui vont faire un effort pour se faire de la pub, chez les autres, c’est nada ! ».
À lire sur le sujet Coronavirus : la CGT met en place un numéro vert pour les salariésComment jugez-vous les primes du gouvernement qui seront accordées aux professions du public en première ligne, à commencer par les soignants ?
Quelle est votre position sur la reprise le 11 mai dans les écoles ?
« Rien n’est prêt. Qui peut croire qu’une reprise, même progressive, sera possible à cette date ? Notre mot d’ordre à la CGT, c’est "Pas de protection, pas de travail". S’il le faut, on appellera à la grève. Les élèves décrocheurs, qui servent d’alibi dans cette affaire, on y pense, nous aussi. C’est pourquoi nous demandons un plan massif de recrutement dans les écoles. Il faut créer les conditions pour avoir trois professeurs des écoles pour deux classes, et ainsi permettre une prise en charge des enfants en difficulté. Ce recrutement massif doit concerner tous les services publics qui maintiennent debout la société aujourd’hui ».
La traditionnelle manif du 1er-mai ne se tiendra pas. Quand retrouverez-vous le pavé ?
« On essaye de mettre en place une manif numérique à l’échelle européenne pour témoigner notre solidarité à tous les travailleurs. Quant à manifester dans la rue, on verra après le 11 mai où en sera le déconfinement. Le nouveau ton de curé de Macron ne doit tromper personne, il défend toujours le néolibéralisme et les politiques d’austérité. Nous sommes 18 organisations à avoir lancé une pétition "Plus jamais ça" pour préparer le jour d’après. Dès que cela sera possible, il faudra réinstaller un rapport de force pour exiger de redéfinir une nouvelle société qui fasse sens et mette l’humain au cœur ».
source: https://www.letelegramme.fr/
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Par L-HERMINE ROUGE le 15 Avril 2020 à 09:20
Une pancarte «semons l'insurrection» aperçue lors d'une manifestation de Gilets jaunes à Nantes, le 11 janvier 2020
Un climat de contestation intense rythme l'actualité française depuis l'émergence des Gilets jaunes. Malgré une apparente accalmie, les services du renseignement territorial français s’inquiètent d'un embrasement post-confinement selon Le Parisien.
Selon des notes confidentielles révélées le 11 avril par Le Parisien, le Service central du renseignement territorial (SCRT) effectue depuis quelque temps un «suivi de l'impact du Covid-19 en France». D'après le quotidien francilien, ses agents alertent aujourd'hui sur «un risque d'embrasement de la contestation sociale à la sortie du confinement».
Blouses blanches, Gilets jaunes : «un risque de transversalité des luttes»
«Le jour d'après est un thème fortement mobilisateur des mouvances contestataires. Le confinement ne permet plus à la grogne populaire de s'exprimer, mais la colère ne faiblit pas et la gestion de crise, très critiquée, nourrit la contestation», peut-on ainsi lire dans des notes datées des 7, 8 et 9 avril, citées par Le Parisien. Selon le SCRT, le concept de «jour d'après» ne manquerait pas de séduire les syndicats traditionnels, ainsi que les victimes économiques de la crise qui «pourraient être tentées de descendre dans la rue».
A partir de ses observations effectuées sur les réseaux sociaux, le SRCT s’inquiéterait particulièrement d'«une transversalité des luttes [associant] Gilets jaunes et blouses blanches».
Les auteurs de ces notes auraient par exemple constaté la diffusion d'une «attestation de déplacement révolutionnaire» éditée par un média alternatif bordelais se revendiquant des Gilets jaunes. Le document en question comporterait des cases à cocher du type «déplacements entre le domicile et le pouvoir indispensables à l'exercice d'émeutes», ou encore «participation à des commandos sur demande des assemblées populaires».
Un cas parmi d'autres qui fait redouter aux agents du SRCT «la création de comités de lutte entre personnes d'un même immeuble», mais aussi «une organisation commune à distance». Toujours selon Le Parisien, le SRCT estime que les acteurs d'un potentiel embrasement post-confinement seraient issus de mouvances qualifiées d'«ultra», de droite comme de gauche.
Ces révélations interviennent deux jours après l’audition du ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, par les députés, lors de laquelle il avait notamment fait part de ses inquiétudes quant à de nouvelles formes de délinquance et pointé l'existence de «réseaux d’ultra-droite et d’ultra-gauche [...] actifs sur le net et qui préparent des actes à la sortie du confinement». «Notre vigilance contre les actes terroristes reste en outre toujours aussi forte», avait ajouté le membre du gouvernement.
source: https://francais.rt.com/france/
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Par L-HERMINE ROUGE le 2 Avril 2020 à 07:30
Alors que le pic de la crise sanitaire est attendu prochainement à la pointe finistérienne, la direction du groupe Thalès envisage une reprise cadencée des activités de son site brestois, à partir de lundi prochain. Suite à un courrier de la ministre des Armées Florence Parly, en date du 20 mars, une cinquantaine de salariés œuvrant au maintien de la sécurité nationale a déjà retrouvé le chemin des bureaux depuis le milieu de la semaine dernière.
Les représentants syndicaux doivent être consultés ce jeudi lors d’un CSE (Comité social et économique) extraordinaire en vue d’un retour d’autres services sur site. Mais d’ores et déjà, l’intention du groupe est qualifiée « d’inadmissible » par Christine Schembri, secrétaire générale de l’UNSA 29. Pour la représentante de la seconde force syndicale de Thalès à Brest, « l’économie d’une entreprise est importante mais peut être rattrapée, la vie des personnes face à ce fléau peut être perdue à jamais ».
La CFDT, majoritaire à Brest, juge aussi prématuré ce retour au travail. « On nous parle d’un redémarrage en plusieurs phases, mais ce que l’on nous propose, c’est de gravir un escalier et non une marche. L’enjeu sanitaire doit primer sur l’enjeu économique. Nous sommes favorables au respect de la période de confinement, ce qui nous amène au 15 avril », juge le délégué central Florent Gayte. Pour l’heure, il n’y a pas eu de recours au chômage partiel sur le site, les salariés ayant été invités à consommer leurs congés payés et RTT, les autres opérant en télétravail. Sollicitée, la direction de Thalès n’a pas donné suite à nos appels.
source: https://www.letelegramme.fr/
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Par L-HERMINE ROUGE le 2 Avril 2020 à 07:20
« Lundi 30 mars 2020, quand j’ai lu dans Ouest-France que le CHRU de Brest lance un appel à volontaires pour aider les hôpitaux parisiens, mon sang n’a fait qu’un tour ! C’est ce que j’ai fait mais on me le reproche. Mon contrat avec l’hôpital de Brest n’est pas renouvelé à partir du 5 avril. Pour abandon de poste ! C’est odieux ! » Cette jeune femme de 25 ans est amère et en colère, dégoûtée par ce qu’elle considère comme une injustice en pleine épidémie de coronavirus. Et un manque de gratitude.
Infirmière contractuelle au CHRU de Brest depuis juillet 2019, elle est mère d’un enfant de dix-huit mois et son mari est malade. Pourtant, elle n’a pas hésité à répondre à l’appel urgent de l’AP-HP (assistance publique-hôpitaux de Paris), le 20 mars 2020, en manque de soignants pour lutter contre le coronavirus.
« Depuis mi-mars, l’hôpital de Brest a fermé des services pour se préparer à l’épidémie. Et des personnels se retrouvent en congés forcés, chez eux, faute d’activité. J’étais dans ce cas pour deux semaines, du 16 au 29 mars », explique l’infirmière.
Le 21 mars, elle se porte volontaire. « sous condition d’acceptation du CHRU ». L’hôpital Bichat lui répond le jour même. « Par mail, la directrice de garde, Hélène Gendreau, m’a assuré : « Je vais contacter la direction des ressources humaines du CHU de Brest et nous allons sécuriser cette situation ». Mardi 31 mars, au téléphone, nous avons eu Hélène Gendreau mais elle était débordée et n’a pas voulu aborder la situation de l’infirmière brestoise.
« Je me sens utile »
La jeune femme est partie le dimanche 22 mars après avoir organisé la garde de sa fille. Elle a travaillé d’abord à l’hôpital Bichat puis à Lariboisière. « J’ai enquillé six nuits exténuantes en une semaine ! » Elle précise : « À Paris, je suis seule, et confinée. Je m’expose et j’expose ma famille à des risques, mais je me sens utile ! »
Ce mardi 31 mars, elle est revenue à Brest pour une journée, pour voir sa fille. Mercredi, elle repart à Paris, pour trois nouvelles nuits d’enfer, d’affilée… Tout en sachant que c’est le chômage qui l’attend au bout. Le 26 mars en effet, elle a reçu un mail de la direction du CHRU, l’informant que son contrat n’est pas renouvelé « pour le moment » et que sa mise à disposition pour l’AP-HP ne va pas au-delà du 5 avril (alors qu’initialement, c’était jusqu’au 22 avril ! ) : « Au regard de la situation sanitaire et des mesures de confinement prises par le gouvernement, vous vous devez de rester en région parisienne. » Et l’invitant à se rapprocher de l’hôpital Bichat…
Sauf qu’elle habite Brest, ainsi que sa famille ! L’infirmière reconnaît qu’elle a parfois eu des soucis avec sa hiérarchie concernant les jours de repos, qu’elle doit planifier pour la garde de sa fille. Mais pas de conflit. « Le 16 mars, le CHRU s’était engagé à renouveler mon contrat ». Selon elle : « Je me fais virer parce que je suis partie prêter main-forte à l’AP-HP alors que j’aurai dû rester confinée, à Brest, à une heure et demie de mon hôpital. Pourtant le président de la République a déclaré « la guerre ». La situation en Ile-de-France est très grave. »
Thomas Bourhis, responsable de la CGT, lui apporte son soutien : « C’est une excellente professionnelle. Le problème est qu’elle est contractuelle et que la direction n’a pas apprécié son initiative d’aller à Paris. » Nous avons contacté la direction du CHRU, en vain.
Source : ouest-france
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Par L-HERMINE ROUGE le 2 Avril 2020 à 07:10
Les facteurs veulent limiter leur activité aux seules nécessités vitales de la population
À plusieurs reprises, dans le Finistère et depuis le début de la crise du coronavirus, les postiers ont fait usage du droit de retrait, estimant « que les conditions de sécurité maximales n’étaient pas réunies. » Dans ces circonstances, les syndicats CGT et Sud, réclament, dans un courrier adressé à leur direction, de limiter l’activité postale à l’accessibilité bancaire des plus modestes dans les bureaux de poste qui restent ouverts ainsi qu’au trafic courrier et colis aux seules nécessités vitales pour la population. « Par opposition aux achats coup de cœur sur internet, la priorité devrait se recentrer sur les usagers prioritaires à commencer par les professionnels et services de santé. Il en va de la sécurité et la santé de tous, postières, postiers, usagers et pour permettre à nos personnels soignants de se concentrer sur l’éradication de cette pandémie dans les meilleures conditions », indiquent les syndicats dans un communiqué.
source: https://www.letelegramme.fr/
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Par L-HERMINE ROUGE le 1 Avril 2020 à 07:20Entretien
Appels à nationaliser l'usine de Luxfer : "Nous pourrions sécuriser l'approvisionnement des hôpitaux en bouteilles d'oxygène"
Par Laurence Dequay, Grand reporter social
Le groupe britannique Luxfer a fermé en mai 2019 l'unique usine tricolore de production de bouteilles de gaz et d'oxygène à Gerzat dans le Puy de Dôme. Axel Peronczyk, son délégué CGT, explique pourquoi son syndicat réclame à Emmanuel Macron sa nationalisation. Avec en pleine crise de Coronavirus, de vrais arguments.En mai 2019, le groupe britannique Luxfer, avait fermé le site de Gerzat dans le Puy de Dôme, et licencié ses 136 salariés. Aujourd'hui, en pleine crise du coronavirus, des voix s'élèvent pour imaginer un autre futur à cette usine, qui avant sa fermeture, était la seule en Europe à fabriquer des bouteilles à oxygène médical. Ce mardi 24 mars, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen, entre autres, ont demandé sa nationalisation. Ils sont loin d'être les seuls : jeudi dernier, la CGT avait fait la même demande. Axel Peronczyk, délégué CGT de l'usine, explique pourquoi son syndicat réclame à Emmanuel Macron la nationalisation de Luxfer à Gerzat.
Marianne : A 27 ans, délégué CGT du site, vous redoutez aujourd'hui, faute de repreneur, qu'il ne démantèle votre usine. Et réclamez avec votre syndicat, sa nationalisation. Pourquoi l'Etat doit-il absolument intervenir?
Axel Peronczyk : Dans cette guerre contre le coronavirus, nous avons eu de beaux discours de notre exécutif. Il est temps de passer aux actes ! Emmanuel Macron a déclaré que la loi du marché ne pouvait réguler tous les biens. Notre ministre de l'économie Bruno Le Maire a clamé qu'il nationaliserait des entreprises si besoin, pour protéger notre souveraineté économique. Or notre usine Luxfer situé à Gerzat est un actif stratégique : c'est la seule installation du pays capable de fournir 140.000 bouteilles d'oxygène haut de gamme, légères et fiables utilisées dans nos hôpitaux et par nos pompiers, sur une production de 220.000 bouteilles.
Nos plus gros concurrents sont installés aux Etats-Unis, en Chine, en Turquie ou en Grande Bretagne. Nous nationaliser, ce serait renouer avec un passé industriel qui a fait la fierté du pays : avant d'être acheté par Luxfer en 2001, nous appartenions au groupe national Péchiney, et nous sommes toujours Péchiney dans notre tête.
Justement racontez-nous, quels motifs Luxfer a-t-il invoqué pour vous fermer?
On nous a expliqué que nous n'étions plus assez compétitifs. Pourtant en 2018, lorsque notre PDG a pris la décision de baisser notre rideau, notre site réalisait encore 1 million d'euros de bénéfices pour 22 millions de chiffre d'affaires. Mais notre direction nous a asséné que le prix de l'aluminium avait augmenté. Un argument fallacieux puisque cette hausse de prix, nos concurrents la subissent aussi ! Elle nous a martelé que nos marchés allaient changer, alors qu'ils sont hyper stables. A tel point que nos clients qui distribuent nos bouteilles après les avoir remplies, Air Liquide et Linde, souhaitaient le maintien de notre activité. Et bien sûr, dans la crise du coronavirus actuelle, nous pourrions sécuriser en amont l'approvisionnement des hôpitaux en bouteilles d'oxygène.
Non, la réalité selon notre analyse, c'est qu'en nous fermant, Luxfer a conforté sa position dominante sur son marché et vend désormais plus cher à ses clients des bouteilles moins haut de gamme. Nous avons d'ailleurs contesté avec succès, devant l'inspection du travail, le motif économique de nos licenciements. Simplement, le ministère du Travail a validé notre PSE. Nous avons depuis engagé un recours devant le tribunal administratif et occupé notre usine jusqu'au confinement national ordonné le 16 mars.
Pourquoi est-ce si difficile aujourd'hui d'empêcher la fermeture d'une usine, ou d'être soutenu lorsqu'on réclame sa nationalisation ?
Nous avons eu très tôt le soutien du PCF, de la France Insoumise. Mais au niveau national, une forme de résignation semble s'être installée. Il y a tant d'usines qui ferment ou réduisent leurs effectifs ! Dans notre bassin d'emploi, la Seita a fermé en 2016, puis 5 usines ont traversé des difficultés en même temps : Michelin, Dietal (luminaires), MLD (médical), la sucrerie Bourbon et les ACC (rénovation ferroviaire). Pourtant - et c'est le Medef qui le martèle -, un emploi industriel dans un territoire fait vivre trois emplois supplémentaires. Il faut donc se battre, comme nous le faisons pour nos sites de production, en signant notamment la pétition "Nationalisons définitivement de l'usine Luxfer Gerzat". (en ligne sur Change.org).
Des lois obligent pourtant un groupe mondial qui ferme un site à chercher un repreneur, à le revitaliser en favorisant de nouvelles activités économiques ! Pourquoi aucune solution n'a été trouvée pour Luxfer à Gerzat ?
Or procédure de redressement judiciaire, un groupe privé reste maître chez lui ! Ainsi, nous n'avons pu profiter des protections de la loi dite Florange, parce que Luxfer en Europe compte moins de 1.000 salariés... 973 selon notre décompte.
Certes notre directeur a confié à la société ONEIDA le soin de trouver un repreneur pour notre site. Sans résultat pendant 16 mois...Il faut dire que Luxfer tente d'imposer des conditions dissuasives, avec, par exemple, l'interdiction pour le repreneur de produire des bouteilles de gaz pour les revendre sur la plupart des marchés mondiaux. En outre, dès le mois d'octobre, des pelleteuses ont infligé des dégâts à nos zones de chargement.
Non, il faut désormais que l'Etat tape du poing sur la table. A ma connaissance, près de 70 des 165 anciens salariés (27 intérimaires et 2 CDD compris) sont prêts à se former entre eux, et reprendre la production. Approvisionnée, notre usine pourrait fournir sa première bouteille dans 9 semaines !
entretien réalisé par Laurence Dequay
source: https://www.marianne.net/
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