La décision du tribunal sera rendue le 27 juin 2022.
En mai 2021, l’association L214 diffusait des images de maltraitance de truies au sein de la Société briecoise d’abattage. Une enquête avait été ouverte et l’activité de l’abattoir de Briec (Finistère) avait été suspendue. Ce mercredi 18 mai, le tribunal de Quimper jugeait quatre salariés ainsi que l’abattoir, représenté par la directrice du site. Des peines de prison avec sursis et des amendes ont été requises.
Les hurlements ininterrompus et stridents des truies font trembler les murs du tribunal de Quimper (Finistère). La vidéo clandestinement tournée en février et diffusée en mai 2021 par l’association L214 au sein de la Société briecoise d’abattage, du groupe Les Mousquetaires, y est diffusée ce mercredi 18 mai 2022.
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Des extraits montrent des coches (truies reproductrices de réforme) se dirigeant vers leur mort, recevant régulièrement de violents coups de rames, des décharges d’aiguillons électriques, dans les yeux, dans l’anus. Alors même que les bêtes sont coincées dans ces couloirs étroits, se chevauchant, ne pouvant avancer. À l’issue, l’utilisation d’une pince à électronarcose doit, pour une durée réduite, les paralyser avant leur saignée. Elle est souvent utilisée plus longtemps, sur des zones inappropriées, tuant parfois l’animal.
« Pour éviter de se faire engueuler »
À la suite de la diffusion de la vidéo, les activités de l’abattoir avaient été suspendues un mois par arrêté préfectoral. Le parquet avait requis une enquête auprès de la gendarmerie.
Au tribunal, les images sont confrontées aux trois salariés visibles dans la vidéo (un autre est absent à la barre) et à la directrice du site, laquelle représente l’abattoir. Ils sont jugés pour avoir exercé des sévices et maltraitances graves envers ces coches, manquant aux obligations relatives au bien-être animal. Car les outils et pratiques en question sont autorisés, mais dans un cadre précis. La vidéo montre que leur utilisation est systématique.
Au cours d’un « match de ping-pong », selon un avocat de la partie civile, deux salariés licenciés – et donc à la langue déliée – et la directrice du site se renvoient la balle. « Il y avait beaucoup de contraintes et une cadence à respecter », indique celui qui occupait un poste de responsable de la porcherie. « On nous disait : “Il y a tout à tuer, il faut y aller les gars”. » Il ne nie pas son comportement et reconnaît qu’il s’agit d’un « rituel de tous les jours » au sein de l’abattoir de Briec. « C’était pour éviter de se faire engueuler, pas pour faire souffrir l’animal », indique un autre porcher.
« Pas de vidéo, pas de procès »
Pour la direction, « il n’y avait pas d’objectif sur les cadences ». Au total, 84 truies étaient tuées chaque heure, soit 500 à 600 par jour. La directrice estime que « ce que l’on voit sur les vidéos n’est pas le reflet de l’activité » du site.
Pourtant, « pas de vidéo, pas de procès », appuie l’avocat de l’association pour la défense des droits des animaux Stéphane Lamart, qui demande 4 000 € auprès de l’entreprise et 2 000 € à chaque salarié. Il met également en cause l’État, car un vétérinaire de la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) est toujours sur place pour s’assurer que les règles sont respectées.
L214 a ainsi lancé un recours auprès du tribunal administratif pour que la responsabilité de l’État soit reconnue. Pour l’avocate de l’association, « il est plus difficile de rentrer dans un abattoir que dans un sous-marin nucléaire » ! Elle estime que « les cochons savent qu’ils vont mourir, donc ils font tout pour éviter de tomber dans le piège. Donc, oui, le porcher utilise la violence et la souffrance pour que l’animal n’ait plus d’autre choix que d’avancer ». Elle demande 10 000 € au titre du préjudice moral.
« Des cadences infernales »
Le ministère public requiert six à huit mois de prison avec sursis et 500 € d’amende à l’encontre des salariés, et 10 000 € d’amende contre la société. « Elle voulait rattraper son retard et donc faire plus de mal aux animaux. »
« Ce n’était pas du sadisme ni du vice, mais simplement pour faire avancer les animaux ! », argumentent les avocates des salariés, dénonçant des « cadences infernales » et des « méthodes managériales d’un autre temps ».
De son côté, la défense de l’abattoir note que « la vidéo est un montage, un concentré qui révèle une réalité partielle et partiale ». Leur avocat plaide la relaxe.
Le tribunal rendra sa décision le 27 juin 2022.
Romain LE BRIS.
source: https://www.ouest-france.fr/